[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] barre de l’Assemblée, présentent l’adresse d’adhésion à ses décrets, de protestation d’une fidélité inviolable à la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et à toutes les lois qui en sont et seront émanées. Pénétrés de la sainteté de leurs devoirs, ils jurent de rester à leur poste jusqu’au moment où d’autres viendront le remplir. Us demandent que l’Assemblée nationale s’occupe incessamment de l’organisation de la municipalité de Paris et prenne en considération leurs représentations sur celui de ses décrets, qui, liant les droits de l’homme à la législation et à la répartition de l’impôt, prive du droit d’éligibilité à l’Assemblée nationale les citoyens qui ne payent pas un marc d’argent d’imposition directe. M. Ic Président répond aux représentants de la commune de Paris : « L’Assemblée nationale, qui siège au milieu de vous, connaît toute l’importance des objets que vous venez lui rappeler. Ses regards qui se portent jusqu’aux extrémités de la France, pour rétablir partout le règne des lois, se sont déjà arrêtés sur la nécessité pressante d’assurer à la capitale une bonne administration. Si le résultat de ses travaux à cet égard n’est pas encore connu, c’est que la marche d’un législateur doit être lente, pour être sûre. L’Assemblée nationale a reçu différents plans pour l’organisation de la municipalité de Paris; elle les pèsera tous dans sa sagesse, et donnera une attention particulière à celui qui lui a été présenté au nom de l’Assemblée générale des représentants de la commune de Paris. Elle prendra en considération les réflexions que vous lui présentez sur les décrets qu’elle a déjà rendus, et vous permet d’assister à sa séance. M. Léopold delVncé, capitaine au régiment de Courten, Suisse, fait hommage et don patriotique à la nation de sa pension de 600 livres, pour la résente année et pour 1791. Il jure à la face e la nation, de la défendre de tout son pouvoir, tant qu'il sera au service de la France, sans déroger aux traités des Suisses avec la France. M. le Président répond : « La France a droit de compter sur le patriotisme de tout Français ; elle y est encouragée par les preuves qu’elle en reçoit chaque jour ; vous lui prouvez qu’elle a des enfants parmi ses alliés. L’Assemblée nationale apprécie votre hommage autant qu’il le mérite ; elle vous permet d'assister à sa séance. » • La paroisse de Gennevilliers près Paris fait don patriotique : 1° par le sieur Glément-Jean-Baptiste Manet, syndic municipal, du remboursement de 600 livres de principal de son quart patriotique ; 2° par la commune, de 250 livres en principal de son quart patriotique ; 3° par la fabrique, de 200 livres pour même objet; 4° par tous les habitants en nom collectif, du quart de l’imposition des ci-devant privilégiés , pour les six derniers mois de 1789. Les députés de cette paroisse demandent à prêter le serment civique, et sont admis à le prêter au nom des habitants de cette paroisse. M. le Président répond aux députés, porteurs de ces dons : « Quand les actes de patriotisme se répètent journellement, il faut bien que l’Assemblée nationale répète les expressions du sentiment qu’elle éprouve, en voyant cet heureux concours de tous les enfants de la patrie. Elle reçoit votre hommage particulier avec sa satisfaction ordinaire, et vous permet d’assister à sa séance. » La municipalité de Soissons présente et remet sur le bureau une délibération par laquelle elle demande d’acquérir pour six millions de biens ecclésiastiques ; elle en fait soumission expresse, sauf à augmenter cette somme par la suite, dans le cas où les biens d’apanage seraient mis à la disposition de la nation. La Société royale (T agriculture fait, par l’organe de ses députés admis a la barre, le discours suivant: « La société d’agriculture a déjà transmis à l’Assemblée nationale, dans un mémoire qu’elle a eu l’honneur de lui présenter, les vœux que des cultivateurs de toutes les provinces lui avaient fait parvenir sur les abus nuisibles au libre exercice, et conséquemment aux progrès de leur article. Ces vœux ont été presqu’aussitôt exaucés que formés ; chaque jour les laboureurs de tous les cantons du royaume nous annoncent l’amélioration de leur sort et en rendent hommage à votre justice. Nous venons dans ce moment, de leur part, vous témoigner leur reconnaissance pour vos sages décrets, vous annoncer l’heureuse influence qu’ils ont eue déjà sur leur bonheur, et vous remercier surtout du peu d’intervalle que vous avez bien voulu mettre entre leurs réclamations et vos bienfaits. « Non, quoi qu’on ait osé dire, les décisions que vous avez rendues pour délivrer l’agriculture de ses entraves ne sont point anticipées : daignez en croire par notre organe, les habitants des campagnes, c’est-à-dire la portion la plus saine et la plus nombreuse des citoyens. Elle nous a depuis longtemps fait connaître combien elle était impatiente de rentrer dans ses droits. Que ceux qui croient avoir lieu de se plaindre sachent que s’ils ont été obligés de lui tout rendre, c’est qu’ils lui avaient tout ôté. « Vous avez fait disparaître cette longue suite de droits arbitraires qui, prélevés au nom et pour les besoins de la chose publique, appauvrissaient le laboureur sans enrichir l’Etat; l’impôt sera réparti en raison des propriétés, et il sera commun à tous; le cultivateur ne sera plus obligé de partager ses récoltes avec le gibier et le déci-mateur ; il ne sera plus avili par la mainmorte ; son asilè ne sera plus sujet au retrait féodal, aux déclarations; il ne sera plus humilié par les droits de franc-fief et de la dérogeance; il ne verra plus ses récoltes soumises à des baux arbitraires qui trop souvent en occasionnaient la perte ; son grain, son pain, sa vendange ne seront plus soumis à la banalité; le transport de ses denrées ne sera plus empêché par des péages établis sur toutes les routes; il ne lui sera plus défendu d’user des eaux pour arroser ses héritages, et l’eau courante ne sera plus la possession d’un seul qui en abusait le plus souvent pour noyer les terres voisines ; la justice ira trouver les paisibles habitants des champs, et ceux-ci ne viendront plus dans les villes la chercher, le plus souvent sans la trouver; des vœux de stérilité et d’inaction n’enlèveront plus à la culture des hommes forts et vigoureux ; les cérémonies augustes de la religion ne seront plus soumises à un tarif honteux; une loi odieuse n’ôtera plus au cultivateur la faculté de se procurer le sel si nécessaire à la conservation de ses bestiaux; soldats et laboureurs, ses enfants ne fuiront plus à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] ISS la nouvelle de la milice, espèce de dîme prélevée sur des malheureux à qui ou n’avait plus à prendre que leur propre personne : grâce à l’anéantissement des privilèges, le laboureur ne se trouvera plus le dernier sur la liste des citoyens. Vous avez enfin, en faisant disparaître les funestes effets de la fiscalité et de la féodalité, délivré l’agriculture d’autant de fléaux qui ravageaient annuellement les campagnes; elles attestent déjà les heureux effets de vos premiers efforts. Que n’a-t-on pas droit d’espérer, lorsqu’après avoir détruit le mal qui n’aurait pas dû se taire, vous ordonnerez le bien qui aurait dû être fait? « La société voit depuis quelque temps se répandre parmi les laboureurs ce goût pour l’instruction, cet amour pour leur profession, et cette estime d’eux-mêmes, sans laquelle on ne peut désirer ni obtenir l’estime des autres. « Les ministres de la religion, répandus dans les campagnes, ne seront plus, au moyen de vos nouveaux bienfaits, les témoins inutiles de la misère qui régnait autour d’eux, et qu’ils ne pouvaient soulager sans la partager; en leur confiant une portion de terre, vous ajouterez à leurs vertus l’amour de l’agriculture qu’il faudrait ériger en vertu, si ce n’en était pas une. « La société nous a chargés de vous présenter la collection de ses ouvrages : ils ne consistent pas seulement dans les travaux de ses membres, mais surtout dans les observations que ses nombreux correspondants, cultivateurs de tous les genres, l’ont mise à portée de publier; ils sont peu volumineux, mais en agriculture, on a bien peu à dire lorsque les faits ont parlé. La brièveté est d’ailleurs le caractère des productions qui ont pour objet une grande utilité; nous en attestons les écrits des anciens législateurs et vos décrets. « Comme membres de la société d’agriculture, nous n’avons que ce faible tribut à offrir; privés d’appointements et de pensions, nous le sommes de la satisfaction d’en faire aujourd’hui le sacrifice sur l’autel delà patrie, mais peut-être daignerez-vous croire que nous les avons donnés lorsque nous avons décidé de n’en recevoir jamais. « Ce 20 avril 1790. « Signé : PARMENTIER, directeur ; MEILLE, vice-directeur ; l’abbé LEFEBVRE, agent général; desmarest, BOUCEO, broüssonet, secrétaire perpétuel. » M. le Président répond : « Messieurs, l’Assemblée nationale n’a jamais oublié, elle n’oubliera jamais que l’agriculture est la base de toute prospérité, la source de toute richesse. Elle fait profession d’honorer tous ceux qui se dévouent à ce premier des arts, soit qu’ils üexercent par eux-mêmes, soit qu’ils emploient les ressources de leur esprit à diriger ceux qui le professent. Ainsi, ses premiers regards ont dû se porter vers cette classe de la société, qui nourrit toutes les autres, et qui, dans l’inégalité des chances de la vie, n’avait eu jusqu’ici pour apanage que le lot de l’indigence, de la servitude et du malheur. Ainsi, après avoir, par ses premiers décrets, assuré à chaque citoyen français ses droits naturels et imprescriptibles, elle a voulu que le sol même de la France connût le bienfait de la liberté. Mais, Messieurs, tandis que le citoyen rustique qui fait croître les moissons, marche timidement dans la route sûre, mais bornée, de l'expérience, c’est à des compagnies savantes, telles que la vôtre} qu’il appartient d’ajouter les lumières de la théorie aux avantages delà pratique, et de contribuer ainsi journellement au progrès de l’agriculture. La France entière connaît l’utilité de vos travaux, et rend une égale justice à vos connaissances et à votre désintéressement. L’Assemblée nationale reçoit votre hommage avec satisfaction. Vosoccu-pations tendent toutes au bonheur du peuple ; les représentants du peuple vous permettent d’assister à leur séance. » L’Assemblée nationale ordonne que le discours et la réponse de M. le président seront insérés en entier dans le procès-verbal, imprimés et envoyés dans chaque district du royaume. Le sieur Baudouin, imprimeur de Y Assemblée, demande qu’il lui soit remis, par MM. les députés, la liste des districts et cantons de leurs départements, afin de faciliter les envois des objets dont l’impression est ordonnée par l’Assemblée nationale. La demande du sieur Baudouin est approuvée. M. Prieur, membre du comité des rapports, présente un projet de décret sur l’affaire du sieur de Laborde, lieutenant général du bailliage de Crécy, persécuté par la municipalité de cette ville. M. Houdet demande que le décret improuve formellement la conduite ae la municipalité. Cet amendement est mis aux voix ; il est adopté et le décret suivant est rendu: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu sou comité des rapports, déclare que tout citoyen qui n’est prévenu d’aucun délit doit jouir tranquillement de sa liberté et de son état, et être en sûreté sous la sauvegarde de la loi; en consé-uence, que la municipalité de Crécy aurait dû et oit employer tous les moyens qui sont en son pouvoir, pour faire jouir Je sieur de Laborde, lieutenant général de cette ville, des droits appartenant à tous les citoyens ; décrète en outre que son président écrira à la municipalité de Crécy, que l’Assemblée improuve les délibérations prises par les habitants de cette ville, les 14 décembre et 3 janvier derniers, par lesquelles ils ont voulu flétrir la réputation et l’honneur du sieur de Laborde. » M. Merlin, membre du, comité des droits féodaux, présente un projet de décret, relatif aux plaisirs de Sa Majesté, sur le fait de la chasse. L’Assemblée, n’ayant rien de plus cher que ce qui peut concourir aux plaisirs du roi, rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que par l’article 3 de ses décrets du 4 août et jours suivants, portant abolition des capitaineries, elle s’est réservé de pourvoir, par des moyens compatibles avec le respect qu’exigent les propriétés et la liberté, à la conservation des plaisirs personnels de Sa Majesté ; « Considérant, en outre, qu’elle ne peut satisfaire le désir qu’elle a d’assurer les -jouissances qui peuvent intéresser le roi qu’autant que Sa Majesté elle-même en aura déterminé l’étendue; « A décrété et décrète que son président se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire connaître à l’Assemblée nationale l’étendue et les limites des cantons qu’elle entend se réserver exclusivement pour le plaisir de lâchasse. » L’Assemblée décide ensuite que ce décret sera porté immédiatement à la sanction du roi. M, le Président cède le fauteuil à M. le baron