324 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Ig�ï�mbre 1” La Société populaire de Montluçon, départe¬ ment de l’Ailier, envoie à la Convention natio¬ nale le procès-verbal de la fête civique célébrée dans cette ville, le 29 vendémiaire, pour la plan¬ tation de l’arbre de la liberté. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi du procès-verbal (2). La Société populaire de la commune de Mont¬ luçon, chef-lieu de district, département de H V Allier, au Président de la Convention natio¬ nale . « Montluçon, 3 frimaire de l’an II de la République française, une et indivi¬ sible. « La Société t’envoie, citoyen Président, le procès-verbal d’une fête civique célébrée dans la commune de Montluçon : elle t’invite à faire lire ce procès-verbal à la Convention nationale et à lui renouveler les expressions de sa recon¬ naissance et de son attachement. « Salut et fraternité. « Chabot, président; Cornât, secrétaire; L. Favière, secrétaire; Regnaud, se¬ crétaire. » Procès-verbal de la fête civique célébrée dans la ville de Montluçon, pour la plantation d'un arbre de la liberté (3). La Société populaire avait arrêté qu’il serait planté, à ses frais, un second arbre de la liberté dans l’une des sections de la commune, dite de la Fraternité. Le 29e jour du 1er mois de l’an II de la République était marqué pour cette auguste cérémonie. Au jour indiqué, une foule de citoyens et de citoyennes s’est réunie dans le lieu des séances de la Société. A trois heures du soir, le cortège s’est mis en marche. Le ciel était pur et sans nuages; le soleil brû¬ lait de toute sa splendeur, il semblait prendre plaisir à éclairer cette fête. La marche était ouverte par un chœur de musiciens qui faisaient retentir les airs de sons patriotiques. A la tête du cortège étaient deux respectables vieillards, l’un de la section de l’Unité, âgé de 87 ans, et l’autre de la section de la Fraternité, âgé d 80 ans. Leurs fronts chauves étaient couverts d’un bonnet de la liberté. Chacun d’eux portait une branche de chêne ornée de rubans tricolores. Ils se tenaient par la main en signe de l’union qui doit animer tous les Français. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 213. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 830. (3) Ibid. L’un, courbé sous le poids de la vieillesse, était soutenu par sa femme et par un enfant; l’autre frais encore et vigoureux marchait d’un pas ferme, et sa figure était rayonnante de joie. Ces vénérables patriarches de l’espèce hu¬ maine avaient une garde d’honneur : c’était une expiation de l’honneur insensé qu’on ren¬ dait jadis aux rois. Les vieillards étaient suivis de deux ci¬ toyennes patriotes, brillantes de toutes les grâces de la jeunesse et de la beauté. Cet heureux rapprochement de la vieillesse qui présidait à la fête, et de la beauté vertueuse qui sollicitait des seoours en faveur de l’indi¬ gence, offrait un tableau charmant, et portait dans toutes les âmes une sensation délicieuse. Venaient ensuite une foule immense de ci¬ toyennes, vêtues de blanc, avec des ceintures nationales. Elles marchaient quatre à quatre; la pudeur et la gaîté se mariaient sur leurs fronts. La mère, entourée de ses filles, les conduisait, en chantant, à l’autel de la patrie, et leur pro¬ mettait de les conduire bientôt à l’autel de l’hymen. Un groupe nombreux de jeunes garçons pfésentait ensuite aux regards satisfaits les élèves et l’espoir de la patrie. La masse du peuple formait un autre groupe plus majestueux. Tous les citoyens sans distinction de rang et d’individus, les fonctionnaires publics sans cos¬ tume, et des membres de toutes les Sociétés populaires du district, marchaient ensemble, se tenant par la main, dans cette aimable confu¬ sion qui est le symbole de l’égalité. Au milieu de ce groupe on voyait deux com¬ missaires délégués des représentants du peuple, qui avaient eu la modestie de ne point accepter de place particulière, et dont la présence ajou¬ tait encore aux plaisirs de la fête. La garde et la gendarmerie nationales sous les armes, fermaient la marche. La garde natio¬ nale était nombreuse : le feu du courage et du patriotisme étincelait dans les yeux de chaque volontaire. Le cortège a fait une première station, sur la place de l’Unité, autour de l’arbre de la liberté. • Des citoyens ayant chanté un hymne à la déesse des Français, le cortège, dans le même ordre, faisant retentir leB airs de ses chants et de ses cris de joie, s’est rendu sur la place de la Fraternité, où était planté le nouvel arbre; il s’est formé en cercle et a suspendu pendant quelques instants les accents de son allégresse. Un membre de la Société populaire a pro¬ noncé un discours énergique, analogue aux cir¬ constances, et il avait à peine commencé le serment si cher aux Français, que tous les citoyens, cédant à leur impatience, et levant spontanément leurs mains, ont prononcé avec transport ce serment gravé dans tous les cœurs, ce serment l’effroi des despotes et des esclaves : Vivre libre ou mourir; ce n’était qu’un même cri, mille fois répété : La liberté ou la mort ! Vive la République! Les mouvements électriques de l’enthou¬ siasme qu’animaient encore le bruit des canons et les sons bruyants d’une musique guerrière, ont été suivis d’une scène touchante : les deux vieillards se sont approchés lentement vers le nouvel arbre, soutenus par les membres de la Société populaire ; après avoir réuni en un seul [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { lÆvïmbre" 1 793 325 faisceau les deux branches de chêne qu’ils avaient portées, ils ont pressé sur leur cœur ce faisceau, symbole de l’union et de la frater¬ nité, l’ont élevé vers le ciel, et l’ont attaché à l’arbre avec des rubans tricolores. Soudain, se jetant dans les bras l’un de l’autre, ils se sont donné l’accolade fraternelle. Réunissant ensuite leurs forces, et levant leurs mains faibles et tremblantes, ils ont fait entendre, trois fois, ces paroles : « Nos enfants, soyez unis, et la République sera étemelle! » Tous les cœurs étaient émus, des pleurs cou¬ laient de tous les yeux. La chanson des sans-culottes a ranimé l’allé¬ gresse, et le cortège s’est remis en marche pour aller au champ de la Révolution. Il y est arrivé, après avoir parcouru lentement différents quar¬ tiers de la ville. Rien de plus majestueux et de plus gai tout à la fois, que cette marche de républicains, chan¬ tant tour à tour des hymnes à la liberté et des hymnes à l’amour. Au milieu du champ de la Révolution était un bûcher sur lequel on avait placé de vieux parchemins, des titres d’orgueil et de sottise, des portraits hideux de rois et tyrans : une flamme rapide et pétillante a dévoré ces restes impurs des cadavres du despotisme et de l’aris¬ tocratie. Des danses joyeuses ont terminé cette fête, et chacun s’est retiré en chantant : « Vive la République ! vive la Convention ! Rérissent tous les traîtres et les tyrans! » Fait et rédigé par nous président et secrétaires de la Société populaire, commissaires nommés à cet effet. Signé : Chabot, fils, président ; Favière, Regnard, Raby, Fourneau, Philippe et Cornât, secrétaires. Les membres du comité de surveillance du district de Montluçon annoncent que l’impulsion est donnée; que le fanatisme est mort, que les prêtres ne sont plus dans ce district; ils envoient l’acte d’abjuration du citoyen Dantigni (Dau-tigny), ci-devant curé de Nassigny, et disent qu’ils enverront de nouvelles preuves d’un républica¬ nisme éminent. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi (2). Les républicains membres du comité de surveil¬ lance révolutionnaire du district de Montluçon, département de V Allier, au républicain Prési¬ dent de la Convention nationale. « Montluçon, tridi, 3 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Nous te faisons passer, citoyen Président, une adresse que nous te prions de présenter à la Convention nationale; elle est relative à quelques addi ions aux lois des 26 novembre 1792 et 4 mai 1793, concernant les secours à accorder aux indigents. Tu reconnaîtras dans cette adresse le désir qu’éprouvent de vrais répu¬ blicains de soulager les pères et mères des défen¬ seurs de la patrie. « Nous t’envoyons également l’acte d’abdi¬ cation du citoyen Dautigny, curé de Nassigny. Nous nous plaisons à t’annoncer que ce citoyen est le premier philosophe de notre district qui ait donné l’exemple d’une abjuration philan¬ thropique (sic). « L’impulsion est donnée, le fanatisme est mort, les prêtres ne sont plus, bientôt nous t’en¬ verrons de nouvelles preuves d’un républica¬ nisme éminent. « Salut et fraternité. « Vidal, président; Chabot, secrétaire; Thé-VEN Y ; LAU VERGNIAT. » Adresse (1). La Société populaire, le comité de surveüla/noe du district et les autorités constituées de la commune de Montluçon, chef-lieu de district, à la Convention nationale. « Montluçon, département de l’Ailier, pri-midi, 2e année de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Représentants du peuple, « Vous avez voulu verser des secours sur les familles indigentes des braves et généreux sans-culottes qui défendent la liberté contre la coa¬ lition des tyrans, mais vos deux lois des 26 no¬ vembre 1792 et 4 mai 1793, présentent des difficultés d’exécution qui pourraient les refidre vaines si vous ne preniez pas en considération ce que nous allons vous proposer. « Représentants, nous demandons : « 1° que les secours soient accordés aux pa¬ rents des militaires désignés dans l’article 2 de la loi du 4 mai, quel que soit leur âge, s’il est jugé par les sections ou municipalités qu’ils aient besoin de ces secours; « 2° que les parents ayant plusieurs enfa/nts à l’armée touchent, pour le second et ceux qui suivent, le tiers en sus du traitement que leur assurait le premier; « 3° que la gratification, pour cause de mort, déterminée par l’article 5 de la loi du 4 mai, ait lieu pour chacun des enfants, nonobstant les secours annuels pour ceux de ces enfants qui survivent; « 4° que les secours soient dus pour tous les militaires en activité de service, qu'ils servent ou non en remplacement. Il est de fait qu’en général ceux qui se sont enrôlés de cette manière sont les vrais sans-culottes qui ont pris ce moyen de soulager momentanément une nombreuse et malheureuse famille; « 5° que l 'enrôlement, la parenté, l'âge, la viduité, l'activité de service puissent être prouvés (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 213. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 830. (1) Archives nationales, carton G 285, dossier 830.