SÉANCE DU 6 BRUMAIRE AN III (27 OCTOBRE 1794) - N° 23 133 cés. On a dit que ç'avait été une très petite partie ; je soutiens que presque tous l'ont été, tous ceux qui ont fait le bien. Ne nous dissimulons pas que l'on ne peut prendre trop de précautions pour garantir la représentation nationale. On l’a dit et je le répète : la Convention est comme en état de siège à l'égard des puissances coalisées. Duhem vous a dit des vérités garanties par l'histoire. En quel état serait la représentation nationale si nous sommes à la discrétion des fripons? Que veulent principalement vos ennemis? l'avilissement de cette représentation. Si vous l'empêchez de faire des lois salutaires, le peuple parviendra à se dégoûter et à nommer une autre représentation, qui, n’ayant pas la même expérience, laisserait de nouveau le champ libre à l'intrigue, et bientôt des scélérats rétabliraient la royauté. Car soyez-en sûrs, il est des hommes qui ont encore le projet de rétablir la royauté en France. Maintenez avec courage le règne de la justice ; une représentation ne peut s'immortaliser que par les lois et les vertus. N'oubliez pas que des représentants se sont dévoués pour vous. Nourrissez le patriotisme. Est-ce qu'on s'est pu dissimuler que les caractères des dénonciations varient à l'infini? Il en est qui prennent un caractère grave aux yeux de l'homme qui n'a pas médité les principes et réfléchi sur les révolutions. Souffrirez-vous qu'on vienne à chaque séance vous affliger de dénonciations? Non, vous ferez tout pour sauver la nation française. Au moment où vous vous occuperiez de fausses dénonciations, qu'arriverait-il? la malveillance se remuerait pour intriguer. D'ailleurs les faux dénonciateurs seraient partis, ne seraient plus en France, lorsque vous auriez à prononcer sur la dénonciation. Si les cinquante membres au moins qui composent les comités ne voulaient pas vous en rendre compte, est-ce que les membres de la Convention ne se lèveraient pas pour le demander? Mais si les dénonciateurs sont des hommes pervers, qui ont servi le royalisme, l'aristocratie, le fédéralisme, les comités mettront-ils en balance l'honneur d'un représentant du peuple avec l'animosité de ses vils ennemis? Je suis pourtant loin de penser qu'il faille s'occuper dès à présent des propositions de Duhem. Il faut les mûrir par la réflexion. Il est une hypothèse dont Bentabole n'a pas parlé; c'est celle-ci : dans le cas où la dénonciation tiendrait à une branche de conspiration qu'il fallût poursuivre, viendra-t-on le déclarer publiquement à la Convention avant d'avoir pris les mesures nécessaires pour arrêter tous les complices? Voudriez-vous qu'on fît indiscrètement cette déclaration sur la dénonciation d'un coquin qui peut-être est du complot? Ce que vous feriez pour la sûreté d'un citoyen, pourquoi ne le feriez-vous pas pour la représentation nationale? je demande que l'article II soit mis aux voix. GUYOMAR insiste pour que les comités déclarent toujours qu'il y a lieu ou non à l'examen. [REUBELL ajoute à ces considérations que si l'on veut entraver la marche du gouvernement, il n'y a qu'à exiger des comités un rapport sur chaque dénonciation, quelque absurde, quelque puérile quelle soit.] (79) Après quelques débats, la Convention ferme la discussion. ALBITTE reproduit son amendement, qui est que la dénonciation soit communiquée sur le champ au dénoncé. THURIOT : Il y a des circonstances où l'on ne peut la communiquer sur le champ. Il faut mûrir cette idée. LE RAPPORTEUR (MERLIN (de Douai) : Il n'y a pas d'inconvénient à décréter que cette communication sera faite avant que les comités viennent faire leur déclaration. Cet amendement est ainsi décrété. Enfin le deuxième article est adopté en ces termes. Art. II. - Si les trois comités pensent qu'il doit être donné suite à la dénonciation, ils déclareront à la Convention nationale qu'ils estiment qu'il y a lieu à examen. Cette déclaration ne sera pas motivée. La suite de la discussion est ajournée au lendemain (80). BOURDON (de l’Oise) : Je propose par article additionnel, que les faux dénonciateurs seront envoyés au Tribunal révolutionnaire pour y subir la peine portée contre les calomniateurs. On demande le renvoi aux comités. PELET : En donnant aux représentants du peuple une garantie lorsqu'il s'agira de prononcer sur les accusations qui auront été faites contre eux, vous n'avez pas voulu sans doute que le crime restât impuni. (On applaudit.) Quoi! la représentation nationale de France craint la calomnie! Quoi! cette représentation nationale qui fait trembler l'Europe, qui a châtié un million d'aristocrates, s'occupe, au lieu de mettre au jour toutes ses actions, de se garantir des effets de la calomnie! Que doit penser de nous l'univers qui nous contemple? Je sais que plusieurs de nos collègues ont été calomniés ; mais la Convention nationale en décrétant qu'ils avaient toujours sa confiance, les a vengés des calomniateurs. Je le dis avec franchise, citoyens, les motifs qui dirigent cette discussion ne sont pas dignes de la Convention. Citoyens, on vient de dire à cette tribune que ceux qui dans les départements, avaient le mieux servi la patrie, étaient ceux qui avaient le plus souffert de la calomnie. C'est une erreur bien grande; car il faudrait en conclure que le représentant impliqué dans l'affaire des Nantais est celui qui a rendu de plus grands (79) J. Mont., n° 15. (80) P.-V., XLVIII, 80-81.