[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 janvier 1791.1 aux législateurs de l’Empire à féconder le germe qu’elle renferme dans son sein, et que vos soins seuls peuvent faire éclore. « Si la couronne civique, la plus honorable de toutes, ornait par vos ordres le front de la victime immolée au patriotisme, je ne doute pas que cet honneur suprême n’enflammât les cœurs des 500,000 Français que vos décrets appellent à la défense ou à la sûreté de nos frontières ; je ne doute pas qu’il ne devînt un bouclier inexpugnable contre les ennemis qui oseraient troubler nos utiles travaux, et qu’une récompense aussi magnifique ne fût le rempart le plus sûr contre les adversaires présents et futurs de la Constitution. « La nature fit un héros : le voilà. « Une couronne décernée par l’Assemblée nationale elle-même, à la vue de ces généreux patriotes, en produira 100,000. « La copie de ce modèle passera les mers; attendue, désirée à Saint-Domingue, elle y propagera un acte de civisme qui trouvera des émules dans les cœurs créoles, et le buste d’un héros obtiendra sans peine le culte des deux mondes. « Je demande donc, Messieurs, que l’Assemblée nationale, en agréant l’hommage que j’ai l’honneur de lui offrir au nom de MM. Mulnier, Le Barbier, et du bataillon du faubourg Montmartre, décrète : « Que le buste de M. Desilles, avec les pièces qui en constatent l’authenticité, soit déposé aux archives pour y être conservé, et que l’artiste soit autorisé à y joindre une couronne civique. » M. le Président répond par le discours suivant : « Le héros dont vous nous présentez l’image, réveille, dans Pâme de tous les patriotes, des sentiments d’admiration et de douleur. Son deuil, fut celui de la France entière qui s’empressa de lui donner des pleurs et d’essuyer ceux des auteurs de ses jours. Il est tombé, avec ses généreux compagnons, sous les murs de ma patrie (1), de cette cité où naguère les cyprès ont été plantés à côté des palmes civiques. « La Discorde, agitant son flambeau, voulait armer les citoyens contre les citoyens, étouffer la liberté dans son berceau, et ramener sous un joug avilissant une nation qui venait de briser ses fers ; mais entreprendre d’asservir un peuple fie: et magnanime, c’est assurer son triomphe. Non : les tyrans foudroyés ne souilleront plus cette terre, et nos ennemis ne recueilleront que la honte et le désespoir de leurs coupables tentatives. « L’Assemblée nationale applaudit aux talents du jeune artiste qui, des bords américains, des contrées du nouveau monde, transplanté parmi nous, fut le compagnon du héros dont il a retracé l’image ..... La France aussi est un nouveau monde : elle penchait vers sa ruine, et ses brillantes destinées allaient s’éteindre dans la servitude, quand tout à coup l’Empire dépérissant se relève du milieu des décombres, reparaît sur la scène du monde pour occuper le premier rang dans les fastes de l’univers, et préparer la révolution générale qui doit rajeunir le globe, opérer sa résurrection politique, et améliorer le sort de l’espèce humaine. « C’est avec un sentiment religieuxqueles vrais citoyens iront arroser sa cendre de leurs larmes; c’est là que mes co-députés et moi nous porterons nos premiers pas, en retournant vers les 56 o lieux qui nous ont vu naître. De ce monument s’élèvera toujours une voix qui retentira dans le cœur de tous les amis de la liberté. « L’histoire, qui s’empare des événements célèbres pour les raconter aux hommes de l’avenir, recueillera précieusement les faits glorieux de ce nouveau d’Assas, pour les redire à ceux qui dorment encore dans le néant, et qui n’arriveront à l’existence que quand nous dormirons dans la poussière. Il nous a légué un précieux héritage: son exemple, exemple fécond, qui enfantera de nouveaux héros. Adopté par la nation, il est désormais l’ami, le parent de tous ceux qui sont décidés à sacrifier leur vie pour défendre la Constitution ; et les braves militaires qui entourent ce buste, acquittent en ce moment un devoir de famille. « Tant que la liberté, le patriotisme et la valeur auront un prix, Desilles, à jamais cher aux Français, vivra dans leur souvenir, et trouvera parmi eux des admirateurs et des imitateurs. » (. Applaudissements prolongés.) (La musique exécute l’air : Ah ! ça ira.) (L’Assemblée vote à l’unanimité une couronne civique à Desilles et décrète que son buste sera déposé aux archives.) (Le buste est déposé sur le bureau des secrétaires et M. Le Barbier lui place sur la tête la couronne civique; la musique exécute l’air : Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille?) Un membre demande l’impression et l’insertion au procès-verbal du discours de M. de Gouy d’Arsy et de la réponse de M. le président. (Cette motion est adoptée). M. Camus. Je demande que le sieur Le Barbier, peintre de l’Académie, qui, dès le 23 décembre dernier, a présenté à l’Assemblée l’esquisse d’un tableau représentant le trait héroïque de M. Desilles, dessiné par lui-même sur les lieux, soit invité par l’Assemblée d’exécuter ce tableau en grand, aux frais de la nation, pour faire le pendant de celui que fait M. David, pour représenter le serment du Jeu de Paume. (Cette motion est décrétée.) (La députation se retire dans le même ordre que celui dans lequel elle était entrée.) M. le Président. Le résultat du scrutin pour l'élection du président et de trois secrétaires de l'Assemblée est le suivant : M. Riquetti de Mirabeau l’aîné, ayant obtenu une très grande majorité des suffrages, est élu président. ( Applaudissements .) MM. l’abbé Marol le, Boussion et Livré, ayant obtenu la pluralité des voix, sont élus secrétaires, en remplacement de MM. Leleu de La Ville-aux-Bois, Oudot et La Metherie. ( Applaudissements .) L’ordre du jour est un projet de décret du comité de Constitution relatif à l’installation des tribunaux de Paris. M. Ce Chapelier, rapporteur. Messieurs, vous vous rappelez qu’un de mes collègues du comité de Constitution vous proposa dernièrement un décret relatif à l’installation des tribunaux de Paris ; vous adoptâtes le premier article et vous ajournâtes les autres (1). (1) M. l’abbé Grégoire, président, est né en Lorraine. (1) Voy. ci-dessus, séance du 23 janvier 1791.