[10 avril 1791.] 693 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lez attribuer aux différents départements du ministère. Le comité pense qu’il est absolument néce saire, si vous voulez que les ministres remplissent leurs fonctions ainsi qu’ils le doivent, si vous vou'ez q ie les corps administratifs et judiciaires aient avec eux le rapport prescrit par la loi, si vous voulez éviter les frottements et 1 s résistances, toujours dangereux dans le gouvernement; le comité, dis-je, croit très nécessaire de classer avec précision les fonctions des différents ministres, à qui il faut laiss r assez de pouvoir pour qu’un corps administratif et municipal ou judiciaire ne vienne pas contester ou contrecarrer les avertissements que les différents ministres peuvent donner aux corps et aux individus répandus sur la surface du royaume. Nous avons entendu hier, avec étonnement, un opinant qui disait dans cette Assemblée que les tribunaux constitués par vous n’avaient point de rapport avec le ministre de la justice. Serait-il tolérable de supposer 547 tribunaux de districts qui n’auraient pas une correspondance habituelle avec le ministre de la justice, auxquels le ministre de la justice ne pourrait pas donner des avis, auxquels il ne pourrait pas donner des explications qu’il ne faut pas confondre avec F interprétation, qui ne peut, dans aucun cas, appartenir aux ministres, que vous contiendrez dans les bornes du devoir par les moyens indiqués dans le Code pénal. Ne croyant devoir rien innover aux premières vues du comité, voici le texte de l’article relatif aux fonctions du ministre de la justice. Art. 13 (du projet). Fonctions des ministres. « Les fonctions du ministre de Injustice seront : c 1° De garder le sceau de l’Etat et de sceller les lois, les traités, les lettres patentes de provisions d’offices, les commissions, patentes et diplômes du gouvernement. » (Adopté.) « 2° D’exécuter les lois relatives à la sanction des décrets du Corps législatif, à la promulgation et à l’expédition des lois. » (Adopté.) « 3° D’entretenir une correspondance habituelle avec les tribunaux et les commissaires du roi. » (Adopté.) « 4° De les éclairer sur les doutes et difficultés qui peuvent s’élever dans l’application de la loi; mais à la charge de proposer au Corps législatif les questions qui, dans l’ordre judiciaire, demanderaient une interprétation. » M. Buzot. Le plan du comité nous entraîne dan? des détails infinis; celui de M. Anson est si simple, si clair, que l’Assemblée entière en a été frappé1*. Je demande donc la priorité pour M. Anson. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet du comité.) M. Pétion de Ailîeueuve. Je demande la question préalable sur le paragraphe 4, et dans le cas où l’Assemblée ne serait pas de mon avis, je demande expressément que le ministre de la justice ne puisse envoyer aucune décision ou aucune espèce d’éclaircissements quelle ne soit communiquée immédiatement. M. Prieur. Je crois qu’il faut faire un amendement à l’article pour tranquilliser les personnes qui y trouvent des inconvénients; c’est : « Que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte tous les mois au Corps législatif; dans le cas où la législature ne serait pas assemblée, au commencement de chaque session. » (Murmures.) Deux espèces de doutes peuvent s’élever dans l’esprit des juges; on peut supposer qu’ils ignorent une loi existante, ou, dans une loi qu’ils connaissent, une disposition qu’ils n’y ont pas vue; dans le premier cas, nulle difficulté; dans le second, il n’appartient pas plus au juge de s’affranchir de son doute qu’au garde des sceaux de l’en dégager; au Corps législatif doit appartenir l’interprétation de la loi; mais beaucoup de décrets surviennent de ce qu’on ne connaît pas la loi; alors l’intervention du ministre de la justice me paraît, non seulement très convenable, mais très nécessaire; au reste, en adoptant le paragraphe du comité, il faut en changer la rédaction ; en conséquence, je propose de le rédiger ainsi : « De les éclairer sur l’existence des dispositions des lois qu’ils sembleraient ignorer. » (Rires.) M. Moreau-Salnt-Méry . Je crois qu’il est possible de rendre la rédaction plus claire, je propose donc cet amendement : « De les éclairer sur les doutes qui peuvent lui être proposés sur l’application de la loi. » M. d’André. Les conseils que le ministre de la justice donnera sur l'application de la loi ne sont nullement correctifs pour les tribunaux. S’ils ne trouvent pas que ces applications soient convenables, il leur reste toujours la ressource du Corps législatif. D’un autre côté, vous ne pouvez pas imaginer que l’on puisse porter au Corps législatif des doutes qui peuvent n’avoir qu’une solution très facile. Nous convenons encore tous qu’il ne faut pas que le ministre de la justice puisse interpréter la loi. Ces deux points ainsi convenus, voyons si l’article du comité pourra mieux remplir cet objet que tous les amendements que l’on a proposés; or, je ne le pense pas. L’amendement de M. Prieur, qui porte que tous les mois on ren - dra compte, etc., est compris dans les articles précédents, puisqu’il est décidé que les ministres rendront compte tous les ans au commencement de chaque législature, et que le Corps législatif pourra se faire rendre compte toutes les fois qu’il le jugera convenable. Ainsi le ministre qui aurait donné une décision contraire à une loi, ou qui aurait interprété une loi, la partie lésée viendrait par-devant le Corps législatif qui demanderait compte au ministre de la justice : cet amendement est donc inutile; quant à celui de M. Moreau, il ne me paraît point du tout éclaircir l’article, au contraire, il me semble l’embrouiller. Je demande donc la question préalable sur les amendements. M. Goupil - Préfeln. L’article sur lequel nous délibérons est une tournure ingénieuse pour faire du ministre de la justice un despote qui violerait toutes les règles de justice sous prétexte de les conserver. Le chancelier d’Aguesseau professait hautement cette maxime, que le chef de la justice ne devait en aucun cas se permettre d’influer; or, c’est ce qui arriverait ici. Je n’ajoute qu’un mot. Ce qui caractérise le despotisme des empereurs romains fut qu’ils décidaient par des rescrits ou procès des particuliers. On nous expose, Messieurs, aux mêmes dangers. Je demande la question préalable sur l’article. 694 lAssetüLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [H avril 1791.] M. Brillat-Savarin. Je demande que l’article soit ainsi rédigé : « Le ministre de la justice aura le droit de rappeler aux tribunaux les lois qu’ils ignoreraient ou les dispositions de ces lois qu’ils n’auraient pas aperçues. >. M. de llenou. Rien n’est si facile, moyennant un léger amendement que de faire disparaître les difficultés. Il ne s’agit que d’ajouter à l’article après ces mots : « De les éclairer sur les doutes et difficultés qui peuvent s’élever dans l’application de la loi, » ceux-ci : « sans que jamais son avis puisse être obligatoire. » M. Delavigne. Je propose à l’Assemblée une résolution, qui, vraisemblablement, conciliera les avis, la voici : « De répondre aux questions qui leur seront proposées sur l’existence et l’application de la loi, mais sans pouvoir, dans aucun cas, l’interpréter. » Un membre ; Je demande l’ajournement à demain. M. Alexandre de Lametli. Je m’oppose à l’ajournement : Nous avons discuté cette question depuis une heure, il sera impossible demain de jeter de nouvelles lumières sur cette discussion; il me semble que l’article 3 est entièrement suffisant; que, en disant que le ministre pourra entretenir une correspondance, il est clair que si on lui demande si une loi existe, il répondra qu’elle existe; il n’est donc pas besoin de faire un autre article. On a présenté différentes rédactions. Je crois que, de quelque manière que l’on tourne la rédaction, il s’ensuivra que le ministre donnera une interprétation, un avis, et que cet avis sera prépondérant. De là je conclus que tel article n’est bon à rien, qu’ii est extrêmement dangereux et qu’il est nécessaire de l’écarter par la question préalable. M. Démeunicr, rapporteur. Je soutiens que ne pas décréter cet article, ou toute autre disposition équivalente, c’est vouloir paralyser les tribunaux dans tout le royaume. Je conclus à l'ajournement. Un membre demande la question préalable sur l’ajournement. (L’Assemblée déciète qu’il y a lieu à délibérer sur l’ajournement et renvoie" ensuite la discussion à la séance de demain.) M. le S*résîdcnt lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CIIABROUD. Séance du lundi 11 avril 1791, au matin. La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance do samedi 9 avril au soir, qui est adopté. M. Bouche, au nom du comité de vérification . Messieurs, votre comité de vérification est d’avis que les congés demandés par MM. Charrier, évêque du déparlement de la Seine-Inférieure, et Gausserand, évêque du département du Tarn, doivent être accordés. (Ces congés sont accordés.) M. Bouche, rapporteur. Nous avons dû également examiner une nouvelle demande de congé faite par M. Delage, curé de Saint-Christoly-en-Blayois et député du département de la Gironde. Ce prêtre, non assermenté, s’est muni, cette fois, d’une petite consultation de M. Guillotin, qui constate que M. Delage a un petit rhume et de l’enflure à la cheville. Le comité de vérification pense que l’on peut aussi bien guérir de ces maux-là à Paris qu’en province, et qu’ils n’exigent point que l’on aille respirer l’air natal; il propose, en conséquence, l'ajournement de la demande de M. Delage. (L’ajournement est décrété.) M. Goulard, curé de Roanne , député du département de Rhône-et-Loire, qui était absent par congé, annonce soii retour. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 10 avril, qui est adoplé. M. Alquier, au nom du comité des rapports . Messieurs, vous avez rendu, le 19 mars dernier, un décret qui ordonne l 'arrestation de la municipalité de Douai; ce décret n’a pas pu être exécuté, parce que les officiers municipaux de Douai ont pris très prudemment le parti de se retirer dans les Pays-Bas autrichiens. Mais le sieur Piquet, l’un d’entre eux, est revenu à l’expiration de son congé, a présenté à l’Assemblée nationale un mémoire tendant à prouver qu’il n’avait point assisté aux séances de la municipalité qui ont attiré le décret que vous avez rendu contre elle. L’alibi est très bien prouvé; il est reconnu que, chargé alors d’une mission particulière comme commissaire des travaux publics hors des murs, il a rendu le service important de retenir dans lus ateliers une foule d’ouvriers qu’il eût été très dangereux de laisser entrer dans un moment de fermentation. En conséquence, votre comité vous propose le projet de decret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, considérant que le sieur Antoine Piquet, officier municipal de la ville de Douai, a justifié qu’il n’avait point assisté aux séances de la municipalité dans la journée du 16 mars et qu’il était, à cette époque, retenu hors la ville, par une mission particulière comme