j40 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] reproche. Le ministre ayant rendu compte des ordres du roi, qui me paraissent assez sévères, ne prenons pas des mesures qui seraient une confusion de pouvoirs. Je demande qu’on retranche du projet de décret la disposition de faire rejoindre M. de Ternan. Ce n’est pas notre affaire, cela regarde entièrement le pouvoir exécutif. M. de Mirabeau. Quand je suis monté à cette tribune, je ne pensai pas qu’il y eût lieu à quelque discussion ; mais seulement à la vérification d’un point de fait. Le décret sur lequel M. Voi-del a fondé sa dénonciation du ministre de la guerre est-il sanctionné? 11 ne l’est pas : il n’est donc pas loi, et la question est vidée. Mais au moins ce décret, qui peut-être devrait être loi, puisqu’il n’y a aucune apparence, aucun symptôme d’observation et de suspension, rejette bien loin la futile objection que les attentats commis à Belfort doivent être jugés par un conseil de guerre. Non seulement ce sont des crimes civils, mais des crimes de lèse-nation. Je ne m’imaginais pas qu’il fallût se traîner sur une proposition aussi évidente. Il est fort pressant d’apprendre, à ceux qui naguère ont osé traiter les couleurs nationales de hochets, de leur apprendre, dis-je, que les révolutions ne sont pas des jeux d’enfants. En laissant à part la dénonciation précipitée d’un ministre, dont la responsabilité ministérielle nous répond de l’évasion des coupables, je demande que nous passions au décret. Tout débat serait oiseux jusqu’au scandale, et personne ne pourrait sans crime monter dans cette tribune pour atténuer les attentats commis à Belfort. (On applaudit avec transport dans une grande partie de l’Assemblée. M. de Mirabeau descend de la tribune. M. de Foucault lui parle avec violence. — Les applaudissements, qui accompagnent M. de Mirabeau jusqu’à sa place, empêchent d’entendre ses véhémentes apostrophes.) (La discussion est fermée.) (On propose plusieurs amendements.) M. de Mirabeau. Mon amendement consiste, et sans doute il me vaudra encore quelques honorables épithètes, à substituer le mot crime à celui de délit. M, d’Estourmcl. Je demande la question préalable sur cet amendement. M. de Mirabeau. Mon amendement est appuyé; je le crois important. En attendant que l’avenir prouve si les ennemis de la Révolution seront aussi malheureux en prophétie qu’ils l’ont été jusqu’ici en complot, je demande qu’on appelle crime toutes les insultes faites à la Constitution . (L’amendement de M. de Mirabeau est mis aux voix et adopté.) (Les autres amendements sont rejetés.) Le décret est ensuite mis aux voix et prononcé en ces termes ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités militaire et des rapports, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Que les sieurs de La Tour, représentant le ci-devant colonel-propriétaire du régiment Royal-Liégeois; Gremstein, major du même régiment, et Ghalon, aide-major de place à Belfort, se trouvant désigné dans l’information faite devant la municipalité de cette ville, comme les principaux auteurs des crimes qui ont été commis à Belfort, dans la journée du 21 octobre ; attendu la gravité et le genre de ces crimes, Sa Majesté sera priée de donner ses ordres pour s’assurer de leurs personnes, et les faire conduire sous bonne et sûre garde dans les prisons de l’abbaye Saint-Germain de Paris, et d’ordonner au sieur de Ternan, colo-lonel de Royal-Liégeois, de se rendre incessamment à son corps. Art. 2. « Que l’information des crimes commis à Belfort le 21, sera faite par devant les juges de cette ville, pour les pièces, ainsi que les accusés être renvoyés, et le procès leur être fait et parfait par-devant les juges auxquels sera attribuée la connaissance des crimes de lèse-nation. Art. 3. « Que Sa Majesté sera également priée de faire remplacer à Belfort les régiments Royal-Liégeois et Lauzun qui y étaient en garnison, et de les placer dans les départements de l’intérieur. Art. 4. « L’Assemblée nationale décrète, en outre, que les informations qui seront prises sur les crimes commis à Belfort, lui seront présentées, pour, après les avoir examinées, et s’être assurée des crimes et des circonstances qui les accompagnent, statuer sur le sort des régiments de Lauzun et de Liégeois; « Ordonne que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres pour l’exécution du présent décret. » M. le Président lève la séance à quatre heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du samedi 30 octobre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse du directoire du département de l’Ardèche, qui exprime la plus vive indignation contre les protestations de la chambre des vacations du parlement de Toulouse. Il renouvelle sa promesse de s’opposer à tous les efforts des ennemis du bien public, pour empêcher ou retarder l’achèvement de la Constitution. Adresse d’adhésion de la communauté du Tiguet. Elle fait une pétition tendant à s’opposer à son union à la communauté de Gabris. Adresse de M. Abicot, officier de la garde nationale d’Aubigny, qui fait hommage à l’Assemblée du panégyrique qu’il a prononcé en l’honneur des gardes nationales morts à Nancy, le jour du service solennel que la garde nationale d’Aubigny a fait célébrer pour ces illustres victimes du patriotisme. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] 44J Procès-verbal de l'état-major de Blauzac, duquel il résulte que les municipalités et les gardes nationales du canton se sont réunies dans la principale église de cette ville, et y ont fait célébrer avec solennité un service funèbre pour les patriotes morts dans la malheureuse affaire de Nancy. Délibération du bataillon de Saint-Louis en l’Isle, par laquelle, après avoir examiné un arrêté du septième bataillon de la deuxième division, tendant à l’établissement d’une caisse de secours pour toutes les gardes nationales du royaume, il propose de restreindre cet établissement aux limites de chaque département, et présente à ce sujet un plan d’administration. Une députation des officiers de la marine marchande est introduite à la barre. L'orateur de la députation dit : « Les capitaines et officiers de lamarine commerçante vous présentent par notre organe l’hommage du respect, de l’admiration et de la reconnaissance qu’ils doivent aux augustes régénérateurs de la patrie. Ils vous font l'offre solennelle de renforcer et recruter en tout temps, en toute occasion, les états-majors de la marine militaire. L’élite de leur corps, composé de plus de dix mille citoyens, peut remplir dignement cet important objet, et ceux que le choix de leurs confrères aura élevés à cet honorable emploi prouveront facilement que, chez le Français, l’esprit de commerce céda toujours aux élans du courage et à l’enthousiame de la gloire. « Si la marine commerçante ne fut pas toujours aussi utile qu’elle voulait, qu’elle pouvait l’être, sur les vaisseaux de guerre, il ne faut en accuser que cette aristocratie que vos sages décrets ont détruite. — La Révolution nous assure un avenir plus heureux. En rétablissant les citoyens dans les droits de l’égalité comme dans ceux de la liberté, elle leur présente à tous les mêmes moyens de servir l’Etat. G’est dans ces circonstances favorables que l’organisation d'une marine vraiment nationale devient aussi facile qu’elle était depuis longtemps nécessaire. Le corps militaire actuel, trop nombreux, trop inactif pendant la aix, est cependant insuffisant pendant la guerre. e moyen de remédier à ces deux grands inconvénients serait d’unir, en quelque sorte, la marine commerçante à la marine militaire ; alors on pourrait réduire de moitié le corps des officiers de la marine militaire, parce qu’on trouverait toujours, pour compléter les états-majors des vaisseaux de guerre, assez d’officiers dans la marine commerçante. Les officiers ne demanderaient pas à être payés en temps de paix; ils reprendront alors leur activité dans le commerce maritime, pour y continuer d’exercer leurs talents. Mais ne conviendrait-il pas de leur assurer les places de lieutenants qui viendraient à vaquer dans le corps de la marine militaire? Pour prétendre à ces places, il faudrait être capitaine de navire depuis trois ans, avoir fait deux campagnes en cette qualité, ou en celle de lieutenant surnuméraire sur les vaisseaux de l’Etat. Ainsi, la dépense de la marine militaire éprouvera une diminution considérable, et désormais ce corps ne sera recruté que par des hommes qui auront fait preuve des talents que procurent la théorie et une longue expérience. Si la guerre a lieu, la marine commerçante invoque avec confiance la justice de l’Assemblée nationale pour être employée sur les vaisseaux de l’escadre en armement, savoir : les capitaines en qualité de lieutenants, et les autres officiers, en raison de leurs„ services, comme sous-lieutenants ou volontaires. « Permettez-nous, Messieurs, de nous féliciter d’avoir été choisis par nos frères pour vous présenter leurs vœux qui sont aussi les nôtres. Que l’Assemblée nationale daigne les accueillir avec bonté 1 Ils sont dictés par cette classe d’hommes qui, familiarisés dès leur jeunesse avec tous les genres de périls, enrichissent et défendent sur mer le commerce de l’Etat, charment leurs loisirs à terre en augmentant le nombre des soldats citoyens, et dont l’amour pour la patrie garantit la fidélité à la Révolution qui assure le bonheur de la France, en donnant un nouvel essor au patriotisme. > (Ce discours reçoit des applaudissements réitérés et presque unanimes. L’Assemblée ordonne qu'il sera imprimé et inséré dans le procès-verbal.) M. le Président répond : « Vous avez toujours bien servi votre patrie; vous l’enrichissez par le commerce, vous l’avez souvent honorée par d’éclatants succès à la guerre; vous lui avez donné Jean-Bart, Duquesne et Duguay-Trouin. Trop longtemps sacrifiés à d'injustes préjugés, votre triomphe a été assuré le jour où l’Assemblée nationale a décrété que les citoyens seraient également admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des talents et des vertus. Elle a déjà appliqué ce grand principe aux règles d’admission et d’avancement dans les grades militaires. Elle attend avec impatience le moment où, en l’appliquant à la marine, elle acquittera les obligations que la patrie a depuis longtemps coutractées envers vous. » M. Merle, membre du comité des rapports , se présente au nom de ce comité, afin d’obtenir un décret relatif à une pétition faite par la section de Mauconseil, dans l’affaire de sieurs Tourton et Ravel, dont le Châtelet est chargé par commission et attribution confirmée par un décret de l’Assemblée nationale. M. Boussion demande l’ajournement à jour fixe. Cette motion est mise aux voix; l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Un autre membre propose l’ordre du jour : cette motion mise aux voix, il est décrété qu’on passera à l’ordre du jour. M. Anthoine. Votre comité des rapports m’a chargé de vous rendre compte d’une infraction commise par quelques particuliers de Noyon contre un de vos décrets, sanctionné par le roi. Ce fait nous est dénoncé par le directoire du département de l’Oise. Le directoire du district de Noyon a procédé, en exécution de vos décrets, à la nomination d’un receveur des impositions, et à choisi M. Annonet, qui a donné une caution de 150,000 livres. Cette nomination a déplu à quelques citoyens : dans une assemblée de la commune ils ont nommé quatre commissaires chargés de porter au directoire la demande de la révocation du choix du sieur Annonet, pour y faire substituer le sieurBisancourt, maire et ci-devant receveur des finances. Le directoire a trouvé cette pétition dangereuse, inconstitutionnelle, séditieuse, et vous l’a dénoncée. Les pétitionnaires ne récusent pas M. Annonet. Ils ne connaissent, disent-ils, nul motif qui doive le priver de la confiance publique ; mais ils représentent les services de M. Bisancourt, quarante