686 l Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ** Envier “mi leur confiance. Ils préférèrent la voie de la récrimination et des appels. Le district con¬ firma, le département confirma leur désarme¬ ment. Quant à l’admission dans les divers bataillons de beaucoup de citoyens qui jusque-là n’y avaient pas été admis ou même, pour quelques-uns, en avaient été renvoyés, voici pourquoi et comment elle a eu lieu : C’est le comité du bataillon qui scrutine le sujet proposé, et son admission si elle a lieu est confirmée ou annulée par le comité général de tous les bataillons. Cette règle a été suivie. La municipalité n’entre pour rien dans une admission. Elles ont été très fréquentes dans ces der¬ niers temps, et voici pourquoi : lorsque le départ en masse eut été décrété, tous les citoyens désirèrent entrer dans les bataillons, afin de servir à côté de leurs camarades, afin de soute¬ nir leur faiblesse par l’expérience des anciens, enfin pour n’être pas l’objet d’une distinction odieuse et d’une défiance continuelle; la garde nationale pourrait-elle refuser son appui sans union à des citoyens qui allaient se battre avec eux? Tous ceux à qui on n’avait à opposer que d’anciennes préventions furent admis. On leur dit : vous aurez l’ennemi devant vous, mais des amis, des frères à côté de vous. Vous y aurez aussi des surveillants. Tous partirent ensemble, la loi ne distinguait pas pour le danger, des frères pourraient-ils distinguer pour le service! Que reste-t-il à refuser à un citoyen que la patrie appelle à l’honneur de la défendre? Vous le placez dans vos armées, ils le seront plus dans vos légions : la République ne distingue pas entre ses défenseurs. Reste le reproche d’avoir emprisonné un sans-culotte pour m’avoir appelé aristocrate. Si jamais l’amour de la liberté et de mes semblables a pu me rendre magistrat intègre et homme sensible, c’est dans cette circonstance. Il y avait insurrection pour le blé, tous les journaliers de ville et de campagne étaient rassemblés, et sous prétexte de cherté et d’ac¬ caparement, ils menaçaient de tomber chez les négociants et sur le grenier de la commune pour les pauvres. Couru à l’insurrection, j’exhorte le peuple, je l’éclaire, lui expose les lois que la Conven¬ tion prépare et les mesures que la commune a prises pour l’abondance et le bon marché; enfin je propose aux citoyens de nommer des com¬ missaires qui, paisiblement et avec le magis¬ trat, visiteront tous les magasins et maisons de campagne. Le peuple, toujours bon et juste quand il n’est pas trompé, se rendait déjà à ma propo¬ sition, lorsqu’un citoyen prend la parole et, demandant un grand silence, s’écrie qu’il ne faut pas m’écouter parce que la municipalité est aristocrate, etc. J’attribuai au vin cette invective, et recommençant ma prédication, après bien des peines, j’eus le bonheur de réus¬ sir. Mais quelle fut ma surprise lorsque reve¬ nant à la commune, couvert de sueur, je vois le même citoyen au milieu du poste, déclamant contre la municipalité et exhortant les cama¬ rades à l’abandonner. Je lui dis que j’avais bien pu lui pardonner les dangers personnels qu’il m’avait fait courir, mais que pour le trouble public et bien évident intentionné qu’il causait, mon devoir m’obligeait de le dénoncer. La municipalité dénonça ce citoyen au juge de paix; le poste fut entendu et le tribunal correctionnel le condamna à six mois de prison. Aussitôt que je le sus, je fis prier la femme de ce citoyen de venir à la commune. Je lui témoignai combien j’étais fâché d’avoir été l’occasion du malheur de son mari, mais que sa femme, ses enfants n’en devaient pas souffrir et que je la priais de recevoir de moi, en qualité d’ami, de concitoyen, le montant de toutes ses journées pendant sa détention. Elle voulut bien l’accepter, et le club, instruit par le prison¬ nier lui-même, mentionna ma conduite sur ses registres. Je suis républicain de tout mon cœur. J’étais, je suis dévoué à la Convention. Comment ne pas aimer, ne pas estimer la République? J’ai trop d’amour, de respect pour mes semblables, dont la République seule peut maintenir les droits. Ces droits me sont aussi chers que sacrés; je les défendrai tant que je vivrai, par raison et par humanité. La raison me montre la vérité, et l’humanité me fait sentir les avan¬ tages des prinipes de la Révolution. Je lui appartiens en entier et mes moyens, ma vie, y seront consacrés. Vive la République, une et indivisible ! Le 23 brumaire de l’an II. Durand. Un membre demande qu’il soit défendu aux corps constitués d’envoyer de leurs membres en députation. On observe que cette proposition a déjà été dé¬ crétée, mais que le décret n’a point été rédigé, ni inséré au feuilleton. On fait à cet égard plusieurs propositions, elles sont toutes renvoyées au comité de Salut public (1). Un membre [Cambon (2)] propose de décréter que les citoyens qui possèdent une fortune excé¬ dant un capital de 200,000 livres ne seront pas admis aux avantages de la loi rendue hier sur les successions (3). Renvoyé au comité de législation (4). Compte rendu du Moniteur universel (5), Cambon-Citoyens, hier vous terminâtes une loi juste qui mérite bien une place dans le (1) Procès-verbaux de la Convention, i. 28, p, 303. (2) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853. et la plupart des journaux de l’époque. (3) V. ci-dessus, séance du 14 nivôse an II, p. 627 le décret rendu sur la motion de Berlier. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 303. (5) Moniteur universel [n° 106 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1794} p. 427, col. 3]. D’autre part, le Journal des débats el des décrets (nivôse an II, n° 472, p. 213) et le Journal de la Montagne [n° 53 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1793,) p. 422, col. 2] rendent compte de la motion de Cambon dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal des débals et des décrets. Cambon. Hier, citoyens, vous achevâtes une loi qui fera époque dans les fastes de la République, en assurant les droits des citoyens français dans les succcessions. Vous avez fait une exception favorable [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ™°si°ra?79Î t*87 Code des Français. Elle assure à tous les ci¬ toyens leurs droits dans les successions; elle consacre un droit naturel, elle fera époque dans les fastes de la République. Mais vous avez senti qu’elle devait avoir une exception : cette exception a été en faveur des sans-culottes dont la fortune en capital n’excède pas 10,000 li¬ vres. J’ai à vous proposer une nouvelle excep¬ tion, que vous accueillerez, je n’en doute pas, puisqu’elle tend à favoriser des sans-culottes. Je demande que les citoyens dont la fortune excédera 200,000 livres en capital ne puissent point jouir des bienfaits de la loi qui établit l’égalité des partages, lorsqu’ils se trouveront en concurrence avec des citoyens pauvres. En adoptant ma proposition, la Convention donnera une nouvelle preuve de la justice qui la guide dans toutes les opérations; elle fera une loi révolutionnaire qui sera un nouveau motif d’aimer la Révolution et la République. Si vous ne voulez pas décréter à l’instant la pro¬ position que je vous soumets, j’en demande le renvoi au comité de législation. Après quelques débats, le renvoi est décrété. Un membre [ Rewbell (1)] a proposé l’article additionnel suivant, sur la loi des successions, du 14 nivôse : « Que les citoyens appelés par la loi du 14 ni¬ vôse à revendiquer des successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, ne seront admis à exer¬ cer cette faculté contre ceux qu’ils veulent dé¬ posséder, qu’autant qu’ils étaient moins fortunés que ces derniers, et seulement jusqu’à concur¬ rence de l’égalité de fortune à l’époque de l’ou¬ verture de la sccession. Renvoyé au comité de législation (2). en faveur des, citoyens dont la fortune en capital n’excède point 10,000 livres Je viens vous proposer une nouvelle exception en faveur des sans-culottes; je ne doute pas que le principe n’en soit adopté sur-le-champ. Il s’agit de décréter que les citoyens dont la fortune excédera 200,000 livres en capital. ne participeront point à la faveur de la loi qui fixe l’égalité des partages, lorsqu’ils se trouveront en concurrence avec des sans-culottes. C’est un acte de justice qu’une pareille disposition; c’est une loi révolutionnaire. Si vous ne voulez pas la décréter, je demande au moins le renvoi de ma proposition au comité de législation pour l’examiner. Plusieurs membres appuient ce renvoi. Il est décrété. II. Compte rendu du Journal de la Montagne. Cambon. Vous terminâtes hier la discussion d’une loi qui fera époque dans les fastes de la République. Vous avez jeté les fondements les plus durables de l’égalité sociale; mais en n’admettant aucune dis¬ tinction entre les cohéritiers, n’est-il pas à craindre que vous ne grossissiez la fortune déjà trop considé¬ rable de quelques individus. Je demande que ceux qui auront plus de 200,000 livres de bien ne soient point compris dans la disposition qui rend aux autres des droits qu’ils n’avaient point en 1789. La proposition est renvoyée au comité de légis¬ lation. (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 853. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 304. « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [Merlin (de Thionville) (1)],- décrète que tous les comités révolutionnaires, agents se disant délégués ou délégués par les représen¬ tants du peuple ou des ministres de la Répu¬ blique, qui ont perçu ou fait percevoir des taxes révolutionnaires, militaires ou autres, sous quel¬ que dénomination que ce soit, qui n’étaient point exigées comme impositions par la Républiques seront tenus de rendre leur compte dans le délai fixé par la loi et que ces comptes seront imprimés, et affichés en placard : le nom des imposés et la quotité des sommes payées, des effets donnés, le Ûeu du domicile des personnes, seront compris dans l’affiche, afin que chacun puisse se con¬ vaincre que les sommes payées ont réellement été versées dans le Trésor public (2). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3.). Merlin ( de Thionville ) observe qu’il y a eu des réclamations de différente nature relativement aux taxes révolutionnaires. Des citoyens se sont plaints qu’elles ne fussent point propor¬ tionnées à leur fortune ; d’autres que le produit de : taxes n’était pas versé avec exactitude dans les caisses publiques. Je dem de, dit Merlin, que les comités révolutionnaires soient tenus de faire imprimer et afficher un compte détaillé des sommes qu’ils auront perçues et versées dans les caisses nationales, afin que chaque citoyen puisse vérifier sur ces états si les sommes qu’il a données y sont portées. Ces propositions Bont décrétées en ces termes • (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal. ) « La Convention nationale décrète que le décret rendu par elle en faveur des patriotes des Deux-Ponts sera commun aux patriotes des pays du Rhin qui désirent retourner dans leurs pays (4), et que les représentants du peuple (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 304. (3) Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n° 472, p. 213). D’autre part, le Journal de la Mon¬ tagne [n° 53 du 16 nivôse an II (dimanche 5 janvier 1794), p. 422, col. 2] rend compte de la motion de Merlin (de Thionville ) dans les termes suivants : Un membre observe que dans le même départe¬ ment (l’Ailier), on a taxé à 15,000 livres un homme qui n’avait pas 1,500 livres de revenu ce qui ne s’ac¬ corde pas trop avec la sage imposition citée par les pétitionnaires. (Voy. ci-dessus, même séance, p. 666, la députation du département de l’Ailier.) Merlin (de Thionville) croit qu’on remédierait à bien des abus de ce genre en assujettissant les comités révolutionnaires à faire imprimer et afficher dans leur arrondissement le nom des personnes taxées avec la quotité de la taxe. Il demande que cette me¬ sure soit consacrée par un décret. (Adopté.) (4) L’auteur delà motion est Merlin (de Thionville) d’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier n° 853.