604 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 octobre 1790. M. Chasset, rapporteur, lit l’article 2. M. Thévenot attaque cet article comme injuste. La disposition qu’il contient confond les propriétaires jouissant sans titre de l’exemption de la dîme sur leurs terres, avec ceux qui avaient acquis à titre onéreux la dîme sur des domaines dont ils étaient devenus possesseurs, soit par acquisition ou succession, et avaient ainsi réuni, en une seule, deux propriétés différentes et distinctes. M. Tronchet répond que la dîme inféodée étant une servitude, une charge foncière, celui qui acquiert la dîme sur son bien, comme celui qui acquiert le fonds sur lequel il avait une dîme, ne réunissent pas par là deux propriétés distinctes, mais ne font qu’améliorer leur bien en l’affranchissant d’une charge foncière. Il observe, de plus, que si on accordait une indemnité aux propriétaires ayant ou prétendant avoir droit de dîme sur leurs propres fonds, on serait obligé d’en accorder également à tous les possesseurs de fonds qui, par leur nature, ne payaient pas de dîmes, tels que les prés, les bois, etc. On demande à fermer la discussion. Cette proposition est mise aux voix et décrétée. M. de llontlosier demande qu’il soit joint à l’article, par amendement , ces mots : sauf ceux qui jouissaient de l'exemption de la dîme sur leurs fonds par acquisition à titre onéreux. (Cet amendement est écarté par la question préalable.) L’article est mis aux voix et décrété en ces termes : Art. 2. « Ceux qui prétendraient avoir droit de dîme sur leurs propres fonds, ou en être exempts d’une manière quelconque, n’auront droit à aucune indemnité. » M. Chasset, rapporteur. Le comité a accepté un article additionnel qui prendrait place entre les articles 2 et 3 et qui serait ainsi conçu: Art 3. « Ceux auxquels il appartient, sur des dîmes ecclésiastiques, des rentes, soit en argent, soit en denrées ou autres espèces, créées pour la concession faite à l’Eglise , desdites dîmes auparavant inféodées, seront indemnisés en la même manière que les propriétaires laïcs des dîmes inféodées : cette indemnité sera réglée dans la forme marquée ci-après, sur le pied du denier vingt pour Celles en argent, et sur le pied du denier vingt-cinq pour celles en denrées ou autres espèces. » (Cet article est adopté.) M. Chasset, rapporteur , lit l’ancien article 3 devenu l’article 4. M. Cucas présente des objections contre l’évaluation du produit des dîmes sur le pied des baux actuels ou des plus récents; elle est insuffisante; il serait plus juste et plus convenable de prescrire, pour opérer le remboursement de ces dîmes, le même mode que pour le remboursement du champart. M. Treilhard combat ces objections et appuie fortement sur les avantages qui résulteront, pour l’accélération de l’opération, pour la diminution des frais, de l’adoption du mode présenté par le comité. M. de Fol le ville demande par amendement que l’option de l’évaluation sur le pied des baux, ou par l’expertise, soit laissée aux propriétaires avec les frais de l’expertise à leur charge. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) M. Chasset, rapporteur , présente une nouvelle rédaction qui, après quelque débat, est adoptée en ces termes : Art. 4. « Le produit desdites dîmes, quand elles se trouveront abonnées, sera déterminé sur le prix de l’abonnement : lorsqu’elles seront affermées, il le sera sur le pied des baux qui auront une date certaine, antérieure au 4 août 1789, actuellement subsistants ainsi ; sur ceux passés précédemment, et dont la durée aura commencé quinze ans avant ledit jour 4 août 1789, en cas qu’il n’en existe aucune de cette espèce; et dans le cas où ceux qui existeraient comprendraient avec les dîmes d’autres biens ou droits dont le prix ne serait pas distinct et séparé, le produit sera évalué de la manière ci-après réglée. » M. le Président lève la séance à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN. Séance du jeudi 14 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Bouche, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 13 octobre au matin. Ce procès-verbal est adopté. M. le Président. M. de Concédieu fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage sur les Monts-de-piété tels qu’ils devraient être à Paris et tels qu’on pourrait en établir ailleurs. L’ouvrage et l’adresse qui y est jointe sont renvoyés aux comités des finances et de mendicité pour en rendre compte incessamment. M. Bossin, rapporteur du comité de Constitution, propose deux décrets qui sont adoptés, jsans discussion, en ces termes : PREMIER DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète que les municipalités de Fresnoy et d’Irey-les-Prés sont supprimées et réunies à celle de la ville de Montmedy. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 605 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 octobre 1790.] DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu’il sera nommé quatre juges de paix dans la ville de Besançon, pour chacun des quatre arrondissements dans lesquels elle sera divisée, et qui formeront chacun l’étendue de leur ressort. » M. Thouret, rapporteur du comité de Constitution, monte à la tribune et fait un rapport sur le projet de décret contenant règlement pour la procédure en la justice de paix. ' L’établissement de la justice de paix est un des grands bienfaits de l’Assemblée nationale envers le peuple; mais toute l’utilité que la nation se promet des principes décrétés sur cette matière ne sera pas remplie, si la théorie annoncée ne se réalise pas dans l’exécution. L’exécution ne peut être conforme à l’esprit de l’établissement qu’en mettant les juges de paix en état de terminer les différends qui leur seront déférés, par des formes simples, expéditives, très peu dispendieuses, et qui fassent arriver au jugement sans s’être aperçu, pour ainsi dire, qu’on ait fait une procédure. Pour atteindre ce but, il faut écarter tous les préjugés dont le système compliqué de nos anciennes formalités judiciaires a si longtemps obscurci notre raison. Le comité s’est attaché d’abord à exclure les praticiens non seulement de l’instruction des affaires portées en la justice de paix, mais encore du premier acte par lequel les procès s’introduisent, et même de la faculté de représenter les parties en vertu de leurs pouvoirs particuliers. Sans cette précaution, dont l’intérêt se fait sentir sans effort, la pureté et la simplicité de l’institution ne pourraient pas être garanties d’une altération prochaine. Le comité s’est appliqué ensuite à procurer la plus prompte expédition des affaires. La durée des procès est un grand mal par cela seul qu’elle entretient les plaideurs dans l’inquiétude, dans un état d’aigreur et d’animosité réciproque, et qu’elle les détourne d’occupations plus utiles à eux-mêmes, à leur famille et à la société. Dans le projet de décret proposé, les délais pour comparaître sur les citations sont courts, mais suffisants ; les parties peuvent être jugées au jour de la première comparution, dans les cas les plus ordinaires ; s’il est nécessaire d’entendre des témoins, ou de visiter les lieux, la forme de ces opérations, très simplifiée, en accélère l’exécution; et le jugement peut être rendu aussitôt qu’elles sont terminées; enfin la péremption de droit, après quatre mois, est une rigueur salutaire qui prévient tout abus, sans jamais blesser la justice, parce qu’il n’y a point d’affaire de l’espèce de celles attribuées aux juges de paix, qui ne puisse être éclaircie dans un bien moindre espace de temps. A la brièveté des délais, le comité a joint la simplification de la procédure, qui justifie la première, et concourt avec elle au même but. Il a pensé que les parties pouvaient se présenter volontairement et sans citation devant un juge de paix, pour lui exposer leur différend, et lui demander sa décision ; que, dans tous les cas, elles devaient être entendues par leur bouche, sans l’assistance ni le ministère d’un homme de loi; qu’aucun jugement préparatoire, ordonnant soit une enquête, soit la visite du lieu, prononcé en présence des parties, ne devait être délivré ni signifié; que l’appel d’aucun de ces jugements ne devait être permis qu’après le jugement définitif, parce que l’exécution provisoire ne nuirait pas ensuite aux droits des parties sur l’appel; qu’il était inutile de faire écrire, soit les dépositions des témoins, soit le procès-verbal de la visite des lieux faite par le juge, lorsqu’il prononce en dernier ressort; qu’enfin, le juge de paix pourrait entendre les parties et leur rendre justice, tous les jours de l’année sans exception, à toutes les heures du jour, et dans tous les lieux de son territoire, même dans son domicile, ou sur le lieu contentieux qu’il aurait été visiter. C’est de l’ensemble de ces dispositions, que dépendent non seulement la. simplicité et [& brièveté de la justice, mais encore la diminution des frais, et le gain du temps que les plaideurs perdent en déplacements. Toutes ces choses se tiennent : si la procédure n’est pas très simple, les délais ne peuvent pas être courts ; et si les moyens d’obtenir le jugement sont longs et compliqués, il faut employer beaucoup de temps et d’argent pour parvenir à être jugé. Dans le projet du comité, un jugement ne coûterait rien, lorsque les parties se seraient présentées sans citation, et que le jugement ne serait pas délivré. Dans le cas de la citation, une affaire simple ne coûterait que 3 livres, y compris la délivrance et la signification du jugement; et les frais de celles qui auraient exigé, soit une enquête, soit une visite de lieu, même avec l’intervention des gens de l’art, ne pourraient guère excéder 10 à 12 livres. Le comité s’est encore occupé des moyens de constater et d’assurer l’état des minutes des jugements ; il propose aussi un ordre simple et facile dans leur rédaction, par lequel la même minute présentera, pour chaque affaire sujette à l’appel, le tableau, nécessaire en ce cas, de l’instruction qui aura préparé le jugement. La considération décisive qui doit dominer dans l’examen des articles présentés par le comité, est celle de conserver à la justice de paix la simplicité dans les moyens et la promptitude dans l’exécution, par lesquelles seules elle peut produire le bien que l’Assemblée nationale s’est proposé en l’établissant. PROJET DE DÉCRET, contenant règlement pour la procédure en la justice de paix. TITRE Ier. Des citations. Art. 1er. Toute citation devant les juges de paix sera faite en vertu d’une cédule du juge, qui énoncera sommairement l’objet de la demande, et désignera le jour et l’heure de la comparution. Art. 2. Le juge de paix délivrera cette cédule à la réquisition du demandeur ou de son porteur de pouvoirs, après avoir entendu l’exposition de sa demande. Art. 3. En matières purement personnelles ou mobilières, la cédule de citation sera demandée au juge du domicile du défendeur. Art. 4. Elle sera demandée au juge de la situation de l’objet litigieux, lorsqu’il s'agira : « 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits, et récoltes ; « 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres