SÉANCE DU 14 FRUCTIDOR AN II (31 AOÛT 1794) - N“ 21 157 surtout que les représentants du peuple, par leur correspondance dans les départements, s’efforcent d’éveiller, d’éclairer le patriotisme à cet égard. En Italie, le peuple est habitué à respecter tous les monuments, et même ceux qui les dessinent. Accoutumons les citoyens à se pénétrer des mêmes sentiments. Que le respect public entoure particulièrement les objets nationaux, qui n’étant à personne sont la propriété de tous. Ces monuments contribuent à la splendeur d’une nation, et ajoutent à sa prépondérance politique. C’est là ce que les étrangers viennent admirer. Les arènes de Nîmes et le pont du Gard ont peut être plus rapporté à la France qu’ils n’avaient coûté aux Romains. La Sicile n’a presque plus de consistance que par des ruines célèbres; de toutes parts on va les interroger. Rome moderne n’a plus de grands hommes, mais ses obélisques, ses statues, appellent les regards de l’univers savant. Tel Anglais dépensait deux mille guinées pour aller voir les monuments qui ornent les bords du Tibre. Certes, si nos armées victorieuses pénètrent en Italie, l’enlèvement de l’Apollon du Belvédère et de l’Hercule Famèse serait la plus brillante conquête. C’est la Grèce qui a décoré Rome; mais les chefs-d’œuvre des républiques grecques doivent-ils décorer le pays des esclaves ? La République française devrait être leur dernier domicile. Philippe de Macédoine disait : « Je réussirai plutôt à dompter la belliqueuse Sparte que la savante Athènes ». Réunissons donc le courage de Sparte et le génie d’Athènes : que de la France on voie s’échapper sans cesse des torrents de lumières pour éclairer tous les peuples et brûler tous les trônes. Puisque les tyrans craignent les lumières, il en résulte la preuve incontestable qu’elles sont nécessaires aux républicains : la liberté est fille de la raison cultivée, et rien n’est plus contre-révolutionnaire que l’ignorance; on doit la haïr à l’égal de la royauté. Inscrivons donc, s’il est possible, sur tous les monuments, et gravons dans tous les cœurs cette sentence : « Les barbares et les esclaves détestent les sciences et détruisent les monuments des arts; les hommes libres les aiment et les conservent » (76). On demande qu’il soit mis aux voix avec l’amendement proposé par un membre. BARAILON : Les sciences et les arts, et surtout l’histoire ont perdu des choses étonnantes, lorsque les moines ont été chassés de leurs repaires. Croirait-on qu’en France il y ait eu un pays et une charte assez barbare pour ordonner la dîme des garçons et filles ? Il faut qu’elle soit connue de toute l’Europe. Je demande, par amendement, que tous les citoyens qui auraient (76) Moniteur, XXII, 85-92; Gazette Fr., n° 974; J. Univ., n° 1741; Mess Soir, n° 743; M.U., XLIII, 239-251; J. Mont., n° 124; C. Eg., n° 743; J. S. -Culottes, n° 563; Ann. Patr„ n° 608; Ann. R.F., n° 273; Rép., n° 255 (suppl.); J. Fr., n° 706; J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 424, 425; J. Paris, n° 609. détourné des manuscrits, livres, chartes, médailles, antiquités, provenant des maisons nationales, seront tenus de les rendre dans le mois au directoire de leur district, sous peine d’être punis comme suspects. On demande l’ordre du jour. BOURDON (de l’Oise) : On peut adopter l’amendement de Barailon, en mettant : ceux qui seraient dépositaires, etc. BARAILON : J’adopte (77). Ils sont l’un et l’autre adoptés dans les termes suivants : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique, décrète ce qui suit : 1) Les biliothèques et tous les autres monuments de sciences et d’arts appartenant à la nation sont recommandés à la surveillance de tous les bons citoyens; ils sont invités à dénoncer aux autorités constituées les provocateurs et les auteurs de dilapidations et dégradations de ces bibliothèques et monuments. 2) Ceux qui seront convaincus d’avoir, par malveillance, détruit ou dégradé des monuments de sciences et d’arts, subiront la peine de deux années de détention, conformément au décret du 13 avril 1793. 3) Le présent décret sera imprimé dans le bulletin des lois. 4) Il sera affiché dans le local des séances des corps administratifs, dans celui des séances des sociétés populaires, et dans tous les lieux qui renferment des monuments de sciences et d’arts. Article additionnel. Tout individu qui a en sa possession des manuscrits, titres, Chartres, médailles, antiquités, provenant des maisons ci-devant nationales, sera tenu de les remettre, dans le mois, au directoire de district de son domicile, à compter de la promulgation du présent décret, sous peine d’être traité et puni comme suspect. Le rapport sera imprimé et envoyé aux autorités constituées et aux sociétés populaires (78). 22 Les représentants envoyés dans les différentes sections ont fait part tour-à-tour du bon esprit qui règne dans Paris, du zèle de chaque citoyen et des officiers de santé. Tous les fonctionnaires étaient à leur poste, un grand nombre sous les armes, d’autres occupés à porter des secours aux blessés : partout, ont-ils ajouté, régnent le calme, la tranquilité, et le plus grand dévouement pour la République et la Convention nationale. (77) Débats, n° 712, 275; Moniteur, XXI, 648; Ann. R.F., n° 273. (78) P. V., XLIV, 255-256. C 318, pl. 1281, p. 45, 51, minute signée de Grégoire. Décret n° 10 659. L’article additionnel fait l’objet du décret n° 10 660. 158 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Un des commissaires a annoncé qu’il avait de grandes lumières à donner sur ce qui s’était passé. Javogues, après avoir parlé du zèle des citoyens de Paris dans la journée d’aujourd’hui, ajoute qu’il a recueilli des faits importants qui jetteront un grand jour sur cet événement, et qu’il les communiquera aux comités (79). Renvoyé aux comités de Salut public et de Sûreté générale (80). 23 L’impression du rapport fait au nom du comité d’instruction publique, a été décrétée. La séance a été levée à quatre heures. Signé Merlin (de Thionville) président; Le Cointre, Bentabole, Frêron, Güffroy, Barras, secrétaires (81). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 24 Le représentant du peuple Lambert dans les départements de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne, félicite la Convention nationale sur le décret du 4 de ce mois, relatif aux dépenses ordinaires et extraordinaires des députés en mission dans les départemens : il est temps, dit-il, que la publicité de nos démarches, et surtout l’emploi des deniers de la République, ne laissent plus aucun nuage dans l’esprit de nos concitoyens sur le compte de leurs législateurs; il est temps que l’on reconnaisse les vrais amis du peuple, non à des pantalons et à des moustaches, non à des cheveux gras et à des souliers crottés, mais à l’austérité de leurs mœurs, à la sévérité de leurs principes républicains, à leur constance invariable et inflexible dans la manifestation de ces mêmes principes qui dérivent d’un amour ardent pour la vérité, la raison et la justice. Il est temps enfin que la liberté d’opinions dans le temple des lois devienne le palladium de la liberté publique; que des vociférations, des fureurs ou réelles ou factices, n’étouffent plus la pensée des hommes modestes et timides. Notre organisation, nos facultés intellectuelles nous permettent-elles de voir les mêmes objets sous les mêmes rapports ? Le dernier excès de la tyrannie des uns est de vouloir que l’on se dise libre en ne suivant que leur propre volonté, et le dernier excès de la stupidité des autres est de se croire libre en n’agissant que d’après des impulsions étrangères. Salut et fraternité. Signé, Lambert. (79) J. Fr., n° 706. (80) P.V., XLIV, 256-256. (81) P.-V., XLIV, 256. P.S. J’oubliais de vous dire, citoyens collègues, une chose qui sans doute méritera toute votre attention; c’est que dans les fréquents voyages que je suis obligé de faire, j’apprends partout que les aristocrates les plus forcenés relèvent une tête audacieuse, et croient tout bonnement qu’à l’aide de quelques certificats mendiés, ils vont être tous élargis : jusqu’aux chevaliers du poignard, venus à Paris pour la journée du 10 août, se bercent de cette idée; et j’en connais qui ont écrit à leurs domestiques de tenir leurs maisons prêtes à les recevoir. Personne ne déteste plus que moi l’oppression, et le sytème de barbarie imaginé par Robespierre me fait frissonner d’horreur; mais, en évitant un écueil, la Convention se gardera bien de tomber dans un autre, et une justice sévère, en procurant la liberté aux innocents, contiendra les coupables, et mettra les ennemis jurés du peuple dans l’impossibilité de lui nuire jamais (82). 25 Le citoyen Brival, représentant du peuple dans les départements du Loiret, de Loir-et-Cher et Indre-et-Loire, transmet à la Convention copie de l’arrêté qu’il a pris relativement aux autorités constituées d’Orléans, et lui apprend que toutes les nominations qu’il a faites ont été proposées et acceptées à l’unanimité par la société populaire (83). Un des secrétaires fait lecture d’une lettre du représentant du peuple Brival, par laquelle il annonce qu’un prisonnier autrichien, nommé Wesel, a crié, dans un hôpital militaire à Orléans vive la République ! Un caporal autrichien l’a excédé de coups. Le représentant du peuple l’a fait sortir, lui a donné provisoirement la liberté. C’est un converti, ajoute-t-il; il n’a cessé de répéter vive la république française! vive la Convention nationale ! Cette lettre est renvoyée au comité de Sûreté générale (84). 26 [Adresse des républicains composant le premier bataillon de Semur, Côte-d’Or, à la Convention, de l’armée du Rhin, le 25 thermidor an II\ (85) C’était donc dans ton sein, assemblée auguste, que des traitres conspiraient contre le peuple. Dans le sanctuaire même de la liberté les perfides méditaient notre asservissement : un phantôme royal devait servir de marque à leur vaste et criminelle ambition ! Et c’est là qu’auraient abouti tant d’efforts, tant de sacrifices, tant de sueurs versées pour la cause sacrée de la Liberté ! (82) Bull., 14 fruct.; Ann. Pair., n° 608; J. Univ., n° 1744; Rép., n° 257. (83) Bull., 14 fruct. (84) Moniteur, XXI, 644; Débats, n° 712, 264. (85) C 320, pl. 1314, p. 18. Mention marginale : mention honorable, insertion au bulletin, 14 fructidor.