386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Hier, à la séance de la commission, je reçus une lettre dont je vais vous donner connaissance ; je m’empressai de la montrer à mes collègues, et de solliciter leur autorisation pour en faire lecture à la Convention nationale; ils furent de cet avis. Les signataires de la lettre ayant demandé que j’en accusasse la réception, je le fais ici d’une manière éclatante. Voici cette lettre : [Les colons de Saint-Domingue au citoyen Grégoire, député à la Convention nationale, du 13 vendémiaire an III] Faisant partie des membres de la commission coloniale qui vient d’être élue dans la séance du soir, 11 vendémiaire, nous croyons devoir te prévenir qu’étant nommément inculpé dans l’affaire de Saint-Domingue, il répugnera sans doute à ta délicatesse de prendre place parmi ceux qui doivent en connaître, ne pouvant être juge et partie. Nous nous persuadons que tu nous sauras gré de notre démarche, et qu’elle sera suffisante pour te déterminer au parti que tu dois prendre. Ce serait avec le plus grand déplaisir, s’il en était autrement, que nous serions forcés de nous adresser à la Convention nationale et d’entrer dans des détails, parce que l’affaire majeure qui doit être discutée dans cette commission est celle de toute la colonie. Salut et fraternité. Signé : L.E. Corre, Verneuil, Therou, Doraggis, Schvenper, Le Cosse, Bengé, Molart, Serre, B. Mulet, Fromenteau. P.S. Nous espérons que tu voudras bien nous accuser la réception de cette lettre. GREGOIRE : Citoyens, j’ai dû vous présenter ces faits ; c’est à la Convention à prononcer. Quant à l’accusation dirigée contre moi, les signataires de la lettre disent que je suis nommément inculpé ; ils menacent d’entrer dans des détails. Je provoque ces détails, qu’ils les donnent au plus tôt. L’honneur et la justice de la Convention nationale ne lui permettent pas de laisser planer le soupçon sur un de ses membres ; sans cela l’imposture calomnierait votre sagesse. J’ai fait la longue et triste expérience qu’on ne défend pas impunément l’humanité et la justice, et je n’en serai que plus acharné à plaider dams toutes les circonstances la cause de la justice et de l’humanité, même en faveur de mes ennemis. J’attendrai avec intrépidité mes accusateurs ; j’attendrai avec calme votre jugement. L’ordre du jour ! s’écrie-t-on de toutes les parties de la salle. BREARD : J’observe que les sentiments d’humanité et de justice de Grégoire sont ses accusateurs auprès des colons, et que, s’il fallait s’arrêter à des dénonciations vagues, il faudrait exclure tous les membres du comité. [Bréard demande que l’assemblée se prononce contre les auteurs de cette lettre, et contre les ennemis de l’humanité, en passant à l’ordre du jour.] (100) L’assemblée passe à l’ordre du jour (101). 62 Un membre donne lecture d’une adresse de la société populaire de Vannes [Morbihan] à la Convention nationale : « La liberté ou la mort est notre devise, disent les républicains composant cette société ; la Convention nationale notre point de ralliement, son autorité notre guide, et son dévouement dans les journées des 9 et 10 thermidor nous servira, dans tous les temps, de modèle et de règle; anathème à quiconque s’écartera de ces principes, bases fondamentales de l’unité et de l'indivisibilité de la République ». Mention honorable et insertion au bulletin (102). [La société populaire de Vannes, à la Convention nationale, du 7 vendémiaire an III] (103) Représentais d’un Peuple libre, La liberté ou la mort est notre devise, la Convention nationale notre point de ralliement, son autorité notre guide, et son dévouement dans les journées des 9 et 10 thermidor nous servira dans tous les tems de modèle et de règle. Anathème à quiconque s’écarteroit de ces principes, base fondamentale de l’unité, et de l’indivisibilité de la République. Nous avons frémi d’indignation et d’horreur en apprenant que des scélérats, comprimant aujourd’hui les Jacobins de Paris et de Marseille, osent lever une tête audacieuse, et cherchent à rivaliser l’autorité nationale; ces sociétés, justement célèbres par leur patriotisme, leur dévouement et leur amour pour la liberté, deviendroient-elles donc l’attelier où l’on forge de nouvelles chaînes, le repaire où s’aiguisent les poignards qui doivent tuer l’égalité? Non; les vrais républicains entendent la voix de la Patrie; ils se presseront autour de la représentation nationale, et reconnoîtront avec elle la nécessité de frapper, sans commisération, tous les intrigans qui dirigent ces machinations perfides. Sénat françois, un instant de danger pour la liberté est un attentat que tu réprimeras sans doute ; chasse donc ces voleurs de la maison du Peuple ; lève encore une fois la massue de la liberté ; fais-la tomber avec force sur ces hommes qui n’existent que par le crime. C’est la masse de leurs forfaits, c’est le souvenir de leurs di-(100) J. Paris, n° 16. (101) Moniteur, XXII, 170-171. (102) P.-V., XLVII, 27. (103) C 322, pl. 1352, p. 13. Débats, n” 746, 269; Moniteur, XXII, 172.