488 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { décembre 179 tout, me faisaient part quelquefois de leur opi¬ nion, je l’appréciais avec une sévère impartia¬ lité, je prononçais, et c’est ainsi que, sans être revêtus d’aucun pouvoir, impuissants pour nuire, organisés seulement pour être utiles, ces hommes laborieux ont fait terminer en deux mois plus de quatre cents affaires ou opérations de tout genre, révolutionnaires, administra¬ tives, judiciaires; leur activité bienveillante à la fois et sévère s’étendait à tout, et par elle je faisais marcher, chacune dans leur sphère, jus¬ qu’aux autorités les moins influentes dans des jours de révolution, ou qui, trop souvent entra¬ vées et primées par quelque pouvoir supérieur, sont exclues à tort de participer à la régénéra¬ tion commune. A cet établissement, j’ai lié celui de commis¬ saires civils, que j’ai choisis avec le plus grand soin, ou plutôt qui m’étaient désignés par l’opi¬ nion publique. Chacun de ces commissaires, muni d’instructions détaillées, dirigeait dans les campagnes et dans les communes une force révolutionnaire que j’avais empruntée de l’ar¬ mée. Je le dirai encore, dans cette mesure j’avais eu le bonheur de pressentir un autre décret que la Convention nationale a rendu six semaines après. Quoique ayant sous ses yeux l’exemple d’armées révolutionnaires créées par plusieurs représentants dans les départements où ils étaient envoyés, je n’ai pas voulu former dans celui du Haut-Rhin une armée de ce genre. Vainement, dira-t-on que ceux de mes collègues -qui en ont fait usage n’avaient, comme j’en suis convaincu, que de très bonnes intentions, et que le succès n’a pas cessé de répondre à la pureté de leurs intentions; toujours est-il que l’existence d’une armée révolutionnaire, indé¬ pendante des autres armées, rappelle trop sen¬ siblement le souvenir de ce fédéralisme, de ces fatales divisions qui ont manqué nous coûter naguère la force, la puissance, la grandeur de la France, la sûreté et le bonheur de la Répu¬ blique. A quels maux ne se verrait pas encore exposé ce vaste empire, si chaque département renfermait dans son sein le moyen de faire la guerre à ses voisins? 11 importait de prévenir un aussi grave inconvénient, et d’un autre côté cependant jamais les lois n’eussent repris leur autorité, jamais les subsistances n’eussent reparu, jamais les assignats n’eussent remonté à leur valeur, jamais enfin le Haut-Rhin ne fût redevenu semblable aux autres départe¬ ments de la République, sans une force active se transportant partout à la fois et déconcertant par sa présence le conspirateur, l’aristocrate, l’agioteur, l’accapareur. Je pense qu’il n’y avait d’autre parti que celui que j’ai pris, de détacher des divers cantonnements de l'armée du Haut-Rhin une certaine quantité de volon¬ taires répandus d’abord dans chaque district et distribués ensuite par petites parties, d’où il suit qu’il n’existait point d’armée révolu¬ tionnaire, mais seulement une force requise pour certaines opérations, toujours prête à rentrer dans la masse de l’armée, au moment où elle pouvait y devenir nécessaire. En effet, je n’ai fait mouvoir momentanément ces différents détachements qu’ après m’être assuré auprès du général Schérer, qui commande la division du Haut-Rhin, et au zèle duquel je me plais ici à rendre justice, qu’ils ne lui étaient pas rigou¬ reusement nécessaires pour la défense du pays. Plusieurs fois, des mouvements de l’ennemi, ou au moins des tentatives qu’il ne fallait pas négli¬ ger, m’ont mis dans le cas d’en renvoyer un cer¬ tain nombre à leur poste, aussitôt que le général les redemandait. Par là tout a été concilié, la sûreté et les principes; par là j’ai opéré pres-qu’à la fois, dans le Haut-Rhin, la guérison révolutionnaire : hommes et choses, tout a plié sous la loi. Nous avons saisi les prêtres conspi¬ rateurs qui intriguaient au lieu de se faire déporter, les barons alsaciens qui pleuraient la monarchie et leurs trente-six quartiers. Nous avons connu les besoins du pauvre, les cachettes du riche. Je n’ai point imposé de taxes, parce qu’on était revenu de cette mesure et que je me fusse écarté de l’esprit de sagesse qui dirige les combinaisons du comité de Salut public et les décrets de la Convention hationale; mais j’avais établi un tribunal révolutionnaire, ainsi qu’ont fait plusieurs représentants, et les amendes qu’il prononçait contre les riches coupables, contre les juifs agioteurs, en un mot contre les ennemis de la prospérité publique, m’ont fourni souvent l’occasion de servir le peuple et de réparer ses malheurs. Je ne puis mieux rendre compte de ma mis¬ sion qu’en plaçant ici les deux arrêtés que j’ai pris, l’un pour l’établissement du comité d’acti¬ vité révolutionnaire, l’autre pour l’instruction des commissaires civils destinés à diriger les mouvements de la force requise. Ces deux pièces, qui ont été comme les deux pivots sur lesquels a roulé ce qui s’est passé de plus remar¬ quable (car je dois omettre ici une multitude de mesures de détails), ces deux pièces, dis-je, feront connaître plus positivement que tout ce que je pourrais ajouter, et l’état du Haut-Rhin, et les maux dont il était la proie, et les remèdes que j’y ai employés. Je me suis attaché à réunir dans ces deux actes tout ce qui pouvait concer¬ ner l’ensemble et les localités du Haut-Rhin; ils en sont, pour ainsi dire, l’histoire générale et particulière. Arrêté du représentant du peuple envoyé dans le département du Haut-Rhin, pour y prendre les mesures de sûreté générale. Le représentant du peuple envoyé dans le département du Haut-Rhin, Considérant que le département du Haut-Rhin, voisin de l’ennemi, renferme d#ns son sein un grand nombre de contre-révolution¬ naires, de fanatiques, d’accapareurs, d’agioteurs, d’hommes cupides et égoïstes; Que leurs trames perfides mettent journel¬ lement en danger la subsistance du peuple, portent des atteintes funestes à la fortune publique, en discréditant et avilissant les assi¬ gnats par toutes sortes de moyens; Que les lois sur le maximum des grains, l’ap¬ provisionnement des marchés et la taxe des denrées sont souvent méconnues ou faiblement exécutées ; Que le défaut d’établissement des comités de surveillance dans plusieurs communes, ou leur composition illégale, protège les hommes sus¬ pects et favorise leurs complots ; Que les signes de la féodalité et de la supers¬ tition souillent encore les regards de l’homme libre; Que les patriotes ont besoin d’être soutenus et encouragés par toute la puissance nationale; Qu’il est temps de déployer l’énergie du gou¬ vernement révolutionnaire, pour élever le dé¬ partement à la hauteur de la République; [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Jj �cô“b*" !'793 489 Que le moyeu le plus prompt et le plus effi¬ cace d’opérer cette régénération à la liberté, est d’employer révolutionnairement l’action de la force publique, et de créer un foyer toujours actif de surveillance, qui accélère la punition des coupables et imprime la terreur aux mal¬ veillants, Arrête ce qui suit : Art. 1er. « La force publique requise par le représen¬ tant du peuple pour assurer révolutionnaire¬ ment l’exécution des lois et mesures de sûreté générale dans le département du Haut-Rhin, sera distribuée dans les trois districts de ce département, et dirigée par des commissaires civils munis d’une instruction sur la nature de leurs fonctions. Art. 2. « Ces commissaires feront parvenir le compte de chacune de leurs opérations au comité d’ac¬ tivité révolutionnaire qui sera établi dans le chef-lieu du département du Haut-Rhin. Art. 3. « Ce comité sera composé de sept patriotes révolutionnaires. Art. 4. « Le comité chargé de se procurer tous les renseignements relatifs à la sûreté générale et à l’exécution des lois, recevra les rapports des commissaires civils, et généralement toutes dé¬ nonciations quelconques faites par les citoyens ; il les transmettra, sous sa responsabilité, dans les vingt-quatre heures, soit aux comités de surveillance, soit aux administrations, soit aux officiers de police municipale, correctionnelle et de sûreté, soit h l’accusateur public du tribu¬ nal criminel ou du tribunal révolutionnaire, et rendra compte habituellement au représentant du peuple des poursuites faites en conséquence par les diverses autorités, pour la punition des coupables. Art. 5. « Pour le maintien de la défense commune, le comité d’activité révolutionnaire, correspon¬ dra fraternellement avec le comité central de surveillance établi dans le chef-lieu du dépar¬ tement du B as-Rhin. Art. 6. « Les devons imposés au comité n’atténuent en aucune manière la responsabilité des divers fonctionnaires publics, ni leurs relations avec les autorités supérieures, ni la surveillance que les Sociétés populaires ont droit d’exercer sur toute espèce d’agents civils et militaires. Art. 7. « Tout citoyen est tenu de dénoncer les cons¬ pirateurs, les prêtres à déporter, les émigrés, les citoyens qui se seraient soustraits à la réqui¬ sition, ou qui auraient déserté leurs drapeaux, et en général tous les hommes suspects, les complots contre-révolutionnaires, les malversa¬ tions, abus et prévarications, les accaparements, l’agiotage, l’exportation de grains ou denrées hors du territoire de la République, le numé¬ raire vendu ou enfoui, l’argenterie d’église recélée, les marchés faits ou projetés verbale¬ ment ou par écrit, soit à un prix excédant la taxe, soit à des prix différents, à raison du paie¬ ment en numéraire ou en assignats. Art. 8. « Tout individu, toute commune qui s’oppo¬ serait, par quelque moyen que ce soit, aux opé¬ rations dont les commissaires civils sont char¬ gés, seront traités comme rebelles, sans préju¬ dice de l’exécution des lois contre les attrou¬ pements séditieux. Art. 9. « Le comité d’activité révolutionnaire est lui-même sous la surveillance du peuple, tout citoyen est tenu de dénoncer au représentant les négligences ou malversations dont les membres du comité pourraient se rendre cou¬ pables. Art. 10. « Le présent arrêté sera sur-le-champ im¬ primé dans les deux langues, et envoyé par le directoire du département, sous sa responsabi¬ lité, aux trois districts qui, sous la même res¬ ponsabilité, le feront parvenir sans délai à toutes les communes de leur ressort, pour être publié de la manière la plus solennelle, et affi¬ ché dans les vingt-quatre heures de la réception, au nombre de quatre exemplaires au moins pour les communes les moins peuplées; les officiers municipaux seront solidairement res¬ ponsables du défaut de publication et affiche, et, dans ce cas, traités comme complices des enne¬ mis de la liberté. Colmar, quartidi, 3e décade de brumaire de l’an II de la République française, une et indi¬ visible. Signé : Hérault. Instructions 'pour les commissaires civils. Art. 1 er. Les fonctions des commissaires civils sont de diriger la force armée, d’accélérer toutes les mesures révolutionnaires, de procurer en même temps l’exécution des lois les plus importantes à l’intérêt public. Art. 2. 11 y aura habituellement trois commissaires civils pour chacune des divisions réparties à Colmar, à Belfort et à Altkireh, sauf à en augmenter le nombre s’il est nécessaire, et sauf les commissaires civils extraordinaires qui seraient envoyés par les représentants du peuple. Art. 3. Chaque grande division de la force révolution¬ naire sera partagée en trois détachements com¬ mandés chacun par un chef, excepté les cas où il sera nécessaire de réunir deux détachements, ou une division tout entière. Le commissaire civil pourra envoyer de moindres détachements pour les expéditions où un petit nombre d’hommes sera suffisant. - Art. 4. Les commissaires civils veilleront dans chaque mouvement de la force armée, à ce que les vivres du détachement soient assurés, de sorte 490 néanmoins que oes mesures puissent se concilier avec le secret des opérations. Ils se concerteront à cet égard avec les com¬ missaires deB guerres, il en sera de même pour les logements si la force armée est obligée de séjourner dans une commune où les logements n’auraient pas été marqués, les commissaires civils inviteront, et en cas de refus de satisfaire à l’invitation, ils requerront les municipalités de fournir le logement nécessaire au détache¬ ment. Art. 5. Les commissaires civils dirigeront les pre¬ miers pas de la force armée révolutionnaire vers les points de la frontière de chaque district, et dans les lieux qu’ils sauront être les plus sus¬ pects. Ils s’attacheront à se procurer les renseigne¬ ments les plus positifs sur les personnes et sur les choses; ils se concerteront avec les Sociétés populaires, les patriotes connus, les comman¬ dants militaires, etc. Art. 6. Ils auront soin de tenir secrète autant qu’il sera possible la marche et la direction de la force armée, de peur que les gens suspects et les malveillants, avertis par un ordre de marche régulier, ne s’échappent ou n’aillent se cacher dans un lieu d’où la force armée serait sortie : c’est aux commissaires civils de prendre sur ce point toutes les précautions que la prudence leur dictera. S’ils sont instruits qu’il existe dans un lieu quelconque des individus dont l’arrestation est importante, et qui peuvent s’échapper d’un moment à l’autre, ils pourront et devront même, dans tous les cas urgents, envoyer sur-le-champ, à quelque distance que ce soit, même dans l’arrondissement d’un autre district ou dépar¬ tement, le nombre suffisant d’hommes pour saisir ces individus; les commissaires civils don¬ neront dans ces cas, à ceux qui seront chargés d’arrêter, une réquisition par écrit de saisir les personnes, correspondances, etc..., et de con¬ duire les personnes dans la prison ou maison d’arrêt la plus sûre et la plus voisine. Tout porteur de réquisition de la part des commissaires civils aura en leur absence le droit de requérir le juge de paix du canton, et à son défaut la municipalité du lieu, d’apposer les scellés sur les papiers des individus arrêtés et de faire la visite de leurs maisons, si l’on soup¬ çonne qu’il y ait des papiers ou effets suspects cachés; en cas de refus ou retard coupable de la part de ces fonctionnaires, ils seront dénoncés au comité central, et les porteurs de réquisition se saisiront des papiers et effets suspects, dont ils dresseront état en présence de deux officiers municipaux ou de deux habitants, qui signeront cet état ; ces papiers et effets seront envoyés au tribunal qui sera saisi du procès des accusés. Art. 7. Hors ces cas particuliers, les opérations ordi¬ naires des commissaires civils à leur arrivée dans chaque commune, sont : 1° De notifier leurs pouvoirs à la municipa¬ lité du lieu, si elle est assemblée, et si elle ne l’est pas, au maire ou au procureur de la com¬ mune, ou à tout autre officier municipal trouvé sur les lieux ; , 9 nivôse an II 29 décembre 1793 2° De proclamer, en présence des citoyens convoqués au son de la cloche, les articles 7 et 8 de l’arrêté du représentant du peuple, du quar-tidi, 2e décade de brumaire, et d’inviter tous les citoyens à faire les dénonciations des per¬ sonnes et faits dénommés en l’article 7 ; 3° De rechercher, faire arrêter sur-le-champ et conduire en la maison d’arrêt de Colmar : Les émigrés trouvés sur le territoire français ; Les ecclésiastiques séculiers ou réguliers dé¬ nommés dans les lois des 21 et 22 avril dernier, et 29 et 30 du premier mois de l’an second de la République; Les déserteurs français et étrangers, les es¬ pions ennemis, tous les étrangers nés sur le ter¬ ritoire des puissances avec lesquelles la Répu¬ blique est en guerre, sauf les exceptions portées par les lois relatives à l’arrestation des étran¬ gers; Les accapareurs et tous ceux qui sont répu¬ tés tels par la loi du 25 juillet 1793; Ceux qui entretiennent des correspondances avec les émigrés ; Ceux qui ont recelé des émigrés ou prêtres sujets à la déportation; Ceux qui exportent hors du territoire fran¬ çais du numéraire, des grains, denrées ou objets dont l’exportation est défendue; ceux qui favo¬ risent directement ou indirectement ces expor¬ tations et notamment de surveiller les employés des douanes sur toute la frontière, ainsi qu’ autour de Mulhouse; Ceux qui se sont soustraits aux réquisitions, ou qui auront déserté leurs drapeaux sans per¬ mission; Ceux qui ont tenu et tiennent des propos royalistes, fédéralistes ou contre-révolution¬ naires, ou tendant à avilir les assignats; Ceux qui vendent à deux prix, en numé¬ raire ou en assignats; Ceux qui vendent au-dessus de la taxe; Les ministres de tous les cultes, même ser-mentés, qui feraient des prédications antirévo¬ lutionnaires ; Ceux qui ont empêché les recrutements, ou caché les citoyens qui y étaient soumis ; Ceux qui ont fomenté ou provoqué des sédi¬ tions ; Ceux qui ont favorisé l’invasion de l’ennemi ou des émigrés; Ceux qui se sont opposés ou n’ont pas satis¬ fait aux réquisitions faites par les représentants du peuple ou par les administrations, en che¬ vaux, denrées, fourrages ou voitures; 4° De vérifier les passe-ports, spécialement des gens inconnus, des militaùes qui se trou¬ vent sur les routes, et de faire arrêter tous ceux qui paraîtront suspects; 5° De saisir les chevaux de luxe non déclarés ou saisis en vertu de la loi, et de les faire con¬ duire au chef -lieu du district; 6° De rechercher le numéraire, argenterie, bijoux et autres objets d’or ou d’argent enfouis, aux termes de la loi qui ordonne la confiscation de ces objets, de les saisir et envoyer à l’Adminis¬ tration du district sous bonne et sûre garde; dans ce cas, les commissaires civils se feront accompagner de deux officiers municipaux, ou de deux citoyens du lieu, qui signeront le pro¬ cès-verbal détaillé de toutes les sommes et effets qui seront trouvés enfouis; 7° De faire exécuter l’arrêté des représen¬ tants du peuple Milhaud et Guyardin, et celui du département du Haut-Rhin, concernant [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j * "lvôse.a« » 491 1 ) 29 décembre 1/93 l’enlèvement des ornements d’or et d’argent et des signes extérieurs du culte. Ils prendront, pour l’enlèvement et l’envoi de ces objets qui seraient d’or, d’argent, de cuivre ou de plomb les mêmes précautions que celles indiquées pour le numéraire enfoui. Tout commissaire civil, tout citoyen compo¬ sant la force armée, ou autre qui s’approprierait, détournerait à son profit, recèlerait ou sous¬ trairait, de quelque manière que ce soit, aucun des objets ci-dessus désignés, sera à l’instant arrêté et traduit dans les prisons de Colmar, pour y être puni suivant la loi ; tout citoyen est tenu, sous la même peine, de dénoncer les abus, négligences et concussions qui pourraient être commis à ce sujet. Les commissaires civils et tous les citoyens de la force armée employés à cette opération seront solidairement respon¬ sables des contraventions aux présentes dispo¬ sitions ; 8° De rechercher les causes et les détails des mouvements contre-révolutionnaires et des as¬ sassinats qui ont eu lieu à cette occasion dans quelques communes, et d’en dénoncer les auteurs et fauteurs au comité d’activité, et de faire arrêter et conduire dans les prisons ceux qui pourront être saisis ; 9° De rechercher les violences, persécutions et arrestations exercées envers des patriotes, de les dénoncer au comité d’activité, ainsi que les comités de surveillance, Sociétés populaires, et les municipalités inciviques ou irrégulière¬ ment formées; 10° De prendre les renseignements sur tous les certificats de civisme ou passe-ports qui auraient pu être accordés à des gens suspects, de rechercher les officiers civils et militaires qui ont été destitués ou suspendus par les auto¬ rités, et d’envoyer leurs noms et demeures au comité central; 11° De prendre des informations sur les ar¬ restations qui pourraient avoii été faites par les comités de surveillance de fonctionnaires publics ou d’employés à un service public, et d’en don¬ ner avis au comité d’activité central, pour être ensuite pris par qui de droit les mesures propres à empêcher l’interruption du service public; 12° De prendre des renseignements sur la sûreté des différentes maisons d’arrêt et pri¬ sons; 33° De rechercher les aimes de calibre et munitions cachées, et de les envoyer à l’Admi¬ nistration du district; 14° De rechercher les personnes suspectes, et en général les individus de tout sexe, que leurs propos, leurs relations, leurs écrits et leur con¬ duite pourraient faire soupçonner d’incivisme; de les dénoncer aux comités de surveillance, des communes où ils habitent : en cas de négli¬ gence ou de défaut d’action de la part du comité de surveillance, les commissaires civils pourront faire consigner civiquement chez eux les indi¬ vidus suspects, et en donneront avis au comité d’activité révolutionnaire; 15° De faire remettre par les municipalités l’état des offrandes civiques faites par les citoyens, en souliers, chemises, bas, etc;... ils veilleront à ce que ces objets soient envoyés aux districts, ils tiendront note des communes où il n’aura été fait aucune offrande civique. Art. 8. Dans tous les cas où les commissaires civils croiraient découvrir des preuves ou traits de complots contre-révolutionnaires dans les pa-, piers ou effets des personnes suspectes, détenues ou non encore arrêtées, soit que les scellés aient déjà été ou non apposés, ils pourront requérir le juge de paix du canton, ou à son défaut la municipalité, de faire apposer les scellés ; en cas de refus, ils saisiront eux-mêmes, les papiers et effets, en feront une description en présence de deux officiers municipaux ou de deux habi¬ tants, et enverront le tout au greffe du tribu¬ nal qui sera saisi du procès de l’accusé. Art. 9. Les commissaires civils sont autorisés à faire toutes visites domiciliaires pour la recherche des personnes et choses suspectes, en se faisant assister de deux officiers municipaux, et en observant dans tous les cas les égards qu’exige le respect des propriétés. Art. 10. Les commissaires civils s’informeront si les commîmes qui avaient coutume d’approvision¬ ner les marchés de légumes, beurre et autres denrées continuent ces approvisionnements, ou quel usage font les habitants de ces objets : s’ils les laissent périr, s’ils les vendent en secret au-dessus de la taxe, ou à deux prix différents, en assignats ou en numéraire, ils feront arrêter et conduire dans la maison d’arrêt les personnes prévenues des délits de cette espèce, et en donne¬ ront avis au comité d’activité, à l’effet de pour¬ suivre dans les tribunaux la punition des cou¬ pables. Ait. 11. Les commissaires civils prendront des ren¬ seignements spéciaux sur les fortunes des riches et des hommes inciviques; ils en tiendront notes, et les feront parvenir au comité d’acti¬ vité, qui les remettra au représentant du peuple, pour servir de base aux taxes révolutionnaires. Art. 12. Les commissaires civils dresseront des procès-verbaux des arrestations qui seront faites par eux, et les adresseront, avec toutes les pièces relatives, au comité d’activité; ils pourront, pour l’exécution de leurs opérations, requérir l’assistance des gardes nationales et de tous les citoyens, même celle de la gendarmerie et, si la défense militaire le permet, celle de l’armée cantonnée ou en garnison, dont la force révolu¬ tionnaire n’est qu’une portion détachée. Art. 13. Les commissaires civils, outre l’exécution des mesures révolutionnaires et des lois, sont encore chargés de s’informer dans chaque commune : 1° Si l’arrêté du représentant du peuple, rela¬ tif à la force armée révolutionnaire, a été envoyé et affiché, aux termes de cet arrêté; 2° Si toutes les lois sont envoyées exacte¬ ment par les Administrations du district, si elles sont lues et affichées dans chaque munici¬ palité; 3° S’il y a des pères, mères, et épouses des défenseurs de la patrie qui se trouvent dans le besoin, ou qui aient besoin de travail; s’il leur a été distribué des secours; si la municipalité a 492 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { on décembre 17'Vi veillé à la culture des terres des défenseurs absents ; 4° Si les contributions sont exactement payées, si les rôles de 1793, et les déclarations de l'emprunt forcé sont faits; 5° Si les biens immeubles des émigrés ont été séquestrés et mis en vente, si le mobilier a été vendu, s’il y a eu des fraudes dans la vente, soit des biens des émigrés, soit dans la vente des autres biens nationaux : ils recueilleront les noms des particuliers ou des fonctionnaires publics qui auraient commis ou favorisé des fraudes ; 6° Si le service des hôpitaux se fait exacte¬ ment. Art. 14. Pour détruire à la fois et sans retour les intel¬ ligences que l’ennemi ne cesse d’entretenir sur cette frontière, intelligences qui ont perdu l’esprit public du département du Haut-Rhin, et qui mettent en danger le salut de la Répu¬ blique, la force révolutionnaire fera rapidement la chasse et la capture de tous les mauvais citoyens. Au nombre de ceux qui appellent la surveil¬ lance la plus sévère, sont spécialement indiqués : 1° Les Juifs qui n’ont aucun métier, et qui ne feignent d’être soumis aux lois que pour exercer avec plus de sécurité un infâme agiotage; 2° Les ex-nobles, presque toujours inacces¬ sibles à la philosophie, à l’humanité, et néces¬ sairement ennemis d’une révolution qui les dépouille, lorsqu’ils n’y ont point coopéré par des actes positifs et non équivoques; 3° Les gardes des forêts, la plupart valets des ex-nobles, des ci-devant conseillers, des ci-devant princes, soupçonnés de recéler des émi¬ grés, des déportés, et de faciliter dans les bois des communications dangereusés; 4° Les curés et vicaires réfractaires; 5° Les employés aux douanes, dont le mau¬ vais choix et la cupidité ont souvent causé à la République les plus grands préjudices; 6° Les pêcheurs et bateliers prévenus de s’être entendus avec' les pêcheurs de la rive opposée du Rhin, pour faire leur métier comme par le passé, sous la protection réciproque des armées ; 7° Les individus fanatiques qui sont précé¬ demment sortis du territoire de la France, sous le prétexte d’aller en pèlerinage à Notre-Dame-des-Ermites, et Notre-Dame-de-la-Pierre; 8° Les Français ou étrangers entrant et sor¬ tant avec des passe-ports délivrés par des muni¬ cipalités; 9° Les déserteurs étrangers, et les individus ■dispersés qui, ayant quitté le corps des Francs-tireurs établis le long du Rhin, sont suspects ■d’entretenir encore des intelligences criminelles ; 10° Ceux qui refusent ou diffèrent de pré¬ senter publiquement sur leurs maisons les signes extérieurs de l’unité, de l’indivisibilité de la République, de l’égalité, de la liberté et de la fraternité, Burtout les fonctionnaires publics qui, malgré les exemples consignés dans les papiers publics ou même offerts à leurs yeux, balancent à se prononcer, comme s’ils crai¬ gnaient encore que les Autrichiens et les émi¬ grés n’apprissent un jour qu’ils ont paru faire un vœu pour la liberté. Art. 15. Il sera rigoureusement veillé à toute espèce d’exportation et d’importation, sauf de plus grandes mesures qui seront prises sans délai pour arrêter toute correspondance avec l’en¬ nemi. Art. 16. Les commissaires civils feront journellement parvenir le compte de leurs opérations au co¬ mité d’activité révolutionnaire. Les commissaires civils sont responsables de l’exécution de toutes leurs opérations; en cas de malversations, d’abus de pouvoir, de vexa¬ tions, de violences inutiles, de dilapidations, de concussions, ils seront destitués, arrêtés et li¬ vrés aux tribunaux ; ils seront tenus, sous peine d’être réputés complices, de dénoncer tous les citoyens de la force armée qui se seraient ren¬ dus coupables de quelque excès, ceux-ci seront soumis à la même obligation. La présente instruction sera imprimée dans les deux langues, lue par les commissaires civils à la tête de la force armée qu’ils sont chargés de diriger, reihise aux chefs de chaque détachement, et consignée dans les registres du tribunal révo¬ lutionnaire et du comité d’activité révolution¬ naire. A Colmar, le 2e jour de frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. Hérault. J’assistais le plus souvent qu’il m’était pos¬ sible aux séances des Sociétés populaires, dont la première heure était employée à la lecture des lois, des nouvelles et des meilleurs journaux, et dont les autres, réservées aux discussions, ont été souvent marquées par des élans énergiques, par des sacrifices touchants, par des actes mémo¬ rables de désintéressement, de dévouement à la patrie. Ces Sociétés nombreuses, mais ne se trouvant pas encore assez pures pour leur sublime destination, car de mon côté je me faisais un devoir de les consulter sans cesse, comme étant l’œil de la patrie, les foyers de l’opinion publique, les sommets de la bienveil¬ lance, ces Sociétés firent tout à coup un retour sur elles-mêmee. Peut-être une de mes démarches provoqua-t-elle ce mouvement. Il existait depuis nombre d’années à Colmar une association connue sous le nom de Tabagie littéraire. Comp¬ tant parmi ses fondateurs quelques hommes qui ont abandonné la liberté et la France, ne pou¬ vant se soutenir qu’à l’aide de citoyens riches ou aisés, vu ses nombreuses dépenses et les em¬ bellissements de son local, cette Société, à l’exception de plusieurs membres d’un patrio¬ tisme non encore inculpé, n’offrait en général sur son tableau que des aristocrates, des modé¬ rés, des feuillants, des amis de l 'ordre, quelque¬ fois même encore des noms d’émigrés. Sous un gouvernement révolutionnaire, son existence était une insulte à la sans-culotterie, une sépa¬ ration indécente, une dérogation vraiment cou¬ pable aux saintes lois de l’égalité. Comme en révolution il n’y a point d’académicien, que tout homme doit être peuple, que toute Société ne peut être qu’une Société populaire, je me fis un devoir d’anéantir ce rassemblement, d’en brûler les registres, d’effacer jusqu’à son sou¬ venir. Cette justice fut accueillie du peuple avec transport ; d’éclatantes acclamations signalèrent