384 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �imaire an II L J 12 décembre 1/93 mer la liberté de son mari détenu depuis plus de sept semaines dans la prison de Sainte-Pélagie « Ce n’est pas une faveur qu’elle vient deman¬ der, c’est la justice même. Le citoyen Sellier, son mari, corroyeur dans le faubourg Saint - Antoine, capitaine d’une compagnie de sa sec¬ tion, patriote reconnu par tous ses concitoyens, n’a jamais démérité un seul instant. « Déjà quatre députations de sa section se sont présentées au comité de sûreté générale pour le réclamer et attester son innocence et son patriotisme. Elle espère qu’elle n’aura pas réclamé en vain et que l’Assemblée voudra bien ou lui rendre son mari, le seul soutien qu’elle ait, ou ordonner un prompt rapport de son affaire. « Citoyenne Sellier. « Ce 19 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. » Des citoyennes de différentes sections de Paris réclament la liberté de leurs maris, frères et au¬ tres parents détenus. La Convention renvoie leur pétition au comité de sûreté générale (1). Suit la pétition des citoyennes des différentes sections de Paris (2). « Citoyens législateurs, « Vous voyez devant vous des épouses malheu¬ reuses, mères de famille accompagnées de leurs enfants, des sœurs et parentes de citoyens, dont les maris, les pères, les frères et les parents sont en captivité. « Pénétrées de respect pour vos décrets et de nos devoirs envers la République, c’est aux dignes représentants d’un peuple libre que nous venons, avec une entière confiance, demander pour nos maris, nos pères, nos frères et ncs parents la justice qu’ils doivent attendre et la liberté qui leur est due. « De simples soupçons, ou l’erreur d’un mo¬ ment ne peuvent les retenir plus longtemps dans les fers, et par là priver leur famille des secours que nous toutes avons le droit d’attendre d’eux; mais s’ils sont coupables, comme de vraies répu¬ blicaines, nous les verrons, non sans douleur, mais sans murmures, subir la peine qu’ils auraient encourue. Comme nous ne doutons pas qu’ils ne sont que victimes des circonstances du jour, la nature et l’honneur nous font un devoir de les défendre, et de venir réclamer pour eux le premier des droits sacrés de l’homme, qui est la liberté. « Cette cruelle séparation, citoyens législa¬ teurs, occasionne non seulement des besoins dans nos familles, mais encore, elle est une source de dangers pour nous ; et les mœurs doivent être les premiers fondements d’une République, vous avez vous-mêmes senti cette vérité, nous avons recueilli avec attendrissement les paroles do celui d’entre vous qui provoqua votre der¬ nier décret concernant les détenus. « C'est trop d'un jour de détention , dit-il, pour l'innocent opprimé ! « Vous, pères de la patrie, dignes défenseurs des droits de l’homme, dont la liberté et l’éga¬ lité sont les deux premiers, pesez dans votre sagesse toutes ces considérations, complétez cette loi que les malveillants cherchent à calomnier, donnez à la République française un mode d’exécution prompt, facile et clair pour votre décret concernant les détenus. Par ce moyen nous apercevrons un terme aux malheurs qui nous accablent par la privation où nous sommes de nos maris, de nos pères, de nos frères et de nos parents qui nous sont aussi chers qu’ils peuvent être utiles à la République. « Nous attendons, citoyens législateurs, cet acte de votre justice; nous le réclamons avec la confiance que nous avons droit d’attendre de votre équité. « Paris, ce 22 frimaire, l’an II de la République française une et indivisible. « Delahaye, au nom des citoyennes de toutes les sections; fille Frémont, femme Loyauté. » La citoyenne épouse du citoyen Carruyer [Le Carruyer] réclame la liberté de son mari, qui, comme ex-noble, avait d’abord été relâché, sous caution, mais ensuite réincarcéré par ordre du comité de sûreté générale. La pétition est renvoyée à ce même comité (1). Suit la pétition de la citoyenne Le Caruyer (2). La citoyenne Le Caruyer, aux citoyens législateurs. « Justice, législateurs, j’en appelle à votre conscience, aux vertus que vous professez, sur-lout à l’humanité. Mon mari, mis depuis trois mois sous caution comme ex-noble, depuis trois semaines incarcéré par un ordre du comité de sûreté générale, qui porte que toute personne sous caution doit être mise en maison d’arrêt. Je n’ai pas même la jouissance de l’y voir. « S’il eût été suspect, quatre citoyens eussent - ils répondu de lui? Sa section aurait apposé les scellés chez lui, et c’est ce qu’elle a constam¬ ment refusé; loin de craindre les informations, il les sollicite et demande qu’outre le procès-verbal de son arrestation, le comité de surveil¬ lance du Temple soit interpellé pour rendre compte de la conduite du citoyen Caruyer; ses principes mis à découvert ne peuvent qu’y gagner. D’après ces informations, s’il est inno¬ cent, rendez-le moi; s’il est coupable, que le glaive de la loi s’appesantisse sur sa tête et sur la mienne. A 16 ans, grosse de trois mois, je croyais voir naître pour moi l’aurore d’un bon¬ heur qui s’est évanoui et qui peut luire encore si, prenant pitié de mes larmes, vous me rendez celui que je pleure. « La loi du 17 septembre ne pouvant que lui être très favorable, d’après son attachement à (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 150. | (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 840. 1 (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 150. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 840. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J| '"“Ji 385 la Révolution, je demande, législateurs, que le comité de sûreté générale soit autorisé à juger dans le plus bref délai le citoyen Caruyer, dont les sentiments républicains ne peuvent que faire honneur à sa patrie et à sa famille. « Le Caruyer. » Compte rendu du Bulletin de la Convention (1). Dans la séance extraordinaire du soir 22 fri¬ maire, un grand nombre de citoyennes ont été admises à la barre de la Convention nationale, elles ont demandé la liberté de leurs maris, de leurs frères et de leurs enfants, détenus par me¬ sure de sûreté générale. Les citoyennes ont été admises aux honneurs de la séance, et la Convention nationale a décrété que la réponse suivante du Président serait insérée au Bulletin. Réponse du Président. Citoyennes, Vous venez réclamer le premier de tous les biens, la liberté de plusieurs citoyens qui vous sont chers, et dont la détention, vous ne pouvez pas vous le dissimuler, a été commandée par une mesure de sûreté générale, qu’ont nécessitée les mouvements sans cesse renaissants des enne¬ mis connus ou cachés de la chose publique. (1) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 4e jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (samedi 14 décembre 1793). D’autre part, le Moni¬ teur universel [in0 85 du 25 frimaire an II (dimanche 15 décembre 1793), p. 342, col. 2], le Mercure uni¬ versel [24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 57C, col. 2] et Y Auditeur national [n° 448 du 24 fri¬ maire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 1] rendent compte de l’admission à la barre de ces citoyennes dans les termes suivants : I. Compte rendu du Moniteur universel. Un grand nombre de citoyennes remplissent la barre; elles réclament la liberté de leurs pères, de leurs époux, de leurs enfants. Le Président. Le salut du peuple est la loi suprême. Cette loi a commandé l’arrestation des gens suspects. Les coupables seront punis, les inno¬ cents renvoyés absous. L’Assemblée vous invite à attendre avec confiance la décision de la loi. x (Vifs applaudissements. ) Cette pétition est renvoyée au comité de sûreté générale. La réponse du Président sera insérée au Bulletin. IL Compte rendu du Mercure universel. Deux citoyennes réclament contre l’arrestation de leurs maris. « Ils étaient bons citoyens, disent-elles, aucun motif ne les mettait dans le cas de la loi contre les gens suspects. » On demande le renvoi de cette pétition au comité de sûreté générale pour faire un prompt rapport. Voulland. J’observe que le comité est surchargé de 10,000 demandes de cette espèce; il est impos¬ sible qu’il puisse vous en faire de prompts rapports. Merlin propose que le comité de sûreté générale se divise en sections et s’adjoigne des membres pour qu’une section ne soit entièrement occupée que des réclamations sur les incarcérations. Voulland. Votre comité s’occupe journellement lre SÉRIE, T. LXXXI. Par une confusion affectée, on s’obstine à ne vouloir mettre aucune différence entre les citoyens coupables et ceux qui ne sont mis en état d’arrestation que comme suspects. « Que leur tête, s’écrie-t-on, chaque jour, avec un perfide apitoiement, que leur tête tombe sous le glaive de la loi, si l’intérêt de la patrie l’exige; on nous verra, sans aucune commisération, provoquer la vengeance nationale ou y applau¬ dir. » La République, citoyennes, ne peut absolu¬ ment vous savoir gré de ce généreux dévoue¬ ment; car il ne s’agit point ici de coupables à poursuivre ou à punir. S’il en existait parmi les détenus pour lesquels vous venez réclamer, ils seraient sous la main vengeresse de la justice, dont le cours ne peut jamais être interrompu; il n’est question dans ce moment que de citoyens suspects, dont l’influence dangereuse a été constamment éprouvée dans les diverses crises d’une Révolution trop longtemps retardée dans sa marche. Elle ne peut plus l’être désor¬ mais. Le salut du peuple, qui sera toujours la suprême loi de ses représentants, exige que la malveillance des gens suspects soit enfin enchaî¬ née, en s’assurant provisoirement de leur per¬ sonne. Si la loi du 17 septembre a frappé sur des individus qui devaient en être à l’abri, ras¬ surez-vous sur l’impartiale équité de la Conven¬ tion nationale : jalouse de se montrer toujours sévère avec justice, elle pèsera dans sa sagesse votre pétition, et le succès, si elle est fondée, ne tardera pas à répondre à vos espérances. de ces réclamations; souvent il passe des nuits entières à les examiner. Vous avez décrété une loi le 8 août contre les gens suspects; rappelez-vous que, lorsque vous l’avez rendue, vous aviez à vous repro¬ cher de ne l’avoir pas fait plus tôt, car si vous l’eus¬ siez fait, Dumouriez n’eût pas trahi; nos frères n’eûssent pas été les victimes de sa perfidie; et si vous n’eûssiez pas porté cette loi, Custine, Hou-chard et tant d’autres conspirateurs vivraient en¬ core. Lorsque la Convention a prononcé cetté loi, ce n’était pas qu’elle pensât que ceux qui seraient arrêtés seraient vraiment coupables, mais c’était pour enchaîner la malveillance de ces hommes qui auraient pu servir les desseins de Pitt et de Gobourg. Je vous le déclare : si ceux pour qui on réclame sont vraiment patriotes, ils doivent se féliciter de souf¬ frir pour la liberté. Rapportez-vous-en au zèle de votre comité de sûreté générale, qui ne désire rien tant que de rendre la liberté aux innocents. Je con¬ clus pour l’ordre du jour, et le renvoi des pétitions au comité de sûreté générale. (Décrété.) III. Compte rendu de Y Auditeur national. Plusieurs citoyennes se sont présentées à la barre pour réclamer la liberté de leurs époux ou parents détenus par mesure de sûreté générale. Elles ont demandé qu’ils fûssent jugés et remis en liberté, s’ils n’étaient pas coupables. Le Président leur a répondu : « Le salut du peuple est la suprême loi. Cette loi a commandé l’arrestation des gens suspects. La Convention natio¬ nale pèsera dans sa sagesse vos réclamations. Soyez sûrs que la loi punira les coupables et absoudra les innocents. La Convention vous invite à attendre avec confiance la décision de la loi; le bonheur du peuple est son unique objet. » Les pétitions sont renvoyées au comité de sûreté générale. La réponse faite par le Président sera insé¬ rée au Bulletin. 25