SÉANCE DU 3e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (VENDREDI 19 SEPTEMBRE 1794) - N°* 11-12 285 Un membre [Monnel] au nom du comité des Décrets, Procès-verbaux et Archives, observe qu’un très grand nombre de procès-verbaux des séances des mois de thermidor et fructidor n’ont point encore été lus et remis aux Procès-verbaux (23). Sur sa proposition, la Convention nationale décrète que les secrétaires chargés de la rédaction des procès-verbaux des séances des mois thermidor et fructidor, qui n’ont point encore été lus, sont tenus de les lire et de les déposer dans quatre jours, à dater du présent décret; et qu’à l’avenir les secrétaires seront tenus de soumettre à la Convention et de déposer aux Procès-verbaux, dans les six jours ceux qu’ils se trouveront chargés de rédiger (24). 11 Un membre fait, au nom des comités des Domaines, Aliénation, et de Législation, un rapport, et présente un projet de décret relatif à une concession de terrein du marais de Ranville [département du Calvados], en faveur du citoyen Avassel. La Convention en décrète l’ajournement (25). [ Projet de décret en faveur du citoyen Avassel, présenté le 3e jour des sans-culottides an II] (26) La Convention nationale après avoir entendu le rapport de ses comités d’Aliénation et Domaines réünis et de Législation décrète ce qu’il suit : La Convention nationale confirme la concession faite au citoyen Avassel de 213 acres 93 perches du marais de Ranville par les arrêtés du conseil des 10 décembre 1765 et 31 janvier 1769, déclare nul et de nul effet les jugemens du tribunal du district de Caen du 14 juillet 1792, du tribunal du district d’Argentan du 19 février 1793 et du tribunal de cassation du 29 vendémiaire dernier. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance. 12 Sur le rapport du comité d'Agriculture, la Convention nationale rend le décret (23) J. Perlet, n° 727 : cette gazette indique qu’il manque 21 procès-verbaux de thermidor et 11 de fructidor. (24) P.-V, XLV, 336-337. C 318, pl. 1287 p. 26. Décret n° 10 951. Minute de la main de Monnel, rapporteur. (25) P.-V., XLV, 337. Décret non mentionné par C* II 20, 3e jour s.-c. (26) C 318, pl. 1287, p. 28. Signature illisible, en marge mention : ajourné. suivant en faveur du citoyen Vincent Denis, cultivateur. La Convention nationale, après avoir entendu [Roux, au nom du] comité d’Agri-culture sur la pétition du citoyen Vincent Denis, cultivateur à Brienon [-sur-Arman-çon, ci-devant Brienon-l’Archevêque], district de Saint-Florentin [département de l’Yonne], accusé d'avoir transporté sans acquit à caution seize bichets de blé aux citoyens Usaune, et Chaumet, dont il cultivoit les terres, décrète : La Convention nationale annulle le jugement rendu par le tribunal de police correctionnelle d'Auxerre, contre le citoyen Vincent Denis cultivateur à Brienon, district de Saint-Florentin, et ordonne que le blé qui lui a été confisqué, ainsi que sa voiture et ses chevaux, lui seront rendus, ainsi que l’amende à laquelle il a été condamné (27). ROUX, au nom du comité d’Agriculture et des Arts : Vincent Denis, fermier et père de quatorze enfants, dont trois combattent aux frontières, habitant de Brienon, district d’Auxerre (sic), ayant à conduire chez les citoyens Usaune et Chaumet 16 bichets de blé, en paiement de location d’une maison et de terres qu’il exploite, à eux appartenantes, se présenta à sa municipalité pour avoir un acquit à caution à ce sujet. La municipalité de Brienon lui répondit qu’il n’avait pas besoin de cet acquit à caution, d’après un arrêté du 10 brumaire, du district d’Auxerre, qui autorise les fermiers à conduire à leurs propriétaires le produit des récoltes qu’ils ont cultivées pour eux. Denis conduisant donc les 16 bichets de blé à leurs propriétaires fut saisi et traduit devant le tribunal de police correctionnelle d’Auxerre, qui le condamna à la confiscation et à l’amende, comme étant en contravention avec la loi, par défaut d’acquit à caution. Cependant, sur l’observation que la loi du 11 septembre, par l’article IV, a attribué aux juges de paix la compétence pour prononcer les amendes dans les cas de contravention à la loi sur la circulation des grains, le tribunal de police correctionnelle d’Auxerre a sursis à l’exécution du jugement qu’il avait rendu dans cette affaire. Dans cet état de choses, le comité d’Agriculture considérant que si le citoyen Denis s’est rendu coupable de contravention à la loi, en ne prenant pas d’acquit à caution, c’est aux autorités constituées, savoir à la municipalité de Brienon et au district d’Auxerre qu’il faudrait en attribuer la faute. La Convention d’après les observations du rapporteur, casse le jugement dénoncé, et ordonne que la voiture et les chevaux qui avaient été enlevés au citoyen Denis lui seront remis. (27) P.-V. , XLV, 337. C 318, pl. 1287, p. 29. Décret n° 10 946. Minute de la main de Roux, rapporteur. Voir ci-dessus, Archiv. Parlement., 2e jour s.-c., n° 43. 286 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Le présent décret sera imprimé au bulletin de correspondance (28). 13 Sur la représentation d’un membre relativement au décret d'ordre du jour, du 27 fructidor, sur la pétition du citoyen Deudon, Brabançon, absent, qui deman-doit à rentrer en France et à ne point être compris dans la liste des émigrés. La Convention décrète que la demande du citoyen Deudon sera renvoyée et remise de nouveau sous les yeux du comité de Législation, pour en faire un examen approfondi (29). RAFFRON : Vous avez rendu le 27 fructidor dernier, un décret d’ordre du jour, sur le rapport de votre comité de Législation. Ce rapport avait pour objet une pétition qui vous avez été présentée au nom du citoyen Deudon, Brabançon, absent. Ce citoyen, qui était sorti de France en septembre 1792, vieux style, avec des passeports de la République, demandait par sa pétition la permission d’y rentrer. L’ordre du jour a été motivé sur l’article III de la section lre du titre Ier de la nouvelle loi sur les émigrés, qui est conçu ainsi : « Toute personne qui, ayant exercé les droits de citoyen en France, quoique née en pays étranger, ou ayant un double domicile, l’un en France et l’autre en pays étranger, ne constaterait pas également sa résidence depuis le 9 mai 1792 (vieux style)» Je n’étais pas à l’assemblée lorsque le rapport vous fut fait; si au commencement j’y avais été, je vous aurais présenté une observation très importante, qui prouve que le citoyen Deudon ne doit point être compris dans l’article III de cette loi, quoiqu’il paraisse d’abord que cet article le regarde. Je vous demande la permission de vous exposer mon observation, elle sera conçue en peu de mots. Vos intentions ont été et seront toujours d’être justes. C’est cette justice que je réclame pour le malheureux citoyen Deudon ; non, vous ne le punirez pas pour n’avoir pas fait ce qu’il était impossible de faire. Je m’explique : Deudon, parti de Paris avec des passeports, était à Malines pour ses affaires domestiques, lorsque la trahison de Dumouriez éclata. Alors les passages, les communications furent fermés, et le citoyen Deudon s’est trouvé être prisonnier dans sa propre patrie, dans un pays qui peu auparavant avait ouvert ses portes à la République française. (28) Moniteur, XXII, 12. J. Fr., n° 725 ; M.U., XLIII, 556- 557 ; Rép., n°274. (29) P.V., XLV, 337. C 318, pl. 1287, p. 30. Décret n° 10 950. Minute de la main de Raffron. Rapporteur anonyme selon C* II 20, p. 305. Voir ci-dessus Archiv. Parlement., 27 fructidor n° 18. Cette situation a duré pour lui jusqu’à l’entrée de nos troupes victorieuses dans Malines dernièrement. Deudon a profité de ce premier moment pour vous adresser sa pétition ; il est certain qu’il ne pouvait pas mettre plus d’empressement pour rentrer dans sa patrie adoptive. Le citoyen Deudon s’était retiré en France pour se soustraire à la poursuite du tyran Joseph II, auprès de qui il était signalé comme patriote et républicain. Au 14 juillet 1789, vieux style, et depuis, le citoyen Deudon a pris part à notre révolution en vrai républicain. Il s’est bien montré dans sa section, aux électeurs. Il est connu des citoyens Grégoire, Pilastre, Leclerc et de plusieurs autres de nos collègues, pour son civisme et ses talents. Ainsi citoyens, outre que vous feriez une injustice en le comprenant dans cet article de votre loi, qui a paru d’abord le mettre au rang des émigrés, la République ferait une perte s’il ne pouvait pas rentrer Je sais qu’il n’y a point d’individu nécessaire, mais je vous le présente comme un citoyen utile et un très bon patriote. Je réclame donc votre justice et votre intérêt. Je demande que cet objet soit remis sous les yeux de votre comité de Législation pour en faire un examen plus approfondi. Je peux procurer au comité des renseignements qui l’éclaireront sur la vraie situation de ce bon citoyen. Cette proposition est décrétée (30). 14 [ Extrait du procès-verbal du comité d’Agricul-ture et des Arts, lre sans-culottide an 17] (31) Pour le remplacement de Brunet, commissaire de la commission d’agriculture et des arts, on propose successivement Rougier-la-Bergerie, L’héritier-le-Jeune et Berthollet ; l’unanimité du suffrage se repose sur le citoyen Berthollet actuellement employé à la monnoye et le comité charge le citoyen Goujon l’un de ses membres de le proposer à la Convention nationale pour être nommé commissaire de la commission d’agriculture et des arts. Pour copie conforme à l’original ce deuxième jour des sans-culottides l’an deux de la République française une et indivisible. Boucher-Saint-Sauveur, président. Sur la présentation qui est faite par le comité d’ Agriculture et des Arts, du citoyen Berthollet, la Convention nationale le nomme comme commissaire de la (30) Moniteur, XXII, 3. Débats, n° 729, 545. (31) C 318, pl. 1287, p. 32. Moniteur, XXII, 3, précise que des infirmités empêchent le citoyen Brunet de continuer ses fonctions.