[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1790.] 201 espèce d’ajournement ; elle doit être mise la première aux voix. M. l’abbé Maury. Pour obtenir un résultat, il faut poser ainsi les questions : « Consultera-t-on les députés du commerce? » Si la décision est négative, on demandera : « V aura-t-il unseul port pour les retours de l’Inde?» Puis : « Y aura-t-il un port pour l’Océan et pour la Méditerranée ? » Enfin : « Pour l’Océan, sera-ce celui de Lorient? Pour la Méditerranée, sera-ce celui ou de Marseille, ou de Cette, ou de Toulon ? » M. le curé Dillon demande que les manufacturiers soient entendus. M. Malonet. Les villes de manufactures ont été entendues par leurs députés. Le commerce a des députés près de l’Assemblée nationale; fisse sont formés en comité, et j’ai appris qu’ils trouvaient convenable qu’il y eût dans la Méditerranée un port pour les retours de l’Inde. L’ajournement est donc inutile. M. Rrlois de Reaumetz. J’observerai au préopinant que les députés envoyés près de i’ Assemblée nationale ne sont que ceux de quelques villes de commerce : ils ne peuvent exprimer qu’un vœu particulier. Si cependant l’Assemblée voulait délibérer sur-le-champ, il me paraît que la question doit être ainsi posée : « Les retours de l’Inde se feront-ils dans plusieurs ports où dans un seul ? Ensuite se feront-ils dans tous les ports ou dans deux ports seulement ? » M. de Mirabeau l'aînè. Cette manière de poser la question serait souverainement insidieuse. Vous avez Je droit de législation, mais vous ne l’avez que pour la liberté qui vous eu a investis... Cette manière de poser la question : « Les retours de l’Inde se feront-ils dans tous les ports? » est aussi simple, aussi claire qu’aucune autre. L’Assemblée délibère et décrète successivement : « Qu’il n’y aura pas d’ajouruemeot pour consulter les manufactures ; « Qu’il y aura plusieurs ports pour les retours; « Que les retours de l’Inde ne se feront que dans deux ports ; « Que le port pour les retours de l’Inde dans l’Océan, sera Lorient. » M. le Président se prépare à mettre aux voix cette dernière question : « Le port, pour les re-toursde l’Inde dans la Méditerranée, sera-t-il Cette, Toulon ou Marseille ? « On demande successivement la priorité pour les ports de Cette et de Toulon. M. de Mirabeau l’aîné se dispose à prendre la parole. (Il s'élève des murmures.) M. de Mirabeau Z’ aîné. L’empressement avec lequel on paraît croire que je veux demander la priorité pour Marseille est très déjoué, car ce n’est point là mon intention. Je veux seulement observer à ceux qui ont proposé le port de Cette, que, sans doute, ils ne le connaissent point. Il n’y entre que des bâtiments de 200 tonneaux ; les assurances y sont beaucoup plus désavantageuses; c’est assurément un mauvais port. Quant à Toulon et Marseille, ceux qui ont des .relations commerciales sourient de voir mettre ces ports en opposition. Au reste, ne semblerait-il pas juste > de savoir des riverains de la Méditerranée quel port leur paraîtrait plus convenable ? Alors on serait sûr de faire un choix conformeaux intérêts du commerce. Je n’insiste pas sur cette réflexion, parce que je crois fort indifférent à la prospérité nationale, puisque les retours ne sont pas libres dans tous les ports, qu’ils sefassent à Toulon ou à Marseille. (On demande de nouveau à aller aux voix.) L’article 4 proposé par le comité d’agriculture et du commerce est rejeté et remplacé par la rédaction suivante : Art. 4. « Les retours ne pourront avoir lieu provisoirement que dans les ports de Lorient et de Toulon. » M. Se 5*résident lève la séance à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du mardi 20 juillet 1790, au matin (1). M. de Ronnay ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Garat l'aine donne lecture du procès-verbal d’hier au matin. M. Raband de Saint-Etienne. Le comité de Constitution, sur les observations qui lui ont été faites, vous propose d’ajouter au décret que vous avez rendu hier matin, concernant les bannières données par les municipalités de Paris aux gardes nationales, queces bannières seront portées dans les quatre-vingt trois départements, par les officiers les plus âgés. M. Regnaud (deSaint-Jean-d' Angely) . Dans les gardes nationales, fi y a des officiers et des soldats et ces différences de grades doivent y être conservées comme des devoirs ; mais à la fédération il n’y avait que des frères dont tous les grades étaient suspendus par la qualité égale de députés. Je propose donc de décider que l’honneur de transporter les bannières soit, sans distinction, accordé au plus âgé. M. Rabaud de Saint-Etienne. Le comité de Constitution accepte cet amendement et vous propose, en conséquence, d’ajouter au premier paragraphe du décret, après ces mots : définitif ou alternatif ', ceux-ci : et que la bannière sera portée par le plus ancien d'âge. (Cette addition est mise aux voix et adoptée ainsi que la rédaction du procès-verbal de la séance du matin.) M. Routteville-Rnmetz, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. Il ne se produit aucune réclamation. M. Vernier, rapporteur du comité des finances. Vous avez adopté, à votre séance d’hier ma-in, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur » 102 {Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1790.] un décret relatif à V expiration des baux passés par les ci-rdevant Etats d’Artois , en chargeant votre comité de vous apporter une rédaction que je viens vous soumettre. Elle est ainsi conçue : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des linances, voulant assurer la perception des droits qui avaient été affermés par les ci-devant Etats d’Artois, et qui expirent (à l’exception du bail concernant les eaux-de-vie) au premier août prochain, jusqu’à ce qu’il ait ôté statué sur le mode d’imposition à établir dans les divers départements du royaume, a décrété et décrète ce qui suit : « Tous les droits qui formaient l’objet des baux passés par les ci-devant Etats d’Artois, et qui, à l’exception du bail des eaux-de-vie, expirent à la fin du présent mois, seront régis à compter du premier août prochain, par des ré r gisseurs choisis et nommés sans délai par le département du Pas-de-Calais ou son directoire. Lesquels régisseurs verseront chaque mois le montant de leur recouvrement entre les mains de ceux qui, jusqu’à présent, ont été chargés de la perception des revenus publics sans rien innover pour le moment par lesdits régisseurs à la quotité des droits, à la forme de perception et à l’ordre de comptabilité, qui continueront d’être observés comme par le passé , jusqu’à ce que, par l’Assemblée nationale, il ait été statué sur le mode d’imposition qui sera suivi dans ledit département, ainsi que dans les autres départements du royaume. » (Le décret ainsi rédigé est adopté.) M. le Président, Le résultat du dernier scrutin pour la nomination du président de l’Assemblée adonné la majorité absolue des voix à M. Treil-hard. {On applaudit .) M. de filonnay, avant de quitter le fauteuil dit : « Messieurs, » Il est des moments qui ne se répètent point dans la vie d’un homme; tel est celui dont vos bontés m’ont fait jouir. L’honneur inestimable que j'ai reçu de vous, est au-dessus des plus fortes expressions de ma respectueuse reconnaissance. Toute mon ambition eût été de pouvoir justifier la faveur d’un tel choix. « Mais, Messieurs, si malgré tous mes efforts, je suis resté trop au-dessous de votre attente, j’ose du moins espérer que, dans tous les moments, vous aurez rendu justice à la pureté de mon zèle et de mes intentions. » M. Treilhard, nouveau président, en prenant le fauteuil s’exprime en ces termes : « Messieurs, « Si je ne considérais la place à laquelle vous daignez m’élever, que comme un témoignage honorable de bienveillance et d’estime, je n’hésiterais pas à vous supplier de fixer votre choix sur une personne plus en état que moi de le justifier ; mais le poste éminent où vos bontés m’appellent, n’est exempt, ni de fatigues, ni de devoirs pénibles. Son élévation même le place à côté des orages : je ne dois donc pas refuser d’y monter. Le jour où je fus associé à vos nobles travaux, je jurai à la cause publique un dévouement sans bornes, et en acceptant l'emploi que vous me confiez, je remplis un devoir sacré pour moi. « Je sens néanmoins, et je sens vivement qu’il me sera impossible de remplacer celui dont le zèle et les talents déjà éprouvés ont réuni tous vos suffrages, pour ce jour à jamais mémorable où votre président dut franchir avec vous les bornes de cette enceinte, s’entourer de la France entière, et se placer sous les yeux de l’univers, et de la postérité la plus reculée. « Mais il serait bien faible le zèle de celui qui calculerait l’intérêt de son amour-propre , quand il faut servir la patrie. Eh! que n’ai-je des sacrifices plus grands à lui offrir. « Je n’oublierai jamais que mon premier devoir est de remplir vos ordres, que votre vœu le plus cher est d’accélérer vos décrets, mais sans précipitation ; d’entendre une discussion profonde et animée , mais sans tumulte, et sans écart. « Si je ne seconde pas votre volonté, comme je le désire, vous n’accuserez, j’ose m’en flatter, vous n’accuserez que l’insuffisance de mes moyens. » (L’Assemblée vote ensuite, à l’unanimité, des remerciements à M. de Bonnay pour sa présidence.) M. le Président. MM. de Bonnard et de Roubens demandent à être admis ce soir à la barre, pour réclamer la justice de l’Assemblée nationale contre une destitution arbitraire d’emplois militaires dont ils se prétendent victimes. Un membre demande le renvoi au comité militaire conformément à ce qui g été décidé sur une pétition pareille de M. deMoreton-Ghabrillant. Le renvoi est ordonné. M. le Président donne lecture d’une letlre du ministre de la marine qui renferme des observations sur le décret du 5 juin relatif à l’augmentation de la solde des gens de mer. Il y a des vétérans matelots, des timoniers, qui sans avoir le grade d’officiers, ont néanmoins une paye plus forte que les matelots ordinaires. Le décret du 5 juin nécessite une interprétation. Cette lettre est renvoyée au comité de la marine. M. le Président dit qu’il a reçu une note par laquelle M. le contrôleur général des finances rappelle qu’il a appelé, le 12 juillet, par lettre appuyée de pièces, l’attention de l’Assemblée sur le désordre dans lequel sont depuis longtemps les perceptions de la régie générale. M. l’abbé Gouttes. Si le peuple n’était pas trompé sur ses véritables intérêts, vous n’entendriez point de pareilles plaintes; les ennemis du bien public metfent tout en œuvre pour l’induire en erreur; dans une province, on se sert du prétexte de la religion; dans une autre, on dit au peuple que voire intention est qu’on ne paye aucun impôt; je demande que le comité d’impositions nous fasse au plus tôt son rapport, pour établir quels sont ceux de ces droits qui doivent être supprimés et quelles mesures nous devons prendre pour en assurer la perception jusqu’à cette époque. Nous avons à nous occuper de l’or� ganisation du pouvoir judiciaire, de la composition de l’ordre militaire, des gardes nationales et de bien d’autres affaires importantes; mais nous devons surtout nous occuper de l’impôt. Point d’argent, point d’état; si les impôts ne sont pas bien établis, s’ils ne sont pas exactement perçus, la machine est renversée et la Constitution est