[Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. -*} Wmaire an II 635 ! 18 decembreî793 français qui ne puisse citer au moins une perfidie, mais aussi pouvant montrer aux na¬ tions, à côté d’un crime, cent actions vertueuses. Je viens aujourd’hui, au nom du comité de sûreté générale, vous rappeler l’honorable conduite d’un Français pauvre et incorruptible; je viens vous proposer de lui donner la récom¬ pense civique qu’il a méritée. Toute la France a connu l’incorruptibilité de Mathieu Chevrillon ; mais il est bon de rappeler succinctement le fait. Mathieu Chevrillon, père de cinq enfants en bas âge, avait été logeur en garni; mais l’infor¬ tune l’avait obligé à quitter cet état pénible. Tout le monde sait que les logeurs tiennent des registres, que fait un des émigrés qui voulait rentrer en France et correspondre avec leurs amis de la Vendée et autres, et pour obtenir des certificats de résidence? Cet émigré, nommé Lecomte, découvre que Chevrillon avait été logeur et imagine qu’il ne lui sera pas difficile d’obtenir d’être placé, intercalé sur son registre; ce vil corrupteur, calculant la probité par la misère, crut qu’il parviendrait à son but, en offrant une somme notable à Chevrillon, pour obtenir de lui la complaisance de le laisser s’inscrire sur son vieux registre. Chevrillon l’écoute, résiste à sa demande; mais réfléchissant qu’il était important de s’assurer de tous nos ennemis, certain que les plus dangereux sont ceux de l’intérieur, il ajourne ce nommé Lecomte, qui lui offrait une somme de douze cents livres. Mais aussitôt, Chevrillon vient au comité de sûreté générale faire sa déclaration, et il y est autorisé à avoir l’air de traiter avec ce vil suppôt des rois et des scélérats de l’intérieur. Il s’en retourne. Lecomte vient; il dépose chez le notaire Péron une somme de 1.200 livres en assignats. Alors Chevrillon abandonne son vieux registre au nommé Lecomte, suivant ce qui avait été convenu, et va en outre avertir sa section. Le 21 mars, ce nommé Lecomte va présenter à signer ses certificats de résidence, et il est arrêté d’après les ordres du comité de sûreté générale, sur la dénonciation de Chevrillon. Depuis lors, la somme de 1,200 livres est restée en dépôt dans les mains du notaire. Le comité de sûreté générale a pensé que la Con¬ vention devait tenir, à l’égard des dénonciateurs d’émigrés, la même conduite qu’elle tient à l’égard de ceux qui font arrêter des fabricateurs de faux assignats. Le comité a pensé que pour récompenser Chevrillon de sa conduire incor¬ ruptible, il fallait lui faire remettre, en titre de récompense civique, la somme qu’il avait dé¬ daignée quand elle lui était offerte par le crime. C’est pourquoi je suis chargé de vous proposer le décret suivant : ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal.) « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de Salut public sur les actes de la ci-devant Commission révolution¬ naire du département de la Somme, qui, après avoir mis en réquisition les cinq districts du département, pour fournir chaque jour au mar¬ ché d’Amiens 200 sacs de grains, dans la pro¬ portion fixée pour chaque district, par un arrêté du 11 de ce mois, a néanmoins délivré, le 12, au citoyen Collache, comme à plusieurs autres citoyens, une commission pour se transporter dans les communes du département, y faire des achatsMe grains au taux du maximum pour le marché d’Amiens, requérir les grains qu’il jugera convenable, ainsi que les voitures et les sacs, requérir la force armée pour l’exécution de ces mesures; ce qui a nécessité le district de Péronne, sur la dénonciation qui lui a été îaite de la conduite du citoyen Collache, d’arrêter, les 16 et 19, qu’on se conformera provisoirement à l’arrêté de la Commission révolutionnaire du 11, que l’on fournira la quantité de grains fixée par cet arrêté, mais que l’enlèvement des grains achetés ou requis par Collache sera suspendu, que Collache sera mis en état d’arrestation; mesures reconnues indispensables, approuvées et confir¬ mées par le représentant du peuple près l’armée du Nord par son arrêté du 21 : « Approuve l’arrêté du représentant du peuple, daté d’Arras, le 21 de ce mois, qui confirme la délibération du district de Péronne, du 19; « Déclare nulle la commission donnée à Col¬ lache, le 12, par la ci-devant Commission révo¬ lutionnaire du département de la Somme et toutes celles qui ont pu être accordées par la même assemblée; fait défenses à tous ceux qui ont été revêtus de pareilles commissions d’en faire usage, sous peine d’être punis comme coupables d’attentat contre la sûreté et la tran¬ quillité publique; ; f « Décrète que les pièces et dénonciations concernant Collache seront envoyées à l’accu¬ sateur public du tribunal criminel du départe¬ ment de la Somme, qui rendra compte, dans le cours de la première décade de nivôse, des me¬ sures qu’il aura prises pour faire constater les délits imputés à Collache ; . � “« Décrète que la municipalité et le district d’Amiens se conformeront aux dispositions de la loi du 18 vendémiaire, concernant l’appro¬ visionnement des marchés (1). » Suit une lettre de Florent Guiot à l’appui du projet de décret (2). « Arras, le 21 frimaire an II de la République une et indivisible. « Citoyens collègues, « Encore une entreprise s l’égard des subsis¬ tances de la part de la Commission révolution¬ naire du département de la Somme; celle-ci est infiniment grave puisqu’elle ne permert guère de douter que son but est de former un magasin de réserve à Amiens et que les com¬ missaires, envoyés par la Commission dans les communes du département, se croient auto¬ risés à délier tes fermiers des biens nationaux de l’obligation de verser dans les magasins militaires les grains provenant de leurs formages et qu’ils leur garantissent qu’il leur suffira d’en compter le prix entre les mains du préposé à la régie des biens nationaux. Pour ménager votre temps, j’adresse directement à la Commission des subsistances les pièces relatives à ce nouvel (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 303. (2) Archives nationales, carton AFn 152, pla¬ quette 1233. Aulard : Recueil des actes el de la cor¬ respondance du comité de Salul public, t. 9, p. 329. 636 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. i � frimaire an il 18 décembre 1793 acte départemental et je l’engage à vous en rendre compte. Mais je vous dois une réflexion; ce que j’observe depuis mon arrivée dans ce pays-ci me fait craindre que les malveillants ne se servent du prétexte des subsistances pour faire renaître l’bydre du fédéralisme terrassé par la Révolution des 31 mai et 2 juin. « Vous nous avez recommandé de surveiller les mouvements de l’armée révolutionnaire. Nous ne la perdons point do vue, en attendant le moment favorable pour faire disparaître cette institution qui peut faire cent fois plus de mal qu’elle n’opère de bien. « Je vois avec peine que des détachements de cette armée s’établissent à poste fixe dans nos places de guerre. Quelle peut y être leur utilité? Si la garnison est républicaine, elle suffit pour y assurer l’exécution de la loi, et si, par malheur, elle ne l’était point, seraient-ils en état de la contenir? Mais voici le danger. Des malveillants peuvent mettre de la division entre la garnison et les détachements révolutionnaires et l’on ne saurait calculer quelles en seraient les suites. Ils y trouveront d’autant plus de facilités que l’armée révolutionnaire est composée, en grande partie, d’hommes tirés des corps militaires, et qu’on peut les accuser d’y être entrés moins pour réprimer les contre-révolutionnaires de l’intérieur que pour s’éviter les dangers et les fatigues d’un service actif contre les ennemis du dehors. « D’ailleurs, il me paraît que cette armée a été traitée un peu en enfant gâté pour la partie de l’habillement et de l’équipement, pendant que nos troupes cantonnées dans nos avant-postes manquent des vêtements de première nécessité. C’est cette rivalité qui, en partie, a excité une querelle violente entre la garnison de Douai et l’armée révolutionnaire, querelle qui aurait fait couler le sang si le civisme et la prudence de la Société populaire de cette commune n’en avaient point prévenu l’ effusion. A Cambrai, on a de la peine à étouffer la mésin¬ telligence, sans cesse renaissante, entre la garnison et un détachement do l’armée révo¬ lutionnaire. Tracez-nous, d’après ces faits, la conduite que nous devons tenir et soyez sûrs que nous saurons allier la fermeté à une sage circon¬ spection. « Les maisons d’arrêt de la commune d’Arras et celles de toutes les places voisines sont encom¬ brées de détenus ; il s’y en trouve un très grand nombre qui ne sont point dans la classe des personnes déclarées suspectes par la loi du 17 septembre et qui ont été arrêtées sous divers motifs ou prétextes. Il est à désirer que vous présentiez incessamment à la Convention un projet de loi à cet égard. Point de pitié pour les ennemis de la liberté, quel que soit le masque dont ils se couvrent, mais s’il se trouve confondu parmi eux quelques patriotes, empressons-nous de les rendre à la République. « Salut et fraternité. « Florent Guiot. « P.-S. — On nous amène ici de temps à autre des prisonniers de guerre, des déserteurs et des chevaux. La garnison de Cambrai se distingue surtout dans cette petite guerre. » La Convention nationale décrète (1) que le décret qui met les imprimeurs en réquisition s’étend aux fondeurs de caractères d’imprimerie, et sera exécuté dans toutes les dispositions à l’égard de ces derniers, comme elles le sont envers les premiers (2). » Compte rendu du Journal de la Montagne (3). Les fondeurs en caractères demandent à être compris dans le décret qui met en réquisition les imprimeurs (4). Chénier observe que l’exemption sollicitée n’enlèvera pas, pour Paris, dix jeunes gens à la première réquisition et que leurs travaux ne sont pas moins intéressants que ceux des impri¬ meurs. La demande est accueillie. « Un membre observe que le décret qui a or¬ donné l’impression du Code civil tel qu’il a été décrété, après la révision qu’en aurait faite le comité de législation, n’est point encore exécuté; qu’on a seulement remis à l’imprimerie les ar¬ ticles épars de ce Code, qui ont subi des chan¬ gements lors de la discussion; que cette mesure ne remplit ni le vœu du décret, ni l’objet que la Convention s’est proposé. Il demande que le comité de législation ou celui de révision soit tenu de remettre incontinent à l’impression le corps entier du Code civil, pour servir de projet comparatif avec le travail que le comité de révi¬ sion doit soumettre incessamment à l’Assemblée, et de le faire distribuer sous trois jours. Cette proposition est décrétée (5). « Un membre [Méaulle (6)] propose, et la Convention nationale décrète, que les pièces lues par le président du conseil exécutif provi¬ soire seront déposées sur le bureau et renvoyées fl) L’auteur de la motion est Merlin (de Thion-ville), d’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 305. (3) Journal de la Montagne [n° 36 du 29 frimaire an II (jeudi 19 décembre 1793), p. 287, col. 2]. (4) Voici, d’après l’original qui existe aux Archives nationales, carton G 282, dossier n° 795, le texte de la pétition des fondeurs de caractères : « Au citoyen Président, « Citoyen, « Les graveurs et fondeurs en caractères d’im¬ primerie réclament pour les fondeurs en lettres l’exé¬ cution du décret qui a été rendu envers les impri¬ meurs et qui les a mis en réquisition pour le service de la République; ils demandent que le même décret s’étende sur les ouvriers fondeurs en lettres, car sans fondeurs en lettres les imprimeurs ne pourront pas faire le service des impressions de la République. « Salut et fraternité. « Vaffland, Gili.e fds. « Le 28 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. » (5) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 305. (6) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 795.