[Assemblée Haiiouale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.1 m sûreté de l’Etat y est attachée, si en l’attaquant on ébranle l’édifice de votre Constitution, ce préjugé cesse d’en être un, c’est au contraire une loi salutaire, c’est un principe conservateur des colonies ; il est, pour ainsi dire, un dogme respectable et sacré, et que l’humanité vous impose de protéger. <; Ce fut votre bienfaisance, Messieurs, ce fut le désir d’entendre au delà des mers l’esprit d’égalité et de fraternité, qui vous fit rendre le décret du 15 mai ; mais puisqu’il est incompatible avec le régime des colonies, puisqu’il compromet la sûreté des blancs, puisqu’il menace l’Empire d’une dissolution inévitable, en provoquant peut-être dans l’Amérique la guerre la plus sanglante, nous osons invoquer auprès de vous cette même bienfaisance et ce même amour de la liberté : nous venons vous conjurer de rétablir l’exécution des décrets du 8 mars et du 12 octobre. « Vous avez voulu le bonheur des colonies ; votre décret du 12 octobre y avait répandu une joie universelle ; le décret du 15 mai y a été le signal d’une consternation générale. C’est à votre sagesse à décider présentement duquel de ces deux décrets vous devez maintenir l’exécution. Si vous maintenez celui du 15 mai, nous n’aurons point à nous reprocher de ne vous avoir pas représenté toutes les calamités qu’il peut entraîner avec lui ; et nous n’aurons plus à craindre que le cri de la génération actuelle nous accuse et que celui de la postérité nous condamne. « Nous sommes avec respect, etc... « Les citoyens marchands, négociants, et capi-« taines de navires de Bordeaux. » (Suivent 6 pages de signatures.) Dans la lettre qui accompagnait l’envoi de cette adresse, l’assemblée du commerce nous annonçait qu’elle nous enverrait sous peu une somme de 70,000 livres qu’elle avait destinée pour l’entretien des gardes nationales aux frontières, et elle nous charge d’en faire hommage à l’Assemblée ; nous la remettrons sur le bureau aussitôt que nous l’aurons reçue. M. Inouïs Ufonneron. Voici une adresse des administrateurs du département de la Gironde , à V Assemblée nationale. Elle est datée du 27 août : « Messieurs, « Nous ignorions encore l’effet qu’aurait produit, sur les représentants de la nation, la nouvelle venant des colonies au moment où le décret sur les gens de couleur y est parvenu. Fidèles à nos serments et aux principes invariables de justice qui doivent guider les administrateurs du peuple, nous avions ordonné à la municipalité de Bordeaux de faire des recherches sur une assemblée qui s’est tenue à la Bourse de Bordeaux : on nous l’a dénoncée comme inconstitutionnelle, comme ayant pour objet de vous demander la révocation des décrets des 13 et 15 mai. Les discours qui y ont été tenus, nous ont été rapportés comme dangereux, contraires à la loi et aux autorités qu’elle a instituées. Nous attendons le résultat des recherches de la municipalité, et nous aurons l’honneur de vous en rendre compte. « Gomme la pétition de cette assemblée inconstitutionnelle pourrait aujourd’hui vous être adressée comme étant le vœu des citoyens de Bordeaux, nous croyons devoir à leur honneur, aux sentiments dont ils sont animés, et à leur amour pour la Constitution, de vous assurer, Messieurs, que cette pétition ne peut vous être adressée que par l’intérêt particulier. (. Applaudissements .) Les négociants ne voient jamais que leurs propriétés, leurs créances, leur commerce. Nous vous avions marqué d’avance que l’on préparait dans les colonies une résistance ouverte à vos décrets : nous savions avec quelle noirceur avaient été peintes vos intentions; nous savions par combien de rapports ceux qui excitaient celte résistance étaient liés avec ceux qui voudraient renverser la Constitution ; nous avions vu se former tous ces complots ; nous avons eu le courage de nous élever contre cette ligue dangereuse ; nous avions demandé avec instance des commissaires-citoyens, et nous vous avions offert des soldats-citoyens pour maintenir la paix dans les colonies, 1,200 hommes étaient inscrits et brûlaient du désir d’aller maintenir la paix et la liberté dans cette partie de l’Empire. « Ces mesures dictées par notre amour pour la Constitution ont été dénaturées par les ennemis de la patrie, et, dans une brochure incendiaire, on nous a accusés d’avoir voulu porter le feu dans les colonies. Tranquilles sur nos motifs, nous avons attendu en silence l’effet que produiraient le décret et les invitations fraternelles que nous avions adressées aux colons. « Nous savions, Messieurs, que, malgré les efforts de l'intrigue, nous trouverions, dans ces climats éloignés, des amis de la justice et de la liberté ; ils se sont fait entendre. Ce sont eux aujourd’hui qui nous demandent des commissaires etdes défenseurs citoyens : ce sonleux qui rendent hommage à la sagesse de vos décrets. « Un de nous reçoit à l’instant une lettre de la Martinique, dont nous joignons ici l’extrait. Les nouvelles que nous recevons de lq Guadeloupe et de Port-au-Prince nous annoncent les mêmes dispositions. « Nous espérons que partout la cause de la liberté triomphera ; elle assurera votre gloire et la félicité publique, qui seront le prix de vos travaux. « Nous avons l’honneur d’être, etc. « Signé : Les administrateurs de ia Gironde. » Voici V extrait de la lettre datée de la Basse-Terre. 14 juillet 1791. « La présente, mon cherDuranci, est pour vous accuser la réception de votre lettre du 24 mai, du décret, ainsi que des autres pièces que vous m’avez adressées. « Je l’ai trouvé très sage ce décret ; il a fait ici sensation sur les esprits dans le premier moment, et a fini par être approuvé de tous les vrais patriotes. Il est grand temps qu’on nous envoie des forces : l’insurrection commence à gagner. (Ah ! ah !.) Nous avons éprouvé des troubles tous ces jours-ci, occasionnés par la frégate commandée par M. Malvaux, et envoyée précisément pour cela. A son arrivée on a débité la nouvelle qu’elle n’y venait que pour mettre à terre quelques passagers qu’elle avait pris à la Dominique et tous passagers aristocrates. ( Rires à gauche et à droite .) « Vendredi 8 du courant, jour de son arrivée, M. Baudrissel, notre maire, fut averti de se tenir sur ses gardes, parce qu’il devait lui, quatrième, être enlevé par ladite frégate ; et le jour de son arrivée, M. Malvaux a donné quatre piastres gourdes à ses matelots, pour qu’ils allassent s’amuser. Les matelots qui avaient le| mot du 124 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] guet, vont boire, et, feignant de s’être enivrés, font les insolents, et tiennent à !a garde nationale, dans le corps de garde national, les propos les plus indécents. M. Malvaux, au lieu de contenir son équipage, voyant que quelques murmures commençaient à s’élever, dit que nous n’étions ici que des brigands. Il s’adressa à un avocat, bon patriote, brave homme, qui lui dit des vérités sur la conduite humiliante qu’il tenait; il lui rispota vivement, on a crié tout à coup aux armes ; la garde nationale est sur-le-champ rassemblée; la plus grande partie des citoyens a pris les armes, après avoir fait rentrer les femmes et les enfauts. La municipalité, à la tête de ses gardes nationales, a marché pour ramener l’ordre et le calme, et à 10 heures, tout était dans la plus grande tranquillité. Les patrouilles ont marché toute la nuit. Hier matin, 12, la municipalité a dressé procès-verbal de tout ce qui s’est passé. Ils veulent, ces indignes aristocrates, occasionner les mêmes troubles qu’à la Martinique. L’Assemblée nationale aurait bien dû nous envoyer des forces : il en est grand temps, je vous l’assure. « Au moment où j’allais terminer ma lettre, il nous arrive une nouvelle de la Martinique, qui nous apprend que le maire et les échevins, formant la municipalité de Sainte-Lucie, ont été enlevés par une frégate et portés au Fort-Royal. « Gela nous confirme bien dans l’avis que nous avions eu; et à coup sûr, nous perdrions dans notre maire, un homme de bien, sage, et qui conduit bien les choses. » M. Bégonen. Voici deux autres adresses , l'une des négociants et capitaines de navires du Havre , Vautre de la société des amis de la Constitution de la même ville , composée de 800 citoyens. La première est ainsi conçue : « Messieurs, « Lors de l’émission de votre décret du 15 mai, les négociants et capitaines du Havre qui ont fréquenté les colonies, ou qui y ont des relations habituelles, vous représentaient que le nouveau régime que l’on tentait d’y établir, était impossible dans son exécution; les clameurs de la malveillance, de l’ignorance ou de l'intrigue étouffèrent nos justes réclamations, et, certains des maux affreux que le décret allait produire, nous fûmes contraints de nous taire et de gémir en silence. Heureux si nous nous fussions trompés dans nos pressentiments. Mais, hélas ! tout ce que nous avions annoncé est arrivé. «> Dans la ville du Gap et dans toute la province du nord de File de Saint-Domingue, sur Je simple avis de ce funeste décret, les têtes se sont exaltées; l’indignation et les fureurs se sont emparées de tous les esprits; les querelles de parti, les différences d’opinions ont disparu; tous se sont réunis pour la cause commune; tous ont juré de sacrifier mille fois leur vie, de s’ensevelir sous les ruines de leur malheureuse patrie, plutôt que d’être les tranquilles et imbéciles spectateurs de sa ruine. Nous vous portons, Messieurs, les propres expressions des avis authentiques que nous en avons reçus. « Et ne croyez pas que le mécontement des colons se soit borné à de simples réclamations et à de vaines menaces. Oui, Messieurs, nous le disons en frémissant, dans une assemblée générale, on a fait la motion d’arborer le pavillon anglais et cette motion a été applaudie. De même que dans ces temps funestes de terreur et de calamité, les magasins sont fermés, le commerce est interrompu, tous paiements sont cessés, cha-r cun court aux armes, et on se prépare de toutes parts à la plus vigoureuse défense; au Gap, on monte les batteries du fort, pour repousser les téméraires qui oseraient venir prêcher une doctrine perfide et sanguinaire. Tous les citoyens, les municipalités, les corps administratifs, les troupes de ligne, tous n’ont qu’un sentiment, qu’une âme; ils maudissent les liens qui les attachent à nous; et, dans leur désespoir, ils s’écrient que la France est leur plus cruelle ennemie. « C’est ainsi, Messieurs, que par des idées outrées et des systèmes hors de saison, on est parvenu à égarer les citoyens les plus fidèles. ( Murmures à gauche .) Les avis ont été donnés et reçus dans les différentes provinces et parties de l’îfe ; partout les mêmes préparatifs. Nous voilà donc réduits à faire la conquête de nos colonies et à égorger nos frères, pour des idées métaphysiques. Nous ne vous disons pas, Messieurs, que l’indignation est au comble contre certains ports de mer partisans de cette fausse philanthropie; que l’on refuse d’en acquitter les créances, et qu’on veut renvoyer les navires qui sont attendus. « Nous frémissons des suites terribles que ces événements préparent : nous y voyons la ruine certaine de nos provinces maritimes, le désespoir de 5 ou 6 millions d’hommes, une foule de maux que nous n’osons envi-ager. Et qui sait, en effet, quel le peutêtre la chaîne de ces malheurs I Veuillez arrêter la ruine qui menace l’édifice superbe que vos glorieux travaux avaient élevé. Nous vous supplions de ne pas tromper les vœux de ces colons, toujours fidèles à la mère-patrie... » {Oui, oui; il y paraît) «... prêts encore à verser leur sang pour elle. Eclairés par l’expérience, suspendez, Messieurs, l’exécution de cet impolitique décret, attendez, comme nous vous l’avons déjà dit, que les esprits soient mûrs pour la philosophie. « Laissons au temps à préparer ses douces et bienfaisantes leçons; nouveaux Espagnols, irons-nous dans notre ardent et intolérant patriotisme, porter le fer et le feu dans ces paisibles contrées, pour y faire goûter nos principes? Vos lois, pleines de sagesse, gouverneront un jour l’univers; mais c’est cette même sagesse qui les fera adopter, et jamais la violence. Non, Messieurs, vous ne renverserez pas, par une commotion violente et une rigueur outrée, de riches établissements, objets de la jalousie de nos ennemis, et une des principales causes de la richesse de la France. « Nous sommes, etc. » (Suivent 7 ou 8 pages de signatures.) Voici la lettre de la société des amis de la Constitution : « Messieurs, « Une douloureuse expérience vient confirmer les vives inquiétudes qu’avaient causé le décret du 15 mai, concernant les gens de couleur. Quand les ports du royaume firent entendre leurs réclamations, on crut alors que l’intérêt particulier les avait dictées; on voit aujourd’hui qu’elles n’avaient d’autre objet que l’intérêt public, que le véritable intérêt de la patrie. Les dépêches de M. Blanchelande, un grand nombre de lettres particulières, les rapports unanimes de tous les Français qui arrivent de Saint-Domingue, se réunissent pour prouver que la nouvelle de ce