[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] salaisons sans défelateUion, n’aüroüt plus lieu également, à compter du 1er janvier prochain. Art. 6. Tout habitant des provinces de grande gabelle jouira, comme il en est Usé dans celles dé petite gabelle, et dans celles de gabelle locale, de la liberté des approvisionnements du sel nécessaire à sa consommation, dans tels greniers ou magasins de sa province qu’il voudra choisir. Art. 7. Tout habitant pourra appliquer à tel emploi que bon lui semblera, soit de menues, soit de grosses salaisons, le sel qu’il aura ainsi levé ; il pourra même faire à son choix les levées, soit aux greniers, soit chez les regratiers. Il së conformera, pour le transport, aüx dispositions dü règlement, qui ont été suivies jusqu’à présent. Art. 8. Lèâ saisies domiciliaires sont abolies et supprimées. Il est défendu aux employés ët commis des fermes de s’introduire dans les maisons et lieux fermés, et d’y faire aucunes recherches ni perquisitions. Art. 9. Les amendes prononcées contre les faüx-sau-niers coupables du faux-saünage, et non payées par eux, ne pourront plus être converties en peines afflictives ; et quant aux faux-sauniefs en récidive, les lois qui les soumettent à une procédure criminelle et à des peines afflictives, sont également révoquées ; ils . ne pourront être condamnés qu’à des amendes doubles de celles encourues pour le premier faux-saunage. Art. 10. Les commissions extraordinaires et leurs délégations, en quelques lieux qu’elles soient établies pour connaître de la contrebande, sont dès à présent révoquées; en cOhséquéncé les contestations dont lesdites commissions éonnàissent, seront portées par devant les tribunaux qui en doivent connaître. L’Assemblée charge M. le président de présenter incessamment le décret à la sanction royale. Sur le rapport du comité des vérifications de Souvoirs, M. Gillon a été adtnis à la place de Deulnau, député des communes du bailliage de Verdun, qui a dottné sa démission. Ensuite des détails donnés par un membre du comité des rapports, sur une lettre du sieur Roussel, doyen des conseillers du bailliage d’Epinal, qui demande la marche qu’il doit suivre dans les procédures contre les perturbateurs du repos public, l’Assemblée décide que M. le président adressera au sieur Roussel un exemplaire du décret du 10 août relatif à la tranquillité publique. Sur un troisième rapport fait par un membre du comité des recherches, touchant les réclamations d’un citoyen accusé d’avoir tenu des propos séditieux, l’Assemblée nationale décrète que ce citoyen étant détenu dans les prisons de Troyes, et les juges ordinaires nantis de la procédure , il n’y a pas lieu à délibérer. M. le premier ministre des finances instruit l’Assemblée qu’il d ordre du Roi dé venir rendre compte de la situation des finances, et demande l’heure qui convient à l’Assemblée. M. le président est autorisé à Répondre à ce ministre, que l’Assemblée l’entendra demain dans la matinée. M. le président lève la séance. ANNEXE h la séance de l’Assemblée nationale du 23 septembre 1789. Nota. Dans la séance du 23 septembre, M. le chevalier de Ricard, remit au président de l’Assemblée nationale, une motion relative à l’organisation de la foHe publique. Oétte motion ayant été distribuée à toüs les députés doit naturellement trouver, sa place à la suite de la séance dans laquelle elle a été présentée. M. de Ricard. Nous proposerons que dans tout le royaume une force nationale, prudemment dirigée paf des règlements uniformes et distribuée dans de justes proportions, assure les bienfaits de la paix et des lois; nous demanderons que l’armée soit solidement constituée; que l’examen de notre situation actuelle locale et politique, combinée avec une sage économie, détermine sa formation et son entretien; que pendant la paix, ses corps se recrutent eux-mêmes, répondent de ce qu’ils doivent être ; qu’au premier signal de la guerre, de nouveaux corps d’une milice réglée, préparés, mais toujours inférieurs par le nombre aux troupes disciplinées qui les attendront, soient promptement à portée d’apprendre d’elles, en les imitant, quels sont les vrais principes qui doivent disposer de la valeur; qu’une prévoyante organisation dans l’intérieur de l’Etat, remplace sur-le-champ, par une nouvelle milice également préparée à l’avance, celle qui aura joint les drapeaux des anciennes bandes françaises et que cette armée, toujours entretenue par la volonté et le courage des citoyens, puisse s’augmenter et se fortifier sans cesse quand les hôpitaux et les combats affaibliront ses ennemis. Ces premières Réflexions annoncent tout le système de cet écrit. SECTION PREMIÈRE. PRINCIPES de l’organisation dë la force PUBLIQUE. Les lois déterminent et prescrivent les rapports de toute espèce entre les citoyens, afin qu’ils jouissent tous de la plus grande somme de bonheur à laquelle ils ont droit de prétendre. C’est pour maintenir les lois que les gouvernements doux et modérés sont institués. Le gouvernement ne fait point la loi, mais son devoir est d’en maintenir l’exécution par l’usage de tous les moyens qui sont de son essence. Le pouvoir qu’il exerce est le pouvoir exécutif. Les moyens dont il se sert sont de plusieurs sortes. Au nombre de ces moyens, sont ceux qui naissent de la persuasion, de la volonté libre et de l’amour de l’ordre, la morale les donne, et la raison les emploie. Si la raison était toute-puissante, si les intérêts particuliers, les préjugés et les passions ù’agis-saient point oü n’agissaient que faiblement, ces moyens moraux seuls donneraient aux gouvernements la force coactive suffisante au bonheur des sociétés qulls dirigent. Ces moyens ne sont pas suffisants ; mais ils sont infiniment utiles quand lé gouvernement se sert de leurs invisibles ressorts etqu’il saitles employer avec sagesse et persévérance. Ces moyens agissant sur le sentiment intime et sur les eoüsciences sont pris dans la religion et les mœurs. Le respect pour les décrets de l’Etre suprême tels qu’ils se font entendre dans le fond de nos cœurs, l’obéissance au cuite établi, la décence dés mœurs soumises à des règlements publics, décence qui n’étant même qu’extérieure, adoucissant les âmes et les assujettissant par le pou- [Assebiblêë nâti&imlë.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 4Ÿ89.J 1�7 voir de l’exemple, composent ensemble les principes de l’éducation; et l’éducation préparé toutes les vertus sociales. Mais les intérêts et les passions agissent; et malgré le frein de la religion, des mœurs et les germes féconds de l'éducatioit, l’hothme est trop souvent tenté d’être injuste envers son semblable, et de troubler l’hàrmoilie sociale que les lois prescrivent et que le gouvernement doit conserver. Il est donc indispensable que le gouvernement dispose d’üne force active dont il puisse, dans toutes les circonstances, diriger les mouvements et les effets* sans être exposé à des lenteurs de déterminations, ou à des combats d’une autorité partagée. Cette force active a deux manières de s’exercer. Elle doit se montrer ou agir, contenir ou punir, ce qui distingue et sépare les pouvoirs d’une police générale et les pouvoirs des tribunaux. Et comme il est plus sage et plus humain de prévenir les crimes qüe de les punir, les premiers devoirs des gouvernements sont ceux d une surveillance continuelle de l’emploi Uniforme et prudemment distribué d’une force prête à agir de toutes parts, pour l’exécution des divers règlements de concorde et de paix. C’est en combinant l’action et le ressort de la religion, des mœurs et de la police publique, qu’on prévient ün grand nombre d’injustices et de crimes, mais on ne tes prévient pas tous. Ici commence le pouvoir des tribunaux. Ce que de sages institutions n’ont pu obtenir, des jugements le prescrivent ; et c’est à leur appui que le gouvernement ne peut se dispenser de prêter la force active dont il dispose. La loi veut, les tribunaux promulguent et surveillent, le gouvernement fait obéir. Le gouvernement est donc l’instrument de la loi, ou plutôt il a en sa puissance, et il fait agir l’instrument dont la loi se sert, et cet instrument est la force publique, soit qu’elle se compose d’une force nationale intérieure, ou des diverses parties d’une armée stipendiée. Chacun sait que par ce mot gouvernement on entend ce que peut et ce ç[ue doit entreprendre le pouvoir exécutif. Ce pouvoir est un; il agit seul; ce n’est qu’en administrant qu’il subdivise ses moyens; et c’est dans ce sens que son autorité se nomme celle du gouvernement. Le pouvoir législatif n’a point de force qui lui appartienne essentiellement; il est comme sous l’étendard Où se rallient toutes les forces éparses qui le font respecter ; ii est le bien de tous que tous doivent défendre. Le pouvoir exécutif n’a point de volonté qui soit primordialement à lui, ii n’a que la volonté de fa loi. Ces deux pouvoirs, si malheureusement ils se trouvaient réunis sous une même volonté, composeraient le pouvoir arbitraire; car on pourrait . faire plier la loi, qui ne se défend point d’elle-même, au gré des projets que la force aurait conçus ; on pourrait l’amener à consentir les injustices qu’on voudrait commettre. L 'action du pouvoir exécutif est dohc séparée du vœu du pouvoir législatif par les mêmes raisons que celui-ci ne dépend point du pouvoir qui exécute. Le pouvoir exécutif, ce défenseur des amis de la loi, cet ennemi de ceux qui voudraient l’enfreindre, ne peut point se partager;, car s’il agissait partiellement et en concurrence, il serait ou pourrait être contrarié, affaibli et souvent nul dans ses effets. Dans une monarchie mixte et . modérée, ce pouvoir est entier dans les mairts dü monarque, pair la raison décisive qu’on risquerait souvent d’atténuer ou de perdre la force coactive si l’on en divisait l’action. Il suit de ces principes réunis qüe là force proprement dite, s’emploie pour l’exécution dé la loi, qu’elle agit selon l’impulsion qüe le gouvernement lui donne, et que le monarque dirige cette impulsion de la manière prescrite par la loi. Dès que le pouvoir de faire exécuter ne dépassant point les limites prescrites par la loi, se trohve, sans partage, dans les mains du monarque, les moyens sans réserve, convenables à l’exécution, s’y trouvent aussi, comme des dépendances de ce premier pouvoir, et le dernier de la force militaire. Cette force se divise en deux parties distinctes et séparées. Dans l’intérieur du royaume, elle doit agir sans cesse, pour que les différentes classes de citoyens s’accordent entre elles ou se nuisent te moins qu’il est possible. Sous cette désignation cette force centrale doit être confiée à des milices nationales. A l’extérieur, cette force se nomme l’armée ; elle n’agit que par intervalles et particulièrement lorsque le monarque, en déclarant ou acceptant la guerre, emploie des troupes sur les frontières ou sur des terres ennemies pour l’intérêt ou la gloire dé sa nation (1). (i) Les ordonnances et les lois qui ithprirtient l’action et le mouvement aux armées sont interprétées dans le code de la justice des peuples; la rédaction de cette morale universelle sous la dictée de quelques hommes de génie qui avaient consacré leur vie à d’utiles méditations sur les principes de l’équité naturelle, a été nommée le Droit des gens. —Quelle que soit la forme de gouvernement que les peuples aient voulu adopter, l’explication et l’emploi de ce droit appartiennent âti pouvoir exécutif : et lors môme que les républiques l’exercent, ce n’est qu’en vertu de la partie exécutive des attributs réunis de leur puissance dont elles se sont réservées l’usage. La législation ne peut avoir dans les Etats que des effets intérieurs et c’est par ce motif que la force militaire, quand elle n’est point employée hors des limites de cës Etats, doit être sous une première dépendance générale de la loi. — Le pouvoir législatif considère les rapports de citoyen à citoyen; et dans ce cas, il dispose de la cause et des effets ; mais dés qu’il est question de l’armée, les effets que son action produit ne dérivent plus d’un pouvoir qui n’est pas celui de les mesurer ni de les prescrire, parce que ces effets sont variables selon les volontés et les entreprises des armées ennemies, selon les traités des puissances opposées, et l’union fédérative de leurs projets. Il n’y a plus entre des Etats qui se déclarent ennemis, de lois communes, ni de médiateur commun; la force agit seule alors par l’impulsion que lui communiquent les différents pouvoirs exécutifs des puissances qui se font la guerre. Dans un état monarchique modéré, où la puissance d’exécuter appartient au monarque, l’armée doit être maintenue sous son pouvoir, les traités de paix ou d’alliance, les confédérations qui font que l’armée agit ou n’agit pas sont dans ses mains, puisqu’ils règlent la force qu’il convient d’employer et la direction qui doit lui être donnée : et lorsque les nations se croient intéressées à exiger que les traités leur soient représentés ce n’est que par les rapports inséparables� qu’ils ont avec les subsides extraordinaires et les facultés des citoyens. Ainsi, quoique le droit de la paix et de la guerre soit attribué au monarque, le droit conjoint d’accorder des subsides appartenant aux nations, elles ont secondairement une influence considérable sur ces mêmes traités qu’elle ne veulent ni conclur ni rejeter par un pou- 128 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] Quoique ces deux parties de la force publique soient distinctes et séparées, elles peuvent et doivent même s’offrir mutuellement des secours intimes et décisifs. Selon une première supposition, lorsque les commandants des troupes réglées sont invités par les officiers municipaux, à maintenir la police générale ou par les officiers de justice pour le maintien de leurs jugements. Selon une seconde supposition, lorsque le monarque trouve à propos de réunir et d’augmenter ses ressources militaires, de recruter son armée, et de la renforcer avec les secours de tous les bras que la patrie appelle à sa défense. Si ces maximes sont évidentes, si les limites des deux grands pouvoirs sont justement placées, si la destination de la force active est clairement énoncée dans le peu de mdts qui précèdent, sans doute et conséquemment à ces maximes, les vues générales que l’on va proposer pour l’organisation des forces de la nation, tant au dedans qu’au dehors, paraîtront justes et raisonnables. SECTION II. DE L’ORGANISATION DE LA FORCE PUBLIQUE DANS L’INTÉRIEUR DU ROYAUME SOUS LA DÉSIGNATION DE MILICES NATIONALES. La force publique dans l’intérieur de l’Etat ne peut point être habituellement ni exclusivement exercée par l’armée, parce qu’on pourrait appréhender que l’entière liberté, dont le pouvoir législatif doit jouir sans interruption, ne fût attaquée, ou du moins gênée par des craintes continuelles. On aurait lieu d’appréhender encore, que le soldat ne fut point assez citoyen par ses volontés ou qu’il le fût trop par ses habitudes; dans le premier cas, il gênerait les libertés individuelles et dans le second, il énerverait la discipline. Ces justes fondements de crainte suggèrent deux résultats. Le premier, que le citoyen doit être défendu par le citoyen; et que l’établissement d’une milice nationale dans les villes est, pour les temps même les plus calmes, d’une utilité reconnue. Le second résultat est que le citoyen légalement armé a un droit naturel que le soldat ne peut exercer que quand il lui est concédé dans des situations particulières et urgentes ; parce que c’est son propre droit que le citoyen défend, que l’homme coupable de révolte envers la loi perd, par le fait même, son droit de patrie, et que c’est voir direct. — Les traités de commerce, les accords, ou les prohibitions qu’ils ordonnent, sont également conclus par le monarque; mais ils dépendent plus particulièrement de l’examen auquel la nation a intérêt de les soumettre, puisque les résultats de semblables traités sont dirigés dans l’intérieur des Etats; qu’ils n’ont que des effets relatifs aux puissances étrangères; qu’ils ne sont que des conditions libres ou des actes prohibitifs auxquels il peut être librement opposé des règlements d’une prohibition pareille. — Le pouvoir de déclarer et de terminer la guerre, et de conclure les traités qui l’éloignent ou qui l’occasionnent étant donc d’une autre nature que les conventions commerciales, les uns appartiennent au pouvoir exécutif des Etats, les autres à des intérêts de nation, sur lesquels les nations doivent être consultées. — Cette distinction est érigée en principe et observée par le parlement d’Angleterre. alors que l’honnête citoyen qui conserve son droit originaire doit être employé à contraindre ou à punir celui qui a perdu ce droit. Cependant, dans le cas, heureusement très-rare, de grands troubles, d’une épidémie morale, qui, augmentant le nombre des coupables, mettrait le corps politique en danger, le secours auxiliaire d’une partie de l’armée deviendrait indispensable, et elle remplirait alors, en agissant, un de ses plus précieux devoirs. Le pouvoir exécutif chargé, pour se conformer au texte de la loi, de maintenir la sûreté publique, a non-seulement le droit, mais la plus étroite obligation de placer des troupes réglées à portée des lieux où leur présence peut être utile; et la destination de ces troupes ne peut être accordée qu’à l’invitation légale des officiers civils ou municipaux (1). Dans tous les cas possibles, l’action des troupes réglées dans l’intérieur de l’Etat ne doit être considérée que comme un secours accessoire exigé pour la sûreté publique. Le droit honorable de défendre les lois, de protéger les faibles, de conserver la paix est le plus beau droit des citoyens, au moment présent tous l’ambitionnent ou se le partagent ; le courage, l’humanité l’honneur français seront à jamais les garants de la conservation de ce droit précieux. Lorsque des troupes réglées seront invitées par les représentants des différents corps de la société à se joindre aux troupes nationales, elles s’empresseront de seconder leur patriotisme et de contribuer au succès de leurs soins. Dans ces cas extraordinaires, les troupes réglées ne sont point aux ordres des municipalités, elles ne peuvent point changer de chefs ni de nature, elles agissent de concert avec les milices nationales, elles doivent s’incorporer avec elles et (1) Il n’existe que trois pouvoirs : le pouvoir législatif est exercé par la nation ; l’exécutif par le Roi ; le judiciaire par les tribunaux et au nom du Roi. Les municipalités qui n’ont aucun de ces pouvoirs, parce qu’elles n’ont aucune des trois portions de la souveraineté, ne peuvent certainement exercer que des droits concédés, qu’une autorité dépendante dont elles doivent compte à un pouvoir primitif; pour le fait de la police générale qui leur sera particulièrement confiée, c’est comme administrateurs délégués qu’elles agiront sans cesse; qu’elles composeront et dirigeront les milices chargées de la sûreté des villes et de la conservation des propriétés et que, dans des cas extraordinaires, elles demanderont des renforts de troupes réglées. Les municipalités exerceront donc une première police immédiate ; et comme elles représenteront dans chaque ville l’universalité des habitants, il sera vrai de dire que le corps des citoyens, sera, en quelque sorte chargé de sa propre police, que chacun d’eux pourra prétendre à l’honneur d’en devenir le conservateur ; et cette prérogative fixe l’étendue de la plus grande liberté dont les sujets d’une monarchie puissent jouir ; mais ces diverses autorités dérivent toutes du centre commun où se trouve le monarque. Si l’autorité de promulguer des règlements indépendants ou de donner des interprétations arbitraires, était accordée à toutes les municipalités, il est évident qu’elles pourraient agir en sens opposés les unes des autres, que la libre circulation des subsistances pourrait être gênée, que ne croyant agir que pour leurs intérêts, et ne connaissant point les rapports d’abondance et de disette des différentes provinces, elles occasionneraient sans le vouloir de grands désordres dans le corps de l’Etat. Une loi générale que le pouvoir exécutif aura sanctionnée et une soumission uniforme et convenable à l’esprit et aux termes de la loi primitive consentie, seront les deux seules bases dont l’union intime deviendra indispensable à la sûreté et au bonheur de la nation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA donner à une valeur commune à tous, ce que peut ajouter la dicipline qui leur est particulière. Il suit de ces vérités que, le citoyen étant le premier gardien né des propriétés et n’étant point salarié, son service ne doit pas être assujetti à une discipline sévère, à des règles gênantes mais seulement à des règlements municipaux, applicables selon les différences de l’étendue des villes, de la population des villages qui les avoisinent et des localités des provinces. Il suit encore de ces vérités que les divisions par compagnie, le nombre d’hommes, le choix des officiers doivent être soumis aux désirs du plus grand nombre des citoyens représentés par leurs officiers naturels. Et comme il résulte de cette grande quantité de corporations, une force considérable, généralement répandue dans le royaume, il est du devoir du pouvoir exécutif de la connaître, de la modérer ou de l’augmenter selon les circonstances. Pour remplir cet objet, les municipalités enverront chaque année aux approches de l’hiver, saison où la longueur des nuits et la privation des ressources dans les campagnes rendent la police des villes plus difficile, un état exact de leur milice. Ces états partiels adressés au gouvernement le mettront à portée d’apprécier la force générale des milices nationales existantes, et de proportionner les secours des troupes réglées aux besoins divers qu’on aura cru apercevoir. Ces états seront renouvelés chaque année parce que des changements de domicile et plusieurs autres motifs exigeront pour l’exactitude de fréquentes variations. Dans ces états seront seulement compris des citoyens domiciliés de l’âge de dix-huit ans, jusqu’à celui de cinquante, possédant des biens propres ou du moins affermés. Leur service sera effectif selon les rôles municipaux ou par remplacement de gré à gré, mais seulement par des citoyens domiciliés et compris dans les milices de la même ville. Ces qualités de domicilié et de propriétaire sont exigées pour deux motifs; afin que la composition de ces milices nationales soit moins variable et afin que la classe des citoyens honnêtes, qui n’ont point de propriétés puisse fournir aux troupes réglées de plus fortes recrues, sans enlever aux ouvrages des arts un trop grand nombre d’ouvriers et aux campagnes un trop grand nombre de cultivateurs. Après avoir écarté presque toutes les gênes que ► cet établissement peut faire craindre, on ne se dissimule point qu’il ne reste quelques liens assujettissants : ils sont le prix par lequel la liberté modérée se paye à elle-même tout ce qu’elle vaut. Et il est indispensable que les règlements qui dirigeront les municipalités soient observés avec exactitude dans les temps les plus calmes, afin qu’ils puissent servir à leur usage convenable K lorsque le maintien de la tranquillité publique les rendra nécessaires. Dans le nombre des villes, sera comprise une partie des bourgs qui ont une population moyenne évaluée à six mille âmes. Ces lieux, quoique ouverts, peuvent être assimilés aux villes, ayant dans une proportion inférieure à leur égard des branches de commerce, des manufactures et une richesse qui a besoin d’êlre protégée. r Tous les autres bourgs d’une moindre population, les villages et les hameaux n’auront point de milices nationales, parce que les intentions et les habitudes de l’agriculture paisible ne doivent lre Série, T. IX. iEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] 129 point être altérées par des habitudes opposées, qu’un peuple continuellement cultivateur ne doit être qu’accidentellement armé ; que le temps employé à des gardes militaires serait un temps dérobé à la culture et à tous les travaux précieux de la campagne; et qu’une foule immense de petits propriétaires, de journaliers quelquefois jaloux les uns des autres, munis d’armes offensives, ne recevraient pas de leurs municipalités faibles et éparses sur de vastes terrains une surveillance assez immédiate (1). Cependant les campagnes doivent être défendues. Pour y pourvoir, les bourgs, villages et hameaux seront dépendants chacun de leur district désigné; ceux qui avoisinent les villes seront sous la garde immédiate des milices de ces villes, ceux qui en sont éloignés seront défendus par les maréchaussées disposées à leur proximité et par quelques cantonnements de cavalerie et de dragons placés à leur portée. Les habitants des campagnes seront secondairement protégés par ceux d’entre eux qui auront (1) C’est par une gradation de dépendances et des sacrifices mutuels que les sociétés s’entretiennent, que les gouvernements agissent. Lorsque des volontés et des forces qui peuvent se distribuer et se mouvoir en sens contraire cesseraient de s’assujettir à un lien commun, celui du gouvernement, la loi deviendrait impuissante, car elle n’est qu’un être moral auquel le gouvernement donne un corps visible et agissant. — Mais comment la volonté du plus fort s’assujettira-t-elle à un ordre général et uniformément dirigé vers le bien de tous? Ce sera par la seule impuissance de faire usage de l’excédant nuisible de ses forces. Si le gouvernement permettait, sans exception, que l’on fût armé dans les campagnes, l'indépendance s’y montrerait avec le dégoût des travaux pénibles et les villes seraient exposées à toutes sortes de dangers. C’est dans les villes où sont les arts, les richesses et les jouissances faciles; c’est dans les campagnes où se trouvent la peine, les fatigues et souvent la misère ; c’est celui qui possède tout, qui a tout à redouter de celui qui ne possède rien. Que l’on arme indistinctement les cultivateurs, les cultures s’affaibliront, les subsistances diminueront en quantité et augmenteront de prix; des mercenaires sans ressources, pressés par l’infortune et les besoins, feraient peut-être entre eux des associations hostiles; après avoir agi au plus près, contre des possessions sans défense, ils iraient chercher de nouveaux riches derrière les murs des cités. — Mais les dangers de la force confiée à des citoyens ne seront point à craindre dans les villes où le coupable est entouré des surveillants dont il ne peut éviter les regards, où les entreprises de quelques audacieux sont contenues par la présence du plus grand nombre. On n’aura point à redouter dans les villes les armes des citoyens; presque tous y sont propriétaires d’un bien acquis ou d'une industrie qui travaille pour acquérir; les intérêts enfin y sont réciproques et ramènent par l’attrait des jouissances honnêtes, à l’empire de la modération. Que l’on établisse donc des milices dans les villes et qu’elles défendent les campagnes; ces milices ne seront jamais trop nombreuses; vouées à la patrie, elles sont instituées pour sa plus prochaine défense; elles rempliront ce devoir sacré, elles ne se lasseront pas d’une peine et d’une dépense nouvelle ; on ne craindra pas qu’elles s’abandonnent à des désirs d’économie et de repos et que des considérations personnelles les invitent à négliger des devoirs publics, On se hâtera d’établir une mesure, une réciprocité de protection, de confiance et de bienfaits entre les villages et les cités, et celles-ci par un juste tribut de reconnaissance, favoriseront, protégeront les hommes laborieux qui les nourrissent par des travaux continuels dont il importe infiniment de ne jamais les distraire. Telles ont été, dans tous les temps, les vues politiques des plus sages législateurs pour établir une police bienfaisante et prévenir les désordres publics. 9 130 eu des municipalités de leurs chefs-lieux, la permission d’être armés ; permissions qui ne pour: ront avoir leur effet qu’après l’autorisation qui leur sera donnée, sur les demandes des principaux officiers civils et en vertu des états et des motifs qu’ils présenteront. Enfin, par un règlement particulier, trois habitants notables dans chaque bourg ou village seront désignés par leurs communautés pour veiller à leur première sûreté; en cas d’alarme, ordonner que le tocsin soit sonné, selon des signaux différents et connus des habitants, afin que la nature du danger et des secours convenables et le choix des lieux d’un premier rassemblement soient énoncés dans tous les cas prévus et qu’on puisse, en avertissant de l’espèce de péril réel, prévenir toutes les fausses terreurs. Par un aperçu assez généralement adopté, en supposant dans les villes et bourgs principaux dix millions d’âmes, et le dixième de ce total en état de porter les armes on aura un million de citoyens en défense, un million de propriétaires légalement armés, pour que les possessions de tout genre soient conservées contre les entreprises de celte foule dispersée d’étrangers et d’habitants sans domicile et sans propriété, paisibles et utiles quand une police générale les contient, entreprenants et dangereux lorsqu’ils croiraient pouvoir l’être avec impunité. En déterminant les rangs effectifs et journaliers seulement au dixième de ce million existant il en résultera un corps de surveillance de cent mille hommes répandus sur la surface entière du royaume et continuellement attentifs à sa sûreté. Selon ce plan de précautions et de défense, le pouvoir exécutif, allié fidèle de la liberté générale, associera les municipalités à la surveillance qui lui appartient; les devoirs qui en résulteront seront bien importants; car la liberté a ses limites circonscrites; des habitudes serviles ne permettraient pas qu’on imaginât de les atteindre, la licence ne doit pas les franchir. De nouveaux règlements concernant les municipalités seront les conservateurs d’une liberté convenable; et on en sera incessamment redevable aux lumières de l’Assemblée nationale. SECTION III. DE L’ORGANISATION DE LA FORCE MILITAIRE DANS l’intérieur du royaume, sous la dénomination DE MILICES RÉGLÉES. Les milices des villes protègent l’intérieur du royaume, les troupes réglées en défendent l’approche aux ennemis du dehors; celles-ci, dans les temps de trouble, s’unissent aux citoyens, et les citoyens doivent à leur tour fournir les remplacements nécessaires pour que l'armée soit entière dans tous les temps et que sa composition soit constamment maintenue selon les formes et les proportions qui auront étéjugées convenables aux vrais intérêts de la nation. Les milices nationales des villes ont leur destination prescrite, et ce n’est point elles qui doivent pourvoir à ces régénérations de l’armée que le temps rend indispensables. C’est parmi les habitants des villes non domiciliés, non classés dans les milices et les habitants des campagnes que doivent être prises les recrues ordinaires pendant la paix et les suppléments extraordinaires aux approches de la guerre. [23 septembre 1789.] L’armée dont une économie vigilante aura par approximation désigné la force pendant la paix, en se conformant cependant aux proportions variables que suggérera le tableau mouvant de la politique de l’Europe, n’aurait pas pendant la guerre une force suffisante relativement à celle de nos ennemis naturels. Il sera donc nécessaire d’avoir dans le royaume un corps non actif, mais préparé, qui puisse donner en très-peu de temps ce supplément de force dont on ne peut se passer; et ce corps ainsi disposé ne peut être qu’une milice réglée. Conséquemment on abolira, selon le vœu de presque toutes les provinces, l’ancienne milice et son régime oppresseur et sa voie bizarre du sort et sa dépendance des intendants et des subdélégués ; et l’on établira à sa place une milice ordonnée et limitée par la loi et dont tous les membres seront librement offerts par des engagements volontaires et librement acceptés par la totalité des citoyens comme un des principaux tributs qu’ils doivent à la chose publique. Cette milice de la nation sera composée d’une première partie existante et d’une seconde partie suppléante destinées à compléter chacune le nombre de 60,000 hommes. On ne parlera d’abord que de la milice réglée existante. Les rôles des répartitions seront ordonnés par communautés. Les états qu’on envoyait pour les enrôlements des anciennes milices” se trouvent faits pour servir à dresser les états de la nouvelle milice réglée. Et lorsqu’on aura mieux établi, mieux calculé la force respective des provinces, mieux déterminé par les diverses populations l’étendue des districts et la position des chefs-lieux; ce travail assurera sur toute la surface du royaume des distributions aisées et l’exécution d’une règle uniforme, dégagée de toutes prédilections. Chaque communauté sera obligée de fournir le nombre d’hommes qu’il lui sera prescrit de donner, l’obligeant d’abord au remplacement effectif, en cas de mort ou de désertion ; et ensuite au payement d’une somme déterminée pour tenir lieu de second et dernier remplacement, si le milicien et le suppléant manquent à la fois. Le milicien doit promettre les qualités que le soldat doit avoir, et le pouvoir de l’accepter ou de le refuser est très-important, puisqu’une partie de la force de l’armée dépendra un jour de ce premier choix. Des inspections exactes seront donc nécessaires. Elles seront confiées à des officiers qui auront < une expérience acquise, parce qu’ils sont les seuls juges naturels des qualités du soldat; elles ne seront point confiées à des officiers étrangers aux cantons qu’il s’agira de parcourir, elles deviendront l’occupation habituelle et honorable des officiers retirés du service et domiciliés dans leurs provinces. Ces officiers, désignés par le gouvernement seront autorisés à se concerter avec les municipalités et à se refuser à de mauvais " choix. Le gouvernement les dédommagera, par des gratifications 'annuelles, des frais de déplacement auxquels ils seront assujettis. Les miliciens nationaux ne sont point encore des soldats et ne doivent pas être soumis aux punitions des délits militaires; mais s’ils désertent, leur infidélité les rend coupables envers la patrie ; et c’est à leurs officiers municipaux seuls " qu’il peut appartenir de les poursuivre pour raison d’engagements faits à prix d’argent et qu’ils n’auraient point tenus. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 131 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] Les milices réglées seront distribuées par divisions et de manière que dans le cas d’un rassemblement général par districts, elles composent aisément des compagnies et des corps réguliers. Ces milices n’auront point d’uniformes ni d’of-iïciers désignés en temps de paix; on ne doit les considérer que comme des dépôts connus, de citoyens annoncés pour être des soldats au début de la guerre. On s’aperçoit que cette institution, qui suffit à i’objet qu’on se propose, épargnera les tourments que donnait l’ancienne milice et les terreurs qu’avaient éprouvés ceux-là même que le sort venait d’épargner. Sans la nécessité d’aller au secours de la patrie on n’enlèvera plus le cultivateur à son champ et l’ouvrier à son atelier; la victime d’un billet noir sera remplacée par l’homme libre qui traitera volontairement du prix qu’il attache à son service. Cependant, il est utile d’une part que les soldats annoncés pour l’avenir soient soumis à une surveillance qui constatera leur existence continuelle; et d’une autre part que, sans les priver de leur industrie et du salaire de leurs travaux journaliers, on puisse leur donner les premières instructions qui devront un jour leur être néces-cessaires. Pour satisfaire à ce second objet, tous les dimanches, hors ceux de la saison où se fait le plus grand travail des champs, les miliciens se rassembleront dans les chefs-lieux de leurs arrondissements, dont chacun n’aura tout au plus que deux lieues et demie d’intervalle de son centre à sa circonférence; ils y seront en présence de leurs officiers municipaux, auxquels la police de ces rassemblements sera contiée. Des officiers habitant des lieux voisins, des sergents ayant eu leur congé absolu et sédentai-rernent à portée des arrondissements convenus, exerceront pendant quelques heures cette milice au premier maniement des armes. Les principaux officiers civils du district auront chez eux les fusils qui seront prêtés à l’exercice et rendus ensuite aux divers dépôts dont ils auront été tirés. L’honneur et le patriotisme contient à d’anciens militaires les premiers soins de ce noviciat. Ces motifs doivent persuader qu’aucun d’eux ne refusera sa surveillance; et si elle exigeait de leur part quelques légères dépenses, les assemblées provinciales seraient autorisées à ordonner de faibles dédommagements proportionnés (1). (1) Quelques détails (nous les supprimons presque tous) paraissent cependant nécessaires. — L’état de l’armée tel que nous le proposerons ne sera que provisoire, mais les moyens les plus aisés de passer de la composition régimentaire à une composition légionnaire ont été prévus et préparés, nous ne parlerons que des régiments puisque ia formation légionnaire ri’esl qu’indiquée. — Les régiments entretiendront leur complet de paix par des recrues ordinaires ; leur complet de guerre sera fourni par les milices réglées. La proportion entre la troupe formée qui recevra et la troupe nouvelle qui sera reçue sera toujours au moins comme de trois à deux. Le royaume sera divisé en quatre-vingt-huit districts militaires. — L’étendue de ces districts sera réglée par la population et non par les bornes actuelles des provinces. — Quatre districts fourniront ensemble pour leur milice existante le premier complet de guerre d’uo régiment. — Ils formeront pendant la guerre et quand les circonstances l’exigeront le grand complet par leur milice suppléante. — Chacun de ces deux corps effectifs de milices sera pour chaque district de 500 hommes. — Les quatre-vingt-huit districts donneront 11 reste pour le complément de cette section à désigner quelles seront la composition et la destination des 60,000 miliciens suppléants dont on a fait mention. Ils seront choisis comme ceux des milices réglées ; mais ils ne seront ni exercés ni rassemblés pendant le temps que ceux-ci seront présents à leurs demeures et ce ne sera que pendant la guerre qu’ils remplaceront leurs concitoyens absents avec l’espoir de donner comme eux uri utile secours à la patrie. en totalité un premier corps existant de quarante-quatre mille hommes, et un second corps pareil suppléant. — Seize mille hommes restant du nombre de soixante mille pour chacun des corps de milices et pour les quatre-vingt-huit districts seront destinés à fournir le complet de l’infanterie, de la cavalerie et des nouveaux corps qu’on aura jugé nécessaire de créer — Dans le nombre de quatre districts il y en aura un principal auquel les trois autres correspondront. — Chaque chef régimentaire sera en correspondance avec le district principal qui devra lui procurer le complet de son corps. — Ce chef joindra toujours à l’état effectif de son corps l’état nominal de la partie de la milice qui doit lui appartenir et les états successifs des changements qui surviendront. — Ce chef militaire n’aura point d’ordres à donner concernant les municipalités. — Le gouvernement seul sera modérateur entre le chef qui devra recevoir et la municipalité qui devra fournir. — Le gouvernement sera sur cet objet le conservateur de la loi qui aura été prononcée et il en maintiendra l’exécution par tous les moyens qui sont de son essence. — La formation et l’entretien du complet des milices seront uniquement sous l’autorité du gouvernement dont l’administration aura été confiée aux municipalités des districts. — Ce seront elles qui auront fait les engagements des miliciens de gré à gré. — Le protocole des engagements sera uniforme et prescrit inviolablemenl. — Le montant des engagements sera composé de deux sommes : l’une fixe comme la représentation d’une redevance personnelle; l’autre de supplément, selon la volonté et l’espèce des hommes qui s’offriront aux municipalités . — Ce sera cette seconde somme que chaque homme recevra au moment de la signature de son engagement. — Il ne recevra la somme fixe qui lui sera due et les intérêts compris qu’au momeut où il joindra le corps auquel il doit appartenir. — Les états des milices des districts seront toujours rapprochés du complet autant qu’il sera possible. Le prix d’engagement des miliciens qui n’auront pas été remplacés et de ceux qui s’absenteront formera une masse dans la caisse de la municipalité de chaque district principal. — Ces masses seront employées en recrues ordinaires pour suppléer au non complet des milices. — Lorsqu’il s’agira de remplacer les milices de quatre districts la municipalité du chef-lieu sera uniquement chargée de ce soin. Mais dès qu’elles seront ensemble pour aller se réunir à leur régiment, elles feront partie du corps qui les attendra, et prêteront serment d’obéir à l’officier particulier qui sera chargé de les recevoir. — Le chef régimentaire aura envoyé au principal district qui le concerne les officiers et les bas-officiers nécessaires pour recevoir la troupe et la conduire au régiment. Dès que ces corps de milices auront prêté leur serinent particulier de discipline, ils recevront la solde régimentaire, et dès qu’il se mettront en marche, ils aurunt la paye de route selon un nouveau règlement concernant les étapes. Chacun des quatre-vingt-huit districts aura en magasin les habillements et l’armement complet pour trois tailles et pour 500 hommes. Mais l’armement pourra être subdivisé pour les exercices des dimanches dans les chefs-lieux des différentes communautés. L’habillement sera fourni par les communautés et l’armement par le Roi et sur les lieux. Les milices destinées pour la cavalerie trouveront à portée de leurs régiments des dépôts de remonte et des ecoles fondées. L'uniforme sera exactement celui des régiments auxquels les districts auront à fournir leurs milices ; il n’y aura aucune distinction visible entre les anciens soldats et les miliciens qui seront incorporés en proportions éga-. les dans les différentes compagnies. 132 [Assemblée nationale.] , ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] SECTION IV. DE LA FORCE MILITAIRE PERMANENTE ET D’UNE NOUVELLE ORGANISATION DE L’ARMÉE. Avant de vouloir constituer l’armée, il convient de savoir quelle doit être sa force effective. Si l’on ne fait attention qu’à la situation des finances, à la nécessité d’augmenter le prêt des troupes, à la convenance de préférer des bras qui fécondent la terre à des bras en apparence inutilement armés pendant de longs intervalles de paix, à la situation de nos terres bornées par des mers, les Pyrénées, les Alpes, et par une double enceinte de places fortes ; si l’on fait attention à la sûreté que semblent nous promettre nos alliances politiques et surtout à l’avantage d’une modération raisonnée qui ne nous laisse que nos provinces à défendre et ne nous permet pas d’envier celles de nos voisins, on pensera que l’armée devrait être diminuée et peut-être propose-rait-on de la réduire aux deux tiers de sa force actuelle. Mais si l’on réfléchit qu’une politique ambitieuse peut au moment le plus inattendu méconnaître les liens de la conliance et de la foi promise, que les puissances rivales sont continuellement par de nombreux corps de troupes et des constitutions toutes militaires, en situation de méditer des projets hostiles ; qu’une triple confédération s’est formée et peut menacer au moment Je moins prévu nos colonies et nos frontières ; qu’une défensive trop assujettie livrerait au début même de la guerre le centre du royaume aux incursions des étrangers; que plusieurs de nos provinces anciennement conquises nous appartiennent à des titres de propriété qu’on nous disputerait sans doute , si nous cessions d’être en état de les défendre; que les traités sont nuis dès qu’on a le pouvoir de les contester ; que nos côtes et nos ports sont étendus et jalousés, que nos colonies exigent des garnisons et notre commerce des soldats qui le protègent, qu’une longue paix vient de nous affaiblir, du moins dans l’opinion de nos rivaux ; que la population n’est point l’armée et que quand on a beaucoup de bras a employer il faut encore beaucoup de temps pour faire des soldats ; sans doute par ces considérations afiirmerait-on que notre armée dans sa force actuelle ne doit souffrir aucune diminution. Après avoir balancé avec circonspection ces motifs opposés, ce n’est encore qu’à regret qu’ou ose prononcer de réduire l’armée a environ cent-vingt mille hommes, dont quatre-vingt-dix mille d’infanterie, vingt-mille de cavalerie et dix a douze mille d’un corps d élite et de réserve, et de compenser la reforme que l’on fera par les avantages d’une meilleure constitution militaire et une tactique moins restreinte aux manœuvres des corps séparés les uns des autres ; par l’exactitude du complet, les encouragements nouveaux et la discipline de l’honneur mise à la place d’une avilissante sévérité ; enfin par le nouvel usage d’un vrai esprit national substitué à de serviles imitations étrangères. Une loi immuable ne prononcera pas déliniti-vement sur le nombre des troupes qui composeront dans tous les temps la permanence de l’armée ; ce serait entreprendre de fixer le jeu des passions humaines et les projets de l’ambition des puissances rivales et la force instantanée que leur donneraient des traités de nouvelles alliances offensives. Vouloir assujettir à un calcul précis une résistance quelconque, c’est vouloir maîtriser les passions qui agissent en sens opposés. La mesure de l’attaque qui peut être pressentie n’est jamais déterminée sans variations. Un seul traité inattendu peut solliciter rapide-muet le secours de cent mille bras ; un seul traité peut les désarmer en un instant. Le pouvoir législatif ne s’exerce que dans l’intérieur des Etats; il ordonne pour tous les temps ; il s’établit sur des données fixes et qui ne sont point dans la dépendance des volontés sur lesquelles il ne peut établir aucun empire; mais le monarque, défenseur de l’Etat comme des lois qui le gouvernent, a le secret des sentiments qui dirigent la conduite des puissances rivales, il affaiblirait ses moyens s’il divulguait ses secrets; dans le calme de la paix, il entretient un supplément de force qui paraît inutile et sa prévoyance a déconcerté l’ennemi dont il a prévu les desseins; il a éloigné la guerre par l’appareil de la guerre ; il est économe lorsqu’on le croit prodigue. La force de l’armée, son organisation, ses destinations dépendent donc inévitablement de la fortune des événements et de la sagesse du monarque. On dira que la population du royaume et la valeur française composeraient sans obstacle et sans retard des armées formidables ; mais le nombre et le courage seuls ne sont point des armées ; jamais elles ne sortiraient toutes préparées de nos paisibles hameaux, le nombre les rendrait embarrassantes, la valeur même les rendrait indisciplinées; les garnisons, les camps, l’habitude et le temps donnent seuls des soldats et promettent des victoires (1). Pour que l’armée soit mieux constituée on observera que les différentes armes se prêtent (1) Nous insisterons sur cette observation importante, parce qu’elle combat une opinion dont les conséquences, si on les érigeait en principes, seraient infiniment dangereuses. Cette opinion manifeste un sentiment de supériorité, elle séduit l’inexpérience, elle satisfait les premiers élans du courage qui n’est jamais plus réel que quand il ne compare point la difficulté d’entreprendre avec le moyen de réussir, que quand il se fie à lui-même et ne s’entoure point de ressources étrangères. Mais quand l’expérience et la maturité de l’àge, sans affaiblir la valeur, ont donné le temps de la définir, on a appris que pour qu’elle soit plus sûre dans sa marche, plus égalé dans ses elfels, elle doit s’assujettir à des mesures prescrites et s’aider des renseignements d’un art qui la fortifie et lui donne de la constance lorsqu’elle sait profiter de ses utiles leçons. La valeur indépendante convient à l’Etat isolé qui ne peut rien devoir qu’à lui-même; des prodiges inattendus sont ordinairement la récompense de son dévouement et du mépris de la vie. Cette sorte de courage appartiendra sans doute à des milices lrançaises qu’un choix intelligent aura rassemblées, mais ce genre de valeur n'est point celui des corps de troupes réglées; celui-ci doit avoii été subordonné à des calculs et pour ainsi dire établi à l’unisson. Des corps formés pour agir en masse, • pour obtenir le plus souvent par des effets physiques ce qu’ils n’obtiendraient point d’une seule impulsion morale, seront composés, autant qu’il sera possible, d’individus également animés, également attentifs à suivre l’impulsion qui leur sera communiquée. Une ligne de soldats se prolonge et fait face à la mort; les uns la craignent, les autres la bravent, tous ont des degrés différents de valeur naturelle; que chacun d’eux se livre à son premier mouvement et cette ligne flottante rompue sera bientôt dispersée par la seule force mécanique du choc du corps qui lui aura été opposé. Mais que l’excessive valeur se modère, que l’exemple et la nécessité aiguillonnent et prennent l’homme timide 133 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] une force dont on avoue les avantages, mais dont il paraît que nos institutions modernes ont trop négligé l’usage. Les anciens avaient des armes de 'et, des corps pesamment armés et de la cavalerie égère toujours en mesure par des charges rapides de rallier l’infanterie ou de disperser l’ennemi que leur infanterie avait déjà ébranlé. Ces différentes armes composaient des légions dont les parties rapprochées n’avaient qu’une même impulsion, une même volonté. Nous pourrions comme les anciens réunir nos armes sous un même esprit de corps et composer des légions françaises avec des troupes légères de gros corps d’infanterie et quelques troupes à cheval. Cette idée n’est certainement pas nouvelle, elle exprime même un vœu assez général. Cependant il est vrai que les changements de formes dans la constitution militaire occasionnent une sorte d’étonnement accideniellement nuisible et que les circonstances présentes nécessitent que l’on diffère l’exécuiion des projets dont l’utilité ne serait pas généralement reconnue: on se contentera de supprimer dans les différents corps gui composent l’armée les vicieuses institutions que l’on y a introduites, et de rappeler une partie de celles qu’on avait mal à propos dévouées à l’oubli. De l’abandon de plusieurs institutions qui ont été tour à tour prescrites, abandonnées et renouvelées de vingt manières depuis trente années dans le régime de l’armée française, naîtra tout naturellement non pas une combinaison de formes nouvelles (l’expérience doit enfin nous garantir contre le caprice des nouveautés), mais le retour vers des principes constitutifs dont l’expérience, le temps et nos anciennes victoires avaient consacré l’usage. Nos corps d’infanterie sont trop peu nombreux à la fin d’une campagne, et quelquefois dès la première ils n’ont presque plus de solidité quand les hasards de la guerre, les maladies et la désertion les ont énervés. Les corps faibles par le nombre ont difficilement cette énergie que produit le premier aperçu des forces réunies lors-ue par l’unanimité des volontés et le concours es moyens, on sent tout ce qu’on est en état d’entreprendre. C’est une constitution trop faible que celle qui n’unit que deux bataillons ensemble. En doublant des régiments on aura moins de chefs à placer, mais on n’a pas des corps de troupes ou celui qui n’est qu’indécis, la ligne restera entière, soumise aux lois du mouvement, elle résistera avec plus de sûreté par sa force physique que par les déterminations des êtres divers qui la composent. Tel est l’avantage inappréciable de la discipline, une lente habitude peu seule avoir procuré cet avantage. On ne-doit s’attendre en employant des troupes nouvellement rassemblées qu’à des dégâts de subsistances, à des marches confuses et embarrassées, à l’inexécution involontaire des ordres les plus sagement médités, à des déroutes irréparables. El puisque le secrst de la victoire, selon l’expression du marécha j e Saxe, est dans les jambes des soldats; que l’évolution exacte et rapide d’un seul corps, lui donnant une position inattendue, lui fait gagner une bataille, ce ne sera point sa valeur seule, mais son obéissance, l’ancien usage de ces mouvements divers, qui l’empêcheront de se rompre et de se disperser avant d’être parvenu à la plus essentielle destination. Malgré tous les obstacles, supposons que la seule valeur ait vaincu: si la troupe victorieuse n’a pas été longtemps assujettie au frein imposant de la discipline, elle s’abandonnera à l’ivresse de ses succès, elle se dispersera dans sa course précipitée et l’ennemi qu’elle aura déjà vaincu ressaisira la victoire. pour leur donner des chefs ; le nombre des chefs doit se subordonner au contraire à la plus utile institution des troupes. Les corps doivent être nombreux, mais les sections de ces corps, les compagnies, ne doivent pas l’être. Le nombre des officiers a toujours fait la principale force des armées françaises. Sur un espace plus borné où la vue se dirige, où la voix se fait écouter, chaque officier particulier peut avec plus de facilité étendre sa surveillance, et c’est pourtant de cette surveillance que dépend un jour de combat le deuil ou la gloire de tout un peuple. Des corps nombreux ne doivent pas être confiés à la seule valeur que l’expérience ne guide point encore. A quoi servent des officiers généraux fortuitement placés devant l’ennemi à la tête d’une brigade qui ne les connaît point et dont ils ne sont point connus? Chefs un instant prêtés à la troupe, en ont-ils mérité la confiance? De quelle utilité sont ces inspections faites en parcourant des routes, lorsque l’officier général qui en est chargé s’empresse de dispenser la louange ou le reproche, et qu’il entreprend de rassembler en peu de jours les renseignements importants qui doivent décider de la discipline d’unearmée entière? Le Roi conservera des gouverneurs et leurs lieutenants dans ses provinces, la plupart sont éloignées du séjour du monarque : elles ne sont pas toutes à portée d’apprécier sa bienfaisance et ses intentions; mais ce précieux avantage de représenter le chef de la nation et de rappeler ses attributs divers, l’Etat ne doit point à la fois le concéder et le payer ; de grands honneurs ne doivent point être salariés avec prodigalité; de moindres traitements attachés à ces premières places, si l’on consulte les sentiments généreux de ceux qui les possèdent plus encore que les besoins de l’Etat, ne seront plus qu’une partie du dédommagementqu’exigent les dépenses d’une représentation honorable et nécessaire. Les gouverneurs et leurs lieutenants seront souvent présents dans les provinces et ce ne sera que dans des cas particuliers que le gouvernement emploiera des commandants subordonnés. Lorsque des officiers généraux seront, comme on le propose, à la tête des corps, les divisions, les généraux et les inspecteurs divisionnaires ne seront plus d’aucune utilité, et quand pour des simulacres de guerre et de grandes manœuvres on réunira plusieurs corps de troupes, les rangs de l’ancienneté décideront de la subdivision des commandements. Les places frontières seront entretenues avec soin ; la conservation des places fortes devien t d’autant plus importante qu’une politique prévoyante doit donner à la France de plus grands moyens de se défendre quand elle lui fait rejeter presque tous les projets des guerres offensives. Les états-majors de3 places frontières ne seront point supprimés; ils établissent la balance entre le citoyen et le soldat ; ils resserrent les liens qui leur sont communs. Les chefs qui commandentles régiments seraient en les remplaçant suspects de prédilections. Enfin les états-majors ne coûtent ou ne doivent presque rien coûter à l’Etat, puisque ces places sont ou doivent être la récompense des braves officiers vieillis sous les armes et que le Trésor public serait obligé d’entretenir sans exiger d’eux de nouveaux services. L’établissement des écoles militaires paraîtra susceptible d’une nouvelle faveur. C’est en soignant avec libéralité ces plantes naissantes que la 134 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] génération présente peut assurer à la postérité les fruits honorables de la discipline et du courage. Elle veillera sur la vieillesse des pères comme elle aura veillé sur la jeunesse des enfants, aux Invalides, dans cet asile d’honneur et de repos, où des vieillards courbés par les outrages du temps, se réjouissent encore au récit de leurs combats et au souvenir de leur valeur; ils élèvent vers le ciel, en bénissant la patrie, des yeux mouillés des larmes de leur reconnaissance. Non, sans doute, la patrie ne les abandonnera point au bord de leurs tombeaux. On conviendra que des grades militaires trop multipliés n’ont été très-souvent que les dons de la faveur; que la confiance des soldats ne se livre qu’à l’expérience de ceux qui les commandent. On voudra que la justice sans bandeau remplace à l’avenir la faveur aveugle; on voudra peut-être que des traitements excessifs dont jouissent quelques hommes riches soient diminués et l’équité de ceux qui ont ajouté cette richesse empruntée à celle que des héritages leur avaient déjà transmise s’empressera, sans doute, de rendre à la patrie d'inutiles bienfaits qui lui serviront à satisfaire devrais besoins. C’est alors que la nation plus économe et plus généreuse à la fois pourra répandre ses dons sur des officiers parvenus en vieillissant à des grades supérieurs; dans la réunion de leurs travaux se trouve le témoignage du dévouement de leur vie entière et presque toujours du sacrifice de leurs fortunes. La plupart n’ont plus que des instants pour jouir et des vœux à prononcer pour la liberté et la gloire de la nation. De ces idées élémentaires que nous pourrions étendre sans doute, en nous livrant au sentiment du bien public qui nous anime, se déduiront les institutions suivantes; nous n’indiquons que les titres des ordonnances et des règlements qui serviraient de bases à une nouvelle législation militaire. TITRES DES ORDONNANCES ET DES RÈGLEMENTS CONVENABLES A LA NOUVELLE ORGANISATION DE L’ARMÉE. Art. 1er. Les régiments d’infanterie seront doublés et remis tous à quatre bataillons. Art. 2. Chaque bataillon aura treize compagnies, dont une de grenadiers. Les chasseurs seront incorporés dans les compagnies, au nombre de six dans chacune. Art. 3. Chaque compagnie sera, au premier complet, de cinquante-six hommes, non compris les officiers. Art. 4. Chaque régiment, en temps de paix, sera de trois mille soixante-huit hommes compris les officiers, hors l'état-major; Art. 5. Au premier pied de guerre, de quatre-’ mille cinq cent soixante-seize par la première incorporation des milices réglées; Art. 6. Au grand complet, de six mille trente-deux par la seconde incorporation des milices suppléantes; mais dans cette dernière formation le complet possible ne sera plus qu’une approximation. Art. 7 Les compagnies seront commandées par trois officiers avant la première incorporation, par quatre officiers lors de cette incorporation et par cinq au grand complet. Art. 8. Dans les trois situations, la compagnie n’aura qu’un seul capitaine; selon la seconde situation un lieutenant et deux sous-lieutenants, et selon la troisième deux lieutenants et deux sous-lieutenants. Art. 9. Il semble qu’il convient de ne pas assujettir l’armée au moment présent et par un mouvement trop rapide, à la formation qui sera ordonnée pour l’avenir, et que la première opération peut se réduire au doublement des régiments, au dédoublement des compagnies, à l’incorporation des officiers des régiments supprimés et à un complet des corps accidentellement inférieurs à la composition prescrite pour les temps qui suivront. Art. 10. Dans l’attente d’une conformation légionnaire il ne sera fait aucun changement dans la cavalerie, les dragons et les troupes légères. La réforme prescrite sur la totalité de la cavalerie, s’effectuera par le non-complet des compagnies (1). Art. 11. Les recrues ordinaires d’hommes et les remontes des chevaux seront rendues, non aux capitaines, mais aux corps, et réparties proportionnellement dans les compagnies. Art. 12. Chaque capitaine aura la faculté d’attribuer à sa compagnie et de préférence, les hommes qu’il aura pu se procurer directement ou par le concours de ses officiers et bas-officiers. Ainsi on offrira au capitaine l’homme choisi de gré à gré et par un accord facile, dans une masse commune ; on aura rapproché les intérêts qui unissent le commandement à l’obéissance ; on aura donné à l’honneur une garantie commune. Art. 13. Dans les temps d’une paix assurée, le nombre et la durée des semestres, l’abandon d’une partie des appointements et de la solde et (1) Ce que l’expérience de douze campagnes de guerre, des lectures et des réflexions ont pu nous apprendre, nous a persuadé de-l’avantage que l’on aurait de composer et de diriger l’armée par légions. Le régime prompt et facile que nous indiquons maintenant prépare cette seconde formation. Chaque légion au temps de paix, serait de 4,424 hommes, l’état-major compris; elle aurait son service de 143 artilleurs ou ouvriers et de 8 pièces de canon; celui des trois corps alte. nativement et à volonté séparés ou réunis de 284 grenadiers, 285 chasseurs et 285 dragons, dont 140 seulement seraient montés; l’équipement, l'armement, l’ordre de bataille et ses divers changements tels que nous les proposerions seraient simples, invariables et paraîtraient convenables à la défense, à l’attaque et au passage rapide de Tune à l’autre; les moyens de recrutement seraient prévus et assurés pour que la légion fût toujours complète; son entretien coûterait 1,587,185 livres. Au premier aperçu de guerre on aurait avec certitude et sans délais l’usage d’un premier moyen préparé par les milices existantes pour porter la légion au nombre de 5,400 hommes dont 200 artilleurs, 408 grenadiers, 408 chasseurs et 408 dragons montés. Dans cette situation, la légion coûterait 2,037,460 livres. 24 légions toutes semblables composeraient pendant la paix une armée de 106,176 hommes ; mais l’armée ne serait ordinairement à l’effectif, par de nouveaux règlements concernant les semestres, que de 70,784 hommes et pendant la guerre de 153,600 dont 8,160 dragons. La dépense de 24 légions serait pour le temps de paix à leur complet en rappelant les semestriers, de 34,918,080 livres et dans son moindre complet ordinaire de 29,098,400 livres. Les appointements et la solde des 24 légions seraient pour le temps de la guerre de 48,891,848 livres; enfin de troisièmes moyens de prévoyance par les milices suppléantes entretiendraient successivement ce grand complet des légions pendant toute la durée de la guerre. La cavalerie de ligne, les troupes légères et un corps de réserve auraient sur un ordre de bataille général leurs destinations particulières. 135 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] la correspondance des semestriers avec les corps seront déterminés par un nouveau règlement. Art. 14. Les conseils d’administration seront conservés ; mais leurs formules de bureaux seront abrégées par le fait même de la nouvelle composition des régiments. Art. 15. Le régime des masses dans les corps, une grande partie de ce travail consigné dans les dernières ordonnances, utile à quelques égards, mais nuisible en ce qu’il a été la source d’un mécontentement sourd et d’une méfiance continuelle du soldat à l’égard de ceux qui le commandent, sera simplifié et les décomptes de toute espèce seront faits à des époques plus rapprochées. Art. 16. Les lieutenances-colonelles seront rendues à l’ancienneté, pour que l’espoir de commander soit donné à tous, que la constance dans le service soit récompensée et que les fruits de l’expérience acquise ne soient plus perdus. Art. 17. Les concordats à l’occasion de ce grade pourront avoir lieu sous des conditions privées, consenties par tout le corps de capitaines du régiment. Le concordat est en quelque sorte une dernière épreuve du zèle militaire ; par son acceptation il termine paisiblement la carrière de l’homme infirme ou de celui qui n’a eu que des vertus communes ; par son refus, il distingue et montre l’homme supérieur qui dévoue tout son courage et tous ses talents. Art. 18. La majorité ne sera plus un grade dans l’armée, elle sera donnée comme une preuve de la confiance des corps pour des talents reconnus. Art. 19. Dès que la majorité sera vacante par démission volontaire ou autres événements, les capitaines proposeront à leur inspecteur trois sujets de leurs corps ; le ministre les proposera à Sa Majesté, qui choisira l’un des trois. Art. 20. Dès que le grade de la majorité sera éteint, le seul obstacle au rappel des commandants de bataillon sans troupes n’existera plus. Ces emplois rétablis appartiendront dans chaque régiment aux deux plus anciens capitaines; toutes les parties d’un bataillon seront mieux liées sous un chef particulier ; le rang de capitaine aura regagné une de ses anciennes distinctions ; aucun autre rang intermédiaire ne le séparera plus de la lieutenance-colonelle. Art. 21. Les colonels et majors en second, cet intermédiaire qui soumet le vrai intérêt des corps à la satisfaction de placer des sujets, qui gêne, à la fois, et le rang qui est au-dessus et celui qui est inférieur sera supprimé, ceux qui l’exercent maintenant seront présumés en activité jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés. Art. 22. C’est par la nécessité de relever l’importance d’un des emplois les plus utiles et les plus multipliés, et d’unir les capitaines d’un même corps par une réciprocité de bienfaits et des liens plus fraternels, qu’il paraît convenable que la présentation des sous-lieutenants dont la nomination sera dévolue au corps, soit adressée au colonel par le capitaine, dont la compagnie aura la sous-lieutenance vacante ; le capitaine proposera trois sujets ; le colonel choisira celui des trois qu’il préférera présenter au ministre. Art. 23. Les peines contre les délits seront adoucies. C’est dans ce travail surtout que le législateur ne doit jamais perdre de vue l’objet moral et qu’il doit punir, autant qu’il lui est possible, par le seul châtiment de la honte. Art. 24. La peine de mort ne sera prononcée contre la désertion qu’à la troisième récidive. Art. 25. A côté des peines prononcées, on établira des récompenses pour l’exactitude du service, pour le mérite persévérant des soldats attachés à leur état. Art. 26. Les récompenses ne seront point pécuniaires, mais honorifiques et encourageantes ; elles seront décernées par les chefs à la demande des pairs de ceux qui les auront méritées. Art. 27. L’obligation de monter sans armes la première garde en présence de celui qui remplacera sera une des punitions infligées ; la peine de prison sera ordonnée, mais on aura auparavant veillé soigneusement à la salubrité des prisons militaires. Art. 28. Dès que la punition pour délits déshonorants aura été infamante (ce genre de châtiment doit toujours être sévère), le coupable sera chassé de son corps, et sa honte sera signalée dans le cartouche qu’il recevra. Art. 29. Les engagements ne seront plus que de six années. Art. 30. Les seconds engagements et les sui ■ vants feront mention de la reconnaissance de la nation et de la satisfaction des chefs. Art. 31. Les troisièmes engagements vaudront 2 sous par jour de haute paye. Art. 32. Et après un cinquième engagement, les soldats et cavaliers conserveront deux tiers de leur paye, s’ils ne veulent point les Invalides en prenant leur congé absolu. Art. 33. La paye actuelle sera augmentée de 2 sous par jour pour les fusiliers, cavaliers, grenadiers, carabiniers et les bas-officiers, et de 3 sous pour les sergents et maréchaux de logis. Art. 34. Les appointements des officiers seront augmentés pour tous les grades actifs, d’un sixième en sus des appointements actuels. Art. 35. Les régiments étrangers conserveront les avantages dont ils jouissent. Art. 36. Les régiments suisses conserveront selon leurs capitulations leur solde et leur régime actuel. Art. 37. Les uns et les autres participeront au bienfait accordé aux troupes françaises, dans une proportion que doivent limiter les avantages de leur traitement actuel. On a quelquefois proposé de licencier les étrangers, mais on n’a peut-être pas fait assez d’attention à l’avantage qu’ils procurent en augmentant, pour ainsi dire, la population de l’Etat par l’offre de leurs services volontaires. Chaque étranger qui se donne à nos armées rend deux bras à notre culture ou à nos arts de la paix. Art. 38. Les exercices et les évolutions sont susceptibles d’être simplifiés. Art. 39. Les simulacres de guerre, les marches rapides et les exercices à feu seront plus souvent renouvelés. Art. 40. On réunira au moins deux fois toutes les années les régiments qui seront le plus à portée les uns des autres, pour les exercer ensemble. Art. 41. Le régime des vivres, des fourrages et des hôpitaux sera fait comme autrefois par entreprises, mais sous des clauses plus économiques d’un règlement nouveau. Art. 42. 11 sera fait un nouveau règlement utile aux provinces, concernant les étapes. Art. 43. Pour maintenir la discipline de l’armée, la plus grande partie de l’infanterie ne sera employée que sur les frontières en première et seconde ligne. Art. 44. La cavalerie dans ses cantonnements 136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] sera plus rapprochée du centre du royaume, où elle contribuera par un service particulier qui lui sera prescrit à la sûreté des communications. Art. 45. Les troupes ne prêteront main-forteen se conformant à des formules connues des citoyens comme de l’armée qu’à la réquisition des municipalités ou des tribunaux, ne pouvant y avoir de services relatifs aux citoyens, que ceux qui maintiennent la police générale ou ceux qui assurent la punition des délits. Art. 46. Chaque régiment d’infanterie sera commandé par un maréchal de camp qui l’inspectera; tous les officiers du même corps lui seront subordonnés comme à leur premier chef. Art. 47. Cet officier commandant sera présent à son corps chaque année, pendant quatre mois. Art. 48. Un règlement de discipline distinguera les diverses parties du commandement, en conservant aux colonels ce qui peut leur appartenir de police immédiate. Art. 49. Les anciens noms, les anciens uniformes seront rendus aux régiments, parce que des mots déterminent le plus souvent le sentiment et la pensée, et que des noms illustrés par de belles actions n’ont pas dû être changés en dénominations arbitraires. Art. 50. L’officier général commandant appartenant sédentairement au corps qui lui sera confié en portera l’uniforme. Art. 5t. Les uniformes ne seront plus à la troupe seulement, des habits désignant un service actif, ils seront un vêtement habituel et distinctif de l’état militaire; ils seront portés à la cour et devant le Roi. Un grand uniforme sera désigné aux officiers supérieurs et généraux, pour les fêtes publiques et le jour où le souverain tiendra sa cour. Art. 52. En attendant une nouvelle formation légionnaire, où une partie de la cavalerie et des dragons sera introduite, il sera désigné un maréchal de campau commandement et à l’inspection de deux régiments de cavalerie et de dragons. Art. 53. Quatre lieutenants généraux rédigeront les inspections particulières et feront leur travail avec le ministre de la guerre. Art. 54. S’il se fait des rassemblements pour de grandes manœuvres, il y sera employé extraordinairement des lieutenants généraux. Art. 55. Le dernier règlement concernant les grades sera supprimé; les grades supérieurs seront donnés au mérite ou à l’ancienneté, selon les conditions immuables d’un nouveau règlement qui en limitera le nombre et rendra aux commandements supérieurs leur ancienne prééminence. Art. 56. Tout officier qui sera parvenu par tous les grades, et qui aura eu, avant d’être officier général, quarante années de service, sera censé en activité permanente. On ne punira point la constance de ses travaux par l’inutilité des restes de sa vie, de froides louanges et sa réforme involontaire. Art. 57. Les pensions de retraite ne seront accordées qu’au grade de capitaine et aux grades supérieurs. Les officiers que des blessures auraient réduits à l’impuissance de servir et ceux qui seront parvenus par l’état de soldat, seront exceptés de ce règlement. Art. 58. Les pensions de retraite seront augmentées à l’avenir, mais dans une proportion différente, selon les années de service de ceux qui les auront méritées. Art. 59. Les capitaines répondent de la discipline, de la conduite, des qualités de la troupe qui leur est confiée; ils créent, ils entretiennent les vrais éléments de l’armée. Les noms, les titres de ces emplois honorables ne doivent point être obtenus par l’amour-propre oisif. On laissera éteindre les brevets à la suite ou de remplacement ; tous les brevets désormais seront actifs. Art. 60. La croix de Saint-Louis ne sera donnée qu’à des officiers en service de corps ou de troupes, sans interprétations arbitraires. Art. 61. Les fonds de cet ordre seront augmentés par une partie des fonds des pensions du Trésor, et les nouvelles pensions seront accordées en gratifications annuelles aux officiers dans leur service actif qui auront depuis plus de douze années la décoration de la croix. Ces pensions, faibles d’abord, seront augmentées tous les deux ans; elles cesseront à l’instant des retraites accor-d00s. Art. 62. Ce fut originairement par un abus de lafaveur que des grâces pécuniaires se joignirent à la plupart des grâces honorifiques, comme s’il était juste que le gouvernement payât les grâces qu’il accorde.Si les honneurs devaient et pouvaient se payer, ce serait en sens contraire et par celui qui les reçoit. 11 semble donc qu’on ne doit plus attacher de pensions aux dons des hautes distinctions qui frappent la vue et satisfont l’amour-propre, telles que les cordons et les grands-croix. Art. 63. Les grades, les places et les récompenses seront désormais accordées par le Roi dans son conseil, au rapport des ministres de chaque département. Art. 64. Les emplois des états-majors des places seront accordés comme retraite. Ceux qui les exerceront pourront obtenir des lettres de service et reprendre leur activité selon les circonstances et leur proximité d’une armée ennemie. Art. 65. 11 ne sera rien changé actuellement dans le service et la composition des corps du génie et de l'artillerie ni dans la distribution du service de ses bataillons. Ces deux corps ne seront jamais incorporés l’un dans l’autre. Art. 66. Il paraît qu’on n’a pas de motifs de conserver le corps de l’état-major de l’armée ; les officiers instruits qui le composent maintenant seront employés à des missions particulières; mais ce corps n’a pas de désignation assez précise pendant la paix; et cette école de talents fait attendre longtemps, pour la guerre, les résultats de l’expérience. Les officiers des trois états-majors seront choisis comme autrefois, par la confiance des généraux pour les deux tiers du nombre qui en sera donné aux armées; le corps du génie fournira de droit le troisième tiers. Art. 67. Le corps de la maréchaussée sera progressivement augmenté jusqu’au double de sa force actuelle ; ce corps utile sera rendu susceptible de quelques grâces particulières. Art. 68. Des corps d’élite seront établis sous la dénomination de corps de réserve, séparé de la totalité des troupes qui composent la ligne de bataille, afin de conserver le plus d’uniformité possible dans la formation et les traitements des différentes parties de l’armée. Ce corps de réserve sera de dix à douze mille hommes. La gendarmerie sera rendue à la nation et fera partie de ce corps. — Des corps d’élite n’auraient pas dû être supprimés ; ils lient en quelque sorte la partie de la nation la moins fortunée à la partie la plus opulente. Ces corps se composent d’une classe de citoyens que des droits généraux et leur éducation doivent affranchir des rangs inférieurs, quand leur fortune ne leur permet pas de s’élever à des rangs supérieurs. Art. 69. Plusieurs abus et des usages détournés [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1789.] 437 d’une première institution se sont introduits dans le régime actuel des écoles militaires ; l’expérience les a fait connaître ; il convient d’y remédier sans délai. Art. 70. Les provinces n’auront ordinairement pour commandants militaires que leurs gouverneurs et leurs lieutenants généraux, selon les anciennes patentes et leurs droits honorifiques. Art. 71. Il ne sera plus nommé à des commandements en second, hors les circonstances qui paraîtront à Sa Majesté devoir exiger ce service extraordinaire. Art. 72. Les dernières ordonnances concernant la formation de l’armée en divisions seront supprimées. Art. 73. Les petits commandements sans activité, ceux qui donnent un droit d’absence illimité seront supprimés sur-le-champ. Si leurs titulaires ont d’autres charges ou d’autres appointements proportionnés à leurs grades et à leurs services, ils ne seront supprimés qu’à la mort des titulaires qui seraient privés de tout autre traitement. Art. 74. Il sera fait deux nouveaux règlements concernant les classes et les gardes-côtes, afin d’assurer la liberté publique en alimentant avec des moyens suffisants les services divers du département de la marine. Tels sont les principaux changements qu’il semble que des méprises où des erreurs ont rendus indispensables ; ils se rapportent tous à des principes anciennement reconnus, et leur exécution ne paraît plus devoir être différée. Ils se rapportent tous au désir de maintenir ou plutôt de reproduire dans toute son énergie le caractère français, de décomposer et de proscrire des formes étrangères trop composées et trop froides ; de restituer aux soldats l’opinion de ce qu’ils valent lorsqu’ils se rassemblent sous les étendards unis de la discipline et de l’honneur ; de rendre aux capitaines le pouvoir et la gloire de constituer essentiellement l’armée; ils en sont la véritable force; d’élever le commandement qui s’exerce sur eux, en les élevant eux-mêmes à la hauteur où ils doivent se trouver; et de modérer l’usage des commandements supérieurs par des rapprochements plus doux et des règles habituelles d’une autorité moins arbitraire (1). Si des calculs, qu’il serait inutile de rapporter, ne trompent point, on trouvera les résultats d’une épargne considérable, et en même temps une plus sage distribution des bienfaits que le Trésor public doit répandre avec justice et sans prodigalité; (1) C’ est par une fatalité sans exemple que la France a vu son régime militaire souffrir les plus dangereuses altérations, sous ses administrateurs les plus éclairés et de la plus haute réputation dans l’Europe entière. Deux hommes de génie, jaloux sans doute de montrer le pouvoir de l’imagination et de réaliser des systèmes quand la morale et l’expérience seules devaient les diriger, ont dénaturé la constitution de l’armée française. M. le duo de Choiseul, mieux en état que personne d’apprécier ce que le caractère français exigeait de prévenances, de confiance et d’aménité, altéra le premier cet avantage national qui reste impatient de se reproduire ; mais il n’était qu’affaibli, lorsque M. de Saint-Germain, nourri de systèmes allemands, sévère, parce qu’il avait longtemps éprouvé l’infortune, vint prescrire à la vivacité française la patience d’inertie des froids habitants du Nord. Plus récemment encore on a voulu resserrer par dos nœuds plus étroits ces chaînes étrangères qu’il s’agit enfin de briser et de remplacer par des liens volontaires d’une discipline toujours exacte quand l’honneur la commande et qu’on se soumçt à son empire. nous rétrogaderons de trente années vers nos premières institutions de sagesse et de force ; et ce temps dont nos intentions nous rapprochent était celui du bonheur et de la gloire de l’armée. Nous n’avons rien détaillé , rien approfondi ; nos idées ne se sont offertes en abondance et presque sans suite que comme des souvenirs dont nous rappelons la mémoire (1). (1) Nous nous sommes proposé de définir la force publique et de déterminer les principaux usages de cette arme prudente et vigoureuse que la loi prête au gouvernement et dont la liberté mesure l'emploi selon les justes proportions qu’elle se donne à elle-même; nous voulons encore, en récapitulant nos principes, la considérer sous ses trois points de vue et ses trois actions différentes. La force agissante n’est dans l’intérieur des Etals que le bouclier de l'ordre et de la paix; elle prévient et dissipe les attroupements; elle conserve les propriétés; elle s’oppose à la dépravation ouverte des mœurs; elle est dans l’enceinte des villes une garde domestique et vigilante; mais celte même force dispersée dans les campagnes, et soumise au seul frein de faibles municipalités se livrerait à l’inaction ou n’agirait qu’avec licence; instituée pour prévenir le désordre elle l’occasionnerait. Il est donc nécessaire que le port des armes ne soit accordé qu’aux villes et qu’il soit procuré à l’agriculture, nourrice des arts, l’avantage pacifique de recevoir des lieux où ils sont rassemblés la protection qui lui est due. Il paraît nécessaire que cette force gardienne de la paix soit d’une autre nature que celle de l’armée uniquement constituée pour la guerre, il est convenable de l’assujettir à une mesure proportionnée aux causes morales et variées, selon les localités, la fortune et les mœurs des citoyens; il parait indispensable qu’elle soit connue du gouvernement qui doit tout surveiller; mais qu’elle puisse agir par son impulsion subite. C’est sur ces principes que nous avons proposé l’institution des milices nationales et leur dépendance immédiate des municipalités. Nous avons pensé que cette force de police devrait être distincte de cette autre force qui se trouve aussi dans l’intérieur de l’Etat et dont la destination directe est d’assurer la permanence de l’armée suivant des évaluations soumises à l’examen des intérêts politiques de l’Europe. Cette force ne doit point être agissante par elle-même, elle n’est que l’attente et le complément de celle qui doit agir contre les ennemis du dehors ; elle doit être par conséquent affranchie de toute contrainte et des chances du sort; elle conservera à ceux à qui elle sera confiée l’usage de leur industrie et de toutes leurs facultés pour que les campagnes ne cessent point d’être fertilisées ; mais dès les premiers moments qu’elle sera jointe à l’armée, elle se soumettra sans efforts à l’exemple qui lui sera donné, parce qu’elle sera inférieure dans sa totalité, et dans chacune de ses parties aux corps disciplinés auxquels elle s’incorporera, et son infériorité mesurée la réduira à l’imitation. Qu’on change les proportions que nous avons indiquées; que l’on diminue l’armée permanents ou que l’on augmente la milice qui doit s’y réunir, le désordre s’introduirait dans l’armée, elle ne représenterait plus que la valeur inutile et les défauts sans nombre de l’arrière-ban de nos aïeux. Et lorsqu’on voudra s’occuper de la force qui doit se déployer sur des forces ennemies ou pour la défense des frontières et la sûreté du commerce, ce ne seront point les vertus privées, le courage indépendant qu’il sera question d’invoquer; on composera l’armée; on l’instruira sur ce principe de tous les temps et de tous les peuples, que la valeur suffit pour combattre et vaincre corps à corps, mais que la discipline seule conduit les bataillons en masses serrées; qu’elle réunit les effets de la force physique à ceux de la force morale, et le poids qui frappe et renverse à la volonté qui les dirige jusqu’au moment où ils se reposent victorieux sur des champs de bataille; que cette discipline enfin est l’ouvrage du temps et d’une soumission lentement acquise qui se donne à l’habitude quand elle se refuse à la réflexion. 138 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1789.] Mais il nous reste un objet à traiter et nous le croyons un des plus importants. La formule du nouveau serment que les représentants de la nation viennent de concerter avec sagesse et que le Roi a été supplié de faire promulguer dans tous ses Etats, ne peut être et n’est en effet que le développement d’une formule ancienne, mais trop concise. Les troupes jureront d’être fidèles à la nation et au chef de la nation ce qui n’est qu’un seul et même serment, un seul et même devoir, le Roi et la nation étant indivisibles. Les troupes jureront d’être fidèles à la loi; mais il s’agit encore ici de la nation et du Roi, puisque la loi n’est que l’expression de la volonté de la nation et du premier devoir du chef qui la gouverne au nom sacré de la loi. Le soldat jurera de respecter la vie et les possessions du citoyen. Et dans quel pays, dans quel temps, les défenseurs par état du citoyen auraient-ils pu entendre qu’ils jureraient d’usurper ses propriétés ou de menacer ses jours ; lorsqu’à la réquisition des officiers civils ou municipaux, ils contiennent, intimident ou punissent des coupables qui s’opposent à l’ordre public, ils n’obéissent qu’à la loi qui leur ordonne de veiller à sa sûreté; ils ne protègent que le citoyen qui l’est toujours contre celui qui a cessé de l’être; ils protègent leurs frères contre les complots des familles qui leur sont devenues étrangères? Les chefs des troupes s’imposeront leurs obligations en présence des officiers municipaux, et cette publicité n’est que le gage et l’assurance constatée avec solennité des engagements qui sont réciproquement contractés. Voilà les devoirs du soldat citoyen, et ce dernier titre ennoblit encore le premier. Mais le soldat est-il employé pour repousser l’ennemi de l’Etat ? Et dans toute autre circonstance qui n’intéresse point les lois de son pays, où le citoyen isolé n’a rien à réclamer, rien à prétendre, il n’est plus que soldat; il jure d’obéir à ses officiers, d'observer Indiscipline qui lui est prescrite, de s’y soumettre sans murmure, de se dévouer tout entier, et si ses chefs le lui ordonnaient, de mourir s’il le faut à ses drapeaux. Ces idées justes suffisent pour développer le vrai sens de la formule du serment dont la nation et le Roi viennent de consacrer l’usage. Nous avons voulu examiner, dans cet écrit, le vœu du monarque, le vœu de la nation et les sentiments unis de l’amour de l’ordre et de la liberté. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du jeudi 24 septembre 1789, au matin (1). M. le Président donne lecture de la lettre suivante : «Monsieur le président, l’Assemblée nationale a pris sous la sauvegarde de l’honneur les créanciers de l’Etal. Une résolution si généreuse importe à toutFrançais. Permettez, monsieur le président, que je contribue à l’exécution d’un vœu que forment tous les Français. Pénétré de ces sentiments, j’offre (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. à la nation l’hommage d’une somme de 100,000 livres. Je ne regarde pas comme un sacrifice à l’Etat la remise faite en 1776 aux habitants d’Amiens d’un droit de minage important, et je déclare renoncer pour ce droit à l’indemnité promise par le gouvernement en ladite année 1776 et au rachat autorisé par l’Assemblée nationale elle-même dans ses arrêtés du 4 août. « Signé : le duc de charost. » M. Démeunier. Je demande que cette lettre soit imprimée. L’Assemblée ordonne l’impression et charge son président d’écrire à M. le duc de Charost pour lui témoigner sa sensibilité. M. le Président a fait successivement lecture d’une lettre d’un des membres des communes, qui contient un billet de 2,400 livres, payables en deux termes, dont il fait don à la caisse patriotique, comme formant la cinquantième partie de sa fortune ; D’une lettre du sieur Georgelin, correspondant des Etats de Bretagne, par laquelle il annonce la remise qu’il fait faire à la caisse patriotique, d’une bourse de jetons qui lui a été envoyée par les Etats de Bretagne ; D’une lettre des sergents-majors et sergents du régiment de Besançon, du corps royal de l’artillerie, destinée à accompagner une rescription de 600 livres, qu’ils offrent à l’Assemblée pour être appliquée aux besoins de l’Etat ; D’une lettre, en forme de requête présentée par les députés de la paroisse de Villabé, lesquels, en vertu d’une délibération de cette paroisse, apportent à l’Assemblée une somme 264 livres provenant de la vente de sacs de blé, confisqués à son profit ; D’une lettre des membres du comité de la société patriotique de Strasbourg, qui, en annonçant l’ouverture d’une souscription patriotique dans la ville de Strasbourg, dont le produit monte déjà, pour les quatre premiers jours, à la somme de 18,000 livres , déposée chez M. Lacombe, notaire royal, indique que la première souscription a été celle de M. le comte de Rochambeau, commandant pour le Roi en Alsace. Ces lectures terminées, M. Dupont, député de Nemours, qui jouissait de 8,000 livres d’appointements, comme garde du dépôt des lois commerciales étrangères, et des tarifs étrangers, a remis ses appointements, qu’il avait obtenus sous le ministère de M. d’Ormesson ; il a offert de continuer son travail, à cet égard, gratuitement, ne se réservant que la retraite qui lui a été donnée en 1776, lors de la disgrâce de M. Turgot. U a pareillement offert de placer dans l’emprunt les arrérages de neuf mois échus des appointements doDt il fait le sacrifice. Le sieur Gruel de Sormancoust, gentilhomme du bailliage de Senlis, a fait offrir à l’Assemblée la remise du brevet d’une pension de 120 livres sur le Trésor royal, seul prix des longs services de son père. L’Assemblée a reçu avec les plus vifs applaudissements ces offres patriotiques ; elle a ordonné qu’elles seraient inscrites sur le registre destiné à constater ces généreux exemples, et à en perpétuer le souvenir. Le procès-verbal des deux séances d’hier a été lu, et après lui, l’extrait des lettres et adresses qui suivent : D’une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de tous les citoyens de la ville de