SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N° 10 93 VI1 Un jour horrible vient d’éclore: Et doit éclairer le trépas; Et dès le lever de l’aurore, La foudre tombe en mille éclats. Du pur sang de mille victimes, Déjà le sol est humecté... Mais Astrée et la Liberté Vont bientôt venger tant de crimes. VIII Déjà nos chaines sont brisées; Deux millions de nouveaux Titans, Autant de nouveaux Prométhées, Elèvent leurs fronts menaçants: Déjà dans leur fureur extrême, Du sommet d’un mont sourcilleux, Ils ont escaladé les cieux Et désarmé Jupiter même. IX Jupiter et sa cour tremblante, Au pied du Mont précipités, D’une voix plus que suppliante, Confessent leurs atrocités. Mais, par le sang de l’innocence Qui souille encore ces Dieux cruels, Ils sont tous devenus mortels, Et ce sang demande vengeance. X Sous le glaive tranchant d’Astrée. Le sang impur coule à son tour; Et la Liberté révérée, Reprend son empire en ce jour. Un nouveau séjour Olympique S’ouvre chez nous à d’autres Dieux C’est pour les mortels vertueux Qu’attend la couronne civique. 11 La société populaire de Chinon-la-Monta-gne [ci-devant Chateau-Chinon], département de la Nièvre, transmet à la Convention nationale le trait de courage et de dévouement à la patrie du jeune citoyen Claude Balandreau, à qui les brigands ont coupé la tête, parce qu’il ne voulut pas crier vive Je roi, comme ils vouloient l’y forcer, et cria au contraire, vive la République ! Insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique ! (27). [La société populaire de Chinon au président de la Convention nationale, le 11 thermidor an II\ (28). Citoyen président Nous te prions de vouloir bien faire connoi-tre à la Convention nationale la valeur et l’héroïsme d’un jeune républicain de notre district. Les détails de sa mort aussi touchants que sublimes sont consignés dans l’adresse ci-jointe. (27) P. V., XLIV, 217. (28) C 320, pl. 1313, p. 58-59. Bull., 13 fruct. (suppl.). Vive la République, Vive la Convention nationale. Dureux (président), Boivin, Ource (secrétaires). [La société populaire de Chinon-la-Montagne à la Convention nationale, le 11 thermidor an m Représentants du peuple, Le courage héroïque de Bara, le dévouement sublime d’Agricol Viala, ont pénétré toute la France d’admiration : l’exemple qu’ils ont donné trouve dans nos armées de nombreux imitateurs, et notre district se glorifie d’avoir vu naître un jeune républicain qui s’est montré leur digne émule. Si Claude Balandreau (c’est le nom du jeune héros dont nous regrettons la perte) a peu vécu pour la patrie, il a assez vécu pour la gloire, et ses vertus, son courage et son patriotisme doivent rendre son souvenir immortel. Au mois de septembre 1792, lorsque le 3ème bataillon de la Nièvre s’organisoit à Nevers, Balandreau alors âgé de 15 ans, se présenta aux administrateurs de notre district et les sollicita vivement de l’inscrire comme volontaire pour entrer dans ce corps : en vain, on lui objecta la foiblesse de son âge, ses instances redoublèrent : quand on est patriote, dit-il, on est toujours assez fort; un coup de fusil tiré de ma main portera aussi bien que de la main d’un autre; et d’ailleurs, mes forces croîtront avec mon âge. Les administrateurs déterminés par son ardeur, son zèle et le patriotisme bien prononcé de ses parents, se rendirent à ses désirs. Son courage et son intelligence lui méritèrent le suffrage de ses compagnons d’armes et il fut choisi pour capitaine d’une compagnie du bataillon. Ce bataillon fut du nombre de ceux qui par suite de la trahison de Custine se trouvèrent renfermés dans Mayence pendant tout le siège. Balandreau se comporta d’une manière distinguée, et quand la garnison de cette ville eut reçu ordre de se rendre dans la Vendée, Balandreau dont la santé avoit beaucoup souffert des fatigues du siège, ayant obtenu la permission de s’écarter de la route que tenoit le bataillon pour passer quelques jours dans le sein de sa famille, voulut concilier avec son devoir les sentiments de la nature, il vint embrasser ses père et mère, passer 24 heures avec eux et partit de suite pour voler aux lieux où les ordres de la Convention et la défense de la patrie l’appeloient. Depuis cette époque sa conduite militaire dans la Vendée justifioit l’opinion qu’il avoit donnée de lui au siège de Mayence, et donnoit pour l’avenir les espérances les plus flatteuses, lorsqu’une mort sublime en l’enlevant à la République à l’âge de 17 ans l’a privé de l’un de ses plus braves défenseurs. Il commandoife auprès de Chateau-Gontier un détachement de 50 républicains : le 27 messidor étant à leur tête, il parcouroit la campagne lorsqu’il apperçoit dans un champ environ 200 hommes qui lui paroissent être des moissonneurs : il s’avance accompagné de 4 des 94 ARCHI '/ES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE siens et leur crie — Qui vive ! — Républicains, répondent-ils, et presqu’au même instant, ils font sur eux une décharge de plus de 150 fusils, aucun ne porte, mais les brigands s’avancent rapidement pour les envelopper. Balandreau et ses quatre hommes se retirent, ceux-cy sautent dans un champ voisin qu’une rue séparoit, mais comme Balandreau étoit à cheval, il est obligé de suivre la rue dont il ne peut sortir, les brigands s’étant déjà postés aux deux issues : au milieu d’une fusillade terrible qui le blesse à la cuisse, il ne cesse de tirer des coups de carabine, mais resseré de plus en plus il met le sabre à la main et s’élance sur les brigands au milieu desquels il tente de s’ouvrir un passage; cinq ou six expirent sous ses coups, mais enfin accablé par le nombre et blessé en 3 places, il succombe et est fait prisonnier; les brigands le gardent pendant la nuit et assouvissent sur lui toute leur barbarie : ils veulent le forcer de crier vive le roy. Non, monstres, leur répondit-il, vous êtes des scélérats : vous n’aurez de moi que ce que mon cœur m’a toujours dicté, vive la République ! A ces mots la rage des brigands redouble, ils le mutilent, et enfin désespérés de ne pouvoir par les tourments lui arracher le cri odieux de vive le roy, ils lui coupent la tête. Son bataillon instruit par des témoins oculaires des faits que nous rapportons jure de venger la mort de ce martyr de la liberté. Ce ne sera pas en vain que des républicains auront fait ce serment. Tels sont, citoyens représentants, les détails exacts et précis de la mort sublime et touchante d’un nouvel émule de Bara, et dont nous vous prions d’ordonner le récit soit dans le Bulletin, soit dans le Recueil des actions héroïques et civiques des Républicains, pour donner aux jeunes français une nouvelle preuve que l’amour de son pays est une source féconde de gloire et de vertu. Nous devons aussi, citoyens représentants, vous entretenir un instant des sentiments du père de Balandreau. Ce républicain, d’abord administrateur de notre département et aujourd’hui juge de paix de son canton apprend la mort de son fils (il étoit unique) et les détails de la cruauté des brigands : « il a rempli son devoir, dit-il, il a suivi l’exemple de son oncle (1), il est mort pour sa patrie, je n’ai d’autre regret que de ne pas avoir un second fils à lui offrir ». Amour de la patrie ! de quels sentiments sublimes ne sont pas capables les coeurs que ton feu saré enflamme. Ducreux (président), Boivin (secrétaire). Nota (1) Lazare Balandreau, lieutenant dans le premier bataillon de la Nièvre a été tué l’an passé dans la Belgique, en combattant les autrichiens dans les bois de Bonne Espérance. 12 Les administrateurs et l’agent national du district de Cahors, après avoir applaudi à l’énergie que la Convention a déployée contre le moderne Cromwell et ses complices, l’invite à rectifier le gouvernement révolutionnaire. Renvoi au comité de Salut public (29). [Les administrateurs et l’agent national de Cahors, département du Lot, à la Convention nationale, le 17 thermidor an II] (30) Représentans du Peuple français, Le Cromwell moderne préparoit des fers à sa patrie et des poignards aux intrépides fondateurs de la Liberté : il n’est plus cet exécrable oppresseur des françois; ses complices ont vécu, et la république s’assied majestueusement sur les débris du crime et de l’ambition. Grâces vous soient rendues, mandataires fidèles et courageux d’une nation qui s’honore de vous avoir envoyés pour défendre ses droits et assurer son indépendance. Vous remplissez vos sermens, et la patrie juste et reconnoissante consacrera vos services dans les annales de sa régénération. Pour nous à qui le Peuple a confié une partie de ses intérêts, nous trouvons nos devoirs dans vos travaux et vos sacrifices. Si notre patriotisme • avoit jamais besoin d’être excité, nous nous rappelerions les époques du 10 août, du 21 janvier, du 31 mai, du 9 thermidor; nous rougirions de notre foiblesse, et en admirant votre courage et votre énergie, alors sans doute nous remonterions à la hauteur de la Liberté et nous saurions la faire triompher. Courage, Représentans montagnards, frapez tout ce qui reste d’impur; les braves parisiens se sont offerts en masse aux pères de la Patrie, quand leurs jours ont été menacés, ils n’ont eu que l’avantage de s’offrir les premiers. Il n’y a pas un républicain qui ne leur ait envié cet honneur et ce devoir. Le district de Cahors présente une population de 80 mille âmes, et chacun de nos concitoyens verseroit son sang pour conserver la représentation nationale. Rectifiés le gouvernement révolutionnaire; élagués-en l’ouvrage de Cromwell et de Catilina; leurs créatures ne peuvent être celles de la Patrie; nous sommes chargés de faire exécuter vos décrets; soyés assurés que nous les ferons respecter, ou que nous saurons mourir à notre poste. Périssent tous les traîtres; vive la République; vive la Convention nationale. Salut et fraternité. Lagasquie (agent national), Rives (président), Cayla, Boudon, Cilieres, Cournoux, Ysam. (29) ’P.-V, XLIV, 217. (30) C 319, pl. 1304, p. 13.