319 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 juin 1790.] prendre que des prêtres qui auront exercé les fonctions du saint ministère au moins pendant dix ans ; et il ne pourra les destituer que de l’avis de sort conseil, et par une délibération qui y aura été prise à la majorité des voix, en connaissance de cause. » M. Camus. Les vicaires des évêques sont les mêmes que ceux des curés : je demande qu’il soit fait un seul article pour les uns et pour les autres : je crois qu’on pourrait dire que « les évêques et les curés auront le choix libre de leurs vicaires parmi les prêtres de leur diocèse ». M. Pison du Galand. Cette question est prématurée; l’article du comité doit rester tel qu’il est ; un article postérieur statue sur les vicaires des curés. (La priorité est accordée à l’article du comité.) M. Thibault, curé de Souppes. Il me paraît convenable que les évêques puissent destituer les vicaires de l’église cathédrale, comme les curés pourront destituer les leurs. M. l’abbé Gibert, Les vicaires des évêques et ceux des curés diffèrent beaucoup par la nature de leurs fonctions. Les premiers auront, pour ainsi dire, une juridiction. S’ils avaient le courage de s’opposer aux desseins d’un évêque, c’en serait assez pour être destitués. Un jeune vicaire, renvoyé par le caprice d’un curé, peut retrouver à se placer; mais que deviendrait un prêtre respectable appelé, dans un âge avancé, au conseil de l’évêque, et qui partage avec lui les sollicitudes de ses fonctions? Si vous voulez leur conserver l’avantage nécessaire de dire leur avis avec franchise, il ne faut pas donner aux évêques la faculté de les destituer arbitrairement. M. le Président met l’article aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 22 (ancien art. 23). L’évéque’aura la liberté de choisir les vicaires de son église cathédrale dans tout le clergé de son diocèse, à la charge par lui de ne pouvoir nommer que des prêtres qui auront exercé les fonctions ecclésiastiques au moins pendant dix ans; et les vicaires une fois nommés ne pourront être destitués ni par l’évêque qui les aura choisis, ni par son successeur, que de l’avis de son conseil, et par une délibération qui y aura été prise, à la pluralité des voix, en connaissance de cause. » M. Martineau propose un article additionnel ainsi conçu : « Les curés actuellement établis en aucune église cathédrale, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l'église cathédrale et en former le territoire, seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires de l’évêque, chacun suivant le rang de leur ancienneté. » M. Pison du Galand. Cet article n’est pas d’une justice rigoureuse; car les curés des campagnes qui seront supprimés ont absolument les mêmes droits que ceux des villes. Vous gênez d’ailleurs le choix des évêques. Je demande la question préalable sur cet article. M. l’abbé Gouttes. Le préopinant n’observe pas que les curés des campagnes, dont les cures seront supprimées, recevront un traitement de votre part. M. l’abbé Gibert. Nous allons voir pour la première fois des évêques devenus cürés, et des curés devenus vicaires. Ne serait-il pas intéressant que l’évêque se présentât aux fidèles ayant à côté de lui des prêtres respectables, chers aux citoyens qui dépendaient de la paroisse dont ils étaient précédemment les pasteurs? L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer sur la question préalable, et l’article est adopté en ces termes : « Art. 23. Les curés, actuellement établis en aucune église cathédrale, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l’église cathédrale, et en former le territoire, seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires de l’évêque, chacun suivant l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales. » (La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.) M. Morel, député de Sarreguemines , demande l’autorisation de s’absenter pendant huit jours pour affaires importantes. L’Assemblée le lui permet. M. le Président dit que le résultatldu scrutin pour la nomination des adjoints au comité de la marine a été incomplet et quesix bureaux n’ont pas fourni leurs opérations. L’Assemblée ordonne, néanmoins, la proclamation des membres élus. Ge sont : MM. Legendre; Poulain de Corbion; Le comte de Rochegude ; Ledean ; Defermon; Laborde de Méréville. M. de Itroglie. L’Assemblée se rappelle que, le 1er de ce mois, elle a, par un décret, annulé les élections des assemblées primaires de Colmar. Ge décret est parvenu lorsque les électeurs du département du Haut-Rhin étaient tous réunis à Belfort, et leurs opérations déjà commencées. G’est dans cette situation que ces électeurs envoient une adresse à l’Assemblée nationale. (On fait lecture de cette adresse.) — Ces électeurs représentent les malheurs que pourrait faire naître en ce moment l’exécution de ce décret, qui entraînerait la dissolution de leur assemblée : ils ont déjà nommé leur président, leurs scrutateurs et six administrateurs. Tous les citoyens du département du Haut-Rhin persistent dans le choix qu’ils ont fait de leurs électeurs. Une nouvelle élection occasionnerait des dépenses considérables, et ne pourrait être faite que dans le temps précieux des récoltes; elle entraînerait de grands délais, et le peuple est empressé de jouir des bienfaits que la Constitution lui assure, et que les administrations nouvelles doivent lui procurer. Les électeurs, s’ils se retiraient, ne pourraient rentrer avec sûreté dans leurs cantons. Le fond des lois portées pour les élections a été rempli; les vices de forme ont été occasionnés par l’inexactitude et l’insuftisance des formulaires qui ont été remis aux assemblées primaires par les commissaires du roi. Aucun canton, aucun district ne réclame contre le résultat de ces assemblées. Ces électeurs demandent à continuer leurs opérations, et que, sans tirer à conséquence, les assemblées primaires soient validées. — M. ne Broglie présente, de la part de la députation d’Alsace, ün projet de décret ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, instruite que les électeurs du département du Haut-Rhin se sont rassemblés, le 6 de ce mois; que déjà six membres 220 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1790.) étaient élus légalement, et qu’un autre scrutin était commencé, a décrété et décrète qu’elle regarde comme légales les opérations déjà faites, sans avoir égard au décret qui n’a pu arriver en Alsace que trop tard. » M. Rewbell. L’Assemblée peut adopter cet article, sauf rédaction. On demande seulement qu’elle consacre ce principe, que tout ce qui a été fait avant la promulgation de la loi est valable, et qu’eu conséquence elle valide les élections. M. le Président consulte l’Assemblée qui rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, instruite par l’adresse que lui ont présentée les électeurs au département du Haut-Rhin, qu’au moment où le décret du premier de ce mois leur est parvenu, il y avait déjà six membres du département légalement élus, et que le scrutin, pour les trente autres membres du département, était déjà commencé, a décrété et décrète : « Qu’elle autorise les électeurs du département du Haut-Rhin, rassemblés à Belfort, à continuer leurs opérations, sans pouvoir être arrêtés par les dispositious du üécrel du premier de ce mois, relatif aux assemblées primaires de la ville de Colmar. » (La séance est levée à trois heures et indiquée à demain, neuf heures du malin.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY, EX-PRÉSIDENT. Séance du mardi 15 juin 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le marquis de Ronnay, ex-président, prend le fauteuil en l’absence de i\l. l’abbé Sieyès, président en fonctions. M. Ciourdan, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. le baron de «fessé, secrétaire, donne lecture d’une adresse de la municipalité de la ville de Besançon et des notables qui improuvent de la manière la plus forte l’adhésion du chapitre métropolitain de cette ville aux délibérations du chapitre de l’église de Paris, des 12 et 14 avril dernier, et à la déclaration du 19, d’une partie des membres de l’Assemblée sur le décret que, dans sa sagesse, elle a prononcé le 13 du même mois, concernant la religion, et qui annonce qu’ils se sont empressés de noter cette adhésion de leur improbation, et de la couvrir de l’anathème pu-hlic par une proclamation qu’ils ont l’honneur de mettre sous les yeux de l’Assemblée ; Et d’une adresse des habitants de Jonsac, district de Pons, qui renouvellent leur adhésion à toutes les opérations de l'Assemblée nationale, la prient d’approuver l’offrande qu’ils font à la patrie de la taxe des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et demandent pour leur ville l’érection d’un tribunal de district ; Autre adresse de la municipalité de Pons, département de la Charente-Inférieure, qui témoigne son respect pour les décrets de l’Assemblée nationale, et réclame la préférence sur la ville de Jonsac pour l’établissement judiciaire du district; Et d’une enfin du curé de la Barthe-Isnard, au diocèse de Comminges, qui instruit l’Assemblée nationale que, dans le dessein de prévenir la fausse interprétation des décrets de l’Assemblée, il les expliquera désormais à ses paroissiens dans l’église, en présence des officiers municipaux. M. le baron de Laippé, député d’Auch, demande à s’absenter pour aller prendre les eaux. M. Pinterel de f�ouverny, député de Château-Thierry, demande un congé de quinze jours pour vaquer à des affaires urgentes. M. Mennet, député d'Avesnes , sollicite l’agrément de l’Assemblée pour une absence de quinze jours nécessitée par des affaires pressées. Ces congés sont accordés. M. le Président donne la parole à un membre du comité des finances pour la présentation d’un projet de décret concernant l'hôpital général de Rouen. M. I�e Couteleulx de Cantelen. Le conseiL général de la commune de Rouen a fait parvenir à votre comité des finances une adresse par laquelle il demande la prorogation d’un droit dont cette ville jouit depuis 1727, et qui lui a été prorogé par des lettres patentes bien et dûment enregistrées. L’hôpital des Valides de cette ville, qui nourrit plus de deux mille quatre cents pauvres, compte parmi ses revenus ie droit de pied fourché. La prorogation de ce droit doit expirer au mois de juillet prochain, et les revenus de cet hôpital vont devenir insuffisants. Le conseil général de la commune, convaincu que les citoyens pauvres et malheureux sont surtout l’objet de vos sollicitudes, demande la prorogation provisoire de ce droit, jusqu’à ce que vous ayez pourvu à la dotation de cette maison, de manière que la recette puisse égaler la dépense. Le comité, après avoir délibéré sur celte adresse, vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ie rapport de son comité des finances sur l’adresse du conseil général de la commune de Rouen, a décrété que le droit du demi-doublement du pied fourché, établi, en 1727, en faveur de l’hôpital général de Rouen, lequel expire au premier juillet prochain, et a déjà été prorogé successivement par divers arrêts du conseil et lettres patentes dûment enregistrés, continuera à se percevoir provisoirement, à commencer du premier juillet de la présente année, ainsi que tous les autres droits d’octroi appartenant à l’hôpital générai des pauvres valides de Rouen, jusqu’à ce que, sur l’avis et les renseignements qui seront donnés par le département de la Seine-Inférieure, il soit pourvu par l’Assemblée nationale aux besoins de cet hôpital, proportionnellement à ses charges. » M. le Président met aux voix ce projet de décret. Il est adopté. M. Gossin, rapporteur du comité de Consti-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.