SÉANCE DU 13 VENDÉMIAIRE AN III (4 OCTOBRE 1794) - N08 46-47 283 lieu. Mais vous n’avez rien à vous reprocher dans cette circonstance ; la loi étoit claire et précise : on a peine à comprendre comment des juges qui dévoient y trouver la règle de leurs devoirs et de leur conduite, ont pu s’abandonner à un arbitraire aussi funeste. Je m’arrête à ces courtes observations : il est des vérités si frappantes, qu’on les affoiblit en voulant les démontrer; et vous sentez déjà, comme votre comité la nécessité de rendre à la vie et au bonheur, une mère de famille qui a sans doute des torts, mais qui ne se rendit certainement pas coupable d’un délit pour lequel la loi eût prononcé la mort. Citoyens, tous les yeux vous observent, tous les coeurs volent au devant de vous : on a plaint des malheurs et des maux que vous avez doublement partagés; la révolution qui vous rendit la hberté, fut l’ouvrage de votre intrépidité réunie à celle des bons citoyens, et elle doit leur garantir que le temps du pouvoir arbitraire qui opprime, et du pouvoir indolent et foible qui laisse opprimer, est disparu sans retour : en adoptant ces principes, le comité de Législation ne croit pas que le jugement du tribunal révolutionnaire de Marseille, où il a reconnu une fausse apph-cation de l’article 3 de la loi du 19 juin 1793 (vieux style), puisse subsister, et il vous propose, par mon organe, le projet de décret suivant. La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de Législation, du jugement du tribunal criminel révolutionnaire séant à Marseille, en date du 5 floréal, qui condamne à la peine de mort Claire Monnier, femme de Bonde, tanneur à Aubagne, en vertu de l’art. III de la loi du 19 juin 1793 (vieux style) ; Considérant que cette loi ne s’applique nullement au délit dont cette femme est déclarée convaincue, casse et annule la partie du jugement qui la concerne, et ordonne que ladite Claire Monnier sera sur-le-champ mise en liberté (63). 46 ROVÈRE : Mes collègues et moi, lorsque nous étions dans les départements méridionaux, avons sollicité une loi claire et précise sur les fédéralistes; nous n’avons pu l’obtenir, et voilà pourquoi vous êtes obligés d’annuler un jugement injuste. Je demande que le comité de Législation vous présente enfin une loi claire et précise sur cet objet. -Adopté (64). Sur la motion d’un membre, La Convention nationale décrète que ses comités de Législation, de Salut public et de Sûreté générale, sont chargés de faire un (63) P.V., XLVI, 270. C 320, pl. 1330, p. 31, minute de la main de Porcher, rapporteur. Bull., 14 vend.; J. Fr., n 740; J. Paris, n“ 14; Mess. Soir., n° 777; M. U., XLIV, 216. (64) J. Fr., n° 740. rapport, dans le plus court délai, sur le fédéralisme, et de présenter un projet de loi pour faire cesser l’arbitraire et l’incertitude qui règne dans les tribunaux révolutionnaires, sur l’application des diverses lois de circonstance rendues sur cet objet (65). 47 Des réfugiés Corses présens à la barre, expriment leur vive reconnoissance à la Convention nationale d’avoir rendu diffé-rens décrets en leur faveur; ils observent qu’un décret de secours, annoncé dans les feuilles du 4 fructidor, ne se trouve point dans les procès-verbaux : ils prient la Convention de vouloir bien le rétablir. Ils ajoutent que les vrais patriotes ont arraché dans leur fuite leurs familles au contact empesté des rebelles et des Anglais; mais que ces enfans, que la nation veut nourrir, gênent leurs pères qui combattent dans l’armée d’Italie, et manquent des moyens d’éducation. Ces mêmes réfugiés, dans une adresse particulière, donnent des détails sur la trahison de Paoli et l’invasion des Anglais dans l’isle de Corse. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi aux comités des Secours et d’instruction publique (66). On admet une députation des patriotes réfugiés de Corse. L’orateur prononce le discours suivant : Représentants, un peuple que le despotisme avait asservi, que la justice du peuple français a rendu à ses droits après avoir lui-même revendiqué les siens, que la générosité de ce grand peuple a ensuite associé à ses hautes destinées, aurait été à jamais fidèle à ses engagements, s’il n’avait été égaré par le plus lâche, le plus scélérat des traîtres, en abusant d’un crédit usurpé par cinquante ans d’une hypocrisie la plus raffinée, et surtout du pouvoir national dont il se trouvait malheureusement investi. Oui, représentants, Paoli, ce perfide dont les vrais Corses ne peuvent plus prononcer le nom qu’avec horreur, et dont l’existence n’est depuis un an qu’un attentat à la loi, a été seul cause de la rébellion d’une partie de la Corse et de son invasion par les Anglais. La grande majorité des habitants de ce pays malheureux a été toujours et est encore aujourd’hui française dans le coeur; le despotisme le plus affreux a étouffé sa voix. Ce n’était qu’à Saint-Florent, à Calvi et à Bastia que l’on pouvait être à couvert de ses coups; aussi ce fut principalement dans cette dernière place que grand nombre de patriotes prirent le parti de se réfugier. (65) P. V., XLVI, 270. Bull., 14 vend, (suppl.). C 320, pl. 1330, p. 32, minute de la main de Rovère, rapporteur. J. Per-let, n” 742; M. U., XLIV, 216. (66) P. V., XLVI, 270-271.