ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2T juillet 1791.] 706 [Assemblée nationale.] résidence habituelle, le citoyen actif inscrit fera rayer son nom sur le registre de l’ancienne municipalité, s’inscrira sur celui de la nouvelle, et sera distribué dans une compagnie; faute de quoi il demeurera sujet au service ou au remplacement dans l’une et dans l’autre municipalité. » {Adopté.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre de la marine qui donne avis à l’Assemblée de la démission des commissaires civils nommés pour se rendre à Saint-Domingue en exécution de la loi du 11 février dernier. Cette lettre est ainsi conçue : « Paris, le 27 juillet 1791, « Monsieur le Président, « Je m’étais concerté avec le ministre de la justice pour accélérer les expéditions de la loi du 20 de ce mois, qui ordonne l’envoi au gouverneur de Saint-Domingue des instructions proposées par les comités réunis de la marine, des colonies, de Constitution, d’agriculture et de commerce. M. Duport m’en avait adressé hier des expéditions en forme de loi, et j’avais reçu en même temps de l’imprimerie royale les exemplaires préparés pour mon département. « Les commissaires civils, nommés par Sa Majesté, en exécution de la loi du 11 février, ont été avertis régulièrement de mes dispositions. Je les avais en dernier lieu prévenus de se disposer à partir ; ce matin même, les instructions devaient être lues en leur présence. Après tant de soins pour accélérer cette expédition, je comptais qu’ils auraient pris tout de suite la route de Brest, où j’avais adressé des ordres pour tenir prête la frégate qui devait les transporter. « Les choses étaient dans cet état, Monsieur le Président, lorsqu’hier à 9 heures du soir j’ai reçu des 3 commissaires une lettre contenant une démission, si je ne leur accorde pas un différé de quelque temps pour leur embarquement; mais, comme toutes choses sont terminées pour ce départ, et qu’on ne doit pas différer d’un instant l’exécution de ta loi, je dois accepter la démission de ces commissaires, et je vais m’occuper du choix de trois autres. « J’ai l’honneur, Monsieur le Président, etc... « Signé ; Thévenard. » M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre delà justice ainsi conçue : * Paris, le 27 juillet 1791. « Monsieur le Président. « J’ai l’honneur de vous adresser, en exécution du décret du 23 de ce mois, le compte rendu officiel de lamission de M.Duveyrier, qui n’estautre que le rapport de M.Duveyrier lui-même, tel que l 'Assemblée nationale l’a entendu de la bouche d’un bon citoyen, tel qu’il a été inséré dans son procès-verbal. « J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Président, etc. •C Signé : DEPORT. >■ M. Fréteau-Saint-Just. Je demande le renvoi de ce document au comité diplomatique qui est chargé de présenter à l’Assemblée un projet de décret relatif à lamission de M. Duvey-rier. (Ce renvoi est décrété.) M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 27 JUILLET 1791, AU MATIN. Opinion de M. Salie, député du département de la Meurt he à V Assemblée nationale , sur les bases de V organisation des gardes nationales (1). Messieurs, Nous voici enfin arrivés à cette grande partie de notre travail depuis si longtemps désirée des bons citoyens, l’organisation des gardes nationales. Nos ajournements, trop nombreux peut-être sur cette importante matière, ont au moins cet avantage qu’ils nous ont fourni une expérience de deux années ; qu’ils nous ont laissé le temps d’étudier tous les systèmes, de préparer nos suffrages, de nous présenter à cette discussion définitive, au moment où la Constitution s’achève, avec toutes les dispositions nécessaires pour l’examen d’une institution qui doit l’affermir sur ses bases et lui donner toute sa solidité. Tout citoyen est soldat pour la défense de la patrie. Ce principe sévère, qui n’est pas même conçu d’un peuple esclave, parce qu'il n’y a pour lui ni patrie ni existence commune ; ce principe est l’objet des premières méditations de l'homme libre: il échauffe son âme de toutes les vertus du patriotisme ; il arme son bras du glaive de la vengeance contre les tyrans de son pays, et lui fait trouver des douceurs à voler à la mort pour la conservation des droits de ses concitoyens, parce que les siens y sont confondus, et que la chose publique est son propre patrimoine. Qu’un despote, qui commande à ses satellites, les tienne armés quand il lui plaît pour les désarmer de même l’instant d’après; qu’il exerce alors dans leur domicile l’inquLition la plus inquiétante pour leur ôter tous moyens offensifs; le despote ne songe en cela qu’au maintien de son empire, et à la dégradation des serfs qu’il domine et qu’il veut soustraire à tout élan de courage et de vertu pour les tenir plus sûrement enchaînés. Mais l’ouvrage du despote a, sans qu’il s’en aperçoive, un effet salutaire pour ceux mêmes qu’il opprime : car telle est dans ce triste état de choses la nature des circonstances, que l’esclave a besoin de cette contrainte pour sa propre conservation et que la servitude tire ainsi d’elle-même un remède contre les vices qu’elle engendre. En effet, l’esclave vit isolé, abruti, sans énergie, et je dirais presque sans aucune moralité. Les sentiments de la nature lui sont étrangers. 11 est féroce, parce qu’il est faible; il est vindicatif, parce qu’il est opprimé. Le sentiment continuel de ses maux le rend sourd à la pitié, il n’a d’autre raison qu’un instinct brutal et irascible; et telle est la dégradation, que l’arme qui lui serait laissée par le despote qui l’opprime, ne lui servirait pas même à repousser cette oppression, mais à satisfaire ses féroces vengeances et à (1) J’avais préparé cette opinion dans le dessein de la prononcer à l’Assemblée nationale. La discussion ayant été fermée avant que l’ordre de la parole m’eût appelé à la tribune, j’ai pris le parti d’imprimer ce que j’avais à dire sur cette importante matière, parce que je le crois utile à l’intérct public. [Note de M. Salle.)