[Convention nationale.} ARCHIVES PARLKMENTÂIbËS. j 7 „Σ“ÎXc 1-93“ 527 Cùfie de la lettre du général Délabré, au général divisionnaire Daoust , commandant en chef V armée dm Pyrénées-Orientales (1). « Du quartier général de la Ferra, le 6 du 2e mois. « Je m’empresse, mon cher général, de vous rendre compte des premiers succès de l’ expédi¬ tion dont vous m’avez chargé. « A peine rendu à Collioure, je ûs mettre la troupe sous les armes pour la passer en revue, je parcourus les rangs, je haranguai mes frères d’armes, je remarquai avec la plus grande satis¬ faction la joie répandue sur toutes les physio¬ nomies. Je donnai toutes les instructions et les ordres nécessaires pour le départ. Le. vendredi (28 octobre) les deux colonnes së mirent en marche et arrivèrent à Bagnols-sur-Mer où. je leur fis faire une longue halte pour pouvoir leur faire distribuer les munitions de guerre et de bouche nécessaires pour trois à quatre jours. J’appris que l’Espagnol, fort de 12 à 1,500 hommes, occupait toutes les hauteurs, qu’il avait établi des batteries en différentes embouchures du col des Bagnols et de la Cara-bossa. J’ordonnai à la colonne de gauche de prendre la route de la tour de Cassait et de pro¬ téger la colonne du centre; je distribuai cette dernière en trois détachements, le premier de 900 hommes, avec ordre de se porter sur la droite de la tour de Cassait, s’y avancer en suivant la crête des montagnes jusqu’au camp espagnol; le second, de suivre le col de Bagnols, er le troi¬ sième de s’avancer sur la droite. Par cette dis¬ position, l’ennemi devait se voir attaqué de front et sur le flanc. « A 5 heures du soir, toutes les troupes se mirent en marche et s’arrêtèrent pour bi¬ vouaquer à une heure de distance des retranche¬ ments de l’ennemi. Le 5, les colonnes s’ébran¬ lèrent une heure avant la pointe du jour, et arrivèrent à la vue des Espagnols. J’étais à la tête du détachement qui marchait par le col de Bagnols, ainsi que tout l’état-major; je fis avancer les éclaireurs et je m’élevai sur une hauteur d’où je découvrais l’ennemi; il crut devoir nous faire connaître ses forces en se ran¬ geant en bataille sur la crête des hauteurs du col, et en nous saluant de plusieurs coups de canon. Après quelques moments d’observation, je reconnus trois retranchements que la nature avait pris soin de fortifier et que l’ennemi occu¬ pait ; trois batteries étaient établies sur des hau¬ teurs extrêmement favorables aux différentes embouchures du col. Je divisai le détachement et lui fis occuper les hauteurs, par lesquelles on pouvait s’avancer pour tourner le poste de l’ennemi. Pendant ces manœuvres le détache¬ ment de gauche, soutenu par la colonne de Rai¬ mond, s’avançait vers les retranchements, et celui de droite, vers les premières sommités. La fusillade qui eut heu quelque temps après fut très vive, on repoussa l’ennemi avec perte. Sur les i heures, m’apercevant que les différents (1) Archives nationales, carton G 278, dossier 735. Moniteur universel [m° 48 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793), p„ 196, col. 2]; Butter lin de la Convention du 7e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (jeudi 7 novembre 1793); Jamnal des Débals et des Décrets (brumaire an II no 415, p. 235). détachements étaient à hauteur, j’ordonnai une atttaque générale. Je fis avancer avec vigueur la droite; et la gauche; je fis mettre l’ar¬ tillerie en avant; je fis marcheT la colonne du centre en bataille, drapeaux déployés. J’en¬ voyai des tirailleurs de toutes parts; je fis mar¬ cher en file prolongée deux détachements de 50 hommes par la crête des montagnes à droite et à gauche, arec ordre de redescendre par le revers et de remonter de nouveau et de la même manière. J’ordonnai à l’artillerie de faire feu* et l’attaque devint générale. « On débusqua l’ennemi de tous ses postes avancés; on le poursuivit jusqu’à ses derniers retranchements, mais la nuit nous empêcha de continuer des manœuvres aussi hardies et faîtes avec un courage digne de tous les éloges, qui jetèrent l’épouvante parmi les troupes espa¬ gnoles; elles profitèrent de l’obscurité pour se retirer. J’avais établi de toutes part des postes d’observation. Le 6 à la pointe du jour je fis prendre les armes, j’envoyai à la découverte, et je-donnai aux colonnes l’ordre de se mettre en marche : les pionniers furent chargés de pré¬ parer le chemin pour le passage de l’artillerie, et la cavalerie eut ordre de s’avancer pour escorter les équipages. (Nous sommes arrivés, après une marche très pénible, au col de Bagnols, et à 8 heures du matin, je suis venu prendre mon quartier gé¬ néral momentané au poste de la Ferra à une demi-lieue des limites de France. Nos troupes se rafraîchissent; une forte avant-garde de troupes choisies se met en marche pour s’avan¬ cer vers Espaull où l’on nous annonce que l’ennemi s’est retiré. Les hauteurs sont occupées par quelques détachements qui nous avertiront de ce qui pourra se passer. Le corps de bataille ne tardera pas à s’avancer, nous profiterons de la terreur espagnole et nous ne nous arrêterons que quand l’ennemi sera réduit. « Une pièce de 4 enelouée, 2 républicaine (sic), des caisses de gargousses, des barils de poudre, des cartouches, des lances, des mèches, des cordages, des tentes, des couvertes, du riz, du fourrage en petite quantité, voilà ce que l’Espagnol nous a laissé dans sa fuite précipitée; Déjà le canon est en marche pour être dirigé contre lui. Vous seriez étonné, mon cher général, si vous voyiez ces chemins qu’il nous a fallu parcourir; vous admireriez le courage, l’intré¬ pidité et la constance que nos frères d’armes ont montrés dans une marche si périlleuse, vous jouiriez d’une douce satisfaction en voyant l’ennemi trompé par nos ruses, épouvanté par nos manœuvres, abandonner les positions tant vantées par le maréchal de Noaxlles. Vous cher¬ cheriez, s’il est possible, de se battre avec plus d’intrépidité, d’ardeur et d’intelligence. Je ne crois pas qu’il existe de journée plus heureuse pour la République. L’artillerie a traversé des chemins que l’on avait crus jusque-là imprati¬ cables ; il fallait nous voir, le représentant Fabre et moi, attachés à une bricole et traînant les pièces avec nos braves canonniers. « Quelles difficultés n’avons -nous pas eu à vaincre ! L’ennemi a opposé une grande résis¬ tance, et je ne peux attribuer sa retraite qu’à la crainte qu’il eut de se voir enveloppé. Nos manœuvres devaient en imposer à un ennemi plus nombreux et plus entreprenant. On ne saurait donner trop d’éloges aux troupes que je commande. Je n’ai à me plaindre de personne, et j’ai à me louer de tous. Je vous envoie le 528 [Convention nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i 17 brumaire an il 1 J (7 novembre 17a8 grand préservatiff des Espagnols; nous leur avons cependant tué beaucoup de monde, du nombre desquels est un lieutenant-colonel com¬ mandant le camp, et fait des prisonniers. Nous avons eu deux hommes tués et quelques blessés. J’espère que vous ferez connaître à la Con¬ vention nationale ces premiers succès. Nos frères d’armes seront bien aises qu’on sache que la République trouvera en eux de zélés défen¬ seurs de la Constitution et des vengeurs intré¬ pides des outrages faits à la nation française. Nous ne disons plus ça ira , notre devise actuelle est : ça va et ça tiendra (1) ! « Le général commandant en chef Varmée Collioure. « Signé : Delatre. de « Certifié conforme : « Signé : DaÔust. « Pour copie : Le ministre de la guerre, « J. Bouchotte. et traités comme tels, que tous ces grimoires soient lacérés et brûlés. Ce petit autodafé ne fera pas rire ceux qui ont l’imbécilité de croire aux revenants, et il y en a beaucoup dans cette classe-là; qu’importe après tout, pourvu qu’il ne reste rien qui puisse nourrir leur sotte cré¬ dulité, effaçons jusqu’aux traces les plus légères de la féodalité et de la tyrannie, brûlons tous les grimoires et surtout n’oublions pas les re¬ gistres des pédants. « Pour' moi qui ne tiens qu’à la liberté, je vous abandonne ces vieux chiffons, faites-les lacérer, et je désire que tous les amis du gouver¬ nement républicain, en fassent le sacrifice avec autant de plaisir que moi. « Salut et fraternité. « Le commissaire national du tribunal de Peims, « Brigot. V « Nota. Les pièces que je vous envoie sont au nombre de 6 : ce sont les seules que je possède. » Lettre du citoyen Brigot, commissaire national du tribunal de Reims, qui envoie à la Conven¬ tion ses lettres de bachelier et de licencié en droit, pour être brûlées. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (2). Suit la lettre du citoyen Brigot ( 3) : « Reims, le 15e jour du 2e mois, l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyens, « Sous l’ancien régime, exécré à juste titre par les vrais amis de la liberté, on ne pouvait obtenir certaines places sans être décoré de cer¬ tains titres, qu’on achetait cher, à la vérité, mais qui flattaient l’amour-propre; on vous vendait de la science, et quelle science? Le plus instruit au sortir de l’école était un igno¬ rant. Des pédants érigés en maîtres en droit vous faisaient réciter quelques morceaux de Justinien qu’à grand peine on rendait en mau¬ vais latin, et puis des bravo si votre mémoire vous servait bien, et surtout, si vous aviez bien payé, car c’était là le grand argument. On vous faisait en 3 jours bachelier, licencié et docteur, avec cela vous pouviez passer partout, les places de judicatures vous étaient destinées, et sou¬ vent un sot décidait de la vie et de la fortune d’un honnête citoyen. « Mais venons au fait. Il y a bien des gens qui tiennent à ces vieux titres et encore plus à leurs parchemins; il ne faut pas qu’il reste de vestiges de ce radotage, faites décréter par la Conven¬ tion nationale que tous ceux qui possèdent des lettres de grades soient tenus de les déposer dans un délai quelconque au directoire de leur district, à peine d’être regardés comme suspects (1) Vifs applaudissements, d’après le Mercure universel [18 brumaire an II (vendredi 8 no¬ vembre 1793), p. 125, col. 1]. (2) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p. 38. (3) Archives nationales, carton Dm 150, dossier Reims. Seconde pétition du citoyen Brigot (1). « Reims, le 15e jour du 2e mois, l’an II de la République une et indivisible. « Citoyens, « Ce n’est pas assez pour la Convention natio¬ nale d’avoir pris des mesures vigoureuses contre les accapareurs et les conspirateurs de toutes espèces si les moyens d’exécution manquent. La loi a parlé et cependant son glaive ne perce pas tous les coupables. La raison en est simple. On a décrété des jurés spéciaux pour les crimes d’accaparement et tous ceux relatifs aux sub¬ sistances, mais les jurés sont pris dans la classe des marchands, et comme l’on dit vulgairement, les loups ne se mangent pas. « Si vous voulez que cela aille bien, il faut sans-culotiser les jurés d’accusation et de juge¬ ment, faites décréter par la Convention que dans ces matières les jurés ne seront pris que parmi les ouvriers dont la contribution mobilière ne s’élèvera pas à trois journées de travail et au-dessous, et cela ira, je vous en réponds, mes fonctions m’ont mis à même d’en juger. « Salut et fraternité. « Le commissaire national du tribunal de Beims, « Brigot. » Compte rendu de V Auditeur national (2). Le commissaire national du tribunal de Reims envoie ses anciennes lettres de licence. Il de-(1) La seconde pétition du citoyen Brigot n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 17 brumaire an II. Mais en marge de l’original qui se trouve aux Archives nationales (carton Dm, n° 150, do°sier Reims), on lit i « Renvoyé au comité de législation le 17 du 2e mois de la 2e année; Fré-CiNE, secrétaire. » D’ailleurs, d’après le compte rendu de l'Auditeur national, que nous reproduisons ci-dessous, il n’est pas douteux que la seconde péti¬ tion du citoyen Brigot appartient bien à la séance du 17 brumaire an II. (2) Auditeur national [n° 412 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 3].