[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [12 août 1791.] 379 vocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits. « Il n’y a plus, ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucuû des titres, dénominatiohs et prérogatives qui en dérivaient, ni aucün ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions. « Il n’y a plus pour aucuue partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège, ni exception aux droits Communs de tous les Français. » Ainsi l’Assemblée a fait ce que M. Dupont demande celle ne veut pas connaître chez elle, même par des affiliations étrangères , aucun ordre de chevalerie, qUaîid même il n’exigerait aucune distinction de naissance. Les ordres de chevalerie Sont proscrits en France; l’affiliation est défendue aux Français par rapport aux distinctions; la loi ne reconnaît d’autres distinctions que les vertus et les talents. Je crois toutefois qu’on pourrait faire accorder la rédaction de l’article dont il s’agit avec les dispositions dü préambule dont je viens de vous donner lecture. M. l’abbé ttlllon. Je demande que MM. les secrétaires ne puissent pas se charger de rédiger ces articles-là; qüe ce soit le comité de Constitution seul, et qüe, lorsque tous ces articles seront rédigés, ils Veuillent bien en faire la lecture qui sera approuvée par l’Assemblée. M. Camus. Je demande le renvoi aux comités pour faire accorder les deux rédactions. (L’Assemblée, consultée, renvoie l’article 6 du titre II aux comités de Constitution et de révision pour en présenter Une nouvelle rédaction.) M. le Président. Il n’y a pas d’autres observations?... Je mets aux Voix le procès-verbal dont il vient d’être fait lecture. (Le procès-verbal est adopté.) M. lé Président, fait donner lecture par un de MM. les Secrétaires d’une lettre du ministre de la guerre , ainsi conçue : « Paris, ce 11 août 1791. « Monsieur le Président, « En exécution du décret de l’Assemblée nationale qui ordonne l’envoi d’escadrons vers les frontières Sous les ordres de M. de Rochambeau, j’ai, sur-le-champ, pris les dispositions nécessaires pour tirer ces troupes de l’intérieur du royaume. En conséquence, les 5e et 14e régiments de dragons et le 10e régiment de cavalerie ont reçu l’ordre de partir des départements de la Loire-Inférieure, de Mayenne-et-Loire et de Loir-et-Cher, où ils sont actuellement en garnison, pour se rendre incessamment dans le département du Nord. « Aujourd’hui, je reçois Uü courrier extraordinaire du département de Mayenne-et-Loire qui me fait les représentations les plus fortes sur l’embarras où va le laisser le départ du 10e régiment de cavalerie, tant pour maintenir l’exc-cution des, lois que pour assurer la perception dés contributions et en imposer aüx réfractaires etaüx malintentionnés; je dois m’attendre à recevoir de semblables instances de la part des autres départements. Les demandes qu’ils ont souvent renouvelées, pour obtenir une augmentation de forces ne me laissent pas lieu de douter qu’ils ne Se voient avec la plus grande peine privés de celle qu’ils possèdent. « Mais puisque les décrets de l’Assemblée nationale obligent de porter les troupes de ligné sur les frontières, il faut trouver un moyen géT néral applicable partout au maintien dë la sûreté dé l’intérieur : celui qui se présente d’abord c’est de se servir des gardes nationales ; mais le succès dépend peut-être de la manière de les employer. « Permettez-rnoi, Monsieur le Président, dé soumettre à l’Assemblée nationale quelques observations à ce sujet. Il paraît qüé les informations qu’on me donne que dans les lieux où l'exécution des lois éprouve de la résistance, il faut (et il est douloureux de le dire) peu compter sur une partie des gardes nationales. Comment obvier à un semblable mouvement? serait-ce de prendre les gardes nationales des villes ou districts voisins ? Mais cette mesure n’â-t-elle pas un très grand danger? Ne fera-t-elle pas naître des ressentiments profonds entre lés différents cantons? Une ville, un district, pardohhera-t-il à un autre d’avoir employé la force contre lui, de l’avoir pour ainsi dire soumis? « Je pense qu’il y aurait un moyen préférable: ce serait d’élever et former, dans une étendue de 3 oü 4 départements, un bataillon ou 2 de gardes nationales volontaires, à l’ins ar de Ceüx destinés pour aller sur les frontières. Ces bataillons se trouveraient toujours prêts à marcher partout où il y aurait des insurrections et des rébellions à la loi ; ils seraient, comme de raison, payés par le Trésor public tâüt qu’on jugerait à propos de les tenir sur pied. « Je trouve dans cette disposition l’avantagé que ces troupes, étant composées d’individus pris indifféremment de tous côtés, ce ne serait plus les citoyens de tel lieu, marchant contre les citoyens d’un lieu voisin. Les corps qü’ilS formeraient, seraieht, en quelque façon, semblables aux troupes de ligne ; ils représenteraient une force publique nationale, destinée d’avance à réprimer les attentats contre ces lois, dans queiqu’endroit que ce puisse être, et leur action quelle qu’elle fût, ne pourrait plus exciter des haines ni des vengeances générales ou particulières. « Ces courtes observations suffiront, j’ose l’eS-pérer, pour que l’Assemblée nationale juge du degré d’attention qu’elles peuvent mériter. * Je suis, etc. « Signé : Düpûrtàil. » M. de Cüstine. Messieurs, il est inconcevable que les départements se permettent d’apportér des obstacles à l’exécution des ordres du ministre. Je demande instamment que la lettre dü ministre soit renvoyée au comité militaire qui nous présentera ses vues, tant sur le départ prochain des escadrons demandés, que sur les observations du ministre. (Ce renvoi est décrété.) M. Deftermôü. C’est au moment où quelques départements croient devoir insister pour demander qu’on conserve, dans leur sein, les 380 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1791. j troupes qui y sont, que je crois devoir annoncer à l’Assemblée que je porte à la main une adresse du Conseil général de la communeetdes citoyens de Saint-Malo, qui demandent pour grâce à l’Assemblée de rester les défenseurs de leurs remparts, tant et si longtemps que les frontières auront besoin de troupes de ligne. Ils forment 2 bataillons de gardes nationales qui ont rempli le service militaire avec une activité continuelle. Ils ont rétabli toutes leurs batteries; 100 pièces de canon bordent leurs remparts, et ils vous assurent que l’aspect de leurs citoyens effraierait encore plus leurs ennemis que les bouches de leurs canons, (Applaudissements.) Je demande que leur adresse soit renvoyée au comité mili taire, et que l’Assamblée autorise son président à leur écrire une lettre de satisfaction . M. Baudouin. On n’a pas lu l’adresse de la ville de Saint-Malo ; j’espère qu’elle n’est pas dans le sens d< s anciens malouins qui étaieat dans l’habitude de garder exclusivement leur ville et de ne recevoir de troupes de ligne dans leurs remparts qu’autant qu’ils le voulaient. M. Defermon. Je vais la lire, je l’ai à la main. Plusieurs membres : Non! non! (L’Assemblée, consuliée, ordonne le renvoi de l’adresse de la commune de Saint-Malo, au comité militaire pour en rendre compte au premier jour.) M. Prieur. Je demande que l’on nous donne l’état de l’organisation de la gendarmerie nationale. Dans beaucoup de départements, les gendarmes nationaux ne se sont pas encore présentés aux corps administratifs, par l’obstination des colonels. On fait tout ce qu’on peut pour retarder cette organisation. Un excellent officier de mon département qui pouvait y être employé sur-le-champ, a été envoyé à 200 lieues de son domicile. M. Le Chapelier. Voilà comme on détruit la subordination de l’armée, en entravant, par des dénonciations, la marche de l’administration. Le ministre a eu le droit d’envoyer un officier dans telle brigade qu’il a jugée convenable. Je demande que l’on passe à l’ordre du jour. M. Prieur. J’observe àM. Le Chapelier que j’ai été le premier à conseiller l’obéissance à l’officier dont je viens de parler. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Voici, Messieurs, un don patriotique de la somme de 600 livres de M. l'évêque du département de l'Orne , séant à Séez, tant en son nom qu’au nom de son presbytère. « Enfants de la Constitution, dit l’évêque pour lui et ses coopérateurs, nous aiderons nos braves militaires par l’ardeur de nos vœux et en répétant nos offrandes. » Voici un autre don patriotique de 205 livres fait par un jeune écolier de la ville de Douai ; il s’ap - pelle Joseph Glaro. Voici la lettre d’envoi : Messieurs, « Les hommes riches se taisent; ils ont étouffé ces semences d’amour pour la patrie que la na ture avait jetées dans nos cœurs pour y germer. Il faut donc que les moins fortunés paraissent, consolentda patrie et lui fassent oublier les torts des autres. « Nous étions 6 frères, dont 4 dans la garde nationale ; les 2 autres encore trop jeunes, mais impatients d’y entrer. L’aîné vient de mourir, le second vient de prendre le produit de ses épargnes consistant en 205 livres et l’offre à la patrie afin qu’elle ne se sente pas de la perte d’un de ses enfants. « Jeunes gens, réjouissons-nous de l’époque de notre vie : nos pères n’ont jamais connu le plaisir d’avoir une patrie; jamais leurs cœurs n’ont senti les émotions délicieuses que procure son feu sacré. « Illustres législateurs, tel est le fruit de vos travaux. ( Vifs applaudissements.) « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble, etc... « Signé : Joseph Claro. « Douai, le 8 août 1791. » Voici encore un autre don patriotique d'un assignat de J .000 livres par M. Milanais , à Beaujeu , département de Rhône-et-Loire, pour remplir l’engagement qu’il a pris depuis 2 mois, sur le registre du district de Lyon, de fournir à l’entretien des gardes nationales sur les frontières. (L’Assemblée décrète qu’il sera fait mention honorable de ces dons dans le procès-verbal.) M. Dupont. Le patriotisme du jeune homme de Douai est remarquable aulant qu’intéressant ; je propose que l’Assemblée autorise M. le Président à lui écrire un mot. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète que son Président écrira une lettre de satisfaction à M. Joseph Claro.) M. le Président. Un citoyen, nommé Lanthenas, fait hommage à l’Assemblée d’une dissertation imprimée, sur la liberté indéfinie de la presse, dont il envoie six cents exemplaires. Un autre citoyen, nommé d’Obsonville, fait hommage d’une brochure intitulée : Eveil du patriotisme, sur la Révolution. (L’Assemblée agrée ces hommages et ordonne qu’il en soit fait mention dans le procès-verbal.) M. Leclerc, au nom du comité des assignats , fait un rapport sur la disposition qu'il convient de faire des formes qui ont servi à la fabrication du papier des assignats ; il propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats, décrète que les commissaires de l’A?semblée nationale et du roi pour surveiller la fabrication des assignats, sont autorisés à faire découdre les filigranes et lettres qui sont sur les formes de papier d’assignats, disposés par 2 et par 3 à la feuille, sur de nouvelles formes disposées par 4; et les anciennes formes ainsi dépouillées, pourront rester à la manufacture de papier. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Leclerc, rapporteur , rend ensuite compte à l’Assemblée de l’empressement avec lequel les ouvriers papetiers ont obéi aux dispositions du décret concernant la police des papeteries. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Constitution. M. le Président. Je rappelle à l’Assemblée