©48 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mai 1791.] de mon devoir d’attirer l’attention du Corps législatif sur des points importants que la législation n’a lias encore réglés. Il croira nécessaire sans doute d’ajouter à notre constitution judiciaire quelques dispositions nouvelles propres à maintenir l’exécution la plus entière. « Il est aussi un autre objet qui appelle l’attention de l’Assemblée nationale : c’est la nécessité de là résidence des commissaire s du roi près les tribunaux. li en est beaucoup qui, dans ce moment actuel où l’intérêt public exige leur présence, ne craignent pas de quitter, sans congé, le tribunal pour aller dans leur patrie vaquer à leurs affaires personnelles, ou venir dans cette capitale pour raison et sous prétexte d’affaires et peut-être même pour y poursuivre quelques places plus à leur convenance. 11 en est même quelques-uns qui, nommés depuis six mois, ne se sont pas encore rendus à leurs fonctions. « Je ne dirai pas combien cet oubli de leurs devoirs, cette insouciance sont nuisibles à l’administration de la justice, dont l’extrême activité suffit à peine à la multiplicité d< s affaires qui se présentent. Quel zèle peut apporter à ces importantes fonctions un gradué, commis momentanément à leurs exercices? Mais, que faire? Là loi n’a remis, à cet égard, nul moyen coercitif entre les mains de Sa Majesté, et les remontrances n’ont pas été toujours suivies avec succès. Mais il me suffit, Monsieur le Président, d’avoir dénoncé le mal à l’Assemblée nationale ; dans sa sagesse, elle en trouvera facilement le remède. « Une autre question se présente sur laquelle je crois devoir consulter l'Assemblée nationale. « Après avoir comparé les titres de plusieurs concurrents à une place de commissaire du roi vacante sur la démission du premier pourvu qui ne s’est pas même fait recevoir, j’ai proposé au roi le sujet qui m’a paru le plus digue, et Sa Majesté l’a choisi. J’ignorais alors qu’il fût membre d’un directoire; instruit depuis cette circonstance, et avant l’envoi de la commission, j’ai pensé que cette nomination était contraire à l’article 7 de la loi du 11 septembre 1790, et sur cette observation, Sa Majesté m’a donné l’ordre d’expédier une commission en faveur du sujet qui lui a paru réunir le plus de titres après celui qui avait d’abord fixé sou attention. « Cependant en examinant de nouveau le texte de la loi, j’ai vu qu’il présentait une difficulté assez sérieuse, et qui demandait une interprétation. Cet article porte : « Les administrateurs qui « acceptent d’être membres du directoire, les pro-« cureurs généraux syndics et les procureurs-« syndics, ne pourront point à la prochaine élec-« tion être nommés aux places de juges, même «en donnant leur démission (et c’est le cas où se « trouve le premier nommé) : ils ne pourront de « même être nommés dans la première nomina-« tion des commissaires du roi. » « J’ai cru et suis encore porté à croire que la première nomination dont il s’agit dans l’article, s’entend de celle qui a eu son effet par l’acceptation des commissaires du roi employés dans cette première nomination ; et qu’ainsi, dans l’espèce où le premier nommé n’a pas accepté la nomination, dans l’esprit de la loi la nomination à fairedoit être considérée comme la première. Mais comme cette opinion est une véritable interprétation de la loi, et qu’elle porterait un préjudice réel à celui que le roi avait regardé comme le plus digne, j’ai pensé qu’il était démon devoir de prévenir l’Assemblée de fixer positivement le sens de l’article 7 de la loi du 11 septembre et de suspendre en attendant l’envoi de l’une ou de l’autre commission. « Signé : DUPORT. » (L’Assemblée décrète le renvoi de cette lettre et de l’explication demandée au comité de Constitution pour en faire le rapport lundi matin, elle charge en même temps ce comité de faire porter ce rapport sur la difficulté qui regarde les suppléants.) Un membre du comité de vérification propose d’accorder à M. Queru-Lacoste, curé de Rennes, dont la paroisse a été supprimée, un congé de 3 semaines pour se faire installer dans sa nouvelle paroisse. (Ce congé est accordé.) M. le Président donne connaissance à l’Assemblée d’une lettre des ci-devant procureurs au parlement de Provence , contenant une réclamation sur la fixation de la valeur de leurs offices supprimés. (Cette lettre est renvoyée au comité de judica-ture.) M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, vous avez chargé votre comité des contributions publiques de vous présenter ses vues sur les moyens d'accélérer la rentrée des impôts de 1790 et même des années antérieures qui sont extrêmement en retard. Voici le projet de décret qu’il a l’honneur de vous présenter sur cet objet et relativement à des mesures d’ordre et de coercition nécessaires pour l’exécution de vos décrets : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les commissaires du roi à la trésorerie nationale se feront adresser, dès à présent et mois par mois, par chacun des receveurs particuliers des impositions de toutes les ci-devant provinces sans aucune exception, un état signé et certifié d’eux, de la situation de leur recouvrement, au premier de chaque mois, sur chacun des exercices courants. Sur ces états particuliers, les commissaires du roi à la trésorerie nationale feront former pareillement, mois par mois, un état général de situation des recouvrements pour toutes les recettes générales des finances ou trésoreries générales des pays d’Eiats. « Art. 2. Aussitôt l’établissement des contributions directes de 1791, les commissaires de la trésorerie nationale suivront les mêmes dispositions vis-à-vis des receveurs de districts, et formeront pareillement, mois par mois, l’état général de la situation des recouvrements dans chacun des 83 départements. « Art. 3. La loi du 22 juillet 1790 sera exécutée, tant par les receveurs particuliers des impositions, pour l’exercice 1790 et exercices antérieurs, que par les receveurs de districts pour l’exercice 1791 et exercices suivants ; et en conséquence, ees receveurs seronttenus de remettre mois par mois, aux directoires de districts, le double certifié par eux des états de situation qu’ils auront adressés aux commissaires de la trésorerie nationale. Enfin, sur la copie de ces états particuliers, à lui adressée, par chaque directoire de département, on formera un état général qu’il adressera aussi mois par mois, avec ses observations, au ministre des contributions publiques. « Art. 4. Les directoires des districts viseront les contraintes qui leur seront présentées par les receveurs particuliers; et ,ce, dans le délai de (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 mai 1791.] 9 {9 8 jours, à compter de celui où elles leur auront été remises; sinon ils seront tenus de donner par écrit, au pied desdites contraintes , les motifs de leur refus, dont ils informeront, dans le même délai, le directoire du département, pour les motifs de ce refus, être par lui approuvés ou rejetés s’il y a lieu. De leur côté, les receveurs particuliers informeront, avec exactitude, les commissaires du roi à la trésorerie nationale de toutes les causes et circonstances qui pourraient arrêter ou suspendre leurs recouvrements. « Art. 5. Les municipalités donneront et procureront aide, assistance et protection aux porteurs de contraintes, après qu’ils auront justifié que celles qu’ils sont chargés d’exécuter, ont été bien et dûment visées par le directoire du district : dans le cas où une municipalité aurait refusé appui et assistance aux porteurs de contraintes, le directoire du district prononcera, contre ces ofliciers municipaux, la responsabilité solidaire de toutes les impositions arriérées de la communauté; et signification de l’arrêté du directoire sera faite sans délai aux officiers municipaux, à la requête du receveurparticulierdes impositions. « Art. 6. Aucun fonctionnaire public, payé par les receveurs de disiricts, ne pourra toucher au delà du 1er juillet 1791, la portion de son traitement échue, ou payable d’avance à ladite époque, qu’après avoir justifié, par duplicata de quittances viséi s par la municipalité, et qui resterait annexées à la quittance du traitement entre les mains du receveur du district, avoir acquitté la totalité de ses impositions de 1789 et 1790, aux rôles de la communauté de son domicile, ainsi qu’il a été prescrit pour la contribution mobilière, par l’article 22 de la loi du 18 février 1791. « Art. 7. Les frais des sommations qui ont été faites à la requête des procureurs du roi, des élections, et depuis à celle des procureurs-syndics de districts, aux officiers municipaux qui étaient en retard, de former leurs rôles de 1790, seront acquittés sur la somme revenant àla communauté dans le produit des rôles des 6 derniers mois de 1780. c A l’avenir, les frais de ces sommations seront supportés personnellement par les officiers municipaux auxquels elles auront été signifiées. « Art. 8. Les sommes auxquelles les ecclésiastiques ont été taxés dans les rôles de 1790, pour la cote de propriété des biens déclarés nationaux, seront acquittées, conformément à la loi du 10 juillet 1790, par les fermiers ou régisseurs desdits biens lesquels donneront les quittances des collecteurs pour comptant au receveur du district, lors du payement du prix de leur fermage ou produit de régie pour 1790. « Les fermiers ou régisseurs de ces biens nationaux seront contraints, comme pour leur propre cotisation, au payement de ces impositions, à moins qu’ils ne justifient avoir déjà acquitté pour l’année 1790, la totalité de leurs fermages ou soldé leur compte de régie, auquel cas les collecteurs s’adresseront pour être payés desdites cotes, sur le produit des biens nationaux, au receveur de leur district quiemploiera les quittances à lui données par ces collecteurs dans sa comptabilité, avec la caisse de l’extraordinaire. « Art. 9. Les décharges et réductions sur les impositions ordinaires de 1790, qui auront été prononcées par les directoires de districts pour surtaxes ou erreurs faites par les municipalités, lors de la confection de ieur rôle, seront à la charge des communautés dans le rôle desquelles ces surtaxes ou erreurs auront eu lieu. En conséquence, les municipalités seront tenues de remplir les receveurs particuliers des finances du montant iiesdites décharges ou réductions sur la portion qui leur reviendra dans le produit des rôles des six derniers mois de 1789. Dans le cas où il serait impossible de faire usage de ce moyen, elles délibéreront le rejet du montant de ces décharges ou réductions au marc la livre des contributions foncière et mobilière de 1791. « Art. 10. A l’égard des remises ou modérations accordées sur les impositions ordinaires de 1790, à des contribuables incendiés ou ayant éprouvé d’autres pertes extraordinaires, ces remises ou modérations ne pourront être prononcées que par les directoires de département, sur l’avis de ceux de districts, et le remplacement en sera fait aux receveurs particuliers, dans ceux des départements qui se sont partagé les anciens pays d’élection ou pays conquis, à l’aide du fonds dont il sera parlé eu l’article 11 ci-après, et, dans les autres départements, sur les fonds à ce destinés. « Art. 11. Pour accélérer l’apurement de la comptabilité des derniers exercices, et pour mettre les directoires de dénartement à portée de faire droit sur les demandes en soulagement d’impositions dont ils ont déjà reconnu la justice et la nécessiié, il sera prélevé une somme de quinze cent mille livres sur le produit des impositions ordinaires de 1790, pour être employée ; 1° en remises d’impositions sur les exercices 1788 et 1789, en faveur de ceux des contribuables des communautés grêlées en 1787, ou des particuliers incendiés qui ont été dans l’impossibilité d’acquitter le restant de leurs impositions sur ces deux années. « 2° A faire à chacun des départements qui, faute d’autres moyens, seront dans le cas d'y prétendre, un fonds suffisant pour réparer les erreurs, inégalités et doubles emplois qui ont eu lieu lors du répartement des impositions de 1790, et pour procurer du soulagement, sur les impositions de la même année, aux contribuables qui ont éprouvé quelques fléaux ou dommages dans leur récolte de 1789, ou qui se trouveraient, par tout autre cause, dans l’impossibilité d’acquitter la totalité de leur imposition de 1790. « Art. 12. Les états de distribution des secours mentionnés en l’article précédent seront présentés, avant le premier juillet prochain, par le ministre des contributions publiques, pour être, par l’Assemblée nationale, statué définitivement sur cette distribution. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) Un membre propose, par amendement à l’article premier, de mettre à la place des mots : « et mois par mois », ceux-ci : « dans les dix premiers jours de chaque mois ». M. d’Ailly observe que, dans toutes les dispositions de ce projet de décret, il n’y en a aucune qui en assure rigoureusement l’exécution; il demande, en conséquence, qu’il soit statué une peine contre les agents subalternes du pouvoir exécutif qui seraient en retard de l’exécuter. Un membre demande que, dans ce cas, les réfractaires soient privés de la remise qui ieur est accordée par chaque mois sur le montant des rentrées des impositions. Un membre demande qu’ils soient sur-le-champ destitués.