4 (Assenibléc nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ]6 juin 1791.] tement, le directoire a, comme il le devait, consulté les localités. 11 a pris l’avis des districts ; il a envoyé des experts dans les différentes maisons pour examiner celles qui sont les plus solides, les plus commodes, les plus saines ; pour savoir le nombre de religieux qu’elles peuvent contenir. Il a combiné encore l’esprit de vos décrets avec l’utilité publique et en même temps avec les égards et les sentiments d’humanité qui sont dus à des vieillards, à des infirm' s, à des citoyens à qui on ne peut reprocher que leur attachement aux devoirs de leur état. Le directoire du département du Pas-de-Calais a donc fait tout ce qu’il devait pour vous envoyer uu plan de réunion prudent et sage. Cependant que fait votre comité ecclésiastique? Sans avoir aucun égard à un projet que l’on peut regarder comme le vœu de tout le département, il vous présente un plan tout de sa façon où il vous propose de marier des bénédictins avec des bernardins, avec des augustins, en un mot tous les ordres ensemble; il veut vous les faire entasser pêle-mêle dans un très petit nombre de maisons. Vous sentez, Messieurs, combien un pareil décret serait propre à diminuer l’at achement à la C nslitution, dans des provinces intéressantes et que tout vous engage à ménager 'tans les circonstances actuelles. Les religieux, très nombreux clans les provinces du nord, y ont tous des parents, des amis, des connaissances. De quelle impolitique ne serait-il donc pas de les chagriner, de les molester et de les vexer, comme vous le propose vore comité? Je conclus à ce que le projet du directoire du département du Pas-de-Calais soit lu et adopté, sauf à faire les amendements convenables. M. d’Fstourmel. Le comité ecclésiastique semb’e avoir pris plaisir à exécuter le pot-' pourri de la tentation de Saint-Antoine, où l’auteur nous montre les diables jaunes, verts, gris et bleus mêlés ensemble, en rassemblant dans un même lieu les religieux de tous les ordres. La tendresse paternelle dont le comité est pénétré pour ses œuvres est en opposition avec celle du directoire, pour les re igieux qui se trouvent dans le département; et l’on pourrait dire au comité : Messieurs les démons, laissez-moi donc 1 Je demande dès lors que le projet du comité ecclésiastique soit renvoyé à un nouvel examen de ce comité, pour le réformer et le présenter plus conforme à l'avis du directoire du départe-M. Treilhard. Il faut donc dévoiler les ruses abbatiales. Apprenez, Messieurs, que les abbé-, les procureurs, et les prieurs de communautés qui sont les plus despotes de tous les hommes, détestent les réunions qui doivent leur ôter leur prééminence. Iisont fait jouerdans le département du Pas-de-Calais tous les ressorts qui étaient en leur pouvoir pour s’insinuer auprès des administrateurs de ce département. Ils en ont obtenu un projet de conservation de 22 maisons pour un seul département. Eh bien 1 moi, Messieurs, je soutiens que pour 800 moines qu il y a dans ce département et dont 400, au moins, préféreront la vie libre à la vie monastique, que pour tous ces moines, dis-je, les 8 maisons très vastes et très commodes que le comité réserve seront plus que suffisantes, et si on nous pousse trop loin, nous vou-proposerons une autre disposition dont il ne sera pas difficile de vous montrer la justice : nous demanderons que les maisons à conserver soient toutes choisies hors des villes; celte mesure pourrait rompre bien des projets et beaucoup de liaisons. Que l’on cesse donc de combattre le projet du comité ou sinon je fais la motion. (L’Assemblée, consultée, décrète, après une épreuve déclarée douteuse, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi du projet au comité). M. d’Fstourutel. J’insiste pour que l’Assemblée adopte l’amendement que je lui ai fait et tendant à ce que l’abbaye d’Arrouaise, au district de Bapaume, soit conservée. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas iieu à délibérer sur l’amendement et adopte sans modification le projet du comité.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du Code pénal (1). ment du Pas-de-Calais, et pour que les députés du département soient appelés à donner leur avis à cet égard. Au surplus, et au cas où le renvoi que je demande ne serait pas ordonné, je propose que, conformément au vœu du directoire du département, l’abbaye d’Arrouaise, dans le district de Bapaume, soit conservée, car elle fait les plus grandes charités dans ce district. M. Legrand, rapporteur. Je m’oppose au renvoi proposé par l’opinant; les comités ne sont pas dans l’usage de faire sonner la trompette pour avertir ces députés qu’on s’occupe de telle affaire qui les cunce ne. Cependant, dans le cas actuel, Its députés du Pas-de-Calais ont été entendus et les bases du projet ont éié convenues avec eux. M.de Alontgazin ai paie la demande du renvoi. M. Le Pelletier de Saint-Fargean, rapporteur. Vous avez décrété, Messieurs, dans ia séance de samedi dernier, quels seraient les effets qui résulteraient de chaque espèce de condamnation; il s’agit actuellement de décréter quelles seroût les suites de la déportation. Il paraîtrait que les effets de la déportation, doiveut être la mort civile; car le coupable, qui est poité hors de sa patrie, doit en être éloigné pour le reste de ses jours. Cependant lorsque vous déterminerez le règlement qui fixera l’état des malfaiteurs qui auront été déportés, il sera possible de leur accorder quelque adoucissement, une sorte d’existence, à raison de leur travail et de leur bonne conduite dans le lieu où i s doivent être déportés. Voici donc, comme complément du titre sur les eff ts des condamnations, l’article que le comité vous propose de décréter en ce moment ; Art. 8. « Les effets résultant de ia déportation seront déterminés lors du règlement qui sera lait pour la formation de l'établissement desliné à recevoir les malfaiteurs qui auront été déportés.» (Adopté.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre relatif à V influence de Vâge des condamnés sur la nature et la durée des peines. Voici l’article 1er ; Art. 1er. « Lorsqu’un accusé déclaré coupable par le (1) Voy. séance du 4 juin 1791, t. XXVI, p. 734. 5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [6 juin 1791. | juré, aura commis le crime pour lequel il est poursuivi, avant l’âge de 16 ans accomplis, les jurés décideront, dans les formes ordinaires de leur délibération, la question suivante : Le coupable a-t-il commis le crime avec ou sans discernement? » M. Carat aîné. Cet article me paraît absolument impossible; car, ou la preuve résultera de l’instruction du procès, ou non. Si elle en résulte, cette hypothèse rentre dans les hypothèses générales où les jurés auraient à décider de la moralité de l’action, et si elle est excusable ou non. Y a-t-il dans l’action un défaut de discernement? Alors la preuve vous l’abandonnerez aux jurés. Et où rechercheront-ils la preuve du discernement? Dans l'âme du coupable reconnu : elle est fermée à leurs yeux. Quoi de plus arbitraire, quoi de moins raisonnable. le demande que cet article soit écarté par la question préalable. M. Legrand. Le préopinant oublie absolument que l’institution des jurés n’est autre chose qu’un tribunal de conscience ; le préopinant veut toujours oublier que les jurés jugent, non par la masse calculée des preuves, mais par leur conscience, si l’accusé est coupable ou non ; le préopinant veut toujours oublier que le juré peut dire que tel coupable est excusable. D’après cela, il y a parité de raison à ce que, dans le cas proposé par votre article, le juré décide si tel coupable peut être excusé par le défaut de discernement. M. L« Pelletier de Saiait-Fargeau, rapporteur. C’est de l’ensemble du fait, c’est de la manière dont l’enfant se défend, que les jurés peuvent véritablement répondreen conscience sur cette question : L’accusé a-t-il ou non commis son crime avec discernement? M. llaloiiet. Vous oubliez, Messieurs, que les jurés n’auront de renseignements, sur la moralilé de l’action, qu’au moment de l’interrogatoire. Ainsi, il dépendra de la volonté ou de l’asluce d’un jeune homme de 16 ans, de paraître dépourvu de discernement; et alors, pour peu que ses conseils l’aident à jouer le rôle d’un imbécile ou d’un homme dépourvu de discernement, les jurés seront obligés de déc!arer sur leur honneur. Si, cependant, 15 ans, 11 mois et 29 jours avant de paraître devant les juré-g il était, dans toute la force du terme, un très mauvais sujet, je ne conçois pas que vous proposiez de prononcer son absolution. Je n’entends pas le principe d’après lequel vous proposez un tel article; je demande pourquoi vous n’avez pas adopté, pour l’instruction du juré, l’enquête préalable sur la vie et mœurs de l’accusé; je conclus donc, comme M. Garat, à la question préalable sur l’article; et cependant, je trouverai très raisonnable de modifier les peines, en raison de la jeunesse de l’accusé. Votre article m’a paru très moral, j’en aime l’intention. M. Le Pelletier de Saint -Fargeau, rapporteur. Il me semble que le préopinant n’a pas saisi la rédaction de l’article. Certainement le cqmité aurait commis une grande faute, s’il avait dit que les jurés, d’après les réponses de l’enfant, pourront l’absoudre; mais il a dit ; Les jurés décideront, non pas seulement sur les réponses de lVnfant, mais sur le fait, mais sur la procédure, mais sur ce que diront les témoins, sur la manière dont le fait s’est passé, si l’enfant a du discernement oui ou non. Voici un fait dont malheureusement j’ai été juge. Un enfant âgé de 11 ans, tils d’un boucher, étant en querelle avec sa sœur, elle lui donna un soufflet : les deux enfants, dans ce raoment-là, étaient sur le bord d’un ruisseau à garder un troupeau. Le jeune homme de il ans dissimule, quitte sa sœur sans apparence de dépit. Il s’eu va à la boutique de son père, pr nd un couteau de boucher, revient trouver sa sœur et lui dit : « Regarde un poisson qui passe dans l’eau. » Dans l’instant où sa sœur se baisse, il lui enfonce dans la poitrine le couteau. Il retire le couteau, jette sa sœur la tête la première dans l’eau, avec le plus grand sang-froid, lave son couteau et s’en retourne tranquillement clans la maison de son père. Il est certain que quand bien même l’enfant aurait joué l’imbécillité la plus marquée, les témoins qui auraienl rendu compte aux jurés de ces circonstances atroces, n’auraient pas pu laisser de doute au juré sur cette triste certitude que l’enfant avait commis avec discernement un grand crime. C’est donc dans les circonstances du fait, mais non pas uniquement dans les réponses de l’enfant qu’il faut chercher si le crime a été commis avec discernement. M. llalouet. Vous avez un article général qui dit : « Les crimes qui doivent être excusés... » Ainsi celui que vous proposez est inutile. (Murmures.) J’insiste sur la question préalable. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’article 1er qui est ensuite nais aux voix et adopté.) M. Le Pelletier de Saint -Fargea il , rapporteur, donne lecture des articles suivants : Art. 2. « Si les jurés décident que le coupable a commis le crime sans discernement, il sera acquitté du crime; mais le tribunal criminel pourra, suivant les circonstances, ordonner que le coupable sera rendu à ses parents, ou qu’il sera conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d’années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l’époque à laquelle il aura atteint l’âge de 20 ans. » (Adopté.) Art. 3. « Si les jurés décident que le coupable a commis le crime avec discernement, il sera condamné; mais à raison de son âge, les peines suivantes seront commuées. « Si le coupable a encouru la peine de mort, il sera condamné à 20 années de détention dans une maison de correction. « S’il a encouru les peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention, il sera condamné à être enfermé dans la maison de correction pen !ant un nombre d’années égal à celui pour lequel il aurait encouru l’une desdites peines, à raison du crime qu’il a commis. » (Adopté.) L’article 4 est soumis à la discussion. M. Prieur. Ne croyez-vous pas qu’il serait d’one influence très morale, d’un exemple très frappant pour les enfants du même âge, que