[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 369 RAPPORT SUR L’INVENTAIRE DES DIAMANTS DE LA COURONNE ET L’ADMINISTRATION DU GARDE-MEURLE Par M. DELATTRE, Député du département de la Somme. AVERTISSEMENT. Lorsque le 28 septembre dernier, M. Delattre, député du département de la Somme, l’un des commissaires de l’Assemblée nationale à l’inventaire des diamants de la couronne, ordonné par le décret du 26 mai, présenta tant en son nom qu’à celui des autres commissaires, le cahier de cet inventaire, il demanda que la remise en fût consignée dans le procès-verbal du jour, que le dépôt en fût ordonné dans les archives ; et l’Assemblée fit droit sur ces deux réclamations. M. Delattre ajouta que les commissaires auraient désiré que le temps leur eût permis de faire un rapport circonstancié de cet inventaire, ainsi que de l’examen de l’administration du garde-meuble, dont ils avaient été chargés par le décret du 5 septembre. Il exposa que le terme fixé pour la fin de la session de l’Assemblée ne leur permettait plus de présenter aucuns détails sur ces deux objets, qu’ils pouvaient seulement annoncer brièvement à l’Assemblée que le précieux dépôt des diamants de la couronne existait au garde-meuble ; et que, quant à l’administration du garde-meuble, d’après l’examen général qu’ils en avaient fait jusqu’alors, ils n’y avaient encore remarqué que des améliorations. Il termina par annoncer que l’inventaire qu’il allait déposer sur le bureau venait d’être remis à l’impression; que cet ouvrage serait pour M. Baudouin de longue haleine, et que, pendant le travail de cette impression, les commissaires auraient le temps de rendre un compte, sinon détaillé, au moins explicatif, tant de l’inventaire, que de l’examen de l’administration du garde-meuble ; que ce compte ou rapport se trouverait imprimé à la tête ou à la suite de l’inventaire ; et c’est cet engagement, pris à la tribune de l’Assemblée nationale par M. Delattre, qu’il vient remplir aujourd’hui. Il doit déclarer, et il annonce que, chargé de ce travail par ses collègues, MM. Bion et Chris-tin, il a bien fait avec eux l’examen dont il va ren tre compte, et qu’ils en ont ensemble reconnu les résultats ; mais séparés trop tôt, il n’a pu les consulter sur la rédaction qu’il présente aujourd’hui, en son nom seul, pour se réserver la responsabilité de cette rédaction, quelque peu importante qu’elle soit. U irt Série. T. XXXII. 370 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \Annexe$. RAPPORT. Messieurs, Vous avez ordonné qu'il serait dressé un inventaire des diamants de la couronne, perles, pierreries, tableaux, pierres gravées et autres monuments des arts et des sciences, existant au garde-meuble : les commissaires que vous avez chargés de cette tâche se sont empressés de répondre à votre confiance et de remplir vos ordres. Nous venons aujourd’hui vous remettre notre travail et vous en présenter quelques résultats. Nous vous rappellerons que nous ne pouvions apporter, dans la confection d’un pareil inventaire, que de l’assiduité, de la surveillance et du zèle; c’est aussi ce que vous avez parfaitement senti, puisque vous nous aviez autorisés à nous adjoindre d’abord le joaillier de la couronne, ainsi qu’à nous donner ensuite pour coopérateurs tels joailliers et gens de l’art dont nous pourrions juger que le secours nous serait nécessaire. Nous n’hésitons donc pas à publier ici, Messieurs, que nous n’avons pas rejeté une assistance aussi indispensable ; nous avons appelé des appréciateurs, des joailliers, des artistes et des savants ; nous nous plaisons de même à rendre hommage à leurs talents, à leurs connaissances, à leur goût, mais surtout à préconiser le zèle, l’ardeur, nous dirons presque l’affection avec laquelle tous se sont portés à concourir au travail que vous nous aviez confié : et pour acquitter notre reconnaissance particulière, autant que pour ne nous réserver dans l’ouvrage que nous vous présentons que ce qui peut nous en appartenir, nous inscrirons ici les noms de nos officieux coopérateurs. Nous avons été secondés pour les diamants, pierreries, perles, bijoux, par MM. Menière, Landgraff et Loury, joailliers. Pour les bijoux, bronzes, statues de marbre, par MM. Leblond et Mongez, tous deux de l’Académie des sciences. Pour les tableaux, par MM. Bachelier, Suée et Berruer, professeurs de J’Académie de peinture et de sculpture, et par M. Lecomte, adjoint à professeur, de la même académie ; et particulièrement pour l’appréciation des bronzes, statues de marbre et tableaux, par MM. Sauber et Lan-glier. Aussi l’on nous pardonnera de dire et de penser que l’inventaire que nous offrons aujourd'hui est aussi parfait qu’il est possible ; et nous ne craignons pas d’avancer qu’il ne peut être comparé à ceux qui avaient été faits précédemment. DIAMANTS. Un événement de nature à inspirer et peut-être à justifier tous les soupçons avait fait dénoncer ! à l’Assemblée nationale l’enlèvement des diamants de la couronne. Au dire de certaines personnes, plusieurs municipalités avaient arrêté des malles pleines de pierreries ; on avait saisi sur la Seine des bateaux complètement chargés des diamants les plus magniliques. Ces bruits s’accréditaient; ils accélérèrent notre vérification. Nous nous assurâmes bientôt de l’existence matérielle des diamants de la couronne au garde-meuble, et nous vînmes tranquilliser l’Assemblée et le public sur un objet aussi important. Depuis, nous nous sommes occupés constamment de l’inventaire estimatif et comparatif de ces diamants ; ils ont été examinés, décrits, pesés et estimés : la comparaison de chacun d’eux a été appliquée non seulement au dernier inventaire légal que l’on ait pu nous produire, celui de 1774, mais encore aux inventaires antérieurs, et à tous les états, non revêtus de signatures, mais cependant dignes de quelque foi, qui existent au garde-meuble. C’est ici le lieu d’observer que, si vos commissaires, Messieurs, ne doivent que des éloges à la manière dont M. Thierry, M. Crécy, M. Chantreine et tous leurs subordonnés se sont empressés de donner tous les renseignements, toute l’assistance, tout le concours qu’il dépendait d’eux de leur prêter, M. de La Chapelle, au contraire, a constamment résisté à toute espèce de provocation; c’est en vain même qu’on lui a demandé l’inventaire qui a été fait devant lui comme commissaire ad hoc , lorsqu’en 1784 les diamants ont été retirés des mains de M. Tourteau, pour être mis en celles de M. Crécy, actuellement garde général. Nous n’avons pu l’obtenir, cette pièce nou3 a absolument manqué, et nous sommes bien aises de consigner ici que cet inventaire doit être réclamé, d’autant plus qu’on a paru mettre de l’intérêt et de l’affectation à nous le soustraire. Il serait fastidieux de vous présenter ici en détail la relation exacte de chaque article ou de chaque diamant de l’inventaire de 1774 avec celui que nous venons de faire d’après vos ordres, et qu’à l’avenir nous appellerons l’inventaire de 1791 . Nous envoyons aux archives, pourêtrejoint àcetin-ven taire, un état de comparaison de l’inventaire de 1774 avec celui de 1791 ; cet état donne l’indication générale des diamants, tant de ceux vendus que ceux existant en 1791, et leur emploi. Nous y joignons un autre état de comparaison, qui établit la concordance de notre inventaire de 1791 avec les articles et les numéros de l’inventaire de 1774. Il en résulte que l’inventaire de 1774 était con-posé de 7,482 diamants, sans y comprendre cependant ceux vendus en 1776, de l’ordre du roi, pour 75,050 livres, et sans y comprendre non plus tout l’article 24 dudit inventaire, dont nous parlerons ci-après ; et -que notre inventaire de 1791 est composé de 9,547 diamants. Mais voici comment nous ferons, quant au nombre, concorder les deux inventaires. [Assemblé© nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 371 L’inventaire 1774 offrait. . . . 7,482 diamants. 11 en a été vendu à diverses fois, par ordre du roi, depuis 1784, et qui sont à déduire-. 1,471 Reste ....... 6,011 A quoi ajoutant tant les moyens que petits diamants qui ont été achetés depuis 1784 pour compléter la garniture de boutons et l’épée du roi ...... 3,536 Nombre égal de notre inventaire de 1791 ................ 9,547 diamants. Voilà pour la concordance du nombre, et il semblerait que la masse des diamants de la couronne se serait accrue. Nous ne laisserons pas subsister une idée qui ne serait pas juste. Nous ne parlerons pas de la première réduction opérée par la vente de 1776; premièrement, parce que les diamants qui en font l’objet n’entrent point dans le calcul que nous présentons ; ensuite parce que ladécharge de ces pierreries existe sur l’inventaire même de 1774, où elle est constatée par les signatures de M. Lamoignon et de M. Lavrillière. Mais d’abord, l’inventaire de 1774 a perdu tout entier son article 24 ; nous y reviendrons tout à l’heure. Ensuite il a été diminué des 1,471 diamants qui ont été vendus depuis 1784. Et les 3,536 moyens et petits diamants qui sont venus depuis grossir en nombre l'inventaire de 1791, ne les ont pas à beaucoup près compensés en valeur. Ainsi en définitive l’inventaire de 1774, comparé avec celui de 1791, offre en valeur une différence de, SAVOIR : 45,000 1. s. d. Tout l’article 24 de l’inventaire de 1774 qui manque. 114,409 10 9 Montant des 1,471 diamants qui ont été vendus depuis 1774. 159,409 10 9 31,503 » » à déduire pour les 3, 536 moyens et petits diamants qui ont été achetés depuis 1774, pour finir les boutons et l’épée du roi, diamants qui ont augmenté la masse des diamants de la couronne, et qui sont maintenant compris dans les 9,547 qui en composent l’ensemble. 127,906 10 9 déficit apparent. Cependant, pour être parfaitement justes, nous devons dire que la taille nouvelle qu’ont reçue une grande quantité de diamants, a ajouté un grand prix à cette brillante collection, et que le nouvel éclat qu’elle lui a donné peut balancer peut-être le déficit que nous venons d’annoncer comme apparent. Maintenant nou3 devons vous exposer, Messieurs, pourquoi les 1,471 diamants ont été vendus, et s’ils l’ont été d’après une autorisation suffisante; Pourquoi l’article 24 n’existe plus, et si le garde général du garde-meuble en doit être légitimement déchargé. Le raisonnable projet d’épurer la collection des diamants de la couronne ayant été médité, celui de les doter d’une plus grande valeur, en leur donnant par une nouvelle taille tout l’éclat et la magnificence qu’ils étaient susceptibles de recevoir, ayant été conçu, le parti d’établir deux nouvelles parures à l’usage du roi ayant été pris, on chercha, d’après le vœu touchant et remarquable de sa majesté, à exécuter une pareille entreprise d’une manière qui n’occasionnât pas de nouvelle dépense, en la faisant supporter par la chose même. C’est à ce dessein et dans cet esprit, que des joailliers et des connaisseurs furent consultés, que les diamants défectueux furent désignés, que la vente en fut arrêtée, et que le prix qui devait en provenir fut consacré tant à payer celui de la nouvelle taille qui fut déterminée, que celui de la confection des nouvelles parures dont on ordonna l’établissement. Les bons du roi ont approuvé ces diverses dispositions, qu’un arrêt du conseil d’Etat, du 23 mai 1789, est encore venu ratifier, Nous croyons donc que c’est d’après une autorisation, légale alors, que les 1,471 diamants ont été vendus ; et nous indiquerons à ceux qui pourraient désirer déplus grands détails sur ces opérations, de consulter le rapport fait au roi en février 1790, parM. Thierry, imprimé à l’imprimerie royale. C’est parce que nous l’avons eu sous les yeux, que nous ne ferons aucune difficulté d’annoncer que les divers examens auxquels nous nous sommes livrés nous ont convaincus plusieurs fois de l’exactitude de ce rapport, qui nous a paru remarquable, surtout par un grand caractère de droiture. Quant à l’article 24 de l’inventaire de 1774, qui manque, le bon du roi , du 13 mars 1785, en décharge MM. Thierry et Crécy, qui paraissent n’avoir jamais été dépositaires des diamants qui composaient cet article. En prenant le dépôt des diamants de la couronne, en 1784, M. Thierry trouva que cet article manquait. 11 nous a déclaré que la reine en appropria les diamants et les rubis à une parure beaucoup plus considérable, qui fait partie de ses diamants particuliers. 11 n’est pas possible de rappeler ces pierreries; on n’ira pas briser une parure, dont elles ne sont qu’un médiocre accessoire; vous n’aurez pas l’indécente mesquinerie de les réclamer. D’ailleurs, le bon du roi, du 13 mars 1785, par lequel il approuve que ces diamants restent à la reine, et ne fassent plus partie des diamants de la couronne, a consommé ce don, que nous osons croire par avance que vous ne serez pas tentés de révoquer. Enfin le bon du roi était alors un titre légal, et il nous pa ait suffisant pour opérer la déchargé de MM. Thierry et Crécy. PERLES. L’inventaire de 1774 présentait, en divers articles, 506 perles; celui de 1791 présente le même nombre; plus sept perles détachées de quelques \ases ou de quelques ornements; et ce supplément de sept perles élève le nombre de celles de l’inventaire de 1791 à 513. De ce nombre, 480 ne sont pas montées, 33 sont employées en parures pour la reine, et nous ont été représentées. 372 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. ] RUBIS. Les rubis de l’inventaire de 1774 s’élevaient à 230; celui de 1791 offrira ce même nombre; 145 de ces rubis ne sont pas montés, 85 font partie de l’épaulette, de la toison d’or et de la croix en couleur, de l’ordre du roi, où on nous les a fait parfaitement compter et distinguer. TOPAZES. Nous avions 71 topazes dans l’inventaire de 1774 ; celui de 1791 nous a fait retrouver exactement ce même nombre. Elles ne sont pas montées, à l’exception de trois que l’on nous a fait remarquer dans la toison de couleur du roi. ÉMERAUDES. Leur nombre est de 150, et il cadre parfaitement avec celui de l’inventaire de 1774; 133 ne sont point montées, 17 seulement sont employées à la chaîne de couleur d’une des montres du roi. SAPHIRS. La collection des saphirs de l’inventaire de 1774 était composée de 134; nous avons ce même nombre par l’inventaire de 1791. Aucuns de ces saphirs ne sont montés. AMÉTHYSTES ORIENTALES. Nous n’en possédions que trois en 1774, et elles existent encore dans notre inventaire de 1791 ; elles ne sont pas montées. GRENATS SYRIENS. En 1774, nous n’en avions que 8; nous les retrouvons exactement en 1791. Ces 8 grenats ne sont point montés. PIERRES DE COULEURS, de différentes qualités , comme améthystes et grenats. L’article 8 de l’inventaire de 1774 nous indiquait 8 pierres non montées; nous les avons en 1791 en même nombre absolument et en même état. Nous venons de parcourir la partie de l’inventaire de 1791, qui concerne les diamants ; c’était sans doute la plus importante. Il s’agissait de faire passer de même en revue les bijoux, vases, tableaux, bronzes, etc., et nous eussions désiré en présenter une description historique et savante; mais ce travail, auquel notre zèle ne se fût point refusé si nous fussions restés dans la capitale, nous devient impossible dans notre éloignement ; l’on verra par l’inventaire que nous présentons, que particulièrement cette collection de bijoux et vases est infiniment précieuse. Nous pouvons dire seulement que nous avons trouvé le dépôt entier ; quant au reste, nous serons plus que suppléés par MM. Leblond et Mon-gez, profonds tous deux dans la science de l’antiquité, puisqu’ils ont en quelque sorte pris avec nous l’engagement de présenter au public un ouvrage dans lequel ils offriront leurs recherches et leurs observations sur ce précieux dépôt de nos richesses nationales. Maintenant ces richesses existent confondues au garde-meuble; nous croyons qu’elles ne doivent pas y rester réunies. Les bijoux, les vases, bustes, statues, bronzes et tableaux doivent, à notre avis, être un jour reportés au grand Muséum national; les diamants, perles et pierreries de la couronne doivent exister particulièrement ailleurs. Dans tous les cas, le garde-meuble nous devient absolument étranger. Par le décret du 26 mai, article Y, vous avez fait au roi la brillante concession du vaste mobilier de la couronne (1); ainsi l’administration du garde-meuble ne doit plus nous regarder pour l’avenir ; il n’est tout au plus dans notre devoir que de vous offrir nos vues sur l’administration des diamants, après vous avoir donné nos idées sur la destination que doivent avoir les bijoux et vases : nous allons donc hasarder celles que nous avons conçues sur la garde, la conservation et la direction des diamants et pierreries. Nous avons pensé qu’ils devaient être confiés à un garde ou conservateur particulier, qui ne serait point joaillier, et auquel il serait interdit de vendre ou acheter aucunes pierreries quelconques. Ce conservateur, auquel serait attribué un traitement important, serait choisi parmi les hommes les plus recommandables par une probité constante et bien éprouvée; mais il conviendrait en outre que, par sa fortune particulière ou par une caution limitée raisonnablement, il fût dans le cas d’offrir un degré d’assurance quelconque contre les dangers d’un rapt infiniment facile à celui qui n’aurait fait que surprendre la confiance, et dont l’équivoque probité ne saurait résister à un attrait brillant ni se défendre d’un crime démesurément profitable. Après avoir mis en avant ces idées d’innovation, nous nous croyons obligés d’ajouter que cette garde ne doit point être retirée à M. Grécy, garde actuel, dont la probité et le patriotisme nous sont connus. Il peut et doit être conservé, sous un titre quelconque ; seulement il s’agirait de l’assujettir à un cautionnement raisonnable. Au conservateur doit être adjoint un joaillier (si l’on veut sous le titre de joaillier de la couronne), un joaillier seulement inspecteur et surveillant, mais non point ouvrier; un joaillier avec un traitement fixe, dont l’emploi serait de soigner et d’entrenir, mais jamais de restaurer les diamants et les parures ; un joaillier enfin seulement pour diriger et surveiller le travail des ouvriers et des artistes, mais qui ne puisse point avoir d’intérêt dans ce travail, non plus que dans aucuns changements ni des diamants, ni des parures. Ges dernières dispositions, qui nous semblent très sages, sont déjà adoptées dans l’ordre actuel ; M. Thierry les a présentées au roi, qui les (1) Objet de seize à vingt millions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 373 a accueillies ; l’on peut recourir à cet égard à son exposé consigné dans son rapport fait au roi en février 1790, pages 30 et suivantes. Voilà à quoi se borne, Messieurs, ce que nous ayons à vous dire relativement à l’inventaire des diamants de la couronne. Nous allons aussi succinctement, mais autant qu’il est en nous de le faire, vous rendre compte de l’examen que nous avons fait de l’administration du garde-meuble, examen que vous nous avez confié par votre décret du 5 septembre dernier. Nous avons été précédés dans nos recherches à cet égard par les commissaires du comité de finances. Les observations qu’ils nous ont laissées ne nous ont présenté aucun reproche capital, ni même bien sérieux contre l’administration de M. Thierry. Cependant, pour ne dissimuler absolument rien, nous devons dire qu’en définitive, ils nous ont paru penser qu’on pouvait mieux faire que lui, et particulièrement que son administration n’était pas supérieure aux anciennes, dont le parallèle, qu’il avait présenté, n’était à son avantage que parce qu’il n’avait pas tout fait entrer en ligne de compte. Quant à nous, nous croyons que M. Thierry a beaucoup amélioré l’adminislraiion du garde-meuble; nous conviendrons qu’elle a été chère, mais elle l’a été moins que l’ancienne ; elle l’a été, parce qu’on lui commandait des magnificences, parce qu’on lui ordonnait des prodigalités. M. Thierry établissait successivement des réformes, il cherchait à naturaliser les épargnes dans un département que le luxe avait jusque-là gouverné, dans un département livré aux déprédations de toutes espèces, sans ordre, sans comptabilité, nous dirions presque sans administration. Mais les désordres anciens ont pesé sur l’Etat ; les améliorations récentes et celles qui suivront vont tourner au profit de la liste civile, puisque, comme nous l’avons déjà dit, le garde-meuble est maintenant tout à fait étranger à la nation ; c’est pour cela que nous attachons moins d’importance à la recherche des abus anciens, s’il en a existé ; et pourquoi ? c’est que les dépenses sont faites et qu’elles sont irréparables; c’est qu’il nous suffit d’avoir reconnu qu’elles ont été faites d’après des bons du roi , d’après des autorisations suffisantes, pour qu’il soit constant qu’il n’y a pas lieu à former des répétitions; et alors pourquoi, dans un acharnement inutile, chercher des torts qui n’existent peut-être pas, des torts qui appartenaient peut-être au temps, des torts enfin qui seraient sans remède. Mais nous croyons, et nous n’hésitons pas à le répéter, que M. Thierry a amélioré beaucoup l’administration du garde-meuble; il y a mis très certainement un grand ordre, un ordre qui n’existait point; il y a porté des réformes utiles et fait d’heureux changements; enfin il y a créé une belle comptabilité, une comptabilité méthodique, simple, claire, et cela dans un labyrinthe obscur où l’on ne pouvait autrefois suivre aucune opération, tandis que, maintenant, elles restent toutes à découvert, ce qui suppose déjà la fidélité de sou administration. Nous terminerons par dire que nous avons vu, presque sur tous les objets, des précautions judicieuses et désintéressées; que nous avons vu tous les bons du roi qui ont motivé les différentes opérations ; que nous avons vu tous les états de dépenses, légitimés et approuvés par les ministres de sa maison, ceux de la finance et les commissaires généraux des différents départements, ce qui, dans l’ordre de choses qui existait alors, suffisait pour régulariser les comptes, et semble devoir nous interdire toute recherche ultérieure, parce qu’il serait plus que sévère, parce qu’il ne serait peut-être pas juste d’exiger des formalités que ne prescrivait pas le régime ancien. Voilà, Messieurs, les réflexions que nous avons à vous présenter; nous désirons qu’elles vous satisfassent; le peu de temps que nous avons eu ne nous a pas permis de scruter très profondément, mais nous avions été précédés par des devanciers, qui, avec du temps et du travail, n’avaient rien découvert de bien sérieusement reprochable ; nous avons donc pu croire qu’il nous suffisait de rechercher et de vous offrir seulement l’esprit et le caractère de l’administration. Puisse ce faible et dernier travail, qu’au terme d’une longue carrière nous avons l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale, mériter son approbation ! puisse-t-il être pour l’Assemblée nationale une preuve constante du dévouement immuable et sans bornes dont nous avons toujours été animés pour elle ! F. -P. Delattre.