[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S septembre 1791.1 2o3 Nous voilà aussi avancés que devant, avons-nous dit, car, noU' aussi, nous demandons l’exécution de la loi, et la question reste entière; mais les huissiers de l’Assemblée ont pensé différemment, car, par la crainte que nous donnassions notre voix, ils se sont opposés à notre entrée dans les bureaux. Nous aurions pu retourner vers le corps électoral, et lui dire : M. Legier, qui a parlé pour , demandait l’exécution de la loi, aussi bien que M. Boquillon, qui a parlé contre ; en faveur de qui avez-vous prononcé? Mais il est plus court de nous retirer vers le Corps législatif. Les gens de loi sont partagés; vous êtes, Messieurs, la loi vivante et parlante. Nous venons vous consulter sur la question de fait, s il existe une loi qui nous suspende de nos fonctions; nous venons nous adresser, en votre personn *, à loi elle-même, nous venons lui demander: « Existons-nous ou n’existons-nous pas? » Voici nos raisons de douter: L’ancienne ordonnance a été abrogée expressément par l’article 9 de la déclaration des droits; en effet, elle présumait l’accusé coupable avant la condamnation; et l’article a dit: « Tout homme sera désormais présumé innocent jusqu’à la condamnation. » Il est si vrai que, par cet article, l’Assemblée nationale a cru avoir abrogé les anciennes ordonnances, et avoir introduit un nouveau droit commun en faveur des accusés, que, lorsqu’elle a voulu les exclure des assemblées provisoires, elle a pensé qu’il fallait une loi particulière qui dérogeât au droit commun; et, section II, article 5 de l’acte constitutionnel, elle les a exclus des assemblées primaires, donc elle ne les a pas exclus des assemblées électorales (Rires.)-, car, en matière pénale, rien ne peut être suppléé, il n’y a pas d’extension d’un droit à l’autre. Il n’y a pas ici de question de droit; tout y est question de fait. Et, en effet, Messieurs, comment l’ancienne loi ne pourrait-elle pas être abrogée? S’il suffisait d’être accusé pour être interdit, il s’ensuivrait que le plus vertueux des hommes , Caton, n’eût jamais pu exercer ses fonctions; car, accusé 70 fois, il eût pu passer sa vie en état d’ajournement personnel. Eh bien, Messieurs, il y en a un de nous contre lequel il n’existe pas de déposition. A la vérité, un témoin a dit qu’étant au café Procope, il avait fait lecture d’une pétition, où il soutenait que les assignats étaient le patrimoine des pauvres; mais, comme celte pétition était dans nos archives, comme elle était imprimée, comme on n’y trouve rien de semblable, à ce que le déposant voulait dire, il lui a suffit de la présenter aux juges pour convaincre le témoin de faux. Quand bien même, par un délire inconcevable, dans le nouveau régime comme dans l’ancien, tout accusé serait présumé coupable et privé de ses droits, ce qui est l’inverse de la déclaration des droits ; il semble que les décrets devraient excepter les électeurs de cette loi. Où nous sommes coupables, où nous ne le sommes pas. Si nous ne sommes pas coupables, pourquoi nous priver de nos droits ? si nous le sommes, c’est nous qu’il faut punir, et non pas la section que nous représentons ; et, comme ce n’est qu’après notre condamnation que la section peut nommer de nouveaux électeurs à notre place, il s’ensuit que, jusqu’à la condamnation, nous ne pouvons être suspt ndus de nos droits, parce qu’on ne peut priver le peuple de sa représemation. Enfin, ce qui achève de ne laisser aucun doute que l’ajournement personnel, en supposant la suspension, ne ferait que suspendre des fonctions civiles et non des fonctions politiques, c’est que nous avons au milieu de vous, Messieurs, des exemples qui tranch nt la question. MM. Le Chapelier, Bergasse,Kervo!égan, Mirabeau, étaient décrétés de prise de corps et n’en ont pas moins rempli les fonctions électorales et législatives. M. le Président. L’Assemblée nationale prendra votre demande en considération. MM. Santerre et Camille Desmoulins se retirent. M. Pétion. La question qui se présente est aussi délicate qu’elle est importante. Jusqu’à présent rien ne peut induire à prononcer sur ce te question, et si vous renvoyez devant les tribunaux, je soutiens qu’il serait impossible d’asst-oir une décision. En effet, Messieurs, il s’agit ici non pas des droits civils, il s’agit des droits politiques. Je soutiens qu’un décret d’ajournement personnel ne peut avoir lieu sous aut faux, les calomniateurs sont connus : ils appellent sur eux la sévérité des lois. Nous en sommes ici les garants comme leurs complices et leurs mandataires ; mais, nous vous le répétons, cet examen vous convaincra de plus en plus que, si votre décret du 15 mai éprouve quelques difficultés, c’est qu’on n’a pris aucunes précautions pour l’exécution, et qu’elle est confiée aux ennemis de la chose publique. « Nous dema dons que l’Assemblée nationale veuille bien ordonner à son comité colonial de lui faire incessamment le rapport de la pétition d< s citoyens de Brest, et des pièces y jointes, conformément à son décret du 11 juin dernier. » M. Alexandre de Lameth. Sans le respect que j’ai pour le droit de pétition, je dirais mon opinion sur les personnes qui, dans ce moment, présentent celle-ci, et parmi lesquelles, sur les deux personnes qui se présentent, il en est une qui a sollicité le licenciement de la marine, motion qui, je crois, eût été peu utile pour la chose publique dans les circonstances actuelles. Un membre : Qu’est-ce que cela veut dire ? M. Alexandre de Lameth. Je ne crains pas de prendre à témoin tous les membres de cette Assemblée, quelle q ie soit leur opinion, que cette pétition n’est pas dans le style qui convient. Quant à l’objet de la pétition et à l’opinion que l’on voudrait former sur l’état actuel des colonies, je me crohais criminel si je vous dissimulais la vérité. Messieurs, parmi toutes les nouvelles qui nous arrivent des colonies, il n’y en a pas une qui ne soit affligeante. Celui qui oserait dire le contraire, trahirait la vérité. Dernièrement, on vous a parlé ici d’une lettre arrivée de B r-deaux, dans laquelle on citait l’opin on d’une paroisse de Saint-Domingue, de la Croix-des-Bouquets. J’ai dit à celui qui lisait cette lettre, que .je désirais que ce qu’il disait fût vrai, mais que je craignais bien, vu la naiure des choses, que cela ne fût pa<. Eh bien, qu’est-il arrivé à laCroix-des-Bouquets? Votre décret y est arrivé, y a excité une grande fermentation dans les ateliers, y a mis les jours de tous les propriétaires dans le plus grand danger. Ils ont pris les armes pour la défense de leurs personnes, et 22 personnes en ont été les victimes. Voilà la paroisse dont vous avez cité l’assentiment au décret que vous avez rendu. Messieurs, il y a ici des adresses de plusieurs villes de commerce qui expriment leur opinion sur le décret du 15 mai; et je puis vous certifier qu’on manquerait à la vérité que l’on vous doit, si l’on vous disait que ce décret p ut être soutenu et exécuté dans les colonies. Si la pétition qu’on vous présente pouvait être renvoyée à un Cumité et prise en considération, d’une manière formelle, je vous déclare que vous jetteriez l’inquiétude la mieux fondée dans toutes les villes de commerce et principalement dans les colonies. Ce que vous devez faire, c’est de vous occuper sérieusement, franchement, de l’examen du décret que vous avez rendu. (Murmures.) Un membre : Oui I oui I franchement de son exécution. M. Alexandre de Lameth. On parle de IVxé-cution du décret. Il y a ou une insigne ignorance ou une insigne mauvaise fui dans ceux qui parlent. M. Salle. Je demande que Monsieu# soit rappelé à l’ordre.