[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1791.) 531 devrait être supportée par les départements: elle doit être à la charge du Trésor public. M. Brülat-Savarin. J’appuie l’améndement ; les départements frontières, pour être plus exposés aux irruptions de l’étranger, ne doivent pas l’être à plus de dépenses; leur position les rend déjà assez malheureux. Un Membre demande la question préalable sur l’amendement. (La question préalable est rejetée et l’amendement de M. Hervrin est décrété.) (Le projet de décret du comité est mis aux voix et décrété, sauf rédaction.) L’ordre du jour est un rapport des comités diplomatique , militaire et des recherches sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu’intérieure du royaume. M. Alexandre de l�ameth, rapporteur des comités. Messieurs, des alarmes presque universelles se sont répandues sur la sûreté extérieure de l’Etat ; diverses circonstances, et surtout la conduite de nos émigrants chez les nations voisines, ont paru leur donner quelque consistance. Vos comités diplomatique, militaire et des recherches ont été réunis pour examiner l’origine de ces inquiétudes et pour en apprécier la réalité. Ils ont chargé deux de leurs membres de vous présenter le résultat de leur opinion; vos dispositions connues pour le maintien de la paix, la nécessité de concilier la dignité nationale avec une sévère économie, la nécessité de maintenir la confiance publique en ravissant tout espoir à ceux que de folles et coupables espérances pourraient armer encore contre notre repos: voilà les guides que nous avons suivis, et que vous retrouverez, Messieurs, dans le développement des mesures qu’ils nous ont dictées. Vous avez déjà pris, Messieurs, des moyens puissants pour maintenir la tranquillité dans l’intérieur du royaume; vous avez attaqué surtout la véritable base de toutes les résistances, lorsque vous avez décrété qu’il serait immédiatement procédé au remplacement des prélats qui n’ont pas prêté leur serment: mais il existe une liaison intime, il existe une action et une réaction continuelles entre les efforts intérieurs des ennemis de la Révolution, et ceux qui pourraient être tentés sur nos frontières. Tout ce que vous avez fait pour maintenir, dans l’intérieur, l’exécution de vos lois, sert à déconcerter des projets qui ne seront jamais tentés sans l’espoir de trouver, au milieu de nous, un parti prêt à les soutenir. Tout ce que vous ferez pour opposer à l’invasion une défense imposante sera propre à déconcerter ceux, qui, en nourrissant parmi nous le trouble et les divisions, fondent leur espoir sur les efforts des ennemis auxquels ils voudraient livrer leur patrie. Ne croyons donc point avoir fait assez quand nous avons paré à l’une ou à l’autre attaque do nos ennemis; notre surveillance doit les embrasser du même regard; notre plan de défense doit être combiné pour les repousser également. Il serait difficile d’arrêter des idées fixes, de fonder une opinion certaine sur les spéculations, sur les notions imparfaites et contradictoires dont s’alimente en ce moment l’inquiétude publique. Au milieu des agitations inséparables d’une grande Révolution, les esprits sont disposés à recevoir tous les mouvements que des intérêts divers cherchent à leur imprimer. Les nouvelles éloignées, les faits obscurs de la politique sont, plus que d’autres, sujets à s’altérer en circulant au milieu des erreurs et des passions. En laissant de côté les rumeurs incertaines, tout ce que nous connaissons de réel parmi les faits sur lesquels les conjectures actuelles sont fondéees, c’est premièrement les intentions, certainement hostiles et les efforts plus ou moins actifs, mais nullement abandonnés, des Français réfugiés chez les nations voisines. Secondement, les réclamations de quelques* uns des princes possessionnés en Alsace, contre les décrets qui ont prononcé l’abolition ou le rachat des différents droits féodaux. En supposant même que ceux-ci préférassent, aux négociations loyales et avantageuses, qui ont dû leur être proposées, une guerre dont ils seraient certains d’essuyer les premiers désastres, les uns et les autres, n’ayant pour eux ni la raison, ni la force, ne mériteraient pas une attention sérieuse, si Ton ne veut supposer leurs prétentions soutenues par des puissances plus redoutables. Mais, loin d’avoir à cet égard des faits positifs, l’on ne peut plus raisonner que sur les plus vagues conjectures. Il est facile de concevoir qu’une grande révolution, opérée subitement dans l’un des pays de l’Europe où Je pouvoir absolu semblait être le plus solidement établi, a dû faire naître des inquiétudes parmi ceux qui l’exercent chez les autres peuples ; il est facile de concevoir que tous envisagent avec effroi le succès d’une Révolution qui peut devenir l’exemple du monde : mais leur intérêt est-il véritablement de la contrarier les armes à la main? Mais le danger qu’ils redoutent ne serait-il pas plus pressant lorsqu’ils l’auraient provoqué? Mais une querelle imprudente ne porterait-elle pas, au sein de leurs Etats, cette fermentation et ces idées de liberté, que le penchant de la nature rend victorieuses aussitôt qu’elles ont été conçues? Dénoncer à leurs peuples la Révolution qui rend les Français é�aux et libres, ne serait-ce pas leur inspirer l’espotr et le courage de les imiter? En vain des observateurssuperficiels voudraient-ils tirer quelques inductions de ce qui s’est passé près de nous. Un peuple égaré parle fanatisme, conduit par des chefs livrés à L’ambition et à l’intérêt; l’exemple d’une ville conquise en un moment, et qui n’opposait à des soldats que l’intérêt de sa cause et le spectacle de sa vertu, quelle comparaison peuvent-ils offrir avec une nation, où des millions d’hommes sont déterminés à périr pour Ja liberté qu’ils ont conquise, où quelques malheurs que l’on suppose, la multitude des ressources, la durée des résistances, l’influence qu’exerce sur une armée cette immense population que la liberté anime et rend éloquente, réuniraient contre la tyrannie toutes les chances des événements, et vaincraient bientôt, par l’opinion, ceux qui n’auraient pas été détruits par les armes! Il est donc difficile de concevoir que la prudence la plus ordinaire puisse compatir avec ces vues que l’inquiétude du patriotisme suppose à quelques princes de l’Europe. Les conjectures qu’on pourrait asseoir sur une rivalité* politique, sur la crainte que peut imprimer l’accroissement prochain de notre puissance et de notre prospérité, auraient-elles plus de vraisemblance? Devons-nous penser qu’alarmés des progrès incal- 532 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]28 janvier 1791.] culables que nous prépare un ordre de choses, où les lois favoriseront les avantages naturels qu’elles ont contrariés jusqu’à ce jour, des gouvernements jaloux chercheront à nous troubler dans notre marche, avant que toutes nos forces réunies nous mettent à l’abri de leur inimitié? Il set ait peut-être facile de repousserces craintes par un aperçu incontestable de la situation des puissances de l’Europe : toutes sont occupées de leur position; les unes prodiguent leurs forces à l'ambition de conquérir; d’autres, inquiètes de leur sûreté, cherchent denouveaux appuis ; et, absorbées par le danger présent, sont loin de spéculer sur l’avenir; d’autres, au milieu de l’éclat delà plus brillante prospérité, sont véritablement accablées sous le poids de leurs engagements intérieurs, et ont encore à prévenir ou à réparer les pertes immenses qui les menacent dans des régions éloignées; d’autres, après avoir recouvré, par la force, de vastes pays que la tyrannie leur avait fait per. ire, sont menacés d’y voiries oppositions se renouveler ; et plus d’unité dans les efforts, imprimer le caractère d’une véritable révolution à ce qui n’avait encore offert que les mouvements frénétiques et momentanés des factions et du fanatisme; enfin toutes les autres, occupées de leur tranquillité intérieure, obligées de surveiller ce germe de fermentation presque universellement répandu, cherchent, dans une profonde inaction, à franchir le moment de la crise, et sont trop absorbées du soin détenir leurs peuples en paix, pour laisser croire que le calcul de notre grandeur à venir puisse apporter quelque changement à la marche que leur prescrit la conservation de leur existence actuelle. Si cet aperçu de la position des puissances européennes ne suffisait pas pour nous rassurer, nous trouverions encore des motifs de sécurité, soit dans le caractère politique que nous avons adopté, dans notre respect pour le droit des gens, dans notre abnégation de toute conquête, soit dans l’état meme de nos affaires; car, quelque rapide que puisse être le progrès de leur rétablissement, notre position est trop déguisée aux yeux des étrangers, par des relations mensongères, pour qu’elle puisse les alarmer; et leur politique naturelle serait bien plutôt de se reposer, sur nos divisions, du soin de prolonger notre paralysie politique, que d’entreprendre ouvertement une guerre dont les périls seraient au moins partagés. Il est donc vrai qu’en consultant tout ce que les combinaisons politiques ont de vraisembable, en cherchant, dans les intérêts et dans la situation des puissances étrangères, le principe probable de leur conduite, rien ne tend à faire croire que les projets de nos émigrants ou les prétentions des princes possessionnés en Alsace, pissent trouver à s’étayer d’alliés véritablement redoutables. Mais la vraisemblance ne suffit pas aux représentants du peuple, lorsqu’il s’agit d’assurer sa destinée et de lut rendre la confiance et la tran-quillité.ües dangers, qui deviennent absurdes par la prévoyance et les précautions, acquièrent souvent de la réalité par une sécurité aveugle et indiscrète. Combinons nos moyens de défense; mettons eu action nos ressources naturelles, et les entreprises même les plus menaçantes ne nous présenteront point de dangers reeis. Abandonnons notre sort aux événements, laissons autour de nous les mécontents se nourrir de coupables espérances, laissons les projets les plus impudents s’euharuir par notre sécurité, et le plus léger événement, la surprise d’une place, le succès d’une poignée d’aventuriers peut devenir un germe de troubles incalculables. Sans doute, ils ne mettraient pas en péril une Révolution que la volonté nationale a consacrée; mais combien de secousses! combien de maux particuliers! quelle interruption désasteuse dans la renaissance et le progrès <ie la prospérité publique, et combien ces malheurs nous rendraient-ils coupables, si nous avions négligé les mesures qui auraient suffi pour les prévenir, nous que la nation a suivis avec autant de confiance, qu’elle a défendus avec tant de courage? Qui pourrait nous justifier, si, dépositaires de ses intérêts, chargés de veiller à sa sûreté, notre inexcusable légèreté devenait pour elle l’origine de tons les malheurs qui accompagnent la guerre et les dissensions civiles ? Ces considérations, Messieurs, vous présenteront, sans doute, les mêmes conséquences que vos comités en ont tirées. D’aussi vagues conjectures ne sauraient motiver un genre de préparatifs dont la dépense, extrêmement onéreuse, serait pour l’Etat un fléau certain et sans proportion avec la possibilité de ceux qu’on aurait pu prévenir; un genre de préparatifs, dont l’appareil menaçant et la combinaison ambitieuse pourraient devenir le principe ou même le prétexte des agressions que nous aurions eu le dessein d’éviter : mais organiser sans retard le système général de noire force publique; mettre à notre disposition une masse imposante de forces défensives, qui, préparées à agir au moment du besoin, ne seront point, en attendant, dans une inutile activité, un moyen de ruine par les frais de leur solde et par la privation du produit de leur travail accoutumé; ajouter à ces mesures celles des préparatifs extraordinaires, rigoureusement indispensables pour nous assurer un système complet de défense dès le premier moment où nous nous verrions attaqués : c’est ce que les circonstances indiquent; c’est ce que la prudence conseille; c’est ce que l’économie peut admettre raisonnablement; c’est aussi ce que nous avions été chargés de vous proposer au nom de vos trois comités. M. de Mirabeau mettra sous vos yeux le plan des mesures extraordinaires, avec les considérations politiques qui les ont déterminées : je me borne à vous développer celles qui, applicables dans tous les temps, et devant, selon nous, former le système général des forces militaires de la France doivent en ce moment être accélérées, puisqu’elles sont la base nécessaire de toutes précautions défensives. Nos moyens de défense peuvent se diviser en trois parties : La première est l’armée active, La secoude est une réserve de soldats auxiliaires, qui, vivant dans leur domicile, et servant la société par leurs travaux, peuvent être répartis dans l’armée de ligne au premier moment du besoin; La troisième est dans les gardes nationales, parmi lesquelles la volonté libre, ou le choix des camarades, doivent désigner un nombre d’hommes toujours prêts à prendre Jes armes pour la défense de la patrie. L’organisation et la formation de l’armée de ligne ont été décrétées; cependant quelques dispositions sont encore nécessaires pour que l’exécution des décrets généraux puissent s’effectuer immédiatement. Le comité militaire vous .proposera de mettre à l’ordre du jour, dans le cou- [Assemblée nationale.] ARCHIVESjPARLEMENTAIRES.: [28 janvier 1791.] rant de la semaine prochaine, h-s rapports nécessaires pour terminer entièrement l’organisation de l’armée. Cette armée a été décrétée de 150,000 hommes, et cependant le nombre effectif ne s’élève, en ce moment, qu’à environ 120,000. Les recrutements, que vos décrets en faveur des soldats ont rendus extrêmement faciles, doivent être pressés de manière à remplir promptement ce vide. L’Assemblée n’a pris encore aucun parti sur le système des soldats auxiliaires; mais l’adoption de ce moyen, dont il a été parlé plusieurs fois dans les vues générales de son comité militaire, est indispensable pour concilier les idées de puissance extérieure et de dignité nationale, avec la conservation de la liberté, l’économie des revenus publics, l’encouragement du travail et les progrès delà prospérité. Aussi longtemps que le système militaire de l’Europe sera tel qu’il est aujourd’hui, la disposition de 270,000 hommes de' troupes de ligne est indispensable pour assurer à la nation française la place qu’elle doit occuper, le degré d’influence qui doit lui appartenir, et qu’il lui convient d’exercer pour le bonheur et la paix du monde. Mais cet objet politique est parfaitement rempli, si, en conservant sur pied une armée suffisante pour garder nos frontières en temps de paix, et pour recevoir, sans une nouvelle organisation, ceux qui doivent, en temps de guerre, la porter à 250,000 hommes, nous nous assurons, au premier moment du besoin, la disposition de ceux qui doivent compléter ce nombre. Telle est la destination des auxiliaires, c’est-à-dire d’hommes qui, vivants dans leur domicile, et livrés à leurs occupations habituelles, s’engagent à marcher, en cas de guerre, dans l’armée de ligna, au moyen de certains avantages qui sont déterminés par leur institution. Nous avons cru que ces avantages devaient être : 1° Une solde de 3 sols par jour; 2° Le droit de citoyen actif à ceux qui, ayant d’ailleurs les qualités requises pour l’exercer, ne payeraient pas la somme d’imposition qui a été jugée nécessaire. Cette disposition morale et politique, puisqu’elle tend à unir toujours les droits du citoyen avec les devoirs du soldat, sera encourageante pour la classe la moins fortunée; elle est conforme à l’esprit de la loi qui considère l'imposition requise, comme la preuve du domicile, et comme un tribut à la chose publique, que l’auxiliaire acquitte personnellement. Elle ne présente pas de danger dans l’exécution, puisque les auxiliaires n’étant pas réunis, et n’étant liés à aucun chef, peuvent voter dans les assemblées sans alarmer la liberté. Les� auxiliaires, engagés pour 3 ans, ne pourront être tenus de marcher qu’en cas de guerre, et d’après un décret du Corps législatif. Cette condition, qui donnera la faculté de s’en procurer, puisqu’elle diminue pour eux la chance du service effectif, est d’ailleurs conforme aux principes généraux, conservateurs de la liberté, qui ne permettent pas que l’armée active puisse être augmentée sans l’autorisation des représentants du peuple. Le cas arrivant où les auxiliaires seraient requis de service, ils seront répartis dans les régiments, et il sera affecté alors une somme de 50 livres pour l’équipement de chacun d’eux. Pour parvenir à la composition de ces 100,000 auxiliaires, nous avons pensé que les 5 3 soumissions devaient être reçues par les corps administratifs et les municipalités, dans toute l’étendue du royaume, et que chaque département devait ensuite envoyer au ministre de la guerre celles qui auraient été recueillies dans son arrondissement� afin que le choix puisse s’exercer, et que la répartition en soit faite de la manière la plus juste et la plus convenable. Cette institution qui ne mettra pas sur pied une force alarmante; qui n’arrachera pas un seul citoyen à ses travaux; qui distribuera dans toute l’étendue du royaume un moyen précieux de subsistance; qui se composera, en grande partie, d’hommes qui, ayant déjà servi, ou qui, demeurant attachés aux travaux de la culture, fourniront une excellente espèce de soldats; qui recueillera ceux qui, sortis inopinément du service pendant la Révolution, sont exposés à un dénuement aussi cruel pour eux, qu’alarmant pour notre tranquillité : cette institution qui n’exposera pas la liberté, et dont le succès pourrait même, avec le temps, nous donner la possibilité de réduire encore l’armée active, coûtera annuellement, en temps de paix, 5,400,000 livres, c’est-à-dire environ’le seizième des frais de l’armée active, en nous donnant la faculté d’augmenter sa force de 2 cinquièmes. Après ces dispositions, Messieurs, sur l’armée de ligne et sur les auxiliaires, le service que, dans un moment de péril extraordinaire, l’Etat pourrait obtenir de l’institution des gardes nationales, a fixé l’attention de vos comités. L’Assemblée a déjà adopté quelques principes sur la nature de cette institution ; mais son organisation n’est point encore décrétée, et il est instant de s’en occuper. Appelés dans une circonstance extraordinaire à vous présenter promptement des mesures de sûreté, vos comités n’ont pas dû entreprendre un travail de cette étendue; la préparation eût pu exiger un temps considérable, la discussion qu’il aurait entraînée dans l’Assemblée, aurait pu suspendre des mesures sur lesquelles il est à désirer que l’opinion ne soit pas longtemps incertaine. Nous nous sommes donc bornés, sur l’organisation générale des gardes nationales, à une disposition préparatoire, qui en facilitera le travail, et qui pressera surtout l’époque de l’exécution effective des décrets qui auront été rendus; mais nous en avons détaché, dès à présent, une partie importante, applicable à tous les modes d’organisation, et essentiellement liée aux circonstances qui nous occupent: je veux dire, le mode suivant lequel les gardes nationales pourront être employées, dans des moments de guerre, au service de l’Etat. Tous les citoyens actifs sont gardes nationales, depuis l’âge de 18 ans jusqu’à celui de 50. Il n’est donc pas possible que les corps entiers puissent servir et sortir de leurs foyers; ils ne peuvent, si je puis m’exprimer ainsi, marcher que par extrait, et il est nécessaire d’établir un mode suivant lequel le choix pût s’opérer, et le corps s’organiser au moment où la patrie eu danger invoquerait leur secours. La volonté libre des individus, et dans le cas de concours, le choix des camarades peuvent seuls déterminer ceux qui seront employés à ce service honorable. Les divisions des corps nous out paru être marquées par le canton et le district. Nous avons pensé que la garde nationale de chaque canton. pourrait fournir une compagnie de volontaires, 534 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 janvier 1791.) du nombre de 30 jusqu’à 50 hommes, en raison de la population; que les compagnies de canton, réunies, devraient former un bataillon par district. Vous adopterez, sans doute, en organisant la garde nationale, ces divisions de district et de canton; avec assez d’étendue et de consistance pour donner l’ensemble et l’harmonie aux mouvements des gardes nationales, elles ne présentent ni le chaos d’une organisation par petites muni-cipaliies, ni les dangers politiques, et les inconvénients attachés à l’éloignement des lieux, qui résulh raient d’une organisation par département. Il me paraît, Messieurs, que ces divisions sont parfaitement applicables à l’institution momentanée de volontaires destinés à être mis en activité dans les moments de danger. Un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et 4 caporaux commanderont la compagnie; un chef de bataillon et un lieutenant-colonel commanderont le bataillon auquel il sera attaché une adjudant-major. Chaque compagnie de volontaires élira ses officiers; Je bataillon entier élira ceux qui doivent commander tout le bataillon. Le volontaire recevra 15 francs de solde. Cette paye ira en croissant de grade en grade, mais dans la progression la plus modérée. Le service des volontaires sera déterminé par un règlement particulier; ils ne pourront être mis sur pied que d’après un décret du Corps législatif. Leur service fini, avec les circonstances qui l’auront rendu nécessaire, ils rentreront dans les gardes nationales saus y conserver aucune distinction. Cette institution ne tend point et ne saurait conduire à introduire deux classes dans les gardes nationales; elle a seulement pour objet Ue s’assurer le nombre d’hommes nécessaires dans le moment où l’Etat aurait besoin d’employer leur secours. Elle nous donnera la certitude de pouvoir appuyer les troupes régulières par une force capable de conienir, dans l’intérieur, tous les mécontents, et de repousser loin de nous toutes les aggressions; (lie accroîtrait nos moyens, si elle était mise tout entière en activité, d’une masse de force de plus 250,000 hommes. Telles sont, Messieurs, les mesures que vos comités m’ont chargé de vous proposer; elles sont celles que l’on devait soumettre plus tard à votre délibération, et que les circonstances n’ont fait qu’accélérer; elles sont simples, d’une exécution facile; elles présentent des moyens vastes qui ne sont pas achetés par des grands sacrifices, elles ne nuisent point aux fortunes particulières, en arrachant les citoyens à l’agriculture, à leurs foyers, à leurs affaires, à leurs travaux; elles ne nuisent point àlafortune publique en diminuant le produit des richesses nationales, qui ne se forment que du résultat de l’industrie, du travail de tous les citoyens. Ces mesures ne présentent point les dangers de ces moyens extrêmes que l’inquiétude du patriotisme peut enfanter, mais que la réflexion ne saurait accueillir ; de ces moyens qui, mettant en mouvement des forces immenses sans destination, exposent l’Etat aux frais ruineux et même aux dangers de leur inactivité. Et cependant, Messieurs, après les avuir prises, ces mesures, jetez un cuup d’œil sur l’ensemble de l’Empire, et voyez le spectacle qu’il vous présentera à l’ouverture du printemps, c’est-a-dire au moment où l’on pourrait commencer des opérations de guerre. D’un côté, vos colonies ; des commissaires sont envoyés, les moyens de persuasion ramèneront la paix parmi des citoyens que l’erreur a pu égarer, mais que la patrie et l’intérêt commun solliciteront égalem nt de faire cesser des divisions funestes ; des troupes, des moyensde force appiueront la raison et la justice, et vos colonies sauvées par elles des troubles qui les agitent, seront, par elles, à l’abri de toute attaque, de tout danger. Si vous jetez vos yeux sur la France, vous serez également rassurés par les moyens de force publique qui s’offriront à vos regards. L’armée, a ce moment, entièrement organisée, présentera des cadres dans lesque's, au besoin, le premier signal fera entrer 100,000 soldats, qui en porteront la force au niveau des puissances les plus formidables. Si de pareils moyens ne suffisaient pas, une seule volonté, un seul décret du Corps législatif, mettra sur pied près de 300,000 hommes de gardes nationales, de ces hommes qui, depuis le commencement de la Révolution, out prouvé qu’il n’était pas de fatigue qui pût rebuter, de danger qui pût intimider ceux qui veillent, ceux qui combattent pour la liberté ; de ces hommes qui ont prouvé qu’il n’y avait pas de sacrifices qu’ils ne sussent faire à cet inestimable bien, et qui prouveraient, s’il le fallait, qu’ils savent mourir pour le défendre. C’est ce tableau, Messieurs, que nous avons cru qu’il était de noire devoir de vous présenter, de présenter à la nation entière, pour qu’elle vit, qu’elle reconnût, dans tous les moments, que notre sollicitude n’est pas ralentie, quelle veille sur sa sûreté; pour que la confiance naisse des moyens que vous aurait indiqués votre inquiète prévoyance ; pour que ces moyens, aussi redoutables par leurs effets, qu’ils auront été paisibles par leur intention, puissent faire cesser enfin de sacrilèges résistances, soumettre à la volonté nationale ceux que de vaines espérances, ou des regrets plus vains encore, éloignent de la soumission, et prouver à tons que, résolus de maintenir la Constitution que nous avons jurée, nous combattrons sans relâche ceux qui voudront la troubler au dedans, ceux qui voudront l’attaquer au dehors: aucun sacrifice ne nous coûtera pour faire cchouer leurs projets coupables, et nous ne leur accorderons aucune trêve avant que la nation, délivrée de leurs intrigues et de leurs menaces, puissent enfin recueillir tranquillement les fruits de sa persévérance et de son courage. Voici, Messieurs, le projet de décret que les membres de vos trois comités ont unanimement adopté, et qu’ils m’ont chargé d’avoir l’honneur de vous présenter ; Projet de décret. L’Assemblée nationale après avoir entendu le rapport des comités diplomatique, militaire et des recherches, sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu’intérieure du royaume, décrète ce qui suit : Art. 1er. Le roi sera prié de donner des ordres pour presser l’organisation de l’armée, et pour que les différents corps de troupes soient incessamment portés au complet. Art. 2. Pour être en état de porter au pied de guerre tous les régiments de l’armée aussitôt que les circonstances l’exigeront, on s’assurera de 100,000 soldats auxiliaires destinés à être répartis dans ces régiments.