[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J* nivôse an II (22 décembre 1793 172 et la confusion parmi vous, depuis qu’elle menace toutes celles qui voudraient nous arra¬ cher la liberté que nous avons conquise, et que nous défendrons jusqu’à la mort, depuis que par vos travaux immenses et vos mesures sages et vigoureuses vous avez mis debout la nation tout entière, redonné à nos assignats la con¬ fiance et la valeur convenables, réparti telle¬ ment les subsistances que les pauvres sont assu¬ rés d’exister aux dépens des riches égoïstes qui, à l’instar des suppôts des rois, qui, siégeant dans votre sein, cherchaient à exciter dans nos départements les défiances, les haines et les divisions pour nous replonger dans l’asservisse¬ ment; depuis, enfin, que l’harmonie, le concert et l’ensemble régnent dans vos délibérations comme dans vos cœurs, sans éprouver aucune force réactive, nos Sociétés populaires ont vomi de leur sein tous les germes contre-révolution¬ naires de l’aristocratie, du fédéralisme, du modé¬ rantisme. Elles sont composées aujourd’hui de patriotes francs, fortement prononcés, de vrais sans-culottes qui ont pris l’attitude ferme et courageuse que vous leur avez inspirée; leur ardeur révolutionnaire s’est répandue rapide¬ ment dans ces campagnes; les malveillants ne trouvent plus d’asile que dans ces maisons qui servaient autrefois de repaire au fanatisme et à la paresse, devenues aujourd’hui des maisons de réclusion, où ils font sans doute des vœux criminels pour le succès des tyrans coalisés contre nous. « Citoyens législateurs, nous voyons avec dou¬ leur que ces ennemis des hommes dévorent des subsistances qui devraient servir à alimenter les amis et les défenseurs de la liberté et de l’éga¬ lité; ils ont voulu nous forger des chaînes d’or et d’argent, eh bien, qu’on leur donne à manger cet or et cet argent, qu’ils s’en gorgent, les monstres, et qu’on nous laisse notre fer pour les combattre et notre pain pour nous nourrir. « Nous vous demandons, citoyens législa¬ teurs, un décret qui nous délivre de ces animaux voraces et carnassiers; que la terre de la liberté ne soit plus souillée de leur présence et de leur contact, envoyez-les dans les déserts de l’Afrique, habités par des monstres qui leur ressemblent, ou plutôt, qu’ils disparaissent de dessus la face de la terre. « Un autre objet qui excite notre sollicitude, et que nous vous prions de prendre en considé¬ ration, c’est l’instruction publique. Citoyens législateurs, la doctrine des Français ne doit plus être celle de la cour de Rome. Les principes des catholiques ne sont pas ceux des républi¬ cains et il ne peut pas y avoir de rapports entre le Vatican et la Convention nationale. Rome est l’antipode de la raison, de la vérité et de la philosophie; la France, qui est aujourd’hui leur berceau, doit devenir à jamais leur séjour natu¬ rel; le moyen unique de parvenir à ce but salu¬ taire, c’est d’extirper, de toute l’étendue de la République, l’exercice public d’un culte dont le dogme et les cérémonies paralysent toutes les facultés morales et physiques. Les calotins igno¬ rants, hypocrites et fourbes ne travaillent qu’à obscurcir la raison pour la soumettre à la foi de leurs mystères; ils ne savent prêcher qu’une obéissance aveugle aux puissances de la terre, c’est-à-dire aux despotes à qui nous avons voué une haine éternelle; ils feraient de nos enfants des esclaves ignorants et superstitieux, et nous voulons en faire des hommes éclairés et libres. « Citoyens législateurs, décrétez, le moment est favorable, décrétez que les prêtres ne seront plus salariés par la nation; qu’il n’y aura plus en France de culte public que le culte de la liberté; plus de fêtes à célébrer que le jour de la décade; plus de panégyriques à faire que pour les héros qui seront morts en défendant la patrie. « Cariey, président; Bérenger, vice-pré¬ sident; Dutouy fils, secrétaire; Sahel, secrétaire; Seillan, secrétaire. » II. Lettre du représentant Chateauneuf-Randon, au sujet des subsistances (1). Suit le texte de cette lettre, d’après un document des Archives nationales (2). Châteauneuf-Randon, député par la Convention nationale dans divers départements de la Répu¬ blique et près l’armée des Alpes, à la Convention nationale. « A Rochelibre, ci-devant Saint-Chély, département de la Lozère, le 25 fri¬ maire, l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyens mes collègues, « Les infâmes ennemis de notre liberté, les Coblenciers, les Pitt et les Cobourg, ont étendu et ancré leur scélératesse dans tout le territoire français, dans la Vendée, dans Lyon, dans Mar¬ seille, dans Bordeaux, dans l’Ardèche, dans la Lozère, dans l’Aveyron et dans le Cantal, ceux-ci avec leurs satellites Saillant, Bord, Rivière, Charrier, Aillier et autres contre-révolution¬ naires; les droits du peuple et les principes sacrés de la Révolution française ont été ven¬ gés dans tous ces lieux par l’énergie de la Con¬ vention nationale et du peuple lui-même. « Mais tous les fils de leurs trames ourdies ne sont pas entièrement détruits, les subsis¬ tances étaient le dernier objet par lequel ils voulaient détruire tous les liens de l’unité et de la fraternité de toute la République. Leurs coups étaient montés et on les voit s’exécuter à l’aide de ce besoin particulier de la vie dans toute la République; les frontières des départe¬ ments de l’Aveyron, du Cantal, de l’Ardèche, n’ont point été oubliées pour le théâtre de cette conspiration. On y voit, d’une part, des com¬ munes refuser de porter, aux termes de la loi, leurs subsistances et denrées dans les marchés qu’elles sont habituées d’approvisionner; l’on y voit des autorités constituées autoriser les limites de cette exportation dans leur territoire de district; on y voit arrêter des grains achetés (1) La lettre de Châteauneuf-Randon n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 2 ni¬ vôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante : « Renvoyé au comité de Salut public, le 2 nivôse, deuxième année républicaine. » (2) Archives nationales, carton AFii 186, pla¬ quette 1540, pièce 38. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 430. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 0? Jivâsevan « 173 J I 2a décembre 1793 pour la subsistance des troupes éparses dans diverses communes pour y maintenir l’ordre; l’on y voit des municipalités arrêter même les vins, huiles et autres objets recueillis dans leur territoire, et portés par les propriétaires chez leurs voisins du département, sous prétexte qu’au retour l’on ne rapporte pas de grains; l’on y voit résulter, de toutes ces violations à la libre circulation des denrées, des rixes, des insurrections particulières; l’on y voit surtout le peuple et le pauvre vexés par cette gêne con¬ tinuelle du besoin de vendre et d’acheter, éta¬ blie par des suppôts cachés de cette affreuse conspiration ; l’on y voit enfin une commune plus riche, plus étendue, située sur une élévation, entourée de murs et de fortifications, établies par l’art et la nature r Saint-Flour, s’appeler le Fort-Cantal, nom odieux pour l’intérieur d’un territoire libre, qui rappelle le despotisme, la cupidité et la supériorité des riches fainéants sur le pauvre laborieux. On le voit réparer ses murs et ses portes, les fermer et animé de jalousie, d’ambition et de supériorité sur Aurillac, voter sa séparation de cette partie du département du Cantal connue par son patriotisme et son éner¬ gie révolutionnaire et agiter en tous sens dans les départements de la Lozère et de la Haute-Loire, pour les engager à demander leur sépara¬ tion et leur réunion à eux; on voit enfin son administration de district, autoriser dans son territoire toutes ces violations à la loi, et lorsque j’ai pris des mesures, dont j’ai instruit le comité de Salut public, pour arrêter les fils et la suite de tous ces grands complots contre la tranquillité publique, m’envoyer des commis¬ saires pour m’inviter à venir me concerter avec elle sur des propositions qu’ils ont à me faire. « Honoré de votre choix, de la confiance, par conséquent de celle du peuple, peu accou¬ tumé à laisser longtemps la dignité nationale compromise, et, en vertu des pouvoirs que vous m’avez confiés, à ne pas souffrir que le peuple soit davantage la victime de ses endormeurs, j’ai fait mettre la ville en état de guerre (sic) révolutionnaire; j’en ai fait prendre les postes et les portes, les armes et les canons. J’avais d’abord pris des mesures pour l’empêcher de se défendre, si elle en avait envie, et pour épargner le sang du peuple, qui ne peut et ne doit être victime des coupables, je vais continuer toutes les autres mesures, et détruire cette inquiétude sur les subsistances, rétablir leur confiance et la libre circulation, conformément à la loi sur le maximum. J’ai envoyé aussi dans le district de Tanargues, département de l’Ardèche, com¬ mune d’Auvans, oh le peuple est indigné de ce que la municipalité l’empêche de porter son vin où elle est habituée de le vendre; au district d ’Espdlion, département de l’Aveyron, et à Chaudes -Aigues, district de Saint-Flour, où les communes font des arrestations illégales, les murs, les postes, les grands clochers et les foi* tifications de ce nouveau Fort-Cantal vont s’écrouler, et le peuple de cette commune, vrai¬ ment bon et jaloux de sa révolution, en bénira la Convention, qui désormais lui ôtera toute inquiétude et toute jalousie de voisins, et les conspirateurs seront envoyés au tribunal révo¬ lutionnaire. « Je finis par intercéder (sic) la Convention nationale pour la justice qui est due au dépar¬ tement de la Lozère qui, au milieu de la famine, au milieu de tous ces complots, a résisté à l’influence des maehinateurs, les a dénoncés, a renoncé dans toutes ses parties à l’ exercice de tout culte public, et a brûlé toutes les figures et images de l’erreur et de la superstition dont il était partout environné, pour ne s’occuper que du culte de la raison et des lois. Oui, ce département, nourri dans le malheur, victime des scélérats qui l’ont choisi pour le théâtre de leurs complots contre-révolutionnaires, qui, sans ses habitants, eût fait une nouvelle Vendée, est réellement au sommet de la Montagne. Aussi demande-t-il votre décret pour changer de nom, et prendre celui de Hautes-Cévennes. « J’attends l’arrivée de Boisset pour retourner à Commune-Affranchie ou à l’armée des Alpes, en vertu du décret de la Convention nationale. Mais ma santé étant totalement épuisée et ne pouvant se remettre dans des climats aussi durs, en remplissant mes devoirs de représentant du peuple, ceux de travailler jour et nuit, je vous supplie de vouloir bien permettre que je me rende dans votre sein sitôt que les mesures prises pour ces départements, dans cette cir¬ constance, seront assurées. « Chateauneuf-Randon. » III. Lettre du représentant Garnier (de Saintes), chargé de la levée en masse dans la Manche et l’Orne, a la Conven¬ tion . nationale (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Lettre chu, citoyen Garnier, représentant du Peuple, datée d’Alençon, le 29 frimaire. « Le succès de la journée du Mans est tel, citoyens collègues, qu’avec les 10,000 hommes qui nous arrivent aujourd’hui du Nord, nous avons tout lieu d’espérer que dans quinze jours nous serons entièrement débarrassés de cette horde exécrable de brigands. « Notre victoire leur coûte au moins 10, 000 hom¬ mes; car, dans 14 lieues de chemin, il ne se trouve pas une toise où il n’y ait un cadavre étendu. On nous amène ici les prisonniers par trentaines; dans trois heures on les juge, la qua¬ trième on les fusille, dans la crainte que ces pestiférés, trop accumulés dans cette ville, n’y laissent le germe de leur maladie épidémique. « J’ai chargé mon collègue Bissy, qui m’a rendu d’importants services, d’établir à Laval une Commission révolutionnaire provisoire, où tous les brigands pris dans le département de la Mayenne seraient jugés. (1) La lettre de Garnier (de Saintes) n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 2 nivôse an II; mais elle est insérée en entier dans le Bulletin de cette séance et dans les comptes rendus de la même séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Bulletin de la Convention du 2e jour de la lre décade du 4e mois de l’an II (dimanche 22 dé¬ cembre 1793). Moniteur universel [n° 93 du 3 nivôse an II (lundi 23 décembre 1793), p. 375, col. 3]. Aulard ; Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salul public, t. 9, p. 529. Journal des Débats el des Décrets (nivôse an II, n“ 460, p. 21]. Archives du ministère de la guerre : armée des côtes de Brest, carton 5/14.