SÉNÉCHAUSSÉE DE FORCÂLQUIER. CAHIER Des doléances du clergé séculier et régulier de la sénéchaussée de Forcalquier , en l'assemblée des trois Etats de ladite sénéchaussée, convoquée et séant à Forcalquier, pour la formation des cahiers et la nomination des députés aux Etats généraux (1). Touché des maux qui affligent son peuple, Louis XVI, le meilleur, le plus juste, le plus sensible des rois, appelle ses sujets auprès de son trône. Il veut s’abaisser jusqu’au moindre d’entre eux, entendre sa voix, recevoir ses conseils, chercher dans son cœur le calme dont il est privé ; et par le rapport consolant d’une confiance mutuelle, d’un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, le père et ses enfants, apporter le plus prompt remède aux maux de l’Etat. Il demande avec bonté les souhaits et les doléances de ses peuples, pour chercher le moyen d’assurer la félicité publique. Pénétrés des sentiments de respect, d’amour et de reconnaissance pour un prince si bienfaisant, les membres du clergé, qui forment lepremier ordre dans l'assemblée de cette sénéchaussée, ont déterminé de faire parvenir aux pieds du trône, par le moyen des députés qui seront élus pour les Etats généraux, le présent cahier des doléances, que leur ont dicté le zèle pour la religion, lès besoins des peuples, l’intérêt de leur ordre et leur amour pour la patrie. RELIGION. Art. 1er. Le premier objet dont se sont occupés les membres de l’assemblée, a été la religion. Affligés des progrès de l’incrédulité et de la dépravation des mœurs, qu’ils regardent comme la source des maux qui désolent la France, ils supplient instamment Sa Majesté et les Etats généraux de s’intéresser à cet important objet, d’arrêter le torrent de l’impiété , de maintenir dans les dogmes et la morale notre religion sainte, le plus ferme appui et la gloire de la monarchie. Nos vœux à cet égara sont que l’impie cesse de triompher ; qu’il porte au moins la peine de la honte et de l’oubli; que les amis delà religion soient traités comme les meilleurs citoyens du royaume, et qu’ils soient préférés dans la distribution des honneurs et des récompenses. Art. 2. Nous voyons avec douleur qu’il n’y a plus de respect pour les saints jours, pour la maison du Seigneur, pour les sacrés mystères. Les lois de l’Etat, pour les objets intéressants, sont entièrement négligées. Nous en réclamons l’exécution, ainsi que pour les jeux prohibés, et même les jeux permis dans les jours d’œuvre, les cabarets qui conduisent infailliblement à l’impiété, à l’in-! digence et à tous les vices. j (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. DISCIPLINE Art. 3. La liberté de la presse, toujours nuisible et surtout en matière de religion, des mœurs, et de subordination, demande d’être modifiée, pour qu’elle ne dégénère pas en licence. Les maux, produits par les mauvais livres sont inconcevables : les vœux de toute l’assemblée sont que les libelles impies et libertins soient plus soigneusement proscrits. Art. 4. Ce qui a paru bien important au clergé, dont les désirs sont ici exprimés, c’est que les Etats généraux cherchent les moyens de rendre à la religion toute la vigueur de sa discipline. Les députés demanderont le rétablissement des conciles et des synodes, qu’on s’appliquera à rendre utiles à l’Eglise et à l’Etat, par le concours réglé et justement subordonné de tous ceux qui doivent y être appelés. Dans ces saintes assemblées , on s’assurera mieux de la vocation des jeunes gens ; on veillera à leur éducation ecclésiastique, on s’appliquera à n’admettre au saint ministère que des prêtres bien éprouvés, et à ne donner à l’Eglise que de bons pasteurs. L’esprit de litige, si nuisible dans la société, est surtout funeste parmi les ecclésiastiques. Nous chargeons les députés aux Etats généraux de solliciter, pour chaque diocèse, l’établissement d’un tribunal de pacification, dans lequel les contestations parmi les prêtres des paroisses, relatives au ministère, et toutes les causes ecclésiastiques seraient jugées par voie de médiation, lors même qu’il s’agirait d’une contestation entre un séculier et un régulier, pour ne pas recourir si facilement aux tribunaux séculiers. Ce tribunal serait formé dans une assemblée générale du clergé diocésain, réuni à l’évêque. Plusieurs membres de l’assemblée ont témoigné que le bien des peuples paraissait exiger que chaque évêque, dans son diocèse, pût dispenser de tous les empêchements de mariage. CONTRIBUTIONS. Art. 5. Ôn ne saurait parler sans attendrissement de l’unanimité avec laquelle tout le clergé de cette assemblée a témoigné son désir de contribuer à toute espèce d’imposition qui aura été consentie par les Etats généraux, selon ses facultés, et dans la même proportion que les autres sujets du Roi. Evêques, abbés, chapitres, prieurs, curés, tous se sont disputé l’avantage de concourir au soulagement du peuple, et de lui donner l’exemple de l’obéissance aux volontés du souverain. Les députés aux Etats généraux , en portant aux pieds du trône le témoignage sincère de notre respectueuse soumission, manifesteront aussi notre désir, pour que les dettes considérables que le clergé a contractées pour subvenir [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.} 325 aux besoins de l’Etat, soient assurées et successivement éteintes de la manière la moins onéreuse aux contribuables. BÉNÉFICES. Art. 6. Sa Majesté sera suppliée de se former un conseil de conscience pour l’éclairer sur le choix des ministres de l’Eglise, et d’avoir égard, dans la distribution des bénéfices et autres grâces ecclésiastiques, au service et au mérite plutôt qu’à la naissance. Les Etats généraux solliciteront une loi qui ordonne que les bénéfices ne soient donnés qu’aux ecclésiastiques utiles à l’Eglise, une loi qui renouvelle la défense de la pluralité, si commune et toujours contraire à la sage disposition des canons et au bien de la société. La résidence, si négligée, si nécessaire, sera fortement recommandée, et les absents de leurs bénéfices seront obligés de ne pas perdre de vue les pauvres du lieu. Les bénéfices exigent tous des qualités relatives; on ne doit en donner qu’après des examens sérieux, afin que le bien de l’Eglise ne tourne pas au scandale des peuples. Nous désirons qu’on adoucisse les frais ruineux qu’il faut faire pour être pourvu d’un bénéfice, et que la course ne soit plus un moyen de se le procurer. ÉDUCATION. Art. 7. Le vice de l’éducation a opéré parmi nous la destruction des mœurs. Les députés aux Etats généraux exposeront la nécessité des écoles dans les paroisses de campagne et des villes. Dès les premiers ans, on mettra entre les mains des jeunes gens les principes de religion, simplement et clairement développés, afin qu’en apprenant à lire, ils apprennent à rendre à leur Dieu, à leur patrie, à leur souverain, à leurs parents, à tous les hommes, ce qu’ils leur doivent. L’expérience a fait connaître combien les frères des Ecoles chrétiennes travaillent avec succès dans cette partie de l’enseignement. Les collèges, les universités, sont ici de trop justes sujets de nos doléances. L’enseignement, les instituteurs, l’administration, tout y a besoin de réforme. Les Etats généraux seront priés d’établir une discipline plus sévère et des méthodes plus sûres pour l’amélioration et les progrès des études. Le gouvernement choisira des personnes habiles, amies de la religion et de la patrie, qu’on chargera de composer des livres élémentaires pour un enseignement public et uniforme. Un moyen nécessaire pour améliorer l’enseignement, c’est la dotation des collèges et des séminaires, pour l’avantage des élèves et des instituteurs. Il convient d’encourager ces derniers par des honoraires plus convenables et des espérances plus efficaces, et de leur tenir compte de leurs travaux dans tous les traitements des diocèses. Nous croyons devoir faire ici mention du vœu de M. l’évêque d’Apt, sur cet important objet, ainsi que des députés de sa cathédrale, auxquels toute l’assemblée a applaudi, et conclu d’en faire article de doléances. Les filles qui, dans les divers ordres de citoyens, ont aussi besoin d’éducation, seraient utilement confiées aux religieuses. CONGRUES. Art. 8. Les curés, décidés, pour leur sort temporel, à s’en rapporter aux bontés du Roi, n’ont pas été moins sensibles aux vœux formés par M. l’évêque d’Apt, par les députés des deux chapitres et par les autres membres de l’assemblée, pour l’amélioration de leur sort; ils demandent qu’on prenne. des arrangements pour l’entretien des sacristies, et pour les menues fournitures qui sont encore, en Provence, la source de bien des contestations; qu’il fût ajouté à la congrue une somme annuelle que le décimateur payerait aux curés et à la communauté conjointement, laquelle somme déchargerait le décimateur de tout soin, même pour l’huile de la lampe, qui, par la cherté de cette denrée, devient article considérable. Il serait bon d’abolir le casuel pécuniaire, en distinguant alors diverses classes de paroisses. CURÉS. Art 9. Le sort des curés dévoués au bonheur des peuples paraît exiger une attention particulière. Il y en a, comme ceux de Malte, qui sont amovibles. Cette incertitude prive le troupeau des soins souvent les plus essentiels : il est bien désirable qu’on les fixe, pour les attacher plus intimement à leur état. Ces mêmes curés ne reçoivent pas une congrue pareille aux autres; ils n’ont que 550 livres. Nous demandons pour eux une égale congrue : plusieurs curés, en Provence, décimateurs dans leurs cures, y vivent souvent, au milieu d’un peuple surchargé et misérable, soumis seuls à l’entretien de la sacristie, du sanctuaire et de toute fourniture. Les Etats généraux seront suppliés de prendre des mesures efficaces pour leur fournir, au plus tôt, de quoi subsister, et qu’ils aient la même congrue que les autres. CURÉS INFIRMES. Art. 10. La voix de l’humanité se joint ici à celle de la justice et de la charité. Nous avons appris avec édification l’attention paternelle queM. l’évêque d’Apt a faite dans les notes aux pasteurs, aux prêtres, qui, après avoir passé la plus grande partie dans les pénibles travaux du ministère, se trouvent souvent réduits, dans leur vieillesse et leurs infirmités, à la plus déplorable indigence. L’assemblée se flatte que les députés aux Etats généraux demanderont une retraite honnête pour les pasteurs et les prêtres ; et qu’en attendant, il sera expressément permis aux curés qui résigneront leurs cures, pour raison d’âge ou d’infirmité, de se réserver le tiers de leur congrue. CHAPITRES. Art. 11. La plupart des chapitres de la province sont trop médiocrement dotés : le rang qu’ils tiennent dans le clergé, les services qu’ils rendent à l’Eglise, exigent qu’on sollicite en leur faveur quelque union qui supplée à la modicité de leurs revenus. Il y a, dans les chapitres des bénéficiers, dans certaines paroisses, comme à Manosque, des prêtres titulaires coadjuteurs des curés; ils concourent au service de l’Eglise : l’assemblée voudrait qu’on sollicitât aussi pour eux un meilleur sort. .Les prêtres de Manosque ont 10 charges blé, 1 charge seigle, 2 charges orge, 2 charges avoine, tout grain bon , marchand et réceptable. Pour ce qui regarde les bénéficiers de Forcalquier, M. le doyen du chapitre, député de son 326 {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] corps, supplie Sa Majesté de considérer que ledit chapitre est très-pauvre, et que MM. les bénéficiers ont une congrue à l’abri des événements fortuits, qui consiste en 6 charges froment de distribution , 5 panaux pour leur assistance aux petites , 15 panaux pour les grandes messes, et 4 charges seigle pour leur distribution : tous lesdits grains bons, marchands et rêeeptables ; ensuite* 36 coupes vin, et la jouissance d’un fond de deux hommes de vigne, outre et par-dessus leur part et portion à toutes les fondations. Le député des bénéficiers supplie Sa Majesté de considérer que le chapitre de Forcalquier est très-riche ; qu’il y a des prébendes de 2,000 livres, d’autres qui en approchent avec le revenu du canonicat; que le revenu des bénéficiers ne consiste qu’en 6 charges et demie froment, 4 charges seigle, 36 coupes vin, que le reste est fondation et casuel, et qu’lis sont sans logement; et le susdit député chanoine a improuvé la susdite protestation, et a déclaré que lui, doyen du chapitre, a une prébende qui ne produit pas annuellement 700 livres et que quatre des derniers chanoines n’ont pas 150 livres de prébendes. Le député des bénéficiers supplie Sa Majesté d’établir, entre eux et les chanoines, une égale répartition de toutes les rentes et revenus du chapitre. ÉTABLISSEMENTS UTILES. Art. 12. Les députés ne perdront pas de vue les autres établissements utiles, comme hôpitaux, œuvres pies ; on pourvoira aux moyens de fournir, dans chaque diocèse, d’après les mémoires dressés sur lés lieux, au dédommagement de leurs œuvres pour les pertes qu’elles auront faites, n’étant pas juste que, pour opérer un bien, on tarisse la source de plusieurs autres. Les bénéfices simples paraissent une ressource naturelle pour celle-là. BUREAU DIOCÉSAIN. Art, 13. Si, pour des dettes à payer, ou pour des dépenses locales, on conserve encore dans le clergé une administration particulière, nos députés seront priés de demander, pour les bureaux d’imposition, un règlement nouveau, une constitution mieux organisée, pour établir une plus juste proportion, et pour donner à tous les intéressés la part qu’ils doivent avoir à l’administration. Chacun élira librement qui le représentera, et pourra le changer à volonté. Ce syndic ne pourra être élu dans un corps qui a déjà son représentant. Outre ce syndic au bureau, les curés demandent un syndic dans chaque diocèse pour les affaires qui les regardent en qualité de curés. Le receveur au bureau qui sera nommé après des enchères, et sous une bonne caution, rendra compte tous les ans devant les syndics et deux auditeurs librement élus. Ce compte sera montré à tous ceux des intéressés qui le demanderont, ainsi que le tableau des revenus et des impositions de chaque bénéfice du diocèse. Il sera surtout fait un nouveau pouillé, pour avoir égard à l’augmentation ou â la diminution des revenus, et au prix des denrées. RELIGIEUX, Art. 14. Les religieux, députés à rassemblée, en votant la co-union de l’impôt Avec tous les autres ordres, ont désiré : 1° que les décimes et l’imposition d ’oblat soient supprimés ; 2° D’avoir des représentants par eux librement choisis dans toutes les assemblées nationales, provinciales, municipales et ecclésiastiques : 3° Que le Coneordat soit observé en ce qui favorise le clergé régulier ; 4d Que leurs monastères situés à la campagne ne soient plus exposés aux vexations des employés aux fermes. Le député des RR, PP. Minimes de Mânes a ajouté, pour son ordre Seulement, que Sa Majesté serait suppliée d’assurer, par uhe déclaration authentique, la conservation de l’état religieux, de rouvrir les portes de l’enseignement public aux réguliers, de révoquer l’édit qui recule la profession religieuse à vingt et un ans, ce qui est cause qü’il n’entre dans les monastères que des sujets inutiles à l’Etat et à l’Eglise, par les funestes effets de la corruption du siècle. Il demande de pouvoir acquérir et aliéner des biens comme les autres citoyens ; qu’un religieux, après cinq ans de profession, ne puisse plus réclamer contre la validité de ses vœux, ainsi que la règle ie dit (concile de Trente), ni passer dans un autre corps différent du sien, même en vertu d’un bref non patenté et annexé ; et en outre, qu’un religieux, dans les eas de police et de discipline monastiques, soit toujours jugé par un tribunal établi dans son ordre, avant de recourir aux tribunaux séculiers ; dans lequel cas, il sera jugé comme on dit à huis clos. tes religieuses de la Visitation de Forcalquier demandent, et le chapitre demande pour elles ainsi que M. le curé de Forcalquier et toute Rassemblée, ia levée de la lettre de cachet du 31 mars 1768, qui leur défend de recevoir des novices ; et supplient Sa Majesté d’ordonner qu’on les décharge d’un droit d’indemnité qu’elles payent pour des biens-fonds qui sont rentrés dans le commerce, A ces justes doléances des religieux, le clergé séculier joint le vœu. qu’on demande pour eux la protection du prince et de la nation ; qu’on préfère le parti de la réforme à celui de la destruction, et qu’on conserve à l’Eglise ces troupes auxiliaires qui rendent encore aux fidèles des services signalés. ADMINISTRATION. Art, 15. Convaincus, avec tous les bons citoyens, de la nécessité d’Une nouvelle constitution pour la province, les membres du clergé s'unissent avec tous les ordres, pour demander à Sa Majesté cette désirable réforme, qui donnera à tous les ecclésiastiques intéressés, ainsi qu’aux autres citoyens, par la voie libre et légale des représentants, l’influence aux affaires que la justice exige. RÉPARTITION DES IMPOTS. Art. 16. C’est dans Rassemblée provinciale que se fera la répartition des impôts, pour toute l’étendue de la province, Les ecclésiastiques, ainsi que tous les intéressés, y seront admis, de même que dans les assemblées municipales; les intérêts étant communs, il convient que l’administration soit générale. ASSEMBLÉES ECCLÉSIASTIQUES. Art, 17, Le second ordre demande d’être admis à toutes les assemblées ecclésiastiques, de con- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] 327 courir à nommer les députés, et d’y avoir voix délibérative. S’il existait encore des assemblées générales, les curés demanderaient d’y avoir tel nombre de députés de leur ordre que Sa Majesté jugerait à propos de fixer, parce que les députés qu’on y envoie ne sauraient être regardés comme leurs représentants. IMPOTS. Art. 18. Les Etats généraux voteront pour que les impôts soient simplifiés ; qu’on n’ait pas besoin d’un si grand nombre d’agents ; que chaque province fasse parvenir ses impositions dans les coffres du Roi, pour que la plus grande partie possible du produit y soit versée. RÉFORMES. Art. 19. Le peuple est surchargé, mais les impôts sont nécessaires. L’équité forme dans le cœur de tout bon Français le désir que la dette nationale soit avérée et acquittée. Nous solliciterons l’adoucissement des impôts qui pèsent davantage sur le pauvre peuple, celui des cuirs, des droits inouïs et ruineux des domaines, des contrôles. Le Roi ne sait pas que ses sujets ne peuvent pas contracter, sans s’exposer à être ruinés. S’il était informé, souffrirait-il l’impudent brigandage des employés de la ferme? Laisserait' il subsister les douanes qui tourmentent notre commerce , qui enchaînent les voyageurs ? Nos députés obtiendront du bon cœur de notre prince l’éloignement de la gabelle, et des précautions sages contre la trop grande cherté des grains, qui, dans diverses parties du royaume, et dans ce moment en Provence, accable, aveugle et détruit la classe indigente. Art. 20. Un des plus pressants besoins du royaume, c’est la réformation de la justice, pour le civil et pour le criminel. On s’occupera sans doute de cet important objet, et nous aurons la consolation de voir abréger les formes et simplifier les détours de la chicane, qui rendent les procès interminables. On facilitera les arbitrages ; il y aura moins de tribunaux. Les tribunaux seront composés de tous les ordres, et chaque citoyen sera jugé avec le concours de ses pairs. Le chapitre de Forcalquier demande qu’on rende les officiaux inamovibles dans tout le royaume. Le clergé du diocèse d’Apt demande une séné-chaussée pour la ville d’Apt, considérable par l’activité de son commerce et par le nombre de ses habitants : à quoi le chapitre de Forcalquier n’a pas consenti, non plus que le curé de la ville. AGRICULTURE. Art. 21. Notre bon Roi appelle cette classe de ses sujets des citoyens précieux et utiles. On doit chercher des moyens pour relever leur profession de l’espèce d’avilissement où nous la voyons, on encouragera le vertueux campagnard par des récompenses utiles, des exemptions avantageuses, des distinctions honorables, et surtout l’assurance, pour lui, d’être bien soigné dans sa vieillesse et ses infirmités. Un ministre à la cour se ferait-il une peine de protéger cet article nécessaire ! Il serait alors plus facile d’empêcher la trop grande destruction des veaux, des agneaux, qui menace l’espèce entière. PAUVRES. Art. 22. Les prêtres, les pasteurs, sont les pères des pauvres. Leur triste état leur mérite une place dans le cahier. Il y a souvent, dans les paroisses, des œuvres de charité ; l’administration en éloigne quelquefois les curés, qui seuls peuvent éclairer l’açpiication des secours : il convient de les placer a la tête de ces œuvres, d’ordonner qu’on n’y fasse rien sans les avertir dans leurs domiciles. La mendicité, fléau terrible : on parle depuis longtemps de la supprimer en France ; naîtrait-il enfin iin moyen efficace, dicté par la sage politique, qui respecte les. droits de la religion et de l’humanité? Le journalier laborieux à qui le travail ne suffit pas, la pauvre veuve chargée d’enfants, n’ont de ressources que dans la charité de leurs pasteurs. Nos députés seront nos interprètes, et obtiendront, pour les infortunés, l’adoucissement de toutes charges. Art. 23. L’assemblée désirerait encore que, pour le bien de la paix dans les paroisses, on ne don* nât aux curés des vicaires, que de leur consentement; Qu’on établît une règle uniforme pour les droits honorifiques des seigneurs, que les curés ne veulent pas refuser, mais qu’ils voient avec peine si variés; Qu’on accordât aux curés, qui sont dans les chapitres, un peu d’existence qui honorât leur place, par exemple le rang et l’habit des chanoines, sans être de grémio ; Qu’aussitôt que l’état des finances le permettrait, on construisît un pont sur la Durance, qui divise la province et intercepte souvent le commerce par la crue des eaux, laissant aux Etats provinciaux le choix du lieu où le pont serait sis avec plus d’utilité. CONCLUSION. Art, 24, Enfin, nos députés aux Etats généraux porteront et déposeront aux pieds du trône, avec le présent cahier, l’engagement respectueux que nous contractons tous de lever nos mains vers le ciel, et de former, aux pieds des autels, les vœux les plus ardents pour la conservation de notre bienfaisant monarque, pour le ministre, ami (Je la France, qui s’occupe avec tant de zèle du bonheur de la nation, pour le succès des Etats généraux, pour la gloire du trône et pour la prospérité de tous les ordres de l’Etat. Gejourd’hui, 7 avril 1789, le présent cahier des doléances particulières remises par les divers membres du clergé de Rassemblée et de la sénéchaussée, a été lu, d’un bout à l’autre, dans Rassemblée convoquée à son de trompe, et avec les solennités accoutumées, et tenue dans l’hôtel de ville de Forcalquier ; et les membres de Rassemblée, adhérents, ont signé : Blanchardy, chanoine sacristain et président de Rassemblée; Berthe, chanoine, député du chapitre d’Apt; Charnel, chanoine ; Sylvestre, -curé de Forcalquier, sans approbation des débats entre MM. les chanoines bénéficiers du chapitre concathédrale de ladite ville ; est écrit à l’original : Reauchamp, curé d’Apt, sans approuver les débats; Macelon, curé de Saint-Christol; Garnier, chanoine, chargé de la députation de M. l’évêque d’Apt; Sainte-Croix, curé de Rustrel, et procureur de M. le curé de Gignac ; Petit, député du clergé de Forcalquier ; Silvestre, curé; Letamière, curé recteur de l’hôpital , Vial, 328 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] curé de Gereste ; Goudant, curé de Gasseneuve; Budos , curé de la ville de Reillac ; Bouteille, représentant du prieur d’Augé ; Forest, curé de Cordes ; Jaubert, prieur curé de Lavniol : J. Dreux, prieur de l’abbaye de Senauque ; Gentil, curé de Limans; J. Daigrevaux, prieur de Valsainte et député de madame l’abbesse de Sainte-Croix d’Apt ; Cherni, bénéficier prébendé, député du chapitre d’Apt ; Àrenne, curé de Sainte-Tulle; J. Berger, gardien des Cordeliers de Forcalquier, député; Solier, prêtre, député des prêtres d’Apt; J. Durand, gardien des Cordeliers d’Apt, député ; Rey, curé de Goust; J. Igoulin, curé de Viens; Romani, curé de Banou; Ducros, procureur de M. le prieur curé de la Bastide-des-Jourdans; Dauphin, curé de Vil! émus; Motet, chanoine de Forcalquier, procureur ; Pelleu, curé de Saint-Si-mianne ; Beauchamp , prieur de Saint-Michel; Arnaud, chanoine de Saint-Michel ; Arnauld, chanoine théologal, député des religieuses de Forcalquier et de M. le curé de Sigouce ; Escoffier, curé de Lincel. Les curés du diocèse do Sisteron chargent les députés aux Etats généraux de représenter à Sa Majesté : 1° Que leurs décimes relèvent jusqu’à 80 livres, et celles de leurs vicaires à 40 livres. Ils demandent la fixation de ces premières sur les dispositions de l’ordonnance de 86, et l’entière suppression de ces dernières. 2° Que mention ayant été faite de l’adhésion de M. l’évêque d’Apt à toutes les charges royales et locales, il est juste que mention soit aussi faite de celle de M.' l’abbé de Lure, pour les mêmes objets, et qui ne fait pas moins l’éloge de son cœur vraiment patriotique. ACTES D’ADHÉSION DE M. L’ABBÉ DE LURE. Je, soussigné, Claude-Louis Rousseau, prêtre de Paris, licencié en droits civil et canonique, prédicateur ordinaire du Roi, vicaire général d’Albi, abbé commendataire de l’abbaye de Lure, diocèse de Sisteron, et en celte dernière qualité, membre du clergé de Provence, persuadé que les deux premiers ordres de la province ne balanceront point à former le vœu d’être associés, comme tous les autres sujets du Roi, aux impositions taut royales que locales; qu’ils porteront ce souhait honorable aux pieds du trône, pour le déposer dans le sein paternel de Sa Majesté à l’effet de recevoir son entière exécution par l’autorisation, toujours indispensable, du souverain, et par l’agrément des prochains Etats généraux, je déclare adhérer, de toute mon âme, par tous les principes de raison et de justice, comme sujet du Roi, comme citoyen, au vœu énoncé ci-dessus. Telle est ma doctrine constante ; et notre qualité de prêtre nous rend ce devoir plus saint, plus sacré, plus indispensable, envers le Roi et la patrie. Fait à Chartres, le 4 mars 1789 Signé l’abbé Rousseau, vicaire général du diocèse d’Albi. Chabus, curé ; Meffre, curé de Lardies ; Nalin, curé de Saint-Martin de Renacas ; Gentil, curé ; Âvène, curé de Sainte-Tulle ; Bouteille, représentant le prieur d’Augé ainsi que les autres ci-dessus ; Sicard, curé de Saint-Michel ; Compte, curé de Dauphin ; F. Frégier, député des minimes de Mane ; F. Roux, autre minime, député du curé de Villeneuve ; Lacombe, curé de Saint-Maisme ; Escoffier, curé de Lincel ; Fenouille, curé de Corbières. Et comme, après la lecture des doléances, la majorité de l’assemblée s’étant aperçue qu’elles étaient incomplètes en ce qu’elles ne demandent pas au Roi : 1° De le supplier de maintenir au clergé de Provence le privilège dont il avait toujours joui de posséder seul les évêchés et les bénéfices consistoriaux de la province ; 2° D’abolir l’usage des lettres de cachet, et de lever celles qui ont été données par le passé; et avant de signer; Astier vicaire général d’Ajaccio ajoute : je supplie encore les bontés du Roi et de son ministre, de terminer un procès pendant au parlement de Provence, entre MM. les chanoines et les bénéficiers mes confrères, dont l’objet est de demander de quoi vivre ; de le terminer, soit par la réunion des deux sortes de titulaires en une seule classe, soit par la fixation d’une congrue convenable à leur état, et conforme à celle des curés. Pelin, député des bénéficiers; Besson, bénéficier, prieur curé d’Ongle, secrétaire du clergé, signé à l’original. Collationné par nous, greffier en chef de la sénéchaussée de Forcalquier, Jaussaud, greffier en chef. OBJET DES DOLÉANCES DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE DU RESSORT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE FORCALQUIER EN PROVENCE (l). Les nobles, en présentant leurs objets de doléances, remplissent une mission de devoir et d’honneur. Ils considèrent qu’ils sont Français, Provençaux et nobles ; comme Français, l’intérêt de la nation excite leur zèle. Gomme Provençaux, celui de la patrie réclame leur sollicitude. Gomme nobles, ils sont faits, et toujours prêts à verser leur sang pour la défense du royaume et l’augmentation de la gloire du Roi. Ils doivent encore coopérer à la prospérité de ses Etats, s’occuper de leurs concitoyens et de la classe la plus nombreuse et la moins favorisée. INTÉRÊT GÉNÉRAL DE LA NATION, Etats généraux. Art. 1er. 1° Le Roi sera supplié de fixer la convocation des Etats généraux, d’une manière certaine et périodique. 2° Permission aux députés d’opiner par tête, ou par ordre, ainsi que les Etats généraux le jugeront plus utile ; l’opinion par tète paraît préférable. 3° Suppression des distinctions humiliantes qui avilirent le tiers-état dans les précédents Etats généraux. � FINANCES. Art. 2. 1° Égalité dans la répartition de l’impôt d’une manière proportionnelle, et sans distinction d’état, de condition, et de biens nobles ou roturiers. Pareille égalité pour la contribution aux charges communes des communautés des provinces. 2° Economie dans les grâces et pensions ; ne les accorder qu’à ceux qui, par leurs services, auraient bien mérité de l’Etat. 3° Extinction et suppression de toutes les places (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.