fifiO (États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault. de prétendre au commandement dès troupes et de la marine : comme si la conduite qu’elle y avait tenue avant ladite ordonnance l’avait rendue indigne de cet honneur, et devait lui fermer le chemin à acquérir l’honnête noblesse, qui ne devrait à l’avenir se mériter transmissible que par les services les plus signalés rendus à la patrie ; la personne elle-même ne devrait plus l’acquérir pour de l’argent, mais seulement rester attachée au service militaire et aux fonctions de la haute magistrature. Les exemptions qu’elle donne, loin d’humilier le tiers, font son honneur, puisque ceux qui les obtiennent sortent de son sein ; c’est donc pour lui qu’ils deviennent grands et non pour eux ; ainsi le tiers s’oublierait lui-même en contestant les privilèges personnels. Avant de s’occuper de ces justes et louables changements, l’honneur du Roi et le bonheur du peuple, les représentants de la nation aux Etats généraux. Pouvoirs du député. N’accorderont aucun secours pécuniaire, à quelque titre que ce soit , que les droits de la nation ne soient reconnus et constatés. Cette seule marche peut garantir la France du retour de ses malheurs ; feront connaître que la volonté générale étant la loi, le pouvoir législatif, soit en matière d’impôt, d’emprunt ou de toute autre espèce, appartient à la nation, qui seule a le droit de décider et de déclarer ce qui est ou n’est pas de son intérêt ; Feront assurer la liberté individuelle du citoyen par l’anéantissement des lettres closes, fléau qui a désolé et déconcerte la société depuis plusieurs siècles ; Feront établir que tous les jugements à l’avenir serdnt prononcés d’après les lois et par les juges reconnus et établis par la nation, sans que lesdits juges puissent modifier ou interpréter les lois, abus qui règne depuis longtemps, ainsi que les évocations qui sont des plus nuisibles à la sûreté de l’ordre et des fortunes, et encore à l’intérêt des créanciers légitimes ; Feront déclarer que la répartition et la perception des subsides seront entre les mains des représentants nommés dans chaque province de pays d’Etats, et dans les autres dans lesquelles cette constitution sera infailliblement établie par les Etats généraux; Feront arrêter que les ministres seront responsables de leur gestion à la nation, qui aura le pouvoir de les faire juger par ses tribunaux ; Feront enfin convenir d’une époque fixe pour renouveler Rassemblée des Etats, la surveillance la plus assidue étant nécessaire pour empêcher que le pouvoir exécutif ne reprenne le danger d’un exercice arbitraire; Déplus, proposeront un impôt pécuniaire réel, réparti également sur les trois ordres, en raison des biens et facultés de chaque individu ; Voudront aussi conserver aux cathédrales et collégiales exceptées de la suppression proposée tous leurs biens et honneurs qui en dépendent ; Voudront les Etats généraux attribuer aux municipalités des campagnes l’exerciee de la police, et régler que les procès qui s’y élèvent pour des objets de peu de conséquence, ne pourront être ortés en justice réglée qu’après l’avis préalable esdites municipalités; Leur plaira d’ordonner que l’arrondissement des paroisses ait lieu, et que les parties qui se trouvent au delà des rivières en soient séparées et réuniesaux plus voisines, sans préjudice aux titulaires actuels ; Que les dîmes soient aussi arrondies et que leur nature soit invariablement fixée ; Que les petites paroisses soient ‘éteintes et réunies sans frais, sans pouvoir porter préjudice aux droits et revenus des seigneurs et des curés ; . Voudront enfin accorder aux titulaires actuels d’un bénéfice à supprimer le droit de résigner et sans plus ; Approuveront que l’imprimerie, qui a rapproché les hommes aux désirs et à la volonté de tous, qui a rendu tant de services à la société en dévol oppant les lumières et les facultés des âmes, puisse se multiplier, pourvu qu’elle ne sorte pas des bornes que la société lui prescrira, surtout à l’égard de ces productions dangereuses et de ces mauvais livres en tout genre qui perdent les mœurs et échauffent les têtes, jusqu’à détruire la religion et renverser les empires, et qu’il en soit établi une dans la ville de Châtellerault, préro-ative dont elle a longtemps joui et que la jalousie es imprimeurs de Poitiers lui a fait perdre. Fait et arrêté en l’église des Frères Mineurs conventuels, par nous, commissaires nommés, pour être présenté, lu et approuvé à Rassemblée de l’ordre du clergé, renvoyée au 30 du courant, ce 28 mars 1789, et ont signé Palouzier, prieur, curé de Seuillé; Joyeux, curé de Saint-Jean ; Gàu-vain, curé de Bone'uil-Matours; Rolland, chanoine; F. A. Delugens, Deswallons, ancien custode et ex dêfiniteur des Frères Mineurs conventuels ; signé aussi Louis-François Motant, secrétaire. CAHIER Des plaintes et doléances de la noblesse de la sénéchaussée de Châtellerault. Nota. Ce cahier manque aux Archives de l’Empire. On doit nous l’envoyer de Poitiers; mais afin de ne pas arrêter l’impression des Archives parlementaires, nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers. CAHIER Des plaintes et réclamations du tiers-état de la sénéchaussée de Châtellerault (1). CHAPITRE PREMIER. Droit public. L'assemblée du tiers-état de la sénéchaussée de Châtellerault demande une constitution précise, fondée sur les lois de la justice et de la raison. Les députés demanderont d’abord la reconnaissance des droits inviolables et imprescriptibles de la nation ; quoique ces droits existent, il est important qu’ils soient reconnus et consacrés par un acte solennel, afin, d’un côté, que tous les citoyens ne puissent être divisés sur l’existence et la nature de ces droits, et, de l’autre, que les ministres ne puissent ni les obscurcir ou les mettre en doute, ni les méconnaître. L’assemblée demande encore, comme des articles préliminaires, la liberté individuelle sous la sauvegarde des lois , l’abolition des lettres de cachet, la liberté de la presse, le secret inviolable et la sûreté des lettres confiées à la poste. Que la nation ne puisse être imposée sans ie consentement de ses représentants légitimement assemblés auxEtats, et que, sans ce consentement, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] QQl [États gén. 1789. Cahiers.] on ne puisse ni proroger, ni augmenter, ni établir aucun impôt ni aucun droit, quel qu’il puisse être, non-seulement sur la nation entière, mais même sur une province ou sur une seule ville. Que le droit de propriété soit inviolable et que nul citoyen ne puisse être privé de sa propriété, même à raison d’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sans délai. Que les Etats soient assemblés et qu’ils se regardent comme convoqués de droit tous les cinq ans, et que, après avoir réglé les articles préliminaires les plus pressants à la prochaine assemblée, ils soient rôajournés et tenus l’année prochaine pour travailler à la réformation des abus. Que les assemblées soient formées sur une règle équitable; en conséquence, que tous les citoyens de tout sexe et de tout âge aient une faculté égale de concourir soit aux délibérations des assemblées, soit aux nominations des députés, et que les officiers qui y seront employés, soit pour présider, soit pour y remplir d’autres fonctions, soient toujours élus par les suffrages libres des membres de i’assemblée, sans que personne ait le droit d’y exercer de telles fonctions en vertu de sa charge. Que la province du Poitou ait des Etats provinciaux qui seront formés sur le plan qui sera jugé le plus convenable par la province elle-même, lorsqu’elle se sera assemblée pour délibérer sur cet objet. Les députés ne consentiront point à des distinctions humiliantes qui ont avili le tiers-état dans les Etats généraux précédents. Ils se souviendront qu’ils ne sont ni moins hommes, ni moins libres, ni moins citoyens que les individus des ordres privilégiés. Ils réclameront contre l’exclusion donnée illégalement au tiers-état, relativement au service militaire et aux fonctions de juges dans les cours souveraines. Que les lois qui prononcent l’inamovibilité des offices ou emplois, soit civils ou militaires, soient inviolablement observées, attendu que la nation ne pourrait accorder de confiance à des officiers qui seraient dans une dépendance servile du ministre. En conséquence, les députés exposeront aux Etats la réclamation de M. le comte de More-ton-Chabrillant, ancien colonel du régiment de la Fère, soit pour la faire adopter, soit pour la faire rejeter en cas qu’elle ne soit pas fondée. Que les ministres soient comptables et qu’ils puissent être poursuivis aux parlements, pour les ordres illégaux ou injustes qu’ils auront donnés et pour toutes les parties de leur administration. Que dans le plan qui sera adopté pour la formation des Etats généraux, à l’avenir les députés fassent insérer que les députés aux Etals généraux auront des suppléants qui resteront dans la province pour les remplacer en cas de mort ou de maladie , et que ces députés entretiendront une correspondance dans le canton de la province qui les aura nommés, avec un comité qui leur sera aussi nommé par l’assemblée. Que, dès à présent, il soit nommé par l’assemblée quatre commissaires avec lesquels les deux députés aux Etats correspondront, et qui seront chargés de leur faire passer toutes les instructions locales et tous les éclaircissements dont ils pourront avoir besoin. Qu’il soit nommé aussi après l’élection des députés aux Etats généraux un suppléant qui sera chargé de remplacer celui de ces deux députés qui tomberait malade ou viendrait à mourir, lequel suppléant restera dans le pays tant qu’il n’aura point de député à remplacer, et sera choisi parmi les quatre qui formeront lecomi té. CHAPITRE II. Finances. Les députés prendront d’abord une connaissance exacte du montant des dettes cle l’Etat, du montant des dépenses, des revenus ordinaires des pensions et gratifications et de i’admffiistra-tion des économats. Que l’assemblée des Etats commence par annuler tous les impôts et les recrée tout aussitôt, mais pour avoir lieu seulement jusqu’à la fin de la tenue des Etats si l’assemblée obtient la déclaration de ses droits et tous les objets principaux qu’il est de la plus grande importance d’établir avec une concession ou prorogation d’impôt. Mais, soit que les Etats assemblés adoptent toutes les parties delà proposition ci-dessus, soit qu’ils jugent à propos de suivre un autre plan, les députés ne pourront en aucun cas accorder, consentir ni proroger, ni établissement d’impôts, ni faculté de faire des emprunts, ni la reconnaissance et la consolidation de la dette de l’Etat, qu’aux conditions suivantes : 1° Que l’acte de la déclaration des droits de la nation sera passé solennellement et en forme dans l’assemblée des Etats ; 2° Que les lettres de cachet seront abolies et qu’il sera établi qu’aucun citoyen ne pourra être pris et détenu, soit par un ordre du gouvernement, soit par un décret des juges, que pour être mis dans les prisons ordinaires; et en cas que ce soit par un ordre du gouvernement, pour être mis sous la justice ordinaire au bout de trois jours au plus tard. Qu’il sera établi que le ministère public sera obligé de poursuivre quiconque aura ou donné, ou exécuté, ou sollicité, ou favorisé, ou directement ou indirectement, quelque ordre contraire; laquelle faculté de poursuivre sera aussi accordée à la partie civile; 3° Que la liberté de la presse sera établie indéfiniment, sauf la faculté du ministère public et de toute autre partie offensée de poursuivre en justice réglée ceux qui auront abusé de cette liberté contre le bien de l’Etat ou les droits des citoyens ; i': Que l’on aura pris des mesures convenables pour nue le secret de la poste ne puisse être violé ; 5° Que tous les impôts, tous les droits et toutes les charges publiques seront supportés également par tous les citoyens en raison de leurs facultés ; 6U Que l’on aura fait toutes les réductions justes et nécessaires des pensions et gratifications accordées jusqu’à ce jour, ainsi que la réduction de toutes les dépenses inutiles, et que l’on aura réglé les dépenses de chaque département ; 7° Qu’il aura été établi que toute concession ou prorogation ou consentement de droits et d’impôts ne sera valable que jusqu’à la première assemblée des Etats, qui sera convoquée dans cinq ans ou dans six ans au plus tard ; 8° Que les ministres seront responsables, et qu’ils pourront être poursuivis pour toutes les parties de leur administration et pour tous les ordres illégaux ou injustes qu’ils auront ou donnés ou seulement fait' exécuter. 9° Que tous les ans le ministre chargé du département des finances sera tenu de rendre son compte de recette et de dépense, et de le rendre public par la voie de l’impression. 10° Que les neuf articles ci-dessus seront définitivement arrêtés, réglés et consacrés avant que les députés donnent leur consentement à aucune ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ] Sénéchaussée de Châtellerault.] 692 [Etats gén. 1789. Cahiers.] concession de droits ou d’impôts et à aucune ouverture d’emprunt. Les députés demanderont la suppression totale de la gabelle, même sans indemnité pour le Poitou, quoique cette province s’en soit rédimée à prix d’argent; cependant les députés se concilieront sur cet objet avec les députés des autres parties de la province, ainsi qu’avec les autres provinces rédimées, et ils adhéreront à ce qui leur paraîtra être le vœu général de ces députés et de tous leurs concitoyens. En cas que la suppression de la gabelle ne puisse pas s’effectuer, les députés réclameront contre plusieurs des abus du dépôt à sel établi dans cette sénéchaussée. 1° Iis demanderont la révocation pure et simple de la déclaration du Roi du 31 août 1786 ; cette déclaration, surprise à la religion du souverain, contre les dispositions formelles d’une décision contraire donnée par Sa Majesté, introduirait dans l’administration de cet impôt des innovations aussi iniques en elles-mêmes que contraires aux droits particuliers et aux intérêts de la province. Ces droits sont la faculté pour la sénéchaussée d’avôir son dépôt rempli du sel pris dans la province ; et la prétention du fermier était de le lui fournir par privilège exclusif, et de le tirer pour cet effet d’une autre province. Mais ce que la prétention du fermier a de vraiment inique et d’odieux, est de s’attribuer le droit de mesurer le sel distribué aux consommateurs par le moyen d’une trémie, tandis que, jusqu’à ce jour, il a été mesuré conformément à l’ordonnance, à elle renversée. Il est évident que cette invention e la trémie n’est qu’un stratagème du fermier, qui voudrait toujours paraître livrer la même mesure, en diminuant réellement la quantité. Il est bien étrange que ce fermier ait entrepris de se couvrir de l’autorité souveraine pour introduire un usage que, dans toutes parties du commerce, la loi civile et naturelle réprouverait également comme une fraude punissable. 2° Les députés réclameront en outre le droit réservé à la sénéchaussée de donner à des citoyens, habitant le pays, les places de débitant de sel au dépôt, droit que les fermiers ont envahi par une simple délibération entre eux au profit de leurs employés. 3° Les d éputés réclameront contre le profit énorme accordé aux débitants de sel, profit qui, montant à 40 p. 0/0, est pris sur les consommateurs sans être d’aucune utilité pour l’Etal, et réservé uniquement à des débitants, appelés minotiers, qui sont en très-grand nombre et dont les places valent au moins 600 livres pour un travail de quinze jours. 4° Enfin les députés réclameront contre la loi aussi cruelle que déraisonnable qui exclut de la consommation du sel les enfants au-dessous de huit ans : loi qui est un adoucissement pour les provinces en gabelle que l’on charge de sel comme d’impôt, mais qui, appliquée aux pays de dépôt, y devient une vexation qui fait gémir l’humanité. Pour soutenir cette loi, les fermiers se fondent sur des allégations démenties par le fait. Ils prétendent que dans les pays de dépôt, les consommateurs vont vendre en contrebande le superflu de leur sel dans les pays de gabelles ; mais il est constant que, par le régime déraisonnable des dépôts à sel, les habitants n’ont pas une quantité de sel suffisante. Il est constant, du moins pour la sénéchaussée de Châtellerault, que les habitants achètent du sel des contrebandiers, et qu’ils ne leur en vendent jamais. Tous les contrebandiers avouent qu’ils vont acheter du sel dans les pays libres pour le porter dans les pays de gabelle. Mais tous ceux que Ton a pu interroger et entendre librement sur cette matière ont toujours dit qu’ils n’achetaient point de sel des consommateurs dans le pays de dépôt et que, au contraire, iis leur en vendaient. 5° Les députés réclameront aussi pour que le dépôt à sel soit transféré dans un quartier de la ville plus commode et plus à portée de la halle et du marché, comme il l’était il y a quelques années, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1680; la situation actuelle de ce dépôt dans un quartier isolé et éloigné de toutes commodités produit les plus cruels inconvénients. Les pauvres gens de la campagne y sont exposés pendant des journées entières aux injures de l’air, au froid, à la pluie, sans pouvoir trouver d’abri et sans pouvoir s’occuper à leurs affaires ; d’ailleurs les commis de ce dépôt font le service avec une lenteur qui devient un tourment pour ces pauvres malheureux. Souvent ils sont forcés de revenir plusieurs fois et de très-loin, et de perdre ainsi plusieurs journées pour avoir leur sel. Les députés insisteront pour que l’on oblige du moins ces commis à faire leur service avec plus d’humanité. Que l’on supprime les aides ; et si les besoins pressants de l’Etat ne permettent pas cette suppression, que les lois concernant cette partie de droits soient éclaircies, simplifiées et mises à la portée de tous les citoyens. On décrira plus particulièrement, en parlant du commerce et des arts, les abus de cette administration. Que tous les droits de traites soient supprimés dans l’intérieur du royaume. Que tous les impôts et les droits soient administrés par les Etats provinciaux, qui auront aussi l’administration des économats pour les biens ecclésiastiques situés dans la province. Que l’on attribue à ces Etats des domaines d’ordres religieux éteints, des maisons de religieux, qui ne pourront être occupées que par eux, et môme des bénéfices qui seront le domaine de la province, et pourront aider à supprimer des droits onéreux et affligeants et dont la perception ne peut se faire qu’avec des recherches odieuses et des châtiments cruels. Que l’on vende une partie des domaines de la couronne pour employer le prix à l’acquittement des dettes de l’Etat. Que, dans la base qui sera adoptée pour la répartition des impôts directs, on s’attache à simplifier les frais de perception, ce qui pourrait s’opérer en comprenant toutes les impositions en un même brevet pour toute la province et en un seul rôle pour chaque paroisse. Les impositions seraient colligées par deux collecteurs solvables, qui compteraient au receveur particulier, lequel compterait directement au trésor royal. Cette forme adoptée, on supprimerait tous les contrôleurs et directeurs des vingtièmes et les receveurs généraux. En simplifiant la perception des impôts ou aura égard à ce que les collecteurs des campagnes ne sont pas assez payés de quatre deniers pour livre, et si l’on s’attache, comme cela paraît nécessaire, à n’avoir que des collecteurs solvables, il ne faut plus alors considérer cette fonction comme une charge que chacun doit porter à son tour, puisqu’elle retomberait presque toujours sur les mêmes individus, mais comme un emploi utile à la communauté, et qu’il faut payer. On s’attachera à chercher une base de réparti- {États gén. 1789. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] 693 tion gui ne laisse que le moins possible à l’arbitraire -, les plaintes de toutes les parties de la sénéchaussée sont unanimes sur l’ancienne forme de répartition. Les abus effroyables de l’administration des contrôles ne peuvent être développés que dans un chapitre exprès. CHAPITRE III. Droits de contrôle. Le contrôle, acte établi dans son principe pour le salut des citoyens, est devenu leur plus terrible fléau. Le tarif de 1622 ne fut formé que pour acquitter les dettes de l’Etat. Il ne devait pas être perpétuel, et l’on avait d’autant plus droit de le croire, qu’il devait produire dans peu de temps des sommes considérables ; or, non-seulement il est devenu perpétuel, mais on a adopté une forme d’administration où tous les principes de la justice sont absolument renversés, et où les plus simples notions de la raison semblent méconnues. Il faut distinguer dans cette administration deux parties : 1° Les droits en eux-mêmes, 2° La manière de les percevoir. Tous les articles de ce tarif dont les droits se perçoivent sur le pied des sommes et des évaluations, comme les ventes, partages, baux, constitutions dotales, sont exorbitants ; pour un domaine vendu 10,000 livres, les frais du contrôle de l’acte et du centième denier sont de plus de 220 livres. Les contrats de mariage, qui devraient jouir de la plus grande faveur, sont si chargés de droits qu'il n'y a plus que les personnes riches qui puissent en faire. Si la femme du plus misérable artisan se fait une réserve de reprendre les hardes, cette réserve donne lieu à un droit de 30 livres qui peut excéder la valeur de la reprise. Les donations réciproques par contrat de mariage, soit de propriété, soit d’usufruit des meubles et conquêts, donnent lieu aux plus forts droits de contrôle, sur le prétexte qu’elles sont indéfinies. Et si les biens désignés dans le contrat de mariage n’excèdent pas 20,000 livres, on perçoit pour lors le double des droits fixés pour le contrôle et pour l’insinuation, tandis que la donation ne peut profiter qu’à l’un des contractants. Les plus pauvres gentilshommes et les plus pauvres bourgeois sans état ne peuvent payer moins de 375 livres pour une pareille donation. Les droits qui se perçoivent sur les frais de justice excédant de beaucoup ces droits mêmes, les font monter à un point énorme, et ruinent les malheureux justiciables. On se contentera de citer ici un droit de 5 livres par tête de mineur, que l’on prend sur un acte de curatelle quand il s’agit de lettres d’émancipation ou d’inventaire outre les droits ordinaires de l’acte. Quelle que soit l’origine de la formule ou du papier marqué, l’invention en forme aujourd’hui un impôt exorbitant. L’administration achète ce papier 5 sous la main et en retire 12 livres 10 sous. Elle ajoute à cela l’affectation de le fournir le plus mauvais possible, ainsi que le parchemin, d’où il résulte que les actes deviennent bientôt illisibles, ou qu’ils ne peuvent se conserver. Cependant cette administration a l’indécence de poursuivre les notaires lorsque leurs expéditions, n’étant pas assez grossoyées, ne favorisent pas assez la consommation. Le centième denier des successions collatérales est une atteinte violente portée au droit de propriété, et un impôt qui n’a en lui-même aucune ombre de justice. Le droit de franc-fief est un reste de la barbarie féodale, qui se trouve aujourd’hui destitué de toute raison, puisque les nobles possesseurs des fiefs ne sont plus obligés, comme autrefois, de faire le service militaire à leurs frais. Il est de l’intérêt même de la noblesse que ce droit odieux et outrageant pour le tiers-état soit supprimé, puisque les roturiers ne voulant plus acheter de fiefs, c’est une ressource de moins pour les familles nobles dont les affaires sont dérangées. Si les besoins de l’Etat ne permettaient pas de sacrifier dès à présent le produit de ce droit, on demande qu’il soit converti en un impôt annuel sur tous les fiefs du royaume ; cette charge serait d’autant plus légère pour chacun, que le plus grand nombre des fiefs sont possédés par des nobles et des anoblis. Ce n’est pas assez pour les contribuables d’avoir à payer tous ces droits accablants; l’administration se permet encore d’en exiger qui ne sont nullement dus. Tels sont ceux qu’elle exige pour la notification des grades et les sommations res*- pectueuses, actes qui ne peuvent être faits que par notaires, et pour lesquels elle fait payer néanmoins un droit d’exploit. Tels sont encore les droits de quittances sur papier timbré, qu’elle force tous les redevables de percevoir et de er. nfin tels sont les droits de contrôle qu’elle exige pour toutes les licitations forcées, contre la disposition formelle de toutes les lois et de toutes décisions. Mais quelque violents que soient ces maux, on ne craint pas d’assurer qu’ils ne sont rien, si l’on fait attention à la manière arbitraire et tyrannique avec laquelle on les fait payer. Le centième denier des successions collatérales ne devrait être perçu qu’après la déduction des charges de ses successions ; et cependant, au mépris des plus simples règles de la justice, on refuse obstinément de faire cette déduction. Ainsi, quelles que soient les rentes et les dettes dont une succession est chargée, on refuse obstinément de faire cette déduction, encore que cette succession en soit à peu de chose près absorbée. Le droit de franc-fief est une année de revenus. L’on a ajouté à ce droit, si onéreux en lui-même, 10 sous pour livre, qui le font monter tout d’un coup à une année et demie ; mais l’administration exige qu’il soit payé d’avance : ce qui est encore une véritable augmentation. Enfin elle force le contribuable de payer l’estimation de ses bâtiments , puisqu’ils ne servent que pour l’exploitation. Autrefois l’on pouvait abandonner au fermier la jouissance du domaine ; mais depuis quelque temps il s’est affranchi de cette loi si juste; c’est de cette première injustice qu’il s’autorise pour comprendre avec le produit du domaine fa valeur qu’il attribue aux bâtiments. Cependant que l’on songe à l’inhumanité de ce droit en lui-même , qui , renfermé dans ses plus justes bornes, pourrait réduire des familles honnêtes à la mendicité, si, comme il arrive souvent, ces familles n’avaient qu’un fief pour toute fortune ; ce droit peut être dû plusieurs fois dans un petit nombre d’années, et ce qui le rend plus insupportable dans l’étendue de la sénéchaussée, c’est qu’il peut être dû en même temps que le droit de rachat, qui est aussi une année de revenu : et l’on a vu un père de famille poursuivi tout à la fois pour les francs-fiefs et pour le 694 (États gén. 1789. Gahiérsj. ARCHIVES PARLEMENT AIRES. [Sénéchaussée de ChàteïtefaiÜt.J rachat, et exécuté pour les vingtièmes dans la même année. Faut-il ajouter des extensions aussi tyranniques à des droits aussi cruels et aussi accablants ? Mais ce n’est pas tout encore. Suivant les premières notions du droit naturel et de la raison, personne n’est censé noble, personne n’est censé hors du droit commun. Mais suivant les principes du fermier des droits, tous les domaines sont censés nobles, et il faut lui prouver qu’ils sont roturiers, comme s’il était de la nature des domaines d’être nobles. Le tourment que cette étrange maxime donne aux possesseurs est inouï. Les titres dont ils pourraient s’aider pour se défendre sont communément des déclarations et des conférences qui sont entre les mains des seigneurs, d’où les censitaires peuvent rarement (es tirer, et où d’ailleurs ils est très-difficile de distinguer des parties nobles avec des parties roturières parmi les objets divisés et morcelés. Mais tous ces maux sont encore aggravés par l’impossibilité de trouver des conseils et d’obtenir justice dans les contestations que les contribuables sont forcés d’avoir avec les agents du fermier. Chaque bureau a un registre où sont contenues, par extraits souvent tronqués et rangés d’une manière à tromper les redevables, les décisions de la compagnie. Ge registre, que les contrôleurs appellent le registre d’ordre, est la première autorité et la plus sacrée pour eux ; ils la mettent au-dessus des lois, et de l’avis unanime des auteurs, ces décisions ne font aucune distinction de coutumes locales, malgré l’opposition où ces coutumes se trouvent souvent entre elles. Ces décisions, censées émaner du conseil, sont rendues sur des exposés faits par la compagnie elle-même, quelquefois sur des difficultés furtives, et souvent conçues d’une manière amphibologique, qui donne la faculté d’étendre immensément les droits. Celte autorité en impose tellement aux redevables, que le plus communément ils payent sans oser former de contestation ni de réclamation. Mais lorsqu’ils entreprennent de se défendre, ils n’ont que deux voies, celle de s’adresser au directeur qui, étant juge et partie, ne manque jamais de décider contre eux, et celle de. recourir au tribunal de l’intendant. Mais souvent ce magistrat ne se trouve point dans son département, et d’ailleurs, étant un homme seul, il ne peut donner une attention suffisante à toutes les parties dont il est chargé. Ce tribunal n’est point à la portée de tous les citoyens, et les intendants, craignant quelquefois de voir leurs ordonnances infirmées, réfèrent les questions à la compagnie, qui juge alors elle-même dans sa propre .cause. Les requêtes envoyées à l’intendance sont communiquées au directeur, et les moyens de celui-ci ne sont presque jamais communiqués aux contribuables. Les intendants jugent sur des extraits d’un secrétaire particulier, auquel la multitude de leurs occupations les obligent très-souvent de s’en rapporter. Enfin les ordonnances des intendants sont favorables aux particuliers, elles sont presque toujours infirmées au conseil. Cette administration a encore une autre méthode pour ôter aux contribuables tous les moyens de se défendre. Cette méthode est de forcer en recette les contrôleurs d’après l’avis des vérificateurs ou des ambulants, sujets à se tromper ou intéressés à montrer leur zèie à leurs supérieurs! Le premier effet de ce système est que le contrôleur, croyant d’être forcé en recette, tourmente sans cesse son imagination, et que pour peu qu’il trouve d’embarras pour déterminer les droits d'un acte, il demande des droits extravagants. Mais lorsque le contrôleur éprouve te forcement après que l’on a acquitté les droits, il poursuit alors le redevable avec la plus grande rigueur pour se faire rendre le surplus de ses droits dont il a été forcé : et comme en ce cas il n’y a point de délai, ce qui est encore une vexation inouïe, il faut que le redevable emploie la plus grande activité pour n’être pas contraint. Mais il ne trouve point de conseil sur les lieux, et il ïi’a presque jamais le temps de recourir à l’intendance, surtout s’il en est éloigné. C’est sans doute cette impossibilité où sont les citoyens d’obtenir justice qui enhardit cette administration dans un autre genre de vexation. Elle envoie de temps en temps des vérificateurs chez les notaires, qui s’établissent dans leurs études et mettent leurs minutes au pillage jusqu’à ce qu’ils aient trouvé quelques forcements à faire. Après que ces vérificateurs ont passé, l’administration en envoie d’autres qui font d’autres forcements et des demandes sans fin. Quelquefois les particuliers se défendent et sont déchargés ; mais l’administration, après avoir laissé passer quelque temps, envoie de nouveaux vérificateurs qui font valoir de nouvelles décisions, auxquelles ils donnent un effet rétroactif, et avec lesquelles il parviennent à assujettir ces actes qui avaient été déchargés. Lorsque les parties refusent de se soumettre à ces décisions, elles sont traduites au conseil, où elles sont presque toujours condamnées. Cette inquisition affreuse s’est réellement exercée depuis l’année 1784. On a forcé de payer des droits prescrits par vingt ans, dont le Roi avait formellement défendu la recherche dans plusieurs bancs des fermes, et par un arrêt du conseil de 1767. Malgré ces défenses, on a tourmenté des familles pour des testaments inutiles faits par leurs aïeux, dont l’ouverture remontait à près de trente ans. Toutes les réclamations et observations ont été vaines; les parties se sont pourvues à l’intendance, où elles n’ont pas obtenu la justice qu’elles devaient attendre, et l’on a vu rendre en faveur de l’administration les décisions les plus absurdes. On est encore révolté de voir l’in égalité que les lois fiscales ont établie entre les citoyens et cette administration, et toute la faveur qu elles accordent à celle-ci. Les particuliers sont condamnés à des amendes, à des doubles droits, pour déclarations inexactes, ou seulement pour avoir retardé le payement d’un jour; mais ils n’ont aucun dédommagement à espérer contre l’administration, lorsque ces agents ont perçu des droits qui ne leur étaient pas dus; les particuliers sont punis pour prendre des qualités inférieures à leurs qualités véritables. Mais ils n’ont rien à prétendre lorsque les agents de l’administration leur donnent une qualité ou un titre supérieur à leur véritable condition pour les assujettir à de plus forts droits . Enfin, ce qui rend cette administration odieuse et digne de la plus prompte réprobation, est un système constant et suivi de ménager des personnes riches et puissantes et d’accabler les malheureux qui ne peuvent réclamer. On peut rapporter pour première preuve toutes les difficultés qu’éprouvent les contribuables, soit pour trouver des conseils, soit pour faire dresser leurs mémoires, soit pour faire parvenir leurs réclamations et leurs moyens à l’intendant. On sent [États gén. 1789. Cahier, $4 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de. ChâteUeraulU 6â& que toutes ces difficultés s’aplanissent aisément pour les personnes puissantes et accréditées, tandis qu’elles sont insurmontables et qu’elles s’accroissent l’une par l’autre pour les pauvres gens. Une seconde preuve se trouve dans un article du tarif, qui assujettit à un droit de 5 livres les présentations, nominations, prises de possession et autres actes relatifs pour les bénéfices et les évêchés les plus considérables, fussent-ils de 500,000 livres de revenu, et impose le même droit sur les mêmes actes pour une chapelle de 20 livres. Une troisième preuve se tire des droits sur les contrats de mariage, dans lesquels les biens ne sont ni désignés ni estimés. On exigera d’un petit bourgeois de Luçon le même droit que d’un gentilhomme, fût-il plusieurs fois millionnaire, sur le prétexte que la ville de Luçon est le siège d’un évêché. Ce millionnaire payera 50 livres, et un bourgeois dans une ville où il n’y aura ni évêchéni cour souveraine, en payera 30; et un malheureux tisserand, gagnant à peine 20 sous par jour, payera 20 livres. Les directeurs des parties de finances, qui ont communément depuis 6,000 jusqu’à 50,000 livres de revenu, ne payeront pas plus que le plus pauvre bourgeois. Dans une autre classe, on range les misérables tisserands avec les médecins et les avocats, et enfin dans une autre on range le laboureur avec les officiers de judicature, et on lui fait payer 10 livres, tandis que le plus riche seigneur du royaume n’en paye que 50. On demande que l’on réduise à des règles simples et équitables tous les droits qui doivent se payer au contrôle. Que les citoyens soient délivrés de l’arbitraire et de l’obscurité qui régnent dans cette partie. Que l’on supprime tous droits sur les frais de justice, sauf à laisser subsister seulement un modique droit de contrôle pour constater la date des actes. Enfin que toutes contestations relatives à ces droits soient portées devant les juges ordinaires, sauf l’appel aux parlements. CHAPITRE IV. Justice. Que les procédures civiles soient simplifiées, et que Fou fasse un tarif pour tous les droits des officiers de justice. Que l’on supprime toutes les justices seigneuriales, les présidiaux, les tribunaux d’exception et d’attribution, et qu’aucun citoyen ne puisse être jugé que par ses juges naturels. Qu’il n’y ait que deux sortes de tribunaux et deux degrés de juridiction : les juges royaux ordinaires et des juges consuls pour les faits de commerce et de parlement. Que les juges royaux puissent juger en dernier ressort toutes les affaires pures personnelles jusqu’à 100 livres, au nombre de cinq juges au moins. Que les bailliages et sénéchaussées soient arrondis, de manière que les justiciables aillent toujours plaider devant les juges dont ils seront le plus proche. Que les causes d’appel soient jugées dans la capitale de la province par une chambre du parlement de Paris, dont les juges seront changés tous les ans. Que toutes les affaires simples soient jugées dans un an, et les affaires majeures dans trois ans au plus tard. Ce serait eu valu que Fou s’occuperait do porter la réforme dans les études du droit, si l’on trouvait dans l’exercice de la magistrature tant du désavantages, que les hommes de cette profession fussent entièrement découragés,, et qu’aucun citoyen ne se sentît plus d’inclination pour y entrer. Il est remarquable qu’il n’y a pas dans l’Etat un seul emploi où l’on ne soit récompensé, excepté celui de magistrat; tandis que tout militaire sera assuré, même eu ne faisant point de service, d’avoir des appointements, des distinctions, des récompenses, des retraites, et qu’il pourra monter de grade en grade jusqu’aux premiers honneurs, le génie ministériel s’est attaché à décourager les magistrats par des capitations extravagantes et l’imposition criante du centième denier, et à les dégrader en leur ôtant des prérogatives dont on laisse jouir les officiers, qui sont û exempts du logement des gens de gueare, et à l’exception d’un ou deux dignitaires, les magistrats ordinaires ne le sont pas. Le résultat de ce système est que les magistrats sont dégoûtés de leur état ; que les charges sont longtemps vacantes, et les sièges jamais remplis; que les officiers à qui leur âge ou leurs affaires ne permettent plus de continuer leur service se retirent sans être remplacés, et que la justice ne peut être administrée régulièrement. On demande que les magistrats, sans avoir de prérogatives onéreuses aux citoyens, soient traités et récompensés, comme tous ceux de qui on exige des travaux et des sacrifices pour le service qe l’Etat. Que les magistrats qui voudront continuer leurs fonctions lorsque leur longue expérience les on aura rendus plus capables, trouvent alors des récompenses. et des avantages qui les y excitent. Enfin que nul ne puisse être admis à exercer les fonctions de juge qu’après avoir exercé pendant six ans au moins la profession d’avocat, et en rapportant un certificat de cet ordre. Que toute la justice criminelle soit réformée. Que les peines soient proportionnées aux délits. Que l’instruction se fasse publiquement et par plusieurs juges. Que l’on donne des défenseurs à l’accusé. Que les prisons soient rendues plus commodes et plus saines. Que les débiteurs pour dettes soient séparés des accusés, et que les accusés de contrebande soient dans une prison plus saine que celle où on les retient actuellement, dans laquelle iis sont tous entassés et privés d’air, dans une seule chambre, et où ils ne voient jamais de feu. Que la nourriture des accusés, détenus dans les prisons, soit réglée à deux livres de pain par jour. Que les minutes des greffiers soient mises dans des,, dépôts publics, et soigneusement conservées. J CHAPITRE V. Réclamations particulièrement relatives aux campagnes. Les députés exposeront la misère affreuse des habitants de la campagne, réduits dans toute la sénéchaussée à se nourrir à l’ordinaire de pa’iu et d’eau, et souvent à manquer même de pain, lequel est toujours le plus noir et le plus grossier. Leurs maux viennent de plusieurs causes, qui toutes ont concouru à y mettre le comble. Ces causes sont les impôts directs, les droits fiscaux et les droits seigneuriaux, les frais de justice, le manque de secours dans les temps de calamité, l’ingratitude du sol et les entraves de l’agriculture. Qn demande.! f que ces citoyens intéressants , 696 [Etats gén. 1789. Cahiers.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault. soient soulagés du poids énorme des impôts qui les accablent. Ils représentent qu’ils manquent de secours contre les accidents qu’ils éprouvent. Qu’on leur fasse parvenir plus de gratifications et de soulagements. Les indemnités que le gouvernement leur fait donner lorsqu’ils font des pertes sont trop faibles. Les curés ont des revenus trop bornés pour pouvoir soulager leurs pauvres. Et, d’un autre côté, beaucoup de seigneuries et domaines ecclésiastiques situés dans l’étendue des paroisses, sont possédés par des bénéficiers ou des communautés de religieux non résidents, qui portent dans des villes et dans des lieux éloignés le produit de la terre, et ne font aucun bien aux tristes habitants qui la cultivent et qui leur payent encore des redevances de toute sorte, qui les épuisent continuellement. On demande que l’on applique des bénéfices à augmenter les revenus des curés, et à paver convenablement les vicaires, afin qu’ils n’aillent plus fatiguer par leurs quêtes de pauvres gens qui ont souvent besoin eux-mêmes qu’on leur fasse l’aumône. Que l’on applique également des bénéfices à des établissements d’hospices ou d’aumôneries, ou enfin de quelques soulagements pour les malheureux habitants des campagnes. Que l’on établisse aussi pour eux, dans toutes les paroisses, des écoles où les enfants apprennent à lire : 1° afin qu’étant hommes ils soient moins sujets à être surpris ; 2° afin qu’ils puissent se délivrer eux-mêmes des frais de baux, de quittances et de testaments qu’ils sont toujours obligés de faire faire par des notaires. Qu’il soit défendu aux notaires de passer des actes au milieu des foires, où le tumulte et l’ivresse produisent des actes ou déraisonnables ou mal conçus, qui donnent lieu à des procès. Que l’on applique également des bénéfices aux payements des sages-femmes de la campagne ; aucune ne veut exercer ce métier parmi des malheureux hors d’état de payer les secours qu’on leur donne. Les plus terribles fléaux des habitants de la campagne sont, surtout depuis plusieurs années, les terriers que font faire les seigneurs, et les solidités. On concevra combien les terriers doivent épuiser les campagnes, si l’on se représente que l’état de feudiste est devenu une profession tout à la fois très-lucrative et très-commune. On demande du moins pour ces agents un tarif plus modéré où les droits soient fixés de la manière la plus précise. Que l’on puisse prescrire contre les rentes nobles, comme l’on prescrit contre toutes les autres propriétés, sauf l’imprescriptibilité d’un modique cens, pour la reconnaissance de la seigneurie. L’exception adoptée en faveur des rentes nobles est une barbarie que nos neveux auront peine à croire. C’est un sujet perpétuel de procès et de ruine pour les familles. On voit souvent des demandes de ces rentes et des jugements qui obligent de les payer, tandis qu’elles ont été amorties. Ces exemples, ces opérations portent le trouble dans des familles qui croyaient leur tranquillité fondée sur leurs titres et sur la possession d’un nombre de générations depuis des siècles. Que l’on ne puisse demander que cinq années d’arrérages de toute espèce de rente. Cette loi ne pourrait nuire qu’aux personnes négligentes et sauverait quantité de citoyens de leur ruine. Enfin que l’on puisse se racheter de toutes redevances seigneuriales, en remboursant le propriétaire sur le pied de la plus haute valeur. Que l’on soit autorisé par une loi formelle à payer les rentes en blé avec le blé récolté dans le domaine qui les doit dans la même année. Que les possesseurs de rentes seigneuriales, ou leurs receveurs, ne puissent refuser de recevoir la portion de chaque tenancier et . de lui donner quittance, sauf le droit de solidité pour le surplus; l’usage contraire est un tourment continuel pour les redevables. Les receveurs négligent de mettre en reçu sur leurs livres, et les redevables les plus exacts sont contraints de paver deux fois et de supporter des frais ; ce qui aggrave encore ces maux, ce sont les appartements et les conférences qui se font à tous propos, avec des frais énormes, que supportent également et ceux qui sont exacts à payer et ceux qui sont en demeure. Qu’il soit permis à tout cotenancier de se racheter de la totalité de rente, sauf à lui à s’accommoder avec ses codébiteurs. On pourrait faire dans chaque communauté le tableau de chaque tenue, avec le nom de tous les coteneurs ; ce tableau serait exposé dans un lieu public, et l’on prendrait des précautions pour que toutes les mutations y fussent marquées exactement. Le propriétaire n’aurait qu’à poursuivre ses coteneurs comme des débiteurs ordinaires, et il lui serait défendu de signifier autre chose que l’exploit simple de sa demande. Que tous les propriétaires puissent gouverner leurs bois à leur volonté, sauf les précautions nécessaires à prendre pour les biens des bois eccfé-siastiques.Toutes les campagnes réclament unanimement contre les vexations que leur font éprouver les règlements des eaux et forêts. Que tous les cultivateurs puissent repousser les lapins et les bêtes fauves qui dévastent leurs possessions, et que les règlements qui obligent de tenir les pigeons renfermés dans le temps des semailles, soient strictement observés. Que l’on puisse se racheter des dîmes , et que l’on réprime dès à présent un abus dévastateur que commettent quelques décimateurs. La nature du sol, dans toute l’étendue de la sénéchaussée, est d’être maigre et stérile, et de manquer de pâturages ; c’est pourquoi on ne peut y faire d’élèves. Le bétail y est d’une rareté et d’une cherté qui met beaucoup de cultivateurs dans l’impuissance de s’en procurer, et devient ainsi un obstacle presque insurmontable à la culture des terres. Ces terres elles-mêmes ont été dégraissées et entraînées dans les ravins par les pluies extraordinaires que l’on a éprouvées depuis quelques années. On convient qu’il n’est qu’un remède efficace contre ces maux : c’est de multiplier les prairies naturelles et artificielles. Le gouvernement, qui en a senti l’importance, a fait distribuer par la voie de l’intendance, et depuis, par celle de l’assemblée provinciale, des instructions pour engager à multiplier les prairies et indiquer les meilleures méthodes à employer pour le faire. Mais si les avantages de cette culture soit infinis pour la fertilité des terres, ils sont aussi infiniment coûteux . 11 faut ajouter aux frais directs de la formation des prairies l’achat de graines et d’engrais, une non -jouissance durant les premières années, qui gêne considérablement ceux qui ont le courage de former de pareilles entreprises. On voit quelques décimateurs s’empresser d’étouffer cette émulation dans des cantons où la dîme des prés n’est pas [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] 697 due, et où ces décimateurs n’y ont aucune prétention. Ils se font payer la dîme sur les prairies nouvelles et sur les prairies artificielles. Iis menacent et intimident les plus faibles , qu’ils forcent ainsi de leur payer cette sorte de dîme ; ils leur accordent des abonnements à des prix modiques, et souvent ils font insérer dans des actes de ces abonnements une reconnaissance de leur possession , dont ils prétendent ensuite faire une loi. Iis s’appuient sur la faiblesse de ceux qui n’ont pas osé réclamer pour se former ce titre de possession. Or, les suites de ces usurpations sont meurtrières pour l’agriculture. Il est aisé de prouver que la dîme au onzième sur des vignes et sur des prairies nouvelles, genre d’exploitation très-coûteux, ne peut être moins que le cinquième, et presque toujours le quart, et quelquefois le tiers du produit net. L’introduction de ce droit énorme sur les prairies ne peut donc qu’épuiser les cultivateurs, et les décourager. Il ne peut que les forcer de laisser subsister le misérable état de l’agriculture, sans que personne ose la perfectionner. Cet abus forme encore de nouvelles entraves, par le désavantage que l’on trouve à défricher d’anciennes prairies, dont les décimateurs ne prennent point la dîme, pour leur en substituer de nouvelles, sur lesquelles ils la prétendent. C’est précisément ce convertissement continuel de prairies en terres labourables et de terres labourables en prairies, qui fertiliserait le sol, revivifierait l’agriculture et ranimerait les cultivateurs ; et c’est à cette réforme salutaire que s’opposent ces décimateurs,. contre la raison, la justice et leur propre intérêt. Il est clair que si la dîme des prairies anciennes n’est pas due, celle des prairies nouvelles ne peut l’être, à moins que les cultivateurs n’étendent cette culture à un excès, auquel la loi pourvoit elle-même en ce cas ; il est donc urgent, et rassemblée demande que l’on promulgue une loi formelle qui déclare les prairies nouvelles et les prairies artificielles non sujettes à dîme, dans tous les cantons où la dîme des anciennes prairies n’est pas due, et qui protège ainsi les cultivateurs timides et peu instruits contre les entreprises de quelques décimateurs. On demande qu’il soit permis de se racheter de toutes les dîmes en remboursant les propriétaires sur le pied de la plus haute valeur, sauf à prendre des précautions pour l’emploi des remboursements qui seront faits envers les ecclésiastiques. Les habitants des campagnes se sont épuisés pour construire les grandes routes, dont ils se sont souvent éloignés, et dont la plupart ne retirent aucun fruit, tandis que l’état de dégradation des chemins vicinaux est pour eux une nouvelle source de misère. On demande que l’on s’occupe de réparer ces chemins, et que l’on y emploie quelque-uns des fonds de la province qui sont destinés à des choses moins urgentes. On demande que les paroisses ne soient pas divisées en plusieurs communautés dépendantes de différentes juridictions. On demande pour les Acadiens établis par le gouvernement dans la paroisse de Genau, que leurs propriétés soient déterminées et assurées. Leur incertitude à cet égard leur ôte le courage et les met dans l’impossibilité de faire aucune disposition relativement à leurs possessions. Que la police des bacs sur la rivière soit mieux exercée. Que les bateaux soient attachés à des crampons de fer lorsque l’on y fait entrer des voitures , et que les abords soient garnis de pontons et de rouleaux. Le défaut de ces précautions et de ces commodités produit beaucoup d’accidents et de pertes d’attelages et de bêtes de trait. Que l’on supprime la milice, sauf aux Etats provinciaux à fournir des hommes pour la défense de l’Etat aux dépens de la province. Que l’on soit exempt des droits d’échange dus au Roi pour les échanges des terres. CHAPITRE VI. Commerce. Le commerce, source des richesses et d’abondance, se trouve resserré dans une infinité d’entraves ruineuses et en proie à la rapacité des traitants. Les douanes multipliées dans l’intérieur du royaume sont un mal contre lequel les réclamations des citoyens sont unanimes. Les bureaux de visite établis particulièrement sur les rivières de Vienne et de Loire ruinent les voituriers des négociants. Ils retardent des voituriers pendant des jours entiers, les empêchent de profiter ou du vent ou d’une eau favorable, et les forcent de rester à l’ancre, et d’attendre un temps infini. D’où il arrive que des voyages, qui n’auraient dû être que de huit jours, durent deux ou trois mois. Les marchandises s’altèrent, les termes échoient avant qu’elles soient arrivées à leur destination, et il en résulte des faillites. Les écluses formées de fascines et de pieux, placées sur la rivière de Vienne, depuis Nouatre jusqu’au-dessous de Ghinon, laissent aux voituriers une voie si étroite et si dangereuse, que les bateaux y sont souvent coulés à fond. On demande qu’elles soient détruites. Le balisage est mal fait sur la rivière de Vienne. On demande qu’il soit fait tous les ans, et que la réception en soit faite par deux négociants et deux bateliers de Châtellerault et autant de Ghinon, choisis librement. On demande que le franc-chantier qui se trouve obstrué le long de la rivière, aux Ormes, par des arbres, soit ouvert, et que les arbres soient arrachés. Il faut réduire à quatre points principaux toutes les gênes qu’éprouve le commerce d’eau-de-vie. 1° La régie n’accorde que le vingt et unième pour douze mois de consommation sur les eaux-de-vie en magasin. Gela est insuffisant en soi, et elle n’accorde rien en débitant. Et rien ne semble plus odieux que d’augmenter le malheur des négociants qui essuient du coulage, en les forçant de payer les droits de ce malheur même, comme s’il était pour eux bénéfice. 2° Le droit de vente et revente est une vexation cruelle. Ce droit considérable, exigé à chaque mutation de propriétaire, attaque le commerce dans son principe, en détruisant cette liberté de spéculation qui en fait l’âme. 3° C’est contre l’esprit de la loi que la régie refuse obstinément de permettre aux négociants de mettre leurs eaux-de-vie en sûreté dans de bons magasins en ville sans payer de droits d’entrée. Le droit d’entrée n’est dû que pour les consommations, et l’eau-de-vie qui n’est pas consommée ne le doit pas. 4° Enfin le rapport des acquits-à-caution qui consomment en frais les vendeurs, qui les rendent responsables des négligences ou des fraudes des acheteurs, est un fléau terrible pour les marchands. La ville de Châtellerault en fournit en ce i moment un exemple révoltant. 698 Pats gén. 1780. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRE S. [Sénéchaussée de CMteUerault.) Les juges consuls voient avec douleur les frais que les justiciables éprouvent contre l’esprit de leur institution. Ils voient leurs sentences chargées de droits de présentation, défaut, affirmations de voyages, sou pour livre des dépens, et huit sous pour livre de ce dernier droit, émoluments du greffe et droits du greffier. Ils doivent juger sans frais, et cependant les frais indispensables sont chargés de ces droits exorbitants qui ruinent et consument les-pauvres débiteurs. On demande que tous ces droits accessoires soient abrogés, et que tous les huissiers qui instrumenteront en vertu des sentences consulaires, et les greffiers, soient modérément taxés, et que l’exécution de ces taxes soit confiée à ces juges consuls, qui pourront mulcter d’amende et d’interdiction les contrevenants. On demande l’exemption du droit de contrôle pour tous billets, marchés et autres actes sur lesquels les contestations qui s’élèvent sont portées à la juridiction consulaire. On demande que les affaires de commerce ne puissent être portées devant les juges ordinaires, dans les villes qui n’ont point de juridiction consulaire, mais qu’elles soient portées en ce cas devant les juges consuls les plus prochains. Que les faillites des marchands soient uniquement de la compétence des juges consuls, sauf le droit du ministère public et des parties civiles, de poursuivre devant les juges ordinaires dans les cas de fraude. Que l’article 4 du titre V de l’ordonnance du commerce soit remis en vigueur pour tous les effets de commerce, et qu’il ait lieu même pour les billets portant valeur reçue en marchandise. On demande une loi précise qui fixe une époque où une faillite est réputée ouverte, quand il n’y a ni bilan déposé , ni scellés apposés, ni débiteur retiré. Une loi précise sur les revendications qu’exercent les créanciers sur leurs marchandises trouvées en nature chez leur débiteur failli. Une loi précise sur les vices rédhibitoires des bêtes que l’on achète. Une loi qui ordonne que les eaux-de-vie se vendront au dépotage, comme cela se pratique en Saintonge : l’usage de la velte longue a introduit des fraudes considérables dans ce commerce. On a vu des bouilleurs se faire payer soixante veltes d’eau-de-vie, tandis qu’ils n'en livraient que cinquante-deux, et des tribunaux ont condamné les acheteurs auxquels on faisait cette injustice. On demande une loi qui autorise le prêt à un intérêt fixé par la loi même, et sous la déduction des impositions. chapitre vii. Arts et métiers. On demande la suppression de tous les privilèges exclusifs, et notamment de celui de jurés appréciateurs des terres, et de celui de jurés pri-seurs, sauf à prendre les précautions convenables pour la vente des meubles des mineurs. On demande pour tous les métiers la suppression des droits énormes de maîtrise. Les privilèges de maîtrise ruinent visiblement le commerce, en éloignant tous les colporteurs qui venaient acheter et vendre librement et faire des échanges de tous les objets qui se fabriquent dans la ville. Les couteliers, les tanneurs, les bouchers, les orfèvres, les cordonniers, les aubergistes et ca-baretiers sont vexés et désolés pour la régie des aides; et on les voit de jour en jour renoncer à leurs états, où ils ne trouvent que leur ruine. La fabrique de coutellerie, qui entretenait trois cents maîtres et sept cents compagnons, est découragée et anéantie par le nouveau régime des maîtrises. Elle souffre aussi beaucoup du traité de commerce fait avec l’Angleterre, qui admet la concurrence d’une coutellerie anglaise inférieure en qualité, qui se donne à plus bas prix. Les ouvriers de cette fabrique, qui emploient l’or et l’argent, sont vexés par les officiers de la Monnaie de Poitiers, qui les forcent de prendre des poinçons qu’on leur fait payer 30 livres, et obligent le syndic et l’adjoint de se transporter à Poitiers tous les ans, et d’v prêter un nouveau serment, pour lequel on leur fait payer 21 livres. On demande que, pour soutenir et même relever la réputation de cette fabrique, chaque fabricant ait sa marque ; et qu’il soit défendu de se servir de la marque d’un autre, sous peine d’une amende pour l’hôpital. Les tanneurs payaient avant 1759 un droit de 24 sous par quintal sur le cuir; aujourd’hui on leur fait payer 15 livres : leur nombre est réduit au quart de ce qu’ils étaient alors. Les droits sur les boucheries sont aussi augmentés dans une proportion énorme depuis vingt ans, et l’un des plus grand maux que produit la perception vexatoire de ces droits, est que les bouchers n’ont pas la faculté de se céder leur viande, ce qui les gêne surtout en été, et nuit à leurs fournissements. Us se plaignent aussi de ce qu’il ne leur soit pas permis d’entrer ou de •tuer leurs bestiaux pendant la nuit , tandis que la plupart n’étant pas en état de payer des garçons sont obligés de vaquer à ce travail la nuit même. Les orfèvres aiment mieux abandonner leur état que de demeurer exposés aux vexations de la régie des aides et aux procès fréquents et ruineux qu’elle leur suscite. Ils demanderaient un abonnement en cas que les aides ne fussent pas supprimées. Les sergetiers et les tisserands ne peuvent supporter les frais de leurs maîtrises, dont la finance monte à 170 livres; d’ailleurs on les gêne par des marques sur leurs tailles et leurs étoffes, qu’on leur fait payer, et qui ne produisent rien à l’Etat. Les cordonniers deviennent de plus en plus misérables par la cherté des cuirs. Quoique ceux qu’on leur vend aient payé les droits, ces malheureux sont encore harcelés de visites, et on les rend responsables des marques qui se trouvent défigurées par les corroyeurs. Les bourreliers se plaignent d’éprouver les mêmes vexations, ainsi que tous les ouvriers qui emploient le cuir. II est constant que presque tous les cabaretiers de la ville sont ruinés par les droits exorbitants qu’ils payent, droits qui excèdent le prix de la chose. Ils demandent du moins, ainsi que les aubergistes, qu’on ne leur fasse pas payer les droits de détail du vin qu’ils consomment. CHAPITRE VIII. Objets généraux de bien public. On demande une loi qui prononce l’incompatibilité de plusieurs gros bénéfices, tels que les prieurés avec les abbayes, les abbayes avec les évêchés. L’énorme disproportion des fortunes qu’établit l’usage contraire produit tous les maux attribués au luxe : la corruption des mœurs et les abus de l’autorité. 1 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] 099 Que l’on applique des bénéfices aux hôpitaux et aux collèges. Que l’on supprime le privilège exclusif des boucheries de carême, sauf à indemniser les hôpitaux auxquels ils appartiennent, par des réunions de bénéfices, et sauf, dans le cas de ces réunions, à faire acquitter les charges des fondations. Que les réparations des églises et des presbytères soient prises sur les biens appartenant à l’Eglise, et qu’à l’avenir il ne soit mis aucune taxe ni fait aucun rôle pour ces objets. Que l’on établisse dans la ville de Châtellerault un dépôt convenable, où puissent être portés les enfants exposés4, que l'entretien de cet etablissement soit pris proportionnellement sur les seigneurs haut justiciers de celte ville, jusqu’à ce que l’on ait aboli les justices seigneuriales. Que l’on réserve dans les collégiales un nombre de places de chanoine pour servir de retraite aux anciens curés à qui leur âge ne permettra plus de faire leurs fonctions. Les députés demanderont aux Etats généraux l’examen des moyens de détruire la traite des nègres et de préparer la destruction de leur esclavage. On demande la réduction des lods et ventes, qui sont d’un sixième dans la coutume du Poitou, et nuisent aux seigneurs mêmes en gênant le commerce des domaines ; et qu’il n’en puisse être perçu pour les ventes avec faculté de réméré, que lorsque la faculté ne pourra plus être exercée au bout de dix ans. Fait et arrêté en rassemblée générale du tiers-état de la sénéchaussée de Châtellerault, en l’église des Mineurs , le lundi trente mars mil sept cent quatre-vingt-neuf. La minute est signée : Martineau ; Greuzé de La Touche -, Dubois, maire et procureur du Roi ; Le Coq ; Rivière, lieutenant des eaux et forêts, sans approuver l’article concernant la suppression proposée des tribunaux d’exception dont il n’a point été question dans le cahier delà ville; Bonnet Du Couzai, en adhérant aux protestations ci-dessus ; Millet Pardinlère, président de l’élection, sans approuver l’article concernant la suppression des élections, parce que, pour l’admettre, il faudrait supprimer tous les impôts, en ce que les connaissances attribuées aux sièges de l’ordinaire sont en si grand nombre que la vie d’un homme n’est pas assez longue pour acquérir toutes les lumières sur les parties de leur compétence ■ Menaut, lieutenant à l’élection, en adhérant aux protestations ci-dessus ; L.-G. Renaule, procureur du Roi du dépôt; sans adopter la suppression demandée à la majeure partie des articles insérés audit cahier ; Michel Le Coq, juge en chef; Brunet Papillant; Martineau, docteur en médecine ; Cheron ; D. M., Gilbert de La Ghalardière. Pannetier, Blondeau, sans rien approuver concernant la suppression des jurés priseurs ; Rivière, notaire priseur ; sans rien approuver au chef de l’article de priseur, comme contraire au droit du public, puisque cet office est entre les mains d’officiers publics ; P. Normand, savetier, sans nuire ou préjudicier au droit de dîme qui m’est due, à cause de mon épouse, sur les prés de la paroisse de Château-Neuf, comme solite et en usage, et proteste contre la motion tendant à priver de la propriété, qui doit être sacrée; Dupleix, sans rien approuver de préjudiciable concernant la destruction de l’élection ; Pannetier; Mérigot ; Beaupoil, apothicaire ; Va-rigault, Détestang, faisant les mêmes protestations que les juges ci-dessus de l’élection ; P. -J. -B. Guim-bert, lib; M. Charlet, lib ; Ghauvain; Goa ; Jean Bonnet fils; Marc Goujauît; Goutenceau; François Minoret; Antoine Nivet; Dufour; F. Pappil-lant, Tisseneau, sans approuver les protestations ci-dessus; Millet; Jean Poupineau ; lacou ; Jean René; Robin, cordonnier; Charles Bachellier; Boucher; Pierre Denyau; Jean Vallée; Louis Baillé ; Maurice Charandeau; François Guérin, maréchal; Villeret; Jean Boisnard, de Marcay : Guillaume de Beaulieu ; Thenault ; Pierre Bor-desolle ; François Bordesolle ; Robin ; Vergé ; Me-necé, syndic; Raimond; Yahau le jeune; Jean Tournois; Denizeau; Guignard ; Autexier; Nivard ; Joyau ; Guérin ; Guerieu ; Gabriel de Massy ; Violet; Pierre Pheliponneau ; À. Dupin ; Hérault Maison-Neuve ; Stevus ; Amirault; de La Gauderie; Jean Roudeau ; Guerineau ; Guillé ; François Serreau ; Hélie ; Morgeau ; François Yvert ; Yvert ; Gourou; Juere ; Ghampigny ; Bergé ; Ressault ; Philippe Dumonteil ; Pappillault dé Repousson ; Descours ; Sauriau ; Amirault ; Louis Guillotin ; Godeau ; Clément Feconet; Montaubin; Bourginê; Guèlle-rin ; Bergier ; Guerry ; A. -J. Persevault ; Faulcon de Lalen ; Guignard ; R. Yvert; Delestang; Faulcon de l’Angelarde ; Mitault ; Paillé ; Dégeune ; Dupuy-Fournet ; Jahau ; Bricheteau ; Morin ; Mes-nard; Jean Guillerin; Chartry ; Àrcon; Beauvais; Goutault ; Michel Bugeaut ; Jean Gault ; Thimon ; Marchau; Greuzé ; Martinet ;' Geninel fils ; Le ; Moine ; Morin ; Secouet ; Cardinault ; Hérault l’aîné ; Hérault le Lessard ;* Mounier ; Day ; Pla-janet ; de La Porte; Ghampigny; Rideau* Blanchard ; Jahau ; Boisramier ; Vènault-Jingrand ; Jouannault ; Marin Bossu ; Reeouguée; Arnault ; Goué ; Besnard ; Gourault ; Gaillier ; Martineau ; Duhoux , Guillemot, greffier. Collationné : Guillemot, greffier.