[Assemblée nationale.] la vérité de parvenir au trône, la nation, malgré les entraves de tous genres, malgré la ruse, venait encore à bout de faire écouter ses plaintes, tant ce droit fut toujours sacré, tant il est ina-missible. Dans ces jours de régénération, au moment où la Constitution a religieusement conservé ce droit, la commune de Paris, qui présente des plaintes qu’elle est obligée de prouver et qu’elle est sans doute en état d’établir, ne peut douter combien l’Assemblée nationale respecte ce même droit. Elle doit croire aussi que le chef suprême du pouvoir exécutif, qu’un roi qui a promis au peuple justice et appui, en jurant d’observer la Constitution qu’il a acceptée, neserapasindifférent aux plaintes de la capitale de l’Em pire, quand on.les aura justifiées .De son côté, l’Assemblée nationale, empressée de seconder, de diriger même les vues de bien public d’un roi citoyen, pèsera dans sa sagesse, après en avoir examiné les preuves, la pétition que vous venez lui présenter. Elle vous invite à assister à sa séance. Divers membres demandent la parole soit pour, soit contre l’admission de la pétition de la commune de Paris. L’Assemblée ne décide pas la question. M. le Président lève la séance à quatre heures. ANNEXES A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 10 NOVEMBRE 1790. PIÈCES JUSTIFICATIVES DE L’ADRESSE PRÉSENTÉE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE PAR LA COMMUNE DE PARIS. N° 1. Lettre de M. Doudeau, homme de loi de la ville de Douai, à Messieurs du comité de la ville de Verdun , du 6 février 1790. Messieurs, le sieur Muscar, fourrier du régiment de Vivarais, doit arriver sous peu de jours dans votre ville, accompagné de quatre cavaliers de maréchaussée et enchaîné comme un criminel. Ce malheureux a été arrêté à Douai le jour qu’une partie de son régiment a passé dans cette ville ; on l’a conduit à un fort qui en est éloigné d’un quart de lieu. Il devait y être enfermé dans un cachot ; il n’y avait aucun ordre de lui donner à manger ; ce sont les soldats de la garnison du fort, qui, touchés de son malheur, Pont nourri à leurs dépens. Il a été ainsi renfermé le 27 janvier et l’on n’a requis mon ministère que le 2 de février. L’article 10 des nouveaux articles sur la jurisprudence criminelle qui permet à tous accusés ou prévenus de crime d’avoir un conseil, m’a fait ouvrir les prisons. J’ai interrogé ce malheureux fourrier ; j’ai reconnu dans tous ses discours beaucoup de vérité et de franchise ; et, d’après la façon noble et vraie dont il m’a parlé, je suis demeuré convaincu qu’il était fort à plaindre, qu’il avait de grands ennemis dans son régiment; et que si une fois on lui faisait son procès suivant (10 novembre 1790.] 355 l’ancien régime, c’est-à-dire sans justice, ni loi, c’était une victime sacrifiée. J’ai donc cru, en ma qualité d’avocat, devoir faire part à l’Assemblée nationale del’enlèvement de ce malheureux et de son incarcération ; je lui expose les dangers qu’il y aurait de le laisser à la discrétion d’une justice militaire quelconque, et surtout de son régiment, dont il paraît que la plupart des officiers ne respirent charitablement que sa perte. Enfin, je demande à l’Assemblée nationale qu’elle veuille bien permettre que son procès lui soit fait dans les formes de l’ordonnance criminelle et des nouveaux articles qu’elle y a ajoutés, et par les juges ordinaires, conformément à la loi du 16 janvier dernier. Ce malheureux jeune homme est accusé d’avoir fomenté l’insubordination du régiment du Vivarais contre un certain M. de Mallier, lieutenant-colonel, qui veut faire punir tout un régiment du peu de talent qu’il a pour se faire aimer et estimer. Mais cette inculpation qui, si elle était vraie, mériterait un châtiment à ce jeune homme, est assurément très fausse. S’il peut se défendre, il fera voir, au contraire, que le germe de l’insubordination du régiment du Vivarais vient des officiers eux-mêmes qui faisaient si peu de cas d’abord de M. de Mallier, qu’ils ne voulaient pas manger avec lui, ni le fréquenter. Il prouvera également que, loin d’avoir excité les soldats à la révolte, il leur a, au contraire, fait faire nombre de fois des excuses au corps des officiers ; il a plus de cinq à six cents témoins à faire entendre. Il prouvera aussi qu’il a, par son courage, arraché des mains du peuple de Béthune un éche-vin qu’on voulait pendre ; qu’enfin, il n’est rien moins qu’un factieux tel qu’on veut le dépeindre. Du reste, Muscar intéresse infiniment par sa bonne éducation, par son esprit et par la noblesse de sa figure. Il a une façon de parler très distinguée, pleine de franchise et de loyauté. Cet infortuné jeune homme est fait, à tous les égards, pour qu’on prenne intérêt à son sort. Voilà donc, Messieurs, ce que j’ai à vous proposer. On le conduit maintenant à Verdun, j’ai su qu’il ne devait y arriver que de nuit, et probablement il sera conduit dans la citadelle secrètement. Il n’y sera pas plutôt, qu’on lui fera son procès à la grenadière dans deux fois vingt-quatre heures; on n’entendra contre lui que ses ennemis; et dès lors c’est une victime immolée au ressentiment de quelques-uns des chefs. Il serait donc, Messieurs, à désirer, pour éviter ce nouvel acte de despotisme, que vous fissiez en sorte de procurer un conseil très éclairé à ce jeune homme, que ce conseil réclamât, dès le principe du procès, l’exécution des formes prescrites par les nouveaux articles concernant les procédures criminelles ; et surtout qu’en vertu de l’article 10 de cette nouvelle loi, il pût se faire ouvrir la porte des prisons. Il pourrait voir aussi MM. les officiers, et surtout l’officier commandant le régiment; lui exposer le danger qu’il y aurait, dans l’état actuel des choses, de juger ce jeune homme d’une manière ténébreuse et sans aucune forme. L’humanité réclame ici le zèle du plus habile et du plus ardent des jurisconsultes de votre ville. Ne laissons pas périr un homme qui n’est sûrement pas coupable. S’il fût resté à Douai, j’aurais fait l’impossible pour que son procès fût fait en bonne forme, par les échevins de Douai, et j’eusse été sûr de le sauver. C’est ici le cas, Messieurs, de montrer du zèle, pour maintenir l’exécution des bonnes règles, et ARCHIVES PARLEMENTAIRES ,