526 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mai ÎTOO.] « Déclare qu’il y a lieu à inculper les sieurs Diétricht, notable de la commune de Strasbourg M. Bénard, bailli de Bouxwillers ; les suspend l’un et l’autre de toute fonction publique, et charge le pouvoir exécutif de les faire poursuivre parde-vanttout tribunal compétent. « L’Assemblée nationale renvoie les pièces de cette affaire à son comité des recherches, et lui ordonne de faire toutes poursuites nécessaires our découvrir les auteurs de la résistance com-inée qui paraît se manifester à la fois dans plusieurs parties de l’Alsace. » M. l’abbé d’Eymar. Avant de vous mettre à même d’apprécier l’affectation indécente qui a été apportée à prononcer mon nom, je vais vous expliquer ce que c’est que Bouxwillers. Bouxwil-lers est une dépendance du comté de Hanau, qui appartient au landgrave de Hesse-Darmstadt ; Neu-viîlers est une communauté voisine; dans cette communauté est un chapitre dont je suis le chef. On a affecté de dire qu’elle réclamait la conservation des biens ecclésiastiques, et notamment de ceux du chapitre dont je suis le chef. . . ( Des murmures interrompent M. l'abbé d'Eymar). Je n’inculpe pas le rapporteur, mais les commissaires du roi, parce qu’ils sont coupables, et je les dénonce d’avance; ils ont outrepassé leurs pouvoirs, en dénonçant ce qui s’est passé à Bouxwillers : ces faits ne sont pas de leur compétence. Il est très glorieux pour moi de dire qu’une communauté, composée pour les deux tiers de protestants, a eu la bonté de demander la conservation de son chapitre, qu’elle annonce lui avoir fait tout le bien possible. J’ai l’honneur de le présider, et je partage la gloire de ses bienfaits. Quant à ma conduite particulière, je soutiens avec force les mandats qui m’ont été donnés, et je les maintiendrai toujours. On dit que ces menées empêchent l’organisation des assemblées primaires. Eh bien ! j’atteste que l’Alsace, et surtout le comté de Hanau, désirent que ces assemblées soient organisées, pour y porter les vœux qu’on vous masque dans ce rapport. Je vais entrer dans la question.... M. Dupont (de Nemours). Je demande l’ajournement à une séance du soir. L’Assemblée doit s’occuper aujourd’hui d’une question plus împors» tante. (L’ajournement à la séance de demain soir est mis aux voix et prononcé.) M. le Président. La discussion est ouverte sur cette question constitutionnelle : « La nation doit-elle déléguer au roi l'exercice du droit de la paix et de la guerre? » M. le duc de Lévis a la parole. M. le duc de Lévis (1). Messieurs, je hasarderai mon opinion sur la grande question soumise à votre discussion, avec celte sorte de crainte que fait naître l’importance de la matière et la défiance de ses forces. Je vous demande donc un peu d’indulgence, et pour vous engagera me l’accorder, je promets d’être court et tâcherai d’être clair. Pour procéder avec méthode, je commencerai par traiter des deux espèces de guerres, offensives et défensives, puis du temps et des conditions de (1) Nous empruntons le discours de M. le duc de Levis, au journal le Point du Jour, Tome 6, page 56. — Cette version est beaucoup plus complète que celle du Moniteur. la paix; je dirai ensuite quelque chose sur les alliances; enfin, je proposerai à l’Assemblée une série de questions qui me paraissent devoir former l’ordre du travail. Tous les publicistes conviennent que le droit de guerre est un attribut de la souveraineté, mais aucun d’eux n’a pas assez approfondi son origine; pour moi, il me paraît qu’elle se trouve dans ce principe que vous avez consacré dans votre déclaration des droits de l’homme : « Tout homme a le droit de résister à l’oppres sion. » Il est clair, en effet, que si les hommes ont partiellement ce droit, toute la société, l’a aussi, puisqu’elle n’a été formée que pour faire jouir chacun de la force de tous. De là il résulte que le droit de repousser les attaques de ses ennemis est de droit naturel; mais de nul principe, de nul droit, l’on ne saurait tirer le droit de guerre offensive de droit chimérique de conquête, dont Grotius, Pullendorf et Montesquieu ont parlé, n’ont pour base que l’exemple des peuples conquérants, mais ne repose sur aucun droit. Je sais que Montesquieu a essayé de le justifier, en disant qu’il n’était qu’une conséquence du droit de défense, et qu’on pouvait attaquer et conquérir lorsqu’on pouvait craindre de l’être par la suite. Je demande qui jugera de l’intention, et il suffit d’ailleurs d’appliquer ce prétendu principe à l’état ordinaire de la société pour en reconnaître toute la fausseté et l’injustice. Je rencontre un homme dans un chemin ; il est armé; il pourrait m’attaquer; il en a peut-être l’intention; donc j’ai le droit de le tuer. Quels meurtres, quels crimes ne justifierait-on pas avec cette jurisprudence barbare ? je conclusqueledroit d’attaquer étant chimérique, ou plutôt n’étant qu’une violence, ne peut être exercé par la nation, ni délégué par elle; et que l’on ne m’oppose point ici la toute puissance de la nation, personne ne la respecte plus que moi, mais je sais qu’elle a, par la nature môme des choses, un terme que jamais rien ne saurait franchir, où commence l’injustice, là finit son pouvoir, là commence cet état violent que l’on a désigné par un nom bizarre, formé de mots monstrueusement rassemblés, le droit du plus fort. Après avoir traité de la guerre offensive et démontré que nul n’a le droit de la faire, qu’il me soit permis de vous rappeler ici l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous proposer hier et gue vous avez ajourné à cette séance : il consiste à déclarer de la manière la plus solennelle « que jamais la nation française n’entreprendra rien contre les droits et la liberté d’aucun peuple, mais qu’elle repoussera, avec tout le courage et l’énergie d’une grande nation libre et puissante, les attaques de ses ennemis. » Je ne sais si je m’égare, mais je crois voir dans cette exposition simple et énergique, d’une grande vérité, quelque chose de consolant pour tous les amis de l’humanité, de rassurant pour tous les peuples de l’Europe qui leur persuadera que le règne de l’injustice et de la mobilité est passé pour nous, et j’y vois en même temps un moyen puissant d’honorer aux yeux de l’univers notre nouvelle Constitution et de montrer sur quelles bases, sur quels principes de vérité, d’humanité et de justice est fondée cette Révolution que les ennemis du bien public ont osé calomnier chez les nations étrangères, après avoir tenté, de tant de manières, de bouleverser leur patrie. Si vous adoptez, comme je l’espère, cette pro-