ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] 708 [Assemblée nationale.] à écrire à la municipalité de la commune d’Au-benton quelle ne peut qu’applaudir à son exactitude à veiller à l’exécution rigoureuse de ses décrets, et notamment de celui du 27 septembre dernier; mais que, d’après la justification faite par les nommés Bourgeois et Soyeux, le cautionnement par eux offert, et le certificat de la municipalité de Montcornet, il n’y a pas lieu à retenir plus longtemps les grains par elle arrêtés le 16 décembre dernier sur ces deux particuliers. » (Cette motion est adoptée.) M. l’abbé Gouttes annonce qu’il a reçu mission d’un habitant de la ville de Toulouse d’expliquer l’intention de celui-ci d'acheter pour 500,000 livres de biens nationaux et qu’il va faire connaître au comité d’aliénation les biens que ce citoyen a en vue. M. Heurtault de lia Merville, député du Berry, demande un congé de six semaines ou deux mois pour aller surveiller un établissement de troupeaux d’Espagne, qu’il a formé dans son département : il demande de plus, en sa qualité de membre du comité d’agriculture et de commerce, que l’Assemblée veuille bien mettre à l’ordre pour la séance de ce soir, et au premier rang, la suite du rapport et projet de décret relatif au dessèchement des marais; objet d’autant plus intéressant, qu’il doit servir de base à bien des travaux ultérieurs du comité. L’Assemblée accorde Tune et l’autre demande. M. 'Vernier, rapporteur du comité des finances, propose successivement trois décrets à rendre: le premier, pour autoriser la ville de Saint-Pierre-le-Moûtier à une imposition de la somme de 1,200 livres; le second, pour permettre dansla ville de Bonnes, département de la Charente, une pareille imposition; et le troisième ayant le même objet en faveur de la ville de Montbrison en Forez. L’Assemblée adopte les deux premiers projets, et rend les décrets suivants : PREMIER DÉCRET. a L’Assemblée nationale, vu le procès-verbal des maire et officiers municipaux de la ville de Saint-Pierre-le-Moûtier, l’adresse jointe, ouï le rapport de son comité des finances, autorise lesdits officiers munidpauxàimposer la somme de 1,200 livres sur tous leurs citoyens qui ont plus de 400 livres de revenu, soit en biens-fonds, rentes, pensions ou industrie, pour ladite somme être employée en ateliers de charité, et à la subsistance des pauvres, jusqu’à la récolte. « Décrète, en outre, que son président écrira à la municipalité de Saint-Pierre-le-Moûtier, à la garde nationale, au détachement deroval-Piémont, cavalerie, aux officiers de maréchaussée de la brigade du canton, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur la conduite qu’ils ont tenue lors de l’insurrection populaire survenue en ladite ville le 25 mai courant. » DEUXIÈME DÉCRET. « D’après le rapport du comité des finances, l’Assemblée natiouale autorise la municipalité de Bonnes, département de la Charente, à imposer la somme de 1,200 livres à répartir sur chaque contribuable compris dans son rôle de vingtièmes, ; pour ladite somme être employée à la construction 1 de deux bateaux destinés au passage de la rivière de Drone, conformément à la délibération et à l’adresse du 6 mai. » En ce qui concerne la ville de Montbrison, sur lareprésentation qui estfaite par l’un des membres de l’Assemblée, elle ordonne l’ajournement de cette affaire jusqu’à ce qu’il soit rapporté une délibération du conseil général de cette, ville relative à cet objet. M. Fanlcon. Messieurs, vous connaissez tous les préparatifs de guerre faits par l’Angleterre. Je pense que, dans cette circonstance, l’Assemblée nationale doit donner une nouvelle preuve de son patriotisme et je lui propose de décréter que le tiers des honoraires de ses membres sera réservé pour la construction d’un vaisseau de ligne. (Il s’élève des murmures et l’Assemblée décide de passer à Tordre du jour sur cette motion.) M. Fe Chapelier. Vous vous rappelez, Messieurs, que d’après les contestations survenues dans la ville de Douai, sur la validité des élections pour les assemblées primaires, vous avez décrété que les faits seraient vérifiés; ils font été, et Je procès-verbal constate que deux membres de la cour supérieure ont été élus, quoiqu’ils n’aient pas fait leur déclaration patriotique; ainsi leur élection est nulle; l’Assemblée ne doit point balancer à le prononcer. Il se présente encore une autre difficulté plus considérable. Les officiers municipaux, pour former les rôles des citoyens actifs, n’ont pris pour base que la capitation et les impositions territoriales, en écartant les impôts d’industrie. Le comité de Constitution vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée décrète que l’élection des deux membres de la cour supérieure est nulle et contrevient aux décrets par lesquels il est ordonné que personne ne pourra être admis aux assemblées primaires, s’il n’a fait auparavant sa déclaration patriotique; que les assemblées primaires où les élections ont été faites se réuniront, et qu’il y sera procédé à l’élection de deux nouveaux officiers municipaux : décrète, en outre, qu’en cas que l’impôt sur l’industrie ne soit point entré dans les bases de la convocation, le commissaire du roi fera réunir les citoyens pour procéder à une nouvelle élection. M. l’abbé Breuvard. Les élections de la ville de Douai ont été parfaitement régulières ; elles sont conformes aux décrets de l’Assemblée nationale et je demande qu’elles soient maintenues. M. Merlin. Les opérations ne sont régulières qu’en apparence, car, par l’effet d’une ruse de l’aristocratie, on a détourné des assemblées primaires la plus grande partie des citoyens actifs. Voici le projet de décret que je vous demande d’adopter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, et, sur Texamen, tant du procès-verbal fait en exécution de son décret du 15 de ce mois, par M. Wa-renghien de Flory, commissaire du roi, que de la pétition d’un grand nombre de citoyens de la ville de Douai; « Décrète : 1° que les élections des sieurs de Franqueville d’Inielle, et Bruneau de Beaumets, sont nulles, comme faites en contravention au décret du 23 mars dernier concernant la contribution patriotique; ordonne que l’assemblée prk maire où lesdites élections ont été faites, se réu- (Assemblée nationale.] ARCHIVES. PARLEMENTAIRES. (29 mai 1790.] nira de nouveau pour procéder à de nouvelles élections, et qu’il n’y sera admis à voter aucun citoyen qui, ayant notoirement plus de 400 livres de rente, n’aura pas fait la déclaration prescrite pour la contribution patriotique, et n’en présentera pas l’extrait; « 2° Que pour déterminer la qualité de citoyen actif il faut avoir égard, non seulement à la capitation et aux impositions territoriales, mais encore aux taxes pour la milice et l’industrie, et aux impositions affectées sur les biens communaux, lesquelles doivent être considérées comme des impôts directs; qu’en conséquence si, comme le porte la pétition d’un grand nombre de citoyens de la ville de Douai, les officiers municipaux n’ont point, dans la formation du rôle des citoyens actifs de cette ville, pris en considération ces taxes pour la milice, l’industrie et les biens communaux, ce qui a privé beaucoup d’habitants de leurs droits, les assemblées primaires qui se sont tenues sont irrégulières, et les élections qui y ont été faites nulles. Charge M. Warenghien de Flory de vérifier le fait, et s’il le trouve conforme à ce qui est porté dans la pétition des citoyens de Douai, décrète qu’il fera aussitôt réunir les assemblées primaires pour procéder à de nouvelles élections, et que dans lesdites assemblées seront admis et regardés comme électeurs et éligibles, tous ceux qui, à raison, soit de la capitation, soit des impositions territoriales, soit de l’industrie, soit de la milice, soit des taxes sur les biens communaux, payent les impositions nécessaires pour jouir des droits de citoyen actif, et pour élire ou être élus. » (Ce dernier projet de décret est adopté.) M. le baron d’AUarde, au nom du comité des finances, fait un rapport sur la situation de la Caisse d'escompte , qui est ainsi conçu : Messieurs, les administrateurs de la Caisse d’escompte ont présenté le 14 de ce mois, aux commissaires que vous leur avez donnés, et à votre comité des finances, un mémoire relatif à leur position et à l’influence que vos décrets ont eue sur elle. Ils représentent que, par votre décret du 19 décembre, vous avez exigé que la Caisse d’escompte ajoutât un nouveau prêt de 80 millions, à celui de 90 millions qu’elle avait déjà fait au gouvernement, indépendamment des 70 millions que les actionnaires avaient précédemment déposés au Trésor royal ; Que vous avez pris, par ce décret du 19 décembre, l’engagement, en donnant à la Caisse d’escompte pour 170 millions d’assignats, portant 5 0/0 d’intérêt, d’en rendre 30 millions remboursables, à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er Juillet 1790 jusqu’au 1er janvier 1791, et le reste dans les quatorze mois suivants, à raison de 10 millions par mois; Que vous aviez imposé à la Caisse la loi de reprendre ses payements à bureaux ouverts le lor juillet, et qu’elle devait, d’après votre décret, compter, pour les continuer, sur les 30 millions dont vous lui avez assuré le payement pendant l’année 1790, savoir: 5 millions le même jour 1er juillet, et 5 autres de mois en mois; Que le surlendemain, comptant sur le zèle des actionnaires et pour diminuer les charges de l’année 1790, vous avez de vous-mêmes, sur la demande du premier ministre des finances, déclaré qu’il ne serait remboursé aucun assignat en 1790, et que le remboursement de la Caisse d’escompte serait reculé de trois mois de plus en 1792; 709 Que ce retard dans vos payements rendant plus difficile à la Caisse d’escompte de reprendre les siens à l’époque fixée, elle a été obligée de faire les efforts les plus grands et le plus coûteux pour se procurer du numéraire; Qu’il a fallu qu’elle employât une forte partie de ce numéraire pour les payements journaliers e t écus contre billets, dont vous ne lui aviez pas fait une loi posilive par vos décrets, mais qu’elle savait conformes à vos intentions, et qui étaient impérieusement exigés par les besoins de la circulation la plus indispensable dans la capitale, et pour assurer la tranquillité publique; Qu’elle a ainsi acheté pour 28,600,000 livres de piastres, d’écus, ou de matièresd’or et d’argent, qui, joints à 6 millions qu’t lle avait en caisse, lors de votre opération du 19 décembre, et à 6,150,000 livres de métaux achetés en Hollande, déposés à la banque d’Amsterdam, et qui ne seront payés que lorsqu’on les en tirera, forment un fouds de 40,750,000 livres. Qu’elle a tiré presque la totalité de ce numéraire d’Espagne, d’Angleterre, de Hollande et des Pays-Bas, quoiqu’il lui eût coûté beaucoup meilleur marché si elle le fût procuré dans le royaume; mais qu’elle a regardé comme un devoir de" patriotisme de ne se pas borner à retirer des écus de la circulation d’une main, pour les remettre de l’autre, ce qui, ouvrant une concurrence de plus, aurait encore fait hausser le prix de l’argent; qu’elle a préféré de sacrifier tous les bénéfices que pourraient faire les actionnaires, pour verser sur la place du numéraire étranger; Qu’il n’y a pas une de ses actions et de ses opérations qui ne soit ainsi marquée par le patriotisme et le zèle le plus pur; Qu’elle en a sucessivement convaincu quatre comités de l'Assemblée nationale, chargés d’inspecter sa situation et ses travaux. Vos commissaires du comité des finances ont vérifié sur les pièces originales et probantes, sur les factures, sur les lettres missives, sur les livres tenus par la Caisse d’escompte pour se rendre compte à elle-même, lorsqu’elle ne pouvait prévoir que vous rompriez le marché que vous aviez conclu ; ils ont vérifié les faits exposés par cette compagnie, et ils remarqueront en passant, Messieurs, combien il était absurde et cruel d’exciter l’animosité publique contre la Caisse d’escompte, comme si elle eût accaparé et vendu l’argent, tandis qu’elle l’achetait chez l’étranger à 8, à 10, à 12 et jusqu’à 16 0/0 et qu’il ne se vendait à Pans que 4 0/0. Des négociants n’achètent pas par cupidité pour 16 francs une marchandise qu’ils ne pourraient revendre que 4 livres 10 sols. Mais le fait est que la Caisse d’escompte donnait gratuitement et au pair pour ses billets, par le payement journalier qu’elle n’a pas cessé de faire en écus, cet argent qui lui revenait si cher; et que depuis le 18 décembre jusqu’au 15 de mai, elle a ainsi payé en écus 23,427,900 livres, qui sont à déduire sur les 40,750,000 livres , qu’elle a eus ou achetés, et dont un peu plus de 6 millions sont encore en dépôt à la banque d’Amsterdam. Vous aviez, Messieurs, autorisé la Caisse d’escompte à tenir en émission jusqu’à 206 millions de billets, savoir : les 170 millions prêtés à la nation, dont 90 avec votre autorisation subséquente, et 80 en sus par vos ordres spéciaux ; à quoi vous trouviez convenable d’ajouter les 40 millions qui servent à l’escompte et forment le véritable fonds commercial de cette banque. Les actionnaires ont craint qu’une telle somme