44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mités à ses mandataires, s’en rapportant à leur prudence. [Sur l’observation faite à Chabot que le 10 août, le trône fut renversé et qu’aucun patriote ne devoit désirer le rétablissement de la royauté, il a répondu qu’il s’étoit appuyé sur le serment fait par l’Assemblée législative, le 17 juillet 1792, de ne reconnoître jamais de République. Il croyoit alors que la France étoit trop vaste et trop populeuse pour qu’elle pût avoir un gouvernement républicain. Le rapporteur dit que les renseignemens pris par le comité, sur la conduite de Chabot, pos-térieusement à l’établissement de la République, lui sont tous favorables; qu’il a donné des preuves de son zèle pour le succès du gouvernement républicain, qu’il a combattu le fédéralisme et s’est montré, dans ses actions et ses écrits comme un sincère ami de la révolution. Il ne croit pas qu’on puisse lui faire un crime d’une opinion qu’il a émise avant l’établissement de la République, puisque depuis il s’est bien conduit dans toutes les fonctions publiques qui lui ont été confiées. Il propose en conséquence de l’admettre comme représentant du peuple. LEJEUNE : Il est constant d’après l’arrêté signé par Chabot et contenu dans le procès-verbal de l’assemblée primaire de Montluçon, en date du 26 août 1792, que cet individu étoit fanatique de royauté. Quiconque n’avoit pas une opinion formée après le 10 août, n’est pas digne de siéger parmi les fondateurs de la République. Je demande l’ordre du jour sur le projet qui vous est présenté.] (117) [Un membre] : Sans doute ce ne peut être sur le contenu de ce procès-verbal qu’il faut juger la moralité du suppléant Chabot; mais citoyens, c’est à l’assemblée électorale de son département que cet homme a développé ses principes personnels, et je vous déclare qu’ils étaient dignes du mandat que vous venez d’entendre. Je demande donc la question préalable sur le projet de décret et l’impression du rapport. THIBAULT demande la parole pour combattre la dernière proposition. ROMME : Citoyens, pour l’honneur des principes, je demande que cette discussion ne se prolonge pas davantage ; elle est insultante pour la souveraineté du peuple. Nous en avons assez entendu, je pense, pour ne pas souffrir que Chabot siège au milieu de nous; je demande aussi la question préalable sur le projet de décret et l’improbation du comité. (Non, non ! s’écrient plusieurs membres.) Je demande aussi que tout ce qui a été dit dans cette discussion soit imprimé, que le décret d’improbation soit imprimé à la suite du rap-(117) J. Perlet, n° 761. port, et que le comité de Sûreté générale soit chargé d’examiner la conduite de Chabot. La discussion est fermée. THURIOT propose cette rédaction : « La Convention nationale décrète que le suppléant Chabot, du département de l’Ailier, ne sera point admis dans son sein. » La Convention se lève toute entière. Le décret est adopté à l’unanimité. (On applaudit.) (118) 35 La Convention nationale [suivant CLAU-ZEL, parlant au nom du comité de Sûreté générale] rapporte le décret rendu dans la séance d’hier, portant une prorogation du congé accordé au représentant du peuple Dartigoeyte et décrète qu’il se rendra sur le champ à son poste (119). CLAUZEL (120) : Vous avez déclaré qu’aucun représentant du peuple ne pourroit rester plus de trois mois en mission dans les dépar-temens. Votre comité de Sûreté générale vous propose en conséquence de rapporter le décret par lequel vous avez accordé hier une prolongation à notre collègue Dartigoeyte et de décréter qu’il se rendra sur le champ dans l’Assemblée. [La même mesure est proposée à l’égard de Dherbez-Latour.] (121) [LE CARPENTIER observe que Dartigoeyte est malade.] (122) CHAUDRON-ROUSSAU dit que cette prolongation lui a été accordé pour cause de maladie et qu’il ne voit pas pourquoi on le rappeleroit puisqu’il n’exerce aucune mission. [Plusieurs membres demandent le motif de ce rappel. MERLIN (de Thionville) répond que Dartigoeyte qui avoit demandé un congé pour aller prendre les eaux de Castéra-Verduzan, n’y a pas été : il ajoute qu’étant parfaitement rétabli, il doit revenir prendre son poste à la Convention.] (123) (118) Moniteur, XXII, 343-344. Débats, n° 761, 478-479; J. Mont., n° 11; Rép., n° 34; J. Perlet, n° 761; Ann. R. F., n° 33 ; Ann. Patr., n° 662 ; C. Eg., n° 797 ; J. Fr., n° 759 ; Mess. Soir, n° 797; M.U., XLV, 56; Gazette Fr., n° 1026; J. IJniv., n° 1793; F de la Républ., n° 34; J. Paris, n° 34. (119) P.-V., XL VIII, 38-39. C 322, pl. 1363, p. 50, minute de la main de Clauzel, rapporteur selon C* II 21, p. 16. (120) J. Perlet, n° 761. J. Mont., n° 11; Débats, n° 761, 479 ; Moniteur, XXII, 344 ; Rép., n° 34. Ann. R.F., n° 33 ; Ann. Patr., n° 662 ; C. Eg., n° 797 ; J. Fr., n° 759 ; Mess. Soir, n° 797 ; M.U., XLV, 56-57; Gazette Fr., n° 1026; F. de la Républ., n° 34; J. Paris, n° 34. (121) M.U., XLV, 56. J. Fr., n° 759 ; F. de la Réppbl., n° 34 ; Gazette Fr., n° 1026. (122) Ann. R.F., n° 33. Gazette Fr., n° 1026; Mess. Soir, n° 797. (123) J. Mont., n° 11. SÉANCE DU 3 BRUMAIKE AN III (24 OCTOBRE 1794) - N° 36 45 MONTAUT : Dartigoeyte se rendant aux eaux de Castéra-Verduzan a appris qu’il n’y avoit là que des aristocrates qui se ruinoient au jeu ; il n’a pas voulu faire société avec eux et il est resté une quinzaine de jours dans le chef-lieu du district d’où il a écrit à l’agent national pour l’inviter de remettre ces messieurs au pas. Je crois que ce n’est pas une raison suffisante pour le rappeler. GOUPILLE AU (de Fontenay) : Le comité de Sûreté générale est convaincu que Dartigoeyte qui n’est revêtu d’aucun pouvoir ne laisse pas de diriger bien des opérations et d’exercer une influence fâcheuse dans ce pays. C’est pour l’honneur de la Convention et des principes qu’il vous propose de le rappeler. [La Convention décrète que le représentant du peuple Dartigoeyte se rendra dans son sein, dans le plus court délai.] (124) [Un membre demande que la même mesure soit prise à l’égard d’Albitte. CLAUZEL répond qu’Albitte est employé par le comité de Salut public aux armées et que cet objet n’est point du ressort du comité de Sûreté générale.] (125) 36 CHAUDRON-ROUSSAU (126) : Je demande que les députés qui depuis plus de trois mois sont en mission dans les départements soient rappelés dans le sein de la Convention. PELET : Je demande que le comité de Législation présente une loi contre les députés qui, sans avoir une mission de la Convention, remplissent dans les départements des fonctions publiques. TALLIEN : L’objet dont on vous entretient mérite d’être discuté solennellement, car nous ne pouvons nous dissimuler qu’il est certains hommes qui cherchent à se perpétuer dans l’exercice du pouvoir, et, accoutumés depuis vingt mois à exercer une dictature dans les départements, ils trouvent difficile de redevenir simples représentants dans le sein de la Convention. {On applaudit.) Il est temps de rappeler l’égalité dans nos coeurs, et de prendre des mesures telles qu’ils ne puissent se soustraire à l’exécution de la loi ; mais il est un objet non moins essentiel et sur lequel j’appelle également votre sollicitude ; le voici : Les lois que vous faites ici doivent être également exécutées dans toute la République ; (124) J. Mont., n° 11. (125) M. U., XLV, 57. (126) Moniteur, XXII, 344. Débats, n” 761, 479-480; J. Mont., n° 11; Rép., n° 34; Ann. R.F., n° 33; Ann. Patr., n° 662 ; C. Eg., n° 797 ; J. Perlet, n° 761 ; J. Fr., n° 759 ; Mess. Soir, n° 797 ; M. U., XLV, 57 ; Gazette Fr., n° 1026 ; J. Univ., n° 1793; F. de la Républ., n° 34; J. Paris, n° 34. cependant telle est la dictature partielle qu’exercent quelques hommes, que l’exécution en est suspendue dans différents départements, pour substituer des arrêtés contraires [murmures] (127). Je le sais; les représentants du peuple envoyés dans les départements y ont rendu d’importants services [On applaudit] (128); mais quelques uns n’ont-ils pas entravé la marche du gouvernement? L’ancien comité de Salut public, instruit des faits, devait vous proposer ses vues à cet égard, et Collot d’Herbois, je crois, était chargé du rapport. Je demande que les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, examinent s’il ne serait pas prudent de réserver l’envoi de commissaires dans l’intérieur pour les grandes circonstances. Je ne parle pas de ceux en mission auprès des armées, l’expérience a prouvé combien ils ont été utiles. [Mais dans les dépar-temens où ils se succèdent avec des principes et une législation souvent différens, de manière que les citoyens ne savent sur quoi compter, je pense qu’il est possible, nécessaire même, de les restreindre, comme je l’ai dit aux grandes circonstances.] (129) {On applaudit.) Citoyens, tous les Français sont égaux à vos yeux; il faut que la législation soit égale pour tous ; d’ailleurs ne devez-vous pas craindre d’atténuer l’effet révolutionnaire des missions dans les départements en les multipliant? J’appelle encore sur ce point l’attention de la Convention nationale. La représentation doit être une et non disséminée. C’est à la volonté générale que les citoyens doivent obéir, et non à des volontés particulières. Le peuple est las du joug sous lequel des individus l’ont fait ployer. Ici, citoyens, je vous répéterai ce que je vous disais dans la précédente séance : en révolution, il ne faut jamais regarder derrière soi, mais devant soi. Que l’exemple du passé nous serve pour l’avenir; faisons ici des lois sages, que les vengeances particulières cessent. Faisons aimer les vertus et la justice, et que les Français jouissent enfin du fruit de leurs sacrifices. [On applaudit] (130). Je demande que la Convention nationale décrète que les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, lui présenteront incessamment un projet de loi : 1° sur la peine à infliger à ceux des représentants du peuple qui, après le terme de leurs missions expiré, exerceront encore des actes d’autorité; 2° sur les moyens de donner de l’uniformité aux opérations des représentants du peuple envoyés dans les départements et de réprimer les abus qui peuvent résulter de l’exercice des pouvoirs illimités qui leur sont conférés. 3° de déterminer les circonstances dans lesquelles il conviendra désormais d’employer ce grand moyen de salut public. [Applaudi] (131) [BASSAL : J’appuye cette motion et je me fonde sur les mêmes principes. Je demande que (127) Débats, n° 761, 479. (128) Débats, n° 761, 479. (129) Débats, n° 761, 480. (130) Débats, n° 761, 480. (131) Débats, n° 761, 480.