314 (Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |23 avril 1791.] (Cette lettre est fréquemment interrompue par les plusvifs applaudissements et par les acclamations répétées de : Vive le roi >) M. Alexandre de Lauieth. Dans la circonstance importante, grave, solennelle, où nous nous trouvons en ce moment, lorsqu’un mouvement produit par l’esprit public a peut-être donné à quelques hommes, en leur faisant espérer l’affaiblissement de la force publique, l’idée de faire rétrograder la Révolution et de ramener plus ou moins l’ancien ordre de choses, lorsque d’autres au contraire, livrés à une exaltation dangereuse, ont pu entrevoir la possibilité de changer la direction des esprits et d’altérer la forme du gouvernement déterminée par les décrets de l’Assemblée nationale; dans une pareille situation, la lettre du roi n’est pas seulement un témoignage de son attachement à la Constitution, elle est� encore un moyen puissant de favoriser l’achèvement de la Constitution, de tout maintenir dams la li gne que vos décrets ont tracée. ( Applaudissements .) Elle est un moyen d’assurer notre bonheur et notre liberté en les fondant sur un gouvernement solide et stable (Applaudissements) ; et comme je pense que l’Assemblée nationale regardera cette démarche du roi comme essentiellement importante, elle voudra consacrer cette déclaration de ses sentiments, non seulement aux yeux de la nation, mais de l’Europe, de l’univers entier, de la manière la plus solennelle. Je propose donc qu’il soit envoyé au roi une députation pour lui porter l’expression des sentiments qu’a éprouvés l’Assemblée nationale en entendant la lecture de sa lettre. ( Applaudissements prolongés à gauche et dans les tribunes.) M. Gaultler-Biauzat. En appuyant la motion du préopinant, je crois qu’il convient d’abord qu’au lieu d’une députation, toute l’Assemblée se rende en corps chez le roi. Voix diverses : Oui! oui! Non! non! M. Gaulticr-Biauzat. J’ajoute que l’Assemblée nationale doit décréter l’envoi de cette lettre aux 83 départements, avec recommandation de la faire lire au prône, de se faire assurer de l’exécution du décret, et d’en certifier l’Assemblée nationale. M. Gonpil-Préfeln. Ce jour mémorable ne sortira jamais de notre mémoire. Je demande que M. le Président se retire devers le roi, pour savoir de Sa Majesté le jour et l’heure auxquels il lui plaira de recevoir l’hommage de l’Assemblée. Plusieurs membres : Tout de suite. M. Barrère. En adoptant la motion de M. de Lameth, je n’adopte point l’extension qui y a été donnée par les préopinants. C'est une députation que vous devez envoyer vers le roi. L’Assemblée, composée des représentants de la nation, doit manifester au roi toute l’etïusion du sentiment qu’elleéprouve en ce moment; mais elle se doit au peuple, elle se doit au roi. ensuite elle doit savoir ce qu’ci le doit à cette même nation, et ne pas bouger. [Applaudissements.) Elle remplira donc le double devoir qui lui est impérieusement commandé, celui que lui dicte son cœur et celui que lui impose la functio > dont elle est revêtue. Je crois et j’en demande pardon à M. le Président, je crois que dans ce moment-ci il est de notre devoir, pour la première fois, de prescrire à M. le Président qui doit essentiellement être à la tête de la députation, de lui prescrire, dis-je, ce qu’il doit dire au roi eu votre nom. Le roi vient de nous dire qu’il ne pouvait avoir de bonheur que celui de voir son peuple heureux. Eh bien! dites donc au roi que vous venez lui garantir son bonheur parce que vous venez lui garantir celui du peuple, parce que vous venez l’assurer que si l’Assemblée nationale n’est pas entière auprès de lui, c’estque ce qui en reste est entièrement livré à donner à la loi toute la force possible pour que ce même peuple, ne connaissant désormais que la loi, soumis enfin entièrement à la loi, sache quel est l’hommage qu’il convient de lui rendre. ( Applaudissements .) M. Bobespicrrc. Je vous propose de rendre au roi un antre hommage, qui soit tout à la fois plus noble et plus digne de l’Assemblée nationale et de la circonstance dans laquelle elle se trouve placée ; je trouve dans la lettre du roi même le caractère que doit prend! e l’hommage que nous avons à lui rendre. Le roi reconnaît la souveraineté de la nation, il reconnaît la dignité de ses représentants ; il n’y a pas un mot de la lettre qui vous a été lue qui ne soit puisé dans ce principe et dans ce sentiment. Le roi verrait donc avec douleur que l’Assemblée nationale, se déplaçant tout entière, montrât qu’elle a oublié sa dignité. (J lu r mures prolongés.) D’un autre côté je ne m’éloignerai pas de la motion de M. de Lameth. Je me bornerai seulement à y faire une modification qui la rende digne de l’Assemblée et du roi. M. de Lameth propose de remercier le roi des sentiments patriotiques qu’il manifeste dans sa lettre ; et moi, je i rois que cela ne suffit fias. Ce n’est pas dans ce moment-ci seulement que l’Assemblée nationale doit croire au patriotisme du roi : elle doit croire que dès le commencement de la Révolution, comme le roi l’a dit dans sa lettre, il a été in-violablement attaché aux principes d 1 la Révolution et de la liberté, et qu’il ne veut point avoir d’autre bonheur que celui du peuple. 11 ne faut point le remercier, mais le féliciter d’avoir toujours eu des sentiments si patriotiques, si dignes d’elle et de la nation française. (Murmures.) Je demande en conséquence qu’il soit envoyé une députation au roi pour le féliciter du parlait accord de ses sentiments avec ceux de la nation française. Celte dernière idée me paraît la plus conforme à la dignité de l’Assemblée nationale, et à la circonstance qui détermine la démarche qu’elle va faire. M. Alexandre de Lameth. Je irai point proposé de remercie:' le roi, mais de lui exprimer les sentiments de l’Assemblée. On v ajoute la demande de l’impression et de Renvoi de la lettre aux départements. J’adopte également cette proposition. Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. de Lameth. (L’Assemblée décrète au milieu des applaudissements de toutes les tribunes qu’une députation d 1 soixante membres se retirera à neul heures par-devers le roi pour lui porter l’ex, session des sentiments de l’Assemblée, et que la lettre de M. de Montmorin sera imprimée, insérée dans le procès-verbal, et envoyée à tous les departements [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |23 avril 1791.) du royaume, et que lecture eu sera faite par les curés, dans toutes les églises paroissiales, à l’issue de la messe du prône.) La plus grande partie du côté droit ne prend pas parta la délibération. M. l’abbéColauddeLaSalcette. Jedemantle que ceux qui n’ont pas pris part à la délibération ne puissent pas être de la députation. M. d’Aremberg de La Marck. Je pense qu’il serait très à propos de faire adresser par le ministre de la guerre, à chaque régiment de l’armée, la même lettre que vous faites envoyer aux départements. M. Prieur. Je demande la même chose pour le ministre de la marine. M. Gaulticr-Biauzat. L’amendement que je propose à cette motion est fondé sur le reproche qui a été fait quelquefois que l’on ne communiquait pas aux soldats ce qui était envoyé aux chefs. Je demande qu’il soit décrété qu’il en sera fait lecture à la tête de chaque corps. M. Moreau. Il est inconstitutionnel de faire de l’armée un corps séparé; ce n’est point un corps délibérant. Elle connaîtra la lettre du roi comme tous les autres citoyens. M. Dubois-Crancé. J’appuie la motion de M. d’Aremberg : l’intention au roi est bien manifeste ; il ne peut y avoir que d’exécrables citoyens qui puissent aujourd’hui douter que la Constitution française fera le bonheur du roi et celui du peuple. �Messieurs, l’exemple du régiment de Beauvoisis est malheureusement trop fâcheux, et peut avoir une grande influence sur l’opinion d’un grand nombre d’officiers qui n’ont pas cru jusqu’à présent manquer à leur conscience et manquer à leur roi, en résistant aux vrais principes de la Constitution française. Je demande donc que le ministre, non seulement fasse passer à l'armée la lettre du roi, telle qu’elle doit être envoyée dans toutes les cours étrangères ; mais elle doit encore être plus authentiquement manifestée à tous les corps quelconques' de la France, particulièrementaux corps armés qui feront cesser à l’instant toutes les inquiétudes du peuple, et ramèneront la paix au cœur du roi. ( Applaudissements .) Je demande que tous les officiers et tous les soldats de l’armée témoignent leur adhésion complète à la Constitution, et envoient leur acte d’adhésion. (Murmures .) (L’Assemblée ferme la discussion et décrète que la lettre de M. de Montmorin sera envoyée à tous les corps d’armée de terre et de mer pour être lue à la tête de chaque corps.) Un membre : Messieurs, voici ma proposition. C’est de faire comprendre les colonies dans le décret que vous voulez rendre. (Cette motion est décrétée.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre par laquelle le roi ordonne aux ambassadeurs dans les cours étrangères, de notifier aux puissances, près desquelles ils résident, la Constitution décrétée par les représentants de la nation française et acceptée par lui, et dans laquelle lettre le roi rappelle les senti-315 ments qu’il n’a jamais cessé de manifester pour la Constitution qu’il a solennellement juré de maintenir, a arrêté : « 1° Qu’il serait nommé une députation pour porter au roi l’expression des sentiments de l’Assemblée ; « 2° Que cette lettre serait insérée dans le procès-verbal, qu’elle serait imprimée et envoyée dans tous les départements du royaume; « 3° Que la lecture en serait faite par les curés dans toutes les églises paroissiales, à l’issue de la messe du prône; « 4° Elle charge le ministre de la guerre de l’envoyer à tous les corps d’armée de terre et de mer, ainsi qu’aux colonies, pour être lue et publiée à la tête de chaque corps. » Un de MM. les secrétaires : Voici les noms des membres de l’Assemblée composant la députation qui doit se readre auprès du roi : Ce sont MM. M. Emmery, ex-président , le remplace. (La députation quitte la salle des séances.) M. le Président. L’ordre du jour est un rapport des comités féodal, des domaines et d'agriculture et de commerce, sur le cours des fleuves et rivières, les lies et alluvions, et la pêche. M. Arnoult, au nom des comités féodal , des domaines d'agriculture et de commerce (1). Messieurs tous les anciens peuples avaient respecté la liberté de l’air et des eaux ; aucun n’avait imaginé que ce qui est nécessaire à tous pût devenir la propriété d’un seul. 11 était réservé à la féodalité de briser ce premier lien des communions sociales : est-il éton-(1) Co document n’est pas inséré au Moniteur.