[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAI RES. [i« juin 1791.) 685 qu’ont fait valoir, pour les circonstances actuelles, les adversaires de ce projet. Plusieurs membres : Il ne s’agit pas de cela ! M. Merlin. Voici mon projet : « Les législatures statueront, ainsi qu’elles jugeront convenable, sur l’abolition ou la conservation de la peine de mort... » (Murmures.) Un membre : Il est inutile de le dire ; c ia va de droit ! Ce n’est ici qu'un acte de législation et non pas de constitution. M. Merlin, continuant la lecture: «... et jusque-là cette peine ne pourra être prononcée que contre les criminels de lèse-nation, les assassins, les empoisonneurs, les incendiaires et les contre facteurs des espèces ou obligations monétaires de l’Etat. » M. Bouche. Jamais question ne fut plus facile à poser que celle-ci. Si l’Assemblée nationale juge à propos de conserver la peine de mort, elle déduira tous les cas où elle voudra la conserver, de manière que, dans ce moment-ci, il n’y a qu’à poser la question dans les termes suivants : « La peine de mort sera-t-elle abolie ou non?» | M. Le Pellelier-Saint-JFargeau, rapporteur. Il me semble, Messieurs, que l’on a compliqué la question en y joignant plusieurs autres questions acces-oires qui ne devraient pas y être jointes dans ce moment-ci, et qui ne sont que secondaires. Voici les questions accessoires soulevées par le projet de M. Merlin : d'abord la conservation de la peine de mort sera-t-elle décrétée comme article constitutionnel ? ( Non ! non !) Après cela vient une autre question fort complexe qui est la suivante: Dans quel cas la peine de mort sera-t-elle encourue? Car si la peine de mort est conservée, cela concerne le code pénal. Enfin une troisième quesiion est celle-ci. La peine de mort sera-t-elle réduite à la simple privation de la vie? Or, je pense que ce n’est pas encore le moment de nous occuper de tous ces objets; et je crois que la seule manière de poser la question, le seul moyen de la dégager des questions incidentes dont la discussion l’a embarrassée, est de consulter 1 Assemblée sur ce point : « La peine de mort sera-t-elle abolie ou non? » M. Merlin. Je demande qu’on ajoute : « Quant à présent. » (L'Assemblée, consultée, décrète que la peine de mort ne sera pas abolie.) M. Fe Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je propose de décréter que la peine de mort seia réduite à la simple privation de la vie, sans tortures. M. Carat, aîné. Je vote, moi, Messieurs, pour que la peine de mort soit réduite à la simple privation de la vie; mais j’ai une exception à proposer et j’en frémis d’avance : c’est celle du parricide. Je sais que Solon honora l’humanité par un mot célèbre et je voudrais être dans les temps heureux de ce peuple dont le code pénal se taisait sur ce monstrueux crime, parce qu’il ne lui paraissait pas concevable. Mais pour nous, nous en avons été avertis par trop d’exemples pour que nous puissions garder cet honorable silence. Gardons-nous de croire à cette pureté de mœurs; gardons-nous de croire surtout à la piété de ce peuple que nous avons vu s’émouvoir dans les derniers temps, à Versailles, pour arracher au supplice un criminel qui avait commis un crime affreux de parricide : je frémis, Messieurs, de le rappeler. Je souffrirais encore, Messieurs, si la main impie qui aurait tranché les jours à l’auteur des siens lui restait encore et n’était punie du dernier supplice! Voilà, donc, Messieurs, la simple mutilation à laquelle je conclus contre le parricide. (Murmures et applaudissements.) M. Barrère (1). Ce n’est pas dans un moment d’orage que l’on doit juger l’événement de Versailles et je propose de ne pas déshonorer notre législature. (A droite : Allons donc!) Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Garat. Messieurs, si nous n’étions pas dans des circonstances orageuses; si la commotion donnée aux esprits par une grande et étonnante Révolution ne devait pas durer quelque temps; si les vices nombreux que les gouvernements absolus prodiguent à l’espèce humaine pouvaient disparaître à la voix du législateur ; si enfin la mendicité, cette lèpre des gouvernements, pouvait être facilement extirpée, je m’affligerais, avec tous les amis de l’humanité, de voir depuis deux jours cette lutte entre les droits de l’hu manité et la tyrannie de l’habitude, entre le philosophes et les criminalistes. Mais l’histoire de tous les peuples, celle mê me des législateurs les plus célèbres, nous pro uve que les lois criminelles n’ont pas été perfectionnées tout à coup. Les connaissances que les peuples ont acquises, et qu’ils acquerront sur les règles les plus sûres que l'on puisse tenir dans la législation pénale, les progrès de l’art social amèneront nécessairement des lois douces. G’est le plus beau triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du délit. G’est aussi le triomphe de la raison du législateur, lorsqu’il applique les lois suivant les besoins des peuples, et selon le degré de perfection qu’ils peuvent supporter. 11 n’est personne qui ne déteste (es lois par lesquelles l’homme est obligé de faire violence à l'homme. Il n’est pas de législateur qui ne désire, dans le fond de son âme, d’abolir, s’il est possible, la peine de mort. Il n’est pas d’homme destiné à voter dans la législation, qui ne sache que la sévérité des peines convient mieux au gouvernement despotique, dont le principe est la terreur, qu’à la monarchie ou la république, gouvernées par les lois et par la vertu. On n’a cessé de vous répéter ces vérités de tous les temps, que l’amour de la patrie, la honte et la crainte du blâme sont des motifs réprimants, qui peuvent arrêter les plus grands crimes. Vous savez que les peines doivent diminuer à mesure que l’on s’approche de la liberté; et l’expérience prouve que chez les peuples libres, où les peines sont douces, l’esprit du citoyen en est frappé, comme dans les autres gouverne-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de ce discours.