ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1789.] [Assemblée nationale.] l’a utorité civile pour une religion qui ne doit se maintenir que par la pureté de sa doctrine. Comment, en effet, veut-on la préserver des révolutions avec le secours de la force, cette doctrine qui nous commande d’aimer Dieu de tout notre cœur, d’aimernotre prochaincommenous-mêmes? Certainement les puissances de la terre n’ont rien de commun avec la religion ; le pouvoir légitime peut empêcher que l’on ne porte atteinte aux cultes, mais il ne peut déterminer la liberté des consciences. La liberté de la religion est un bien sacré qui appartient à tout citoyen. On ne peut employer l’autorité pour l’enlever, puisque Jésus-Christ et les apôtres ont recommandé la douceur. Respectons les cultes étrangers, pour que l’on respecte le nôtre. Nous ne pouvons pas professer d’autres sentiments; notre culte ne doit porter aucun empêchement à l’exercice des religions. M. le comte de Mirabeau. Je ne viens pas prêcher Ja tolérance. La liberté la plus illimitée de religion est âmes yeux un droit si sacré, que le mot tolérance, qui essaye de l’exprimer, me paraît en quelque sorte tyrannique lui-même, puisque l’existence de l’autorité qui a le pouvoir de tolérer attente à la liberté de penser, par cela même qu’elle tolère, et qu’ainsi elle pourrait ne pas tolérer. Mais je ne sais pourquoi l’on traite le fond d’une question dont le jour n’est point arrivé. Nous faisons une déclaration des droits; il est donc absolument nécessaire que la chose qu’on propose soit un droit; autrement on y ferait entrer tous les principes qu’on voudrait, et alors ce serait un recueil de principes. I! faut donc examiner si les articles proposés sont un droit. Certainement dans leur exposition ils n’en expriment pas; il faut donc les poser autrement. Mais il faut les insérer en forme de déclaration des droits, et alors il faut dire : le droit des hommes est de respecter la religion et de la maintenir. Mais il est évident que c’est un devoir et non pas un droit. Les hommes n’apportent pas le culte en société, il ne naît qu’en commun. C’est donc une institution purement sociale et conventionnelle. C’est donc un devoir. Mais ce devoir fait naître un droit, savoir : que nul ne peut être troublé dans sa religion. En effet, il y a toujours eu diverses religions. Pourquoi? Parce qu’il y a toujours eu diverses opinions religieuses. Mais la diversité des opinions résulte nécessairement de la diversité des esprits, et l’on ne peut empêcher cette diversité. Donc, cette diversité ne peut être attaquée. Mais alors le libre exercice d’un culte quelconque est un droit de chacun ; donc on doit respecter son droit; donc* on doit respecter son culte. Voilà le seul article qu’il soit nécessaire d’insérer dans la déclaration des droits sur cet objet. Et il doit y être inséré, car les facultés ne sont pas des droits. Mais l’homme a droit de les exercer, et l’on doit distinguer l’un de l’autre. Mais le droit est le résultat d’une convention, 1a convention consiste à exercer librement ses facultés; donc on peut et l’on doit rappeler dans une déclaration de droits l’exercice des facultés. Sans entrer en aucune manière dans� le fond de la question, je supplie ceux qui anticipent par m leurs craintes sur les désordres qui ravageront le royaume si l’on y introduit la liberté des cultes, de penser que la tolérance, pour me servir du mot consacré, n’a pas produit chez nos voisins des fruits empoisonnés, et que les protestants, inévitablement damnés dans l’autre monde, comme chacun sait, se sont très-passablement arrangés dans celui-ci, sans doute par une compensation due à la bonté de l’Etre suprême. Nous qui n’avons le droit de nous mêler que des choses de ce monde, nous pouvons donc per-mettre la liberté des cultes et dormir en paix. M. l’abbé d’Eymar. Je crois devoir réfuter M. de Mirabeau. La religion est un devoir pour l’homme ; mais c’est un droit qu’il a de l’exercer paisiblement. Je vous citerais l’histoire sacrée ; mais on la récuserait : it faut donc délibérer, il faut en faire mention dans la déclaration des droits. L’homme entre en société avec tous ses droits ; et sans contredit il avait celui-ci. L’on dira qu’il n’avait aucun culte, puisqu’il était seul ; mais il était au moins avec une compagne, et d’ailleurs je nie qu’il fût seul. Eu Angleterre, l’on ne reconnaît de culte public que la religion protestante. Je ne demande pas la proscription de toutes les religions ; moi-même j’ai prêché la tolérance plus d’une fois. Je demande que l’on divise les articles 16 et 18, et que l’on délibère. M. Camus appuie les raisons de M. le curé ; mais le trouble empêche la continuation de la délibération. L’Assemblée, par deux arrêtés consécutifs, la remet à demain dimanche, malgré les réclamations de M. le comte de Mirabeau qui craint les intrigues des intolérants. M. le Président a fait faire lecture d’une lettre qui lui avait été adressée par M. le directeur général des finances, et conçue en ces termes : « Versailles, le 22 août 1789. « Monsieur le Président, « Je compte être en état d’aller prendre des ordres du Roi demain ou après demain, et de demander à Sa Majesté la permission de me rendre mercredi prochain à l’Assemblée nationale, pour l’instruire de la situation de l’emprunt, et lui communiquer les idées que les circonstances peuvent exiger. Je crois que d’ici là toute discussion serait inutile, et pourrait avoir des inconvénients. Je soumets cependant ma réflexion à votre sagesse. « Je suis avec respect de Monsieur le Président le très-humble et très-obéissant serviteur. « Signé : NECKER « Un des membres de l'Assemblée a demandé aussitôt, au nom de ses commettants, que toute délibération sur l’emprunt fût remise à mercredi. La question préliminaire ayant été réclamée sur cette motion, l’Assemblée a décrété qu’il n’y avait lieu à délibérer quant à présent. La séance a été indiquée par M. le président pour six heures et demie du soir.