[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Î6 juillet 1790.] 351 citerai qu’un exemple. Je connais un officier général de la promotion de 84 qui a passé par tous les grades et qui a servi pendant 40 ans, avec la plus grande distinction; si je le nommais, vous verriez tous les militaires qui m’écoutent se lever our appuyer la motion que je fais en sa faveur. h bien! cet officier n’a pas fait la guerre. Est-ce la faute des officiers particuliers si le régiment dans lequel ils servent est jugé nécessaire ailleurs qu’à l’armée, ou si le colonel n’a pas assez de faveur pour faire employer son régiment? Je demande donc que les officiers généraux qui ont passé par tous les gardes jouissent d’une pension de 2,000 livres, quoiqu’ils n’aient pas fait deux campagnes, ou qu’ils soient traités commeiis l’auraient été dans les grades qu’ils occupaient avant d’être promusaugraded’officier général. En conséquence de ces quatre observations, je demande l’ajournement et une nouvelle rédaction. M. de Tous tain. Je pense, comme M.d’Elbhecq, qu’il faut retirer de l’article ces mots : seront regardés comme retirés ; et je demande que la pension des officiers généraux soit fondue dans leurs traitements. Je crois devoir me plaindre de l’injustice faite à un maréchal de camp, à moi, qui ai servi pendant 45 ans. J’ai vu donner la préférence à un sous-lieutenant qui avait servi sous mes ordres, lorsque j’étais colonel des carabiniers: il ne faut pas réduire les vieux militaires à une oisiveté qui fait leur tourment. Depuis que je suis maréchal de camp, les ministres m’ont fait éprouver mille injustices. MM. de Poix, de Gastries et d’Escars, tous jeunes officiers, m’ont été préférés. Je demande qu’on établisse des règles à cet égard. M. de Meuville. Il me semble qu’il est de la justice de donner un traitement aux officiers généraux, d’abord en cette qualité; en second lieu, un supplément, lorsqu’ils seronten activité; enfin, ud second supplément, lorsqu’ils seront à laguerre. Je demande donc qu’il ne leur soit pas donné de pensions, mais des traitements. M. deCnstine. Je réclame surtout la justice de l’Assemblée pour ceux qui ont particulièrement contribué à la gloire de nos armées, tels que MM. de Bouillé, de Rochambeau, etc. M.d’Ambly. Je pourraisdire que j’ai vu nombre d’officiers généraux arrivés au grade de maréchal de camp pour avoir servi pendant la paix, et avoir de grosses pensions, tandis que nous, qui étions à la guerre, rien. Je ne demande pas d’argent ; mais je demande la permission de demander au roi des honneurs, si vous voulez bien me le permettre. M. de Foucault. Les mots : seront regardés comme retirés ne tendent à rien moins qu’à faire oublier les anciens officiers généraux, pour faire mieux traiter les jeunes héros de l’Amérique. M. Dubois ( ci-devant de Crancé). Laisser aux officiers généraux retirés la faculté de rester en place, c’estarrêter la marche des grades de l’armée. M. de Toulon se-Lautrec. Il n’y a donc qu’à les jeter à la rivière 1 Tous les amendements, excepté celui de M. Toustain, sont rejetés, et l’article est décrété en ces termes : Art. 2. « Il sera rétabli une pension en faveur des officiers généraux qui, ayant fait deux campagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avaient précédemment obtenu une pension ; mais elle cessera d’être payée, s’ils rentrent en activité, en sorte que, conformément à l’agticle 10 des décrets du 16 de ce mois, il ne soit jamais payé au même officier, pension et traitement. « La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait. « Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres, pour l’officier général qui aura fait deux campagnes de guerre; elle croîtra de 500 livres, à raison de chaque campagne de guerre, au delà des deux premières ; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres, qui est le maximum fixé pour lespensions mentionnées au présent article.» M. le Président met aux voix les articles 3 et 4. Ils sont successivement adoptés ainsi qu’il suit : « Art. 3. Les officiers des troupes de ligne et les officiers de mer qui avaient servi pendant 20 années dans les troupes de ligne, ou sur mer, qui avaient fait deux campagnes de guerre ou deux expéditions de mer, dans quelque grade que ce soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec une pension, soit par une suite des réformes faites dans la guerre ou dans la marine, soit à une époque antérieure aux règlementsqui seront mentionnés en l’article suivant, jouiront d'une nouvelle pension créée en leur faveur, laquelle ne pourra excéder celle dont ils jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qu’il sera dit en l’article 7. » « Art. 4 Les personnes qui, n’étant dans l’un ni dans l’autre des cas prévus par les deux articles précédents, auront obtenu, avant le premier janvier 1790, une pension pour services rendus à l’Etat dans quelque département que ce soit, en conformité des ordonnances et règlements faits pour lesdits départements, jouiront d’une nouvelle pension rétablie en leur faveur, laquelle ne sera jamais au-dessus de celles dont elles jouissaient précédemment, mais pourra être au-dessous dans les cas prévus par l’article 7. *> M. Camus, rapporteur , donne une nouvelle lecture de l’article 5. M. d’Estourmel. Si vous adoptiez cet article tel qu’il est proposé, vous réduiriez à la misère les veuves des maréchaux de France, tels que les maréchaux de Muy et de Richelieu. La veuve de ce dernier, du vainqueur de Mahon, de cet homme qui a été si utile à Gênes, qui a vécu sous trois rois, et a été victime du despotisme ministériel, qui a rendu les plus grands services à l’Etat, se trouverait réduite à6,000 livres. . . (L'orateur est interrompu par des murmures.) Mmede Richelieu avait 20,000 livres sur le gouvernement de son mari par la suite de vos décrets; M. de Richelieu ne lui ayant laissé aucun douaire, elle se trouve, ainsi que Mmô de Muy, réduite à 2,000 écus. M. de Marinais. Je désirerais qu’on ajoutât, au commencement de l’article, ces mots : « Les veuves et les enfants de ceux qui ont été tués ». Dans la gendarmerie et dans toute la maison du roi, les officiers achetaient leurs emplois. A leur mort, cette finance était perdue pour leurs héritiers. La seul bataille de Minden fit rentrer 1,500,000 livres dans les coffres du roi. 11 serait convenable de dresser une liste des citoyens dont 352 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [26 juillet 1790. les pères ont été tués à la guerre, et de ceux qui, en perdant leur père, ont perdu des emplois qui faisaient toute leur fortune. On croirait peut-être que ces malheurs étaient un titre pour obtenir des grâces du roi. Pour en avqjr, il fallait être ou vil courtisan des ministres, ou protégé par eux. Mon père a été tué. Il avait une finance de 100,000 livres et j’ai été ruiné. Je sers depuis 16 ans : j’ai un emploi sans appointements; on m’a seulement accordé une pension de 800 livres. M. Canins. Il ne faut pas confondre les indemnités pour perte d’emploi; elles se trouveraient sujettes, ainsi que les pensions, au maximum , et cela ne serait pas juste. On peut commencer ainsi la rédaction de l’article : « Les veuves et enfants des officiers tués au service de l’Etat, les veuves et enfants qui ont obtenu en conformité des ordonnances, etc. » M. Dupont (de Nemours). Je partage certainement l’estime et les égards que l’Assemblée nationale témoigne pour les services militaires, mais je la supplierai d'observer qu’il y a des services civils d’un degré d’importance qui leur imprime une égale considération, et réclame, pour les veuves et les enfants de ceux qui les ont rendus, des récompenses à la fois honorables et utiles. Je vous citerai ceux d’un homme justement célèbre : M. Poivre, ancien intendant de l’Ile-de-France, qui a employé 40 ans de sa vie à quatre voyages infiniment périlleux dans l’archipel des Moluques, pour procurer à la nation la culture des épiceries fines, dont les Hollandais s’étaient exclusivement emparés, et qui a tellement réussi dans cette grande opération, que cette culture est actuellement en pleine vigueur à l’Ile-de-France, à l’IIe-de-Bourbon et à Cayenne, et ouvre pour la nation une source immense de richesses. M. Poivre n’était pas militaire; il a risqué sa vie, mais il n’a pas été tué ; il n’a perdu qu’un bras dans ses travaux. On a donné 1,000 écus de pension à la veuve, et 1,000 francs à chacune de ses deux filles. Ces pensions sont sujettes aux retenues actuellement établies. On dit que les services civils qui, selon les ordonnances et règlements, assuraient des récompenses aux veuves et aux enfants, conserveraient leur efficacité pour les pensions qui sont à recréer en faveur des titulaires actuels. Mais les ordonnances et règlements n’ont statué que sur les services ordinaires et médiocres, rendus sans reproche, un certain nombre d’années. Les ordonnances et les règlements n’ont pas prévu les grands hommes, et n’ont pas dû les révoir, car les grands hommes sont très rares. es ordonnances et règlements n’ont pu prévoir qu’un homme donnerait à son pays trois cultures nouvelles, de la plus grande importance, et qu’il doublerait la richesse de trois colonies ; qu’il le ferait avec une habileté et des dangers au-dessus de ce que l’on pouvait imaginer. Je demande donc que l’on ne borne pas les droits des veuves et des enfants, au titre que peut leur acquérir la mort de leurs maris et de leurs pères tués au service. Parce qu’un homme n’a pas eu le bonheur d’être tué, sa famille ne doit pas en pâtir, si véritablement ses services exigeaient degrandes vertus, et ont eu une grande utilité. Il y en a qui n’ont pas été tués, mais qui ont été grièvement blessés. 11 y en a qui n’ont pas été tués, mais qui se sont tués eux-mêmes de fatigues et de peines de toute espèce, et qui n’ont mené qu’une vie languissante, qui était un fardeau de plus. Je demande donc que les dispositions de l’article soient étendues aux veuves et aux enfants de tous ceux qui ont rendu des services très distingués. M.Fréteau présente une nouvelle rédaction de l’article : elle obtient la priorité et est décrétée ainsi qu’il suit : Art. 5 « Les veuves et enfants qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements, dans lesquels leurs maris ou leurs pères étaient attachés à un service public, et notamment les veuves et enfants d’officiers tués au service de l’Etat, jouiront de nouvelles pensions, rétablies en leur faveur, et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que les pensions desdites veuves et celles de tous leurs enfants réunies, n’excéderont pas la somme de 3,000 livres, qui sera le maximum des-dites pensions : les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d’une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur faveur. » M. le Président met aux voix l’article 6. Il est adopté dans la teneur suivante : Art. 6 « Les anciens règlements ayant, à différentes époques, soumis des pensions à des réductions, converti en rentes viagères des arrérages échus et non payés, suspendu jusqu’à la mort des pensionnaires, d’autres arrérages échus et non payés, il est déclaré : 1° que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n’excéderont pas le montant des pensions anciennes supprimées, s’entend du montant desdites pensions, déduction faite de toutes les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l’année 1789 : toute exception aux règlements qui établissaient lesdites réductions étant anéantis ; « 2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus, et non payées, continueront à être servies aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement, et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie ; « 3° Que les arrérages échus, non payés et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l’Etat, et payés comme tels, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu’à.ceux qui obtiendront une nouvelle pension. » M. Camus, rapporteur, relit l’article 7. M. Delley d’Agier. Le comité des pensions propose une échelle de proportion qui correspond parfaitement avec les égards dus à la vieillesse; mais je ne vois pas qu’il ait fixé le minimum. Les soins et les dépenses qu’exigent les infirmités d’un vieillard ne peuvent permettre d’en réduire une seule au-dessous de 3,000 livres. Je propose cet amendement : « Les pensionnaires actuels qui auront 75 ans, et dont les pensions s’élèvent au-dessus de 3,000 livres, ne pourront être réduits au-dessous de cette somme. » (L’amendement est adopté.) L’article est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous : Art. 7. « Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n’a pas été