12 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I fi novembre « L’aristocratie et le fanatisme coalisés, faisant leur dernier effort, ont réussi à égarer des pa¬ triotes trop crédules qui, profitant des circons¬ tances, m’ont dénoncé comme suspect et sans motif. « La Convention nationale a renvoyé cette dénonciation au comité de sûreté générale, dont j’attends le rapport depuis deux mois. « Mais je ne puis différer à saisir le moment heureux où la raison reprend ses droits et où la philosophie triomphe des superstitions, pour déclarer à la face de l’univers que je donne ma démission de la cure de Chantilly, que je renonce pour la vie à toutes les fonctions ecclésiastiques et à tout traitement et pension. « Mon épouse partage mes sentiments, et le peu que nous possédons ne servira désormais qu’à accélérer les progrès de la philosophie, et le plus prompt affermissement de la République, une et indivisible. Rouard, ci-devant curé de Chantilly, et aujour¬ d'hui républicain franc , membre du dépar¬ tement de VOise. 21 brumaire, l’an II de la République, fran¬ çaise une et indivisible. Guimberteau, représentant du peuple, écrit de Tours qu’il réussit parfaitement dans sa mission; que l’aristocratie, le fédéralisme, etc., expirent, et que les défenseurs de la patrie et les moyens de les employer sont immenses. Il annonce aussi qu’il fait passer à la Convention nationale un calice, sa patène et 2 burettes d’argent, ainsi que le titre d’une rente foncière, au principal de 3,000 livres, dont Bruley, ex-constituant, fait don à la patrie. La Convention décrète la mention honorable de ce don et l’insertion des lettres de Guimber¬ teau au « Bulletin » (1). Suit le texte de la lettre de Guimberteau, d'après un document des Archives nationales (2) : Jean Guimberteau, représentant du peuple, investi de pouvoirs illimités par la Convention nationale, dans les départements d'Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, à la Convention nationale. Tours, le 17 brumaire de l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Citoyen Président, « Je fais passer à la Convention un calice, sa patène et deux burettes d’argent et les titres de propriété d’une rente foncière au principal de 3.000 livres. « Le citoyen Bruley, ex-constituant, et mem¬ bre de la. Sooiété populaire de Tours, en fait don à la nation, ainsi que des arrérages de la rente qui lui était due par la République. ! « Le citoyen Bruley va remettre en outre au département la plaque d’airain qui devait trans¬ mettre à la postérité cette pieuse fondation, des (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 148. (2) Archives nationales, carton C 278, dossier 740. Cette lettre ne figure pas dans le Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public de M. Aulard. flambeaux de cuivre fort pesants, la croix ainsi que d'autres décorations de la chapelle; la nation y gagnera, dit-il, des matières précieuses pour la guerre, et de son côté il acquerra l’usage d’une chambre qui lui a été inutile jusqu’à ce jour, de sorte que la superstition fera seule les frais de ce double bénéfice. « Cet acte de civisme prouve que les Jacobins actuels valent bien les anciens. De nouveaux dons patriotiques vont suivre celui que je vous adresse; et je me confirme de jour en jour dans une opinion favorable sur le bon esprit de la Société populaire de Tours qui, jusqu’à ce jour, a applaudi à toutes les mesures révolutionnaires décrétées par la Convention, et qui ne cesse de surveiller les malveillants, les aristocrates de toutes les couleurs et notamment les agents de la République dans l’armée de l’Ouest. « Je n’ai pas entendu parler de l’envoi que je vous avais fait de Blois des vases ci-devant sacrés de la commune des Landes, je joins ici copie de la letre qui accompagnait cet envoi. (1) « Il s’était formé ici un prétendu comité révo¬ lutionnaire qui s’arrogeait les pouvoirs législatifs et administratifs, et qui, en rivalisant d’autorité avec moi, entravait toutes mes mesures. J’ai destitué ce comité, j’en ai remplacé les membres par des sans culottes choisis par le peuple, et j’ai fait passer au comité de Salut public toutes les pièces ; mais comme je me disposais à faire met¬ tre en arrestation le citoyen Senard, procureur de la commune de Tours et président de ce co¬ mité, j’ai appris que, démasqué de toutes parts par les sans culottes, désavoué par écrit, de ses collègues, cet intrigant, patriote de six mois, s’était évadé : on dit qu’il est à Paris. Je l’ai recommandé au comité de surveillance et de sûreté générale de la Convention nationale. « Je déjoue ici l’accaparement, l’égoïsme, l’in¬ trigue et le modérantisme : ils seront frappés comme les fédéralistes, les aristocrates et les traî¬ tres de toutes les nuances, j’en jure par la Mon¬ tagne et j’applaudis bien sincèrement au grand acte de justice nationale qui a conduit les vingt - et un perfides à la guillotine. « Vive la République ! « Guimberteau. » Copie de la lettre du citoyen Guimberteau, représentant du peuple dans les départements d'Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, datée de Blois, 10e jour du 2e mois de l'an II de la République (2). « Les opérations de ma mission, relative à la levée des chevaux pour la cavalerie et l’ artillerie, s’avancent avec une rapidité bien satisfaisante pour tous les sans culottes. Le département du Loir-et-Cher s’est surtout distingué par sa célé¬ rité. .J’ai parcouru les cinq départements de ma division, j’ai écrit de chaque chef-lieu au comité de Salut public pour l’instruire du zèle que j’ai trouvé partout pour l’exécution de la loi. Par¬ tout aussi, j’ai trouvé l’esprit du peuple excellent et ça va. Je retourne aujourd’hui à Tours pour recevoir les chevaux qui doivent y arriver de¬ main, et faire toutes les dispositions nécessaires. « J’ai commencé hier, à Blois, l’épuration révo-(1) Nous avons inséré cette lettre dans la séancê du 14 brumaire (voy. Archives parlementaires , lr* série, tome 78, page 268). (2) Bulletin de la Convention du 1er jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II de la République (lundi 11 novembre 1793). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j brumaire an 11 13 1 1 - (11 novembre 1793 lutionnaire. Les sans culottes se sont rassemblés dans l’église cathédrale. Ils ont prononcé, par mon organe, la destitution d’une municipalité aristocrate, et l’ont remplacée sur-le-champ par une municipalité patriote. J’ai fait incarcérer quatre membres de l’ancienne; neuf ont été taxés ,révolutionnairement à 54,200 livres. Des ordres sont donnés pour en commencer la distribution aux parents pauvres des défenseurs de la liberté. Le comité, composé de montagnards, fait main basse sur les aristocrates, sur les accapareurs et sur tous les ennemis de la République. Les offi¬ ciers municipaux ont déposé sur mon bureau deux calices, un ciboire, et une boîte aux huiles ci-devant saintes. « J’en joins ici le bordereau. Partout le fana¬ tisme fait des pertes proportionnées aux progrès de l’esprit républicain. Mon activité, mon cou¬ rage seront toujours au niveau des circonstances et n’auront d’autres bornes que celles de mes forces et de ma vie. « Je fais passer un calice, sa patène, deux bu¬ rettes d’argent, et les titres de propriété d’une rente foncière au principal de 3,000 livres, du citoyen Bruley, ex-constituant et membre de la Société populaire de Tours, qui en fait don à la nation, ainsi que des avantages de la rente qui lui était due par la République. Cet acte de ci¬ visme prouve que les Jacobins actuels valent bien les anciens. De nouveaux dons patriotiques vont suivre celui que je vous adresse. « Signé : Guimberteau. » Fridéric, curé du chef-lieu du canton d’Issi, [d’Isst] renonce à sa cure et aux fonctions de prêtre. L’Assemblée décrète l’insertion de sa lettre au « Bulletin » et la mention honorable (1). Suit la lettre de Fridéric (2) : « Citoyens représentants du peuple, « Qu’il me soit permis de profiter de votre présence pour vous prier de recevoir le renoneé-ment entier aux fonctions du culte catholique, dont je suis le ministre. Tant que le sacerdoce a pu être utile au peuple pour lui procurer un appui et des consolations contre le despotisme, et pour le maintenir dans les principes d’une saine morale, je me suis cru obligé de lui en enseigner la pratique par mes actions et par mes discours. Mais aujourd’hui je crois devoir suivre les principes de la liberté et de l’égahté, qui sont les bases de notre République, je m’y soumets donc de cœur et d’esprit, et par ce don de mes lettres sacerdotales, je renonce entre vos mains à toutes les fonctions de mon ministère, en vous assurant du respect profond dont je suis pénétré pour tous les représentants du peu¬ ple. « Le citoyen Fridéric, vicaire de Vanves. » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Villers. Citoyens, nous vous aviez chargés, deux de mes collègues et moi, d’assister à la fête (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 148. (2) Archives nationales, carton F‘,J 879, dossier Fridéric. (3) Journal des Débals et des Décrets (brumaire an II, n° 419, p. 283). civique qui s’est célébrée hier à Issy, en l’hon¬ neur de Marat et Lepelletier. Nous voudrions pouvoir vous rendre les sentiments que nous a fait éprouver cette cérémonie touchante. C’est au village surtout qu’il faut être témoin de l’attachement du peuple pour ses vrais amis et pour les défenseurs de la liberté. Les bustes de Marat et de Lepelletier ont été portés en triomphe et déposés Sur un autel cham¬ pêtre. La garde nationale semblait brûler du désir de venger les martyrs de la liberté, et ne se consoler que parce que leur mort même concou¬ rait à affermir la Révolution. Des jeunes filles, qui nous ont paru plus belles, parce qu’elles sont plus près de la nature, embel¬ lissaient cette fête, où l’on entendait d’un côté des chants patriotiques et où l’on voyait de l’au¬ tre une gaîté naturelle animer des danses, Mais ce qui l’a rendue plus intéressante en¬ core, ce sont les déclarations qui nous ont été remises de la part de trois ministres du culte catholique de oe canton, du curé d’Issy, du curé et du vicaire de Vanves, par lesquelles ils renon¬ cent à leurs fonctions et à leur état de prêtre. Ces déclarations ont été reçues avec les applau¬ dissements et les acclamations de tous les ci¬ toyens et aux cris de Vive la République l Vive la Nature! Vive la Raison! Bientôt, citoyens, il n’y aura plus d’autre religion que la véritable, la pratique des vertus sociales. Ces détails sont fort applaudis ( 1 ). Latil (2), curé de Saint-Thomas-d’ Aquin de Paris, renonce à sa cure et aux fonctions de prêtre. L’Assemblée décrète l’insertion de sa lettre au « Bulletin ». Il est prisonnier à Bicêtre; sa lettre est renvoyée au comité de sûreté géné¬ rale (3). Compte rendu du Moniteur universel (4). Le curé de Saint-Thomas d’Aquin écrit de la maison d’arrêt de Bicêtre, salle Saint-Germain, qu’il renonce à son métier de prêtre, ainsi qu’au traitement dont il jouissait. L’Assemblée décrète mention honorable d’une adresse des administrateurs du département de la Haute-Marne, gans laquelle ils expriment le plus ardent républicanisme; elle sera insérée au « Bulletin » (5). Daumon [Grouassaud-Dorimond], ci-devant prêtre et vicaire épiscopal du département de l’Ain, renonce à tous ces titres imaginés par la sottise et l’intérêt; il n’est plus qu’homme et citoyen. L’Assemblée décrète l’insertion de sa lettre au « Bulletin » (8). (1) Le Mercure universel [22 brumaire an II (mardi 12 novembre 1793), p. 185, col. 1] mentionne également que le discours de Villers tut accueilli par des applaudissements. (2) D’après le Bulletin du 21 brumaire (second supplément), ce curé s’appellerait Hatyt. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 148. (4) Moniteur universel [n° 53 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 215, col. 2], (5) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 149 (6) Ibid.