ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2T juillet 1791.] 706 [Assemblée nationale.] résidence habituelle, le citoyen actif inscrit fera rayer son nom sur le registre de l’ancienne municipalité, s’inscrira sur celui de la nouvelle, et sera distribué dans une compagnie; faute de quoi il demeurera sujet au service ou au remplacement dans l’une et dans l’autre municipalité. » {Adopté.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre de la marine qui donne avis à l’Assemblée de la démission des commissaires civils nommés pour se rendre à Saint-Domingue en exécution de la loi du 11 février dernier. Cette lettre est ainsi conçue : « Paris, le 27 juillet 1791, « Monsieur le Président, « Je m’étais concerté avec le ministre de la justice pour accélérer les expéditions de la loi du 20 de ce mois, qui ordonne l’envoi au gouverneur de Saint-Domingue des instructions proposées par les comités réunis de la marine, des colonies, de Constitution, d’agriculture et de commerce. M. Duport m’en avait adressé hier des expéditions en forme de loi, et j’avais reçu en même temps de l’imprimerie royale les exemplaires préparés pour mon département. « Les commissaires civils, nommés par Sa Majesté, en exécution de la loi du 11 février, ont été avertis régulièrement de mes dispositions. Je les avais en dernier lieu prévenus de se disposer à partir ; ce matin même, les instructions devaient être lues en leur présence. Après tant de soins pour accélérer cette expédition, je comptais qu’ils auraient pris tout de suite la route de Brest, où j’avais adressé des ordres pour tenir prête la frégate qui devait les transporter. « Les choses étaient dans cet état, Monsieur le Président, lorsqu’hier à 9 heures du soir j’ai reçu des 3 commissaires une lettre contenant une démission, si je ne leur accorde pas un différé de quelque temps pour leur embarquement; mais, comme toutes choses sont terminées pour ce départ, et qu’on ne doit pas différer d’un instant l’exécution de ta loi, je dois accepter la démission de ces commissaires, et je vais m’occuper du choix de trois autres. « J’ai l’honneur, Monsieur le Président, etc... « Signé ; Thévenard. » M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre delà justice ainsi conçue : * Paris, le 27 juillet 1791. « Monsieur le Président. « J’ai l’honneur de vous adresser, en exécution du décret du 23 de ce mois, le compte rendu officiel de lamission de M.Duveyrier, qui n’estautre que le rapport de M.Duveyrier lui-même, tel que l 'Assemblée nationale l’a entendu de la bouche d’un bon citoyen, tel qu’il a été inséré dans son procès-verbal. « J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Président, etc. •C Signé : DEPORT. >■ M. Fréteau-Saint-Just. Je demande le renvoi de ce document au comité diplomatique qui est chargé de présenter à l’Assemblée un projet de décret relatif à lamission de M. Duvey-rier. (Ce renvoi est décrété.) M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 27 JUILLET 1791, AU MATIN. Opinion de M. Salie, député du département de la Meurt he à V Assemblée nationale , sur les bases de V organisation des gardes nationales (1). Messieurs, Nous voici enfin arrivés à cette grande partie de notre travail depuis si longtemps désirée des bons citoyens, l’organisation des gardes nationales. Nos ajournements, trop nombreux peut-être sur cette importante matière, ont au moins cet avantage qu’ils nous ont fourni une expérience de deux années ; qu’ils nous ont laissé le temps d’étudier tous les systèmes, de préparer nos suffrages, de nous présenter à cette discussion définitive, au moment où la Constitution s’achève, avec toutes les dispositions nécessaires pour l’examen d’une institution qui doit l’affermir sur ses bases et lui donner toute sa solidité. Tout citoyen est soldat pour la défense de la patrie. Ce principe sévère, qui n’est pas même conçu d’un peuple esclave, parce qu'il n’y a pour lui ni patrie ni existence commune ; ce principe est l’objet des premières méditations de l'homme libre: il échauffe son âme de toutes les vertus du patriotisme ; il arme son bras du glaive de la vengeance contre les tyrans de son pays, et lui fait trouver des douceurs à voler à la mort pour la conservation des droits de ses concitoyens, parce que les siens y sont confondus, et que la chose publique est son propre patrimoine. Qu’un despote, qui commande à ses satellites, les tienne armés quand il lui plaît pour les désarmer de même l’instant d’après; qu’il exerce alors dans leur domicile l’inquLition la plus inquiétante pour leur ôter tous moyens offensifs; le despote ne songe en cela qu’au maintien de son empire, et à la dégradation des serfs qu’il domine et qu’il veut soustraire à tout élan de courage et de vertu pour les tenir plus sûrement enchaînés. Mais l’ouvrage du despote a, sans qu’il s’en aperçoive, un effet salutaire pour ceux mêmes qu’il opprime : car telle est dans ce triste état de choses la nature des circonstances, que l’esclave a besoin de cette contrainte pour sa propre conservation et que la servitude tire ainsi d’elle-même un remède contre les vices qu’elle engendre. En effet, l’esclave vit isolé, abruti, sans énergie, et je dirais presque sans aucune moralité. Les sentiments de la nature lui sont étrangers. 11 est féroce, parce qu’il est faible; il est vindicatif, parce qu’il est opprimé. Le sentiment continuel de ses maux le rend sourd à la pitié, il n’a d’autre raison qu’un instinct brutal et irascible; et telle est la dégradation, que l’arme qui lui serait laissée par le despote qui l’opprime, ne lui servirait pas même à repousser cette oppression, mais à satisfaire ses féroces vengeances et à (1) J’avais préparé cette opinion dans le dessein de la prononcer à l’Assemblée nationale. La discussion ayant été fermée avant que l’ordre de la parole m’eût appelé à la tribune, j’ai pris le parti d’imprimer ce que j’avais à dire sur cette importante matière, parce que je le crois utile à l’intérct public. [Note de M. Salle.) [Assemblée natiooale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1791.] dévaster autour de lui la malheureuse terre qu’il habite. Je conçois donc comment, dans un gouvernement despotique, le port d’armes est défendu, et je suis surtout forcé de convenir que ce dernier terme de l'avilissement de l’espèce humaine est une sorte de moyen nécessaire contre cet avilissement même. Mais, si l’esclave est courbé sous le joug de la servitude et des vices, l’homme libre, au contraire, lève fièrement la tête vers le ciel. Les droits qu’il étudie dans la contemplation des lois de la nature lui font aimer l’exercice de ses devoirs, comme l’unique moyen qui puisse les lui garantir. Il est généreux envers ses semblables, parce qu’il est fort du lien qui l’unit à eux; il est juste, parce qu’il n’obéit qu’à la loi ; il est humain, parce que son cœur n’est ni flétri ni tourmenté par l’oppression, parce qu’il a des frères, des amis bienfaisants et humains comme lui, parce que ses affections se dilatent en raison de l’étendue de la grande famille à laquelle il appartient. L’homme libre, dont le premier devoir est la défense de la patrie, peut donc être constamment armé. 11 peut l’être sans aucune restriction, car il n’est pas à craindre qu’il en abuse. La tentation d’un crime vil ne peut pas entrer dans son âme hère et généreuse : nulle passion basse ne peut souiller un cœur plein du saint amour de la patrie. La loi qui veille pour lui et qui lui garan-tii sa vengeance lorsqu’il est blessé dans ses droits lui ôte le désir de toute vengeance personnelle; et s’il a des revers, si des circonstances malheureuses le condamnent à l’indigence, ses ressources sont dans la probité du gouvernement, dans la générosité de ses concitoyens libres comme lui, c’est-à-dire de ses frères. Mais non seulement l’homme libre peut être constamment armé, j’ajoute qu’il en a le devoir. Eu effet, partout où la liberté existe, elle est sans cesse menacée. Les plus belles institutions humai-nesont péri. C’est un malheur nécessaire de l’état social de ne pouvoir en adopter toute la perfection. Une nation, quelque petite qu’elle soit, ne saurait faire sa propre police; il lui faut des magistrats : c’est-à-dire qu’au sein même de l’égalité, il faut créer des places autour desquelles toute la force de la loi ira se concentrer; il faut remplir ces places par des hommes, et s’exposer ainsi à les voir s’identifier, pour ainsi dire, avec le pouvoir dont on les rend dépositaires ; et croire à leur supériorité personnelle, à toutes les illusions de leur ambition. Les passions des hommes sont de tous les instants; la chose publique est donc sans cesse exposée. Si le citoyen veut se conserver libre, il faut donc qu’il veille; car l’ambition ne dort jamais; il faut qu’il veille nuit et jour; il faut que son arme soit toujours prête, afin que, si l’ennemi le surprend, ce soit au moins dans son poste et qu’il soit en mourant quitte envers la patrie. Mais, comme c’est surtout dans l’art de se détruire que les hommes excellent, comme c’est par la discipline qu’on peut résister à un ennemi discipliné, il ne suffit pas que le citoyen sache combattre corps à corps, il faut de plus qu’il sache se réunir à ses concitoyens, qu’il connaisse l’art de former des masses ne résistance, de les diviser, de joindre la vélocité à la force; qu’il unisse, en un mot, au sentiment de sa dignité, c’est-à-dire à son coupage, tous les moyens accessoires qui peuvent lui être opposés; car, comme l’a dit si énergiquement le plus grand 707 de nos orateurs (1), c’est de la résistance générale que peut résulter un jour la paix universelle. Vainement aurons-nous posé les bases d’une bonne Constitution, vainement aurons-uousvoulu fixer à jamais la liberté parmi nous, si toutes nos institutions ne tendent pas vers l’égalité, si nous ne faisons pas que, dans tout ce en quoi les résultats politiques peuvent toucher les hommes, ils aient pour but ce principe si précieux chez un peuple libre. Mais c’est surtout Légalité de force, l’égalité de résistance à l’oppression qu’il faut donner à chaque citoyen. La force est en dernier résultat la raison des hommes. C’est sur cette impérieuse loi de la nature, qu’est fondé l’état social lui-même; car c’est moins l’empire de la raison qui soumet la minorité dans la discussion des intérêts communs que le sentiment de cette force purement matérielle qui reste à la majorité. C’est ainsique la force publique soumet les réfractaires, c’est ainsi qu’elle fait la principale base de toute association politique. Le despotisme est contraire à l’essence des choses; il est proscrit par la nature avant la nais;-ance même de3 sociétés. Cependant tout est juste aux yeux du despote pour le maintien de son empire, parce que la force est dans ses mains. De quoi pourra-t-il donc servir à une nation d’être déclarée libre, d’avoir de belles institutions, des lois fondées sur les bases de la justice et de la morale, si l’inégalité des moyens de force est constitutionnellement introduite parmi les citoyens? Cette seule imperfection laissée à l’ouvrage le plus sublime, en amènerait nécessairement la destruction; les dépositaires du pouvoir sauraient, n’en doutons pas, réunir vers ce point unique tous leurs plans d’attaque, et si la supériorité de force leur restait enfin, dans les débats qu’ils auraient avec la nation, ils ne trouveraient que trop de raisons pour lui prouver que c’est elle seule qui a tort. Comment les hommes n’auraient-ils pas été esclaves autrefois que quelques-uns d’entre eux, après avoir reçu de la nature uue stature pour ainsi dire privilégiée, trouvaient encore dans leur fortune le loisir de s’instruire au métier des armes, et de se rendre presque invulnérables par une armure de fer artificiellement combinée ? De tels moyens centuplant leur courage et leur force, ces farouches guerriers devaient du fond de leurs forteresses faire trembler à eux seuls des milliers de leurs semblables. 11 devait suffire de la ligue de quelques-uns d’entre eux pour conquérir tout un pays, et pour le tyranniser impunément. Les temps sont changés. L’invention de la poudre a remis ces espèces de géants au niveau des autres hommes, et cette découverte, si souvent proscrite par le poète, parce que pour colorer ses tableaux les apparences lui suffisent, cette utile découverte est, aux yeux du philosophe, le plus précieux présent que le ciel ait fait aux hommes. Dans ses sublimes méditations, le philosophe voit qu’en même Lmps que cette découverte donne à chaque citoyen des moyens d’égalité de force, cet autre présent du ciel par lequel la pensée se transmet rapidement d’un bout de l’univers à l’autre, leur donne des moyens d’égalité de raison, de courage et d’energie ; le philosophe voit que ces deux inveo tions, s’étayant l’une sur l’autre, vont rendre enfin, après des siècles d’esclavage, tous les peuples à la liberté. Cette égalité de force, qui fonde l’indépendance (1) Mirabeau. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1791.] 70$ [Assemblée nationale.) de tous les êtres animés, a été évidemment le premier but de la nature. Tous les animaux apportent en naissant leurs moyens d’attaque et de défense : l’homme seul sort des mains de la nature faible et nu, mais il a reçu l’intelligence pour acquérir les moyens qui lui manquent, la raison pour les choisir, l’amour de la vertu pour en diriger l’emploi. Les résultats de l’exercice de ses facultés appartiennent bien moins à lui qu’à son espèce entière, parce que chacun de ses semblables ayant les mêmes besoins et le même but, a le même droit à toutes les productions de la nature, à tous les objets dont il peut user pour sa défense et sa conservation. Ainsi donc, l’homme libre peut et doit être armé; tous les moyens de défense doivent lui être laissés, et de ce qu’on peut l’attaquer avec des forces réunies, résulte pour lui la nécessité de savoir unir la sienne à celle de ses concitoyens. Cette théorie est certaine, aussi ne l’attaque-t-on pas en elle-même : on se borne à en combattre l’application. La pratique, nous dit-on, de ces principes incontestables peut être dangereuse. Le port d'armes, s'il n'est pas restreint , engendrera des désordres. Songez surtout que vos principes doivent s'appliquer à une grande nation qui a toujours dans son sein une force armée particulière , et chez laquelle le féroce préjugé du duel a eu jusqu' aujourd’ hui pour principale cause l’appareil des armes, dont elle est forcée de perpétuer le spectacle pour les citoyens , par la nécessité de se tenir constamment sur la défensive. Quant à la première objection que le port d’armes absolu engendrera des désordres, il me semble que l’expérience la réfute suffisamment. Si j’en excepte les scènes malheureuses dont nous gémissons tous, mais qui ont toutes pris naissance depuis la Révolution, dans les excitations des esprits, dans cette intempérance� de liberté naturelle à un grand peuple qui sort de l’oppression, pour qui les lois nouvelles qu’il appelle ne sont pas encore faites et qui a de longues injures à venger; si j’en excepte les crimes bien plus atroces de ses oppresseurs, qui ne pouvant plus le dominer ont appelé sur eux, par leurs sanglantes provocations, tout le poids de ses plus effroyables vengeances, il me sera aisé de démontrer que jamais les hommes ne se sont moins attaqués que dans les temps actuels ; qu’à peine a-t-on aujourd’hui quelque exemple de ces crimes atroces, de ces assassinats révoltants par le sang-froid, la bassesse, la scélératesse qui les caractérisaient. Les citoyens sont armés, mais des passions nouvelles ont élevé leurs âmes, et peut-être même le vil assasin s’est-il caché parce qu’il a craint ce nouveau pacte qui formait tout à coup de tous les bous citoyens une sainte ligue contre les scélérats de toutes les classes. La crainte des remontres et des combats particuliers ne me touche pas davantage. Pouvons-nous calculer la puissance de nos lois nouvelles contre cet usage barbare du duel? Si nos mœurs se régénèrent, comme nous devons le croire ; si la liberté sort triomphante de nos dissensions actuelles; si tous les Français se réunissent enlin dans les sentiments d’une égalité parfaite et d’une fraternité universelle, il est difficile de ne pas voir arriver ainsi le terme de ce cruel préjugé, qui n’a pris naissance que dans l’insuffisance ou l’oubli des luis. Mais je soutiens que la liberté entière du port d’armes, bien loin de favoriser ce préjugé, est au contraire propre à en prévenir les conséquences. En effet, si les citoyens se trouvaient obligés de déposer leurs armes après le service militaire que la patrie leur aurait demandé, il arriverait que les troupes de ligne, qui sont dans une activité continuelle de service, ne seraient en aucune manière touchées par cette loi. U y aurait donc, par le fait, deux classes différentes dans l’Etat, dont l’une serait continuellement armée, tandis que cette faculté serait ôtée à l’autre. Cette distinction, qui serait la plus funeste de toutes, parce qu’elle donnerait naissance à tous les préjugés militaires, parce que, disposant celui qui en jouirait à croire à la supériorité de sa force, elle lui persuaderait tôt ou tard qu’il est d’une nature différente de celle de ses concitoyens; cette distinction, dis-je, engendrerait des rivalités, des jalousies, des dissensions qu’il faudrait vider par la voie des armes ; car le citoyen, humilié dans son courage, voudrait naturellement faire servir son courage à sa vengeance. A la vérité, les sentiments actuels de nos troupes de ligne paraissent opposés à ces misérables altercations. Mais les passions du moment ne dureront pas toujours; il est même nécessaire au bien de l’Etat qu’elles s’attiédissent jusqu’à un certain point. D’ailleurs, avons-nons fait en effet, pour le soldat, tout ce qu’il fallait pour lui donner à tout jamais les grandes passions de l’homme libre ? J’ouvre notre constitution militaire ; j’y vois la classe supérieure beaucoup trop favorisée peut-être, tandis que le soldat est presque entièrement resté à la merci de ses chefs. Il n’a contre leurs vexations d’autre recours qu’à l’Assemblée nationale, il faut qu’il y vienne sans intermédiaire. N’est-il pas à craindre qu’au milieu des grandes affaires des législatures, ses réclamations ne soient oubliées, et que ses chefs n’essayent de le rapprocher d’eux, parce que la nation se sera trop éloignée de lui ? Ne pourra-t-il pas dès lors reprendre son esprit particulier? Au lieu de jurer sur la Constitution, il finira peut-être par jurer sur son sabre, et s’il a seul droit d’en porter un, il pourra croire alors, comme avant la Révolution, que lui seul sait s’en servir, et il forcera les citoyens à lui prouver le contraire. Enfin, et c’est ici le point le plus imporiant, voulons-nous détruire l’habitude de marcher armés? Etablissons le port d’armes absolu. Tant qu’il a été honorable d’avoir une épée au côté, tant qu’une classe d’hommes a été exclusivement autorisée à se décorer de cette parure, les citoyens ont regardé l’épée comme un meuble précieux, et ils ont fait tout leur possible pour se procurer le droit d’en avoir une ! Mais il est aisé de sentir que, saus la distinction qu’on y attachait, une épée aurait été un poids inutile et embarrassant; chacun se serait hâté de la quitter, excepté dans les circonstances où l’on aurait prévu qu’on pouvait en avoir besoin. Eh bien 1 ce sera précisément là ce qui arrivera, même pour les militaires, si chacun a le droit de sortir avec ses armes. A Rome, c’est-à-dire chez le peuple le plus guerrier de la terre, nulle loi ne défendait le port d’armes en temps de paix, et nul citoyen alors ne sortait armé. Faites, par une loi qui paraîtra générale, mais qui dans son application ne pourra jamais l’être, faites, dis-je, que les troupes de ligne aient seules le droit d’être constamment armées, et voilà que les militaires, faisant parade de leur arme, parce que c’est un instrument de force, vous établissez cette fatale distinction qui, en effet, dans le principe, n’a pas eu d’autre origine ; et avec elle vous ramenez tous les désordres qu’elle a engendrés. Vous donnez au [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1791.] 709 citoyen paisible, non seulement l’envie de pouvoir sortir armé, mais vous lui en faites une nécessité contre les effets des préjugés militaires. Après avoir attaqué le port d’armes, on s’élève avec force contre l’opinion qui veut que les citoyens soient exercés et disciplinés; et ce qu’il y a d étonnant, c’est que des militaires même, qui connaissent la conséquence de leurs propositions, vont jusqu’à nous demander de n’avoir ni chefs, ni quartiers assignés en cas d’alerte. Il est vrai qu’ils sont persuadés que la liberté de la presse nous suffit; comme si les raisons sans la force pouvaient valoir quelque chose, comme si c’était avec di s arsenaux d’arguments et de dissertations qu’on peut résister aux canons et aux baïonnettes. Les exercices, nous disent-ils, et la discipline donneront à la nation l’esprit militaire. Cela est vrai ; mais où est le mal ? Rousseau observe que les magistrats de Genève avaient supprimé les exercices, parce que cela donnait au peuple un esprit militaire qui leur déplaisait. Mais , nous dit-on, l'esprit militaire est inséparable de l'esprit de subordination , c'est-à-dire qu’il mène à la servitude. Je n’entends pas trop cet argument : le citoyen doit être subordonné aux lois, il doit en être l’esclave. Si comme militaire il n’obéit que dans ce sens-là, c’est une obéissance louable, c’est le témoignage du dévouement le plus complet à tous ses devoirs. Mais , ajoute-t-on, il mettra à la place de la loi celui qui n'en sera que l’organe; il s'habituera à n obéir qu'à des hommes. Il y a ici quelque chose que je n’entends pas. Le citoyen, dans l’état purement civil, a aussi des chefs qui le gouvernent; il peut de même mettre leur volonté à la place de la loi; parce que ce danger n’est pas imaginaire, faut-il que le citoyen n’ait pas même de magistrats? L’esprit militaire se formera!.... Si l’on entend par là que l’esprit de nos troupes de ligne passera dans le corps entier de la nation, je soutiendrai au contraire qu’en exerçant la nation entière au métier des armes, ce sera détruire absolument l’esprit des troupes de ligne. En effet, cet esprit particulier, le plus dangereux de tous, celui que les despotes entretiennent avec le plus de complaisance, parce qu’il leur est le plus utile; cet esprit, dis-je, tenait à la supériorité de force que se sentaient les troupes réglées. Elles méprisaient le citoyen, parce qu’il était isolé, tandis qu’elles formaient des masses imposantes; parce que le port d’armes lui était défendu, tandis qu’elles étaient armées. Elles méprisaient les lois, parce qu’elles ne régnaient pas, et l’amour de l’ordre, naturel à l’homme, les ralliait autour du despote, parce que sa volonté en était, pour elles, comme pour tout l’Empire, l’imposant simulacre. Aujourd’hui nous avons des lois et le soldat les réclame comme le citoyen. Si donc nous voulons que le soldat s’habitue à ne jamais réclamer que les lois, offrons-lui le spectacle de la nation entière armée comme lui, mais ne marchant qu’au nom de la loi; honorons son état en le pratiquant nous-mêmes, et en le regardant comme le plus précieux de nos devoirs; unissons-le à nous par tous les liens du civisme, par la conformité des usages, par le spectacle continuel de l’uniformité de sentiments, de l’égalité de droits, de l’unité de but, et nous serons sûrs de l’avoir en effet identifié à la patrie, et d’avoir détruit l’esprit de corps qui le déshonorait. Bien loin que la nation prenne notre ancien esprit militaire, nos troupes de ligne au contraire prendront l’esprit de nos légions nationales si celles-ci n’en diffèrent pas d’une manière trop sensible. Il n’y aura plus dans l’état qu’une seule et grande nation, et la troupe réglée, véritablement extraite alors de la force publique, pourra désormais être dirigée dans l’esprit de son institution. 11 m’est démontré qu’avec de tels moyens tous les esprits particuliers iront se fondre dans un seul et même esprit et ce sera toujours un grand avantage. Mais puisque nos adversaires le veulent, examinons donc si ce sera l’esprit d’ordre, l’amour de la loi qui dominera en effet, et qui soumettra ainsi l’ancien esprit miiilaire. On m’arrêtera d’abord et on croira me confondre en m’objectant des événements récents | (1) ; on mettra adroitement de côté les services de la garde nationale, et surtout les événements beaucoup plus décisifs qui ont précédé ou suivi. A cela, je n’ai qu'une chose à répondre, c’est que la garde nationale, formée de la nation entière, sera même bien différente de celle d’aujour’hui et qu’il ne faut pas juger de Lune par l’autre. Voyons donc ce que sera la garde que nous voulons constituer. Nous avons rendu la liberté à la France. Il est désormais libre de penser et de parler; et c’est par les talents que nous avons ouvert aux citoyens la carrière des honneurs. Des assemblées populaires auront périodiquement lieu pour y juger le mérite, et lui décerner l’honorable récompense de servir la patrie. Cette grande régénération de l’eprit public a changé nos moeurs, et nous avons vu se former partout des écoles particulières de discussions où les citoyens vont se former aux talents de la parole, à l’amour de l’ordre, à cette lutte généreuse où le prix se décerne à celui qui veut le bien avec le plus d’ardeur. Gomment pourrait-on croire que jamais les citoyens préféreront les avantages remportés par la force des armes à ceux qu’on peut gagner par la raison? Pour que l’esprit purement militaire puisse dominer jamais, il faudrait que les citoyens pussent regarder l’institution militaire comme supérieure aux institutions civiles : il faudrait que celui qui commande leur parût préférable à celui qui raisonne ; or, c’est dans l’exercice qui flattera le plus les citoyens et, comme ils ne pourront parvenir aux places que par là, leur intérêt leur sera l’impérieuse loi de cultiver ieur intelligence avant toute chose, de ne regarder la force que comme le moyen de maintenir le résultat de la raison publique, c’est-à-dire les lois. Avec quelle sagesse vos décrets, Messieurs, n’ont-ils pas dirigé vers ce principal but tous les sentiments et tous les intérêts. A Rome, l’aspect d’un glaive souillait les comices. Eh bien I vous avez prononcé la même loi ; vous avez proscrit cet usage barbare qui avait introduit dans le sein de cette Assemblée même l’appareil des armes. La même réforme s’est opérée dans toutes les assemblées délibérantes. En opposant ainsi les discussions aux exercices militaires, vous avez mis les citoyens à portée de les comparer sans cesse, de ne jamais les confondre et d’affectionner de préférence celle des institutions où leur dignité peut se développer avec le plus d’avantage. (1) Celte opinion devait être prononcée quelque temps après les événements du 8 avril et jours suivants. A cette époque, la garde nationale parisienne parut un moment s’éloigner assez des principes pour être disposée à mettre un homme à la place de la loi. 710 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Combien donc sont vaines les craintes de ceux qui croient déjà voir nos troupes nationales suivre un extravagant despote, combattre sous ses ordres, faire des esclaves, le devenir elles-mêmes parce qu’elles seront disciplinées 1 Les Francs d’aujourd’hui ne sont pas ceux qui combattaient sous Clovis; parce que ceux d’aujourd’hui ont une Constitution; parce que l’art de penser est mis en honneur parmi eux, comme l’était sous Clovis l’art de se battre ; parce qu’il n’y a pas de comparaison, en un mot, d’un peuple éclairé et libre, à un peuple qui n’était que guerrier, c’est-à-dire esclave et féroce. D’ailleurs, c’est sous les armes que l’homme libre sent tout son courage et qu’il s’enllamine pour la liberté; c’est sous les armes encore, c’est ens’exerçant à ladiscipline qu’ilapprendà se soumettre à la règle, et son cœur fier et indompté se façonne au joug de la loi. Comment songerait-il à désobéir, cet homme qui, en s’exerçant à l’art de défendre sa patrie, s’habitue à se considérer comme un des agents de la loi, et qui, dans l’obligation sainte qu’il s’impose de contribuer pour sa part, à soumettre les réfractaires, se lie d’autant plus lui-même à l’exercice de tous ses devoirs! La mission auguste dont il se voit investi, l’attache au culte de la loi d’un lien indissoluble; et le spectacle de ses concitoyens qui s’exercent avec lui, la certitude que la nation entière partage les mêmes travaux, en échauffant son imagination, en l’embrasant de toutes les flammes du patriotisme, porterait encore dans son cœur (s’il était vrai que son cœur pût rester capable du moindre sentiment de bassesse), y porterait, dis-je, une terreur salutaire propre à étouffer ce sentiment dans son origine, par la crainte de cet appareil de force et de surveillance universelle. Mais comment pouvez-vous craindre , nous dit-on, les troupes de ligne ? La nation n'est-elle pas souveraine ? n'est-ce pas elle qui les paye? Cet argument de nos adversaires est précieux; car il prouve que la garde nationale s’organise comme ils l’entendent, c’est-à-dire d’une manière incomplète, la nation peut se trouver obligée d’argumenter avec les troupes de ligne. Puisque, dans leur système, ils prévoient un instant où l’esprit de corps peut séparer la troupe de ligne de la grande famille; eh bien, je leur réponds que le moyen qu’ils nous donnent comme péremptoire est précisément contre eux. Je leur réponds que la nation payait ses tyrans avant la Révolution et qu’il ne lui servait de rien de le savoir et de le dire. La nation paye la troupe de ligne!... Voilà certes une grande vérité; mais de quoi sert-elle? C’est en payant qu’une nation devient esclave. Avec de l’argent on parvient bientôt, dit Rousseau, à avoir des troupes pour livrer la patrie et des réprésentants pour la vendre. Que la nation ait des troupes soldées, à la bonne heure; mais si elle ne veut pas en dépendre, qu’elle se tienne toujours prête à se passer d’elles. Cette disposition ne plaît pas, je le sais, à nos militaires; mais c’est précisément en cela qu’elle est bonne; car c’est le seul moyen de faire que nos militaires soient vraiment les serviteurs et non les maîtres de la patrie. Mais, nous dit-on encore, quelle fatigue pour tout un peuple d'être toujours en exercice ! ... toujours! c’est beaucoup dire, ce n’est pas tout à fait là ce que je demande. Voulez-vous donc avoir, comme chez les despotes, une conscription militaire ? Peut-être, le despotisme de la loi est [27 juillet 1791.] plus austère que n’est dur celui du tyran le plus absolu. Si l’empire du despote est sans cesse exposé, celui de la loi l’est davantage encore. Le règne de la liberté est un long enchaînement de privations et de sacrifices. Si nous ne voulons que nous reposer sur des lits de rose, renonçons à tous nos travaux, la liberté n’est pas faite pour nous. Que se proposent donc ceux qui mettent en avant de si étranges idées? qui ne veulent ni épaulettes, ni uniformes, ni port d’armes hors du service, et qui, rejetant toute organisation par masses et presque tout exercice, détruisent à peu près cette salutaire institution, ne veulent absolument aucune garde nationale? Qu’ils le disent franchement, et si leur système est adopté, si la nation est assez aveugle pour se laisser ainsi dépouiller de ses plus beaux droits, du moins nous aurons l’avantage de ne pas l’exposer à tomber d’elle-même dans l’avilissement. Au lieu qu’avec des mesures détournées, en livrant à l’inutilité et bientôt sans doute au ridicule, l’uniforme national, un tel système, s’il était vrai qu’on pût l’avoir et qu’il dût réussir, avilirait insensiblement la nation et lui ôterait peut-être pour jamais toute son énergie, tous ses droits. Au reste, je sens les difficultés de mon système, mais je ne les crois pas insolubles. La plus grande est celle qui résulte des inconvénients de tenir sans cesse la nation entière en haleine et de gêner ainsi tous ses travaux. Eh ‘bien, l’expérience de tous les siècles, et les indications mêmes de la nature, nous conduisent au moyen de lever cette difficulté. Dans tous les Empires, il y a eu entre les citoyens des différences à raison de l’âge. Ce classement a été sans inconvénient pour la liberté, parce que ce ne sont pas des institutions arbitraires, mais la nature qui l’indique. Un jeune homme se console des privi lèges de la vieillesse, parce qu’il en est dédommagé par ses propres jouissances, et que d’ailleurs pour obtenir ces honneurs il lui suffit de vivre assez, et de se conduire en bon citoyen; un vieillard, au contraire, trouve dans les honneurs rendus à son grand âge et dans la conscience d’une longue vie passée sans reproche, un dédommagement de sa caducité et de la certitude de sa fin prochaine. Il n’y aurait donc pas d’inconvénients en tenant nos légions nationales sous les mêmes drapeaux et les mêmes officiers, de les partager cependant, pour la prestation du service, en trois classes différentes ; celle d’abord que la loi a déjà désignée elle-même, et qui se trouve comprise entre l’âge où la patrie l’appelle à la servir de son bras, jusqu'à l’âge où elle lui permettra de la servir de son suffrage. Je veux dire les jeunes gens depuis 18 ans jusqu’à 25. J’exigerais de ceux-là le service le plus absolu ; je voudrais qu’ils ne puissent jamais se faire remplacer; et, pour lier l’institution mi h taire à l’institution civile, les charges de la société à ses avantages et à ses honneurs, je voudrais qu’il ne lût possible à cette classe de devenir citoyens actifs qu’en produisant la preuve qu’ils auraient rempli les obligations que la patrie leur aurait imposées. La seconde classe serait composée des citoyens actifs depuis l’àge de 25 ans jusqu’à 40; ceux-ci ne seraient obligés à servi'1 en personne qu’une fois, par exemple, sur trois ; ils pourraient, les deux autres fois, se faire remplacer par un citoyen inscrit dans la garde nationale. La troisième classe, enfin, comprendrait les ci- [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [•27 juillet 1791.] toyens âgés de 40 à 60 ans; le service personnel ne P ur serait jamais demandé, c’est-à-dire qu’ils pourraient se faire remplacer tout autant de fois qu’ils lu jugeraient à propos. Bien entendu que les fonctionnaires qui sont obligés de requérir la force publique, pourl’exer-cice de leurs fonctions, seraient exempts de tout service et de tout remplacement, ainsi que les veuves, les tilles et les vieillards. Toute réquisition pure et simple de la force publique n’obligerait à marcher que la première classe. Si l’autorité civile voulait requérir la totalité de la gar >e, elle le déclarerait expressément : il en serait de même si elle ne voulait que les deux premières classes. Il me semble que de telles dispositions pourvoiraient à tout. Les pères de famille ne seraient pas dérangés de leurs affaires, et leurs enfants supporteraient d’autant mieux la charge qui leur serait imposée, que leurs pères leur en auraient donné l’exemple. Dans un cas d’alerte , on pourrait n 'employer que la jeunesse, et l’on ne s’exposerait pas à dépeuplertoute une commune. Les citoyens délibérants ne seraient pas liés à l’institution militaire assez étroitement pour faire craindre qu’ils en prissent trop l’esprit ; ils contiendraient, d’un autre côté, la première classe, par leur sagesse et surtout par le désir que lui donnerait leur exemple d’arriver enfin à l’honneur de participer à tous les droits de la cité. Au reste, je ne demande pas des exercices trop multiples. Que les gardes nationales soient organisées par canton seulement, parce que la mesure des districts est trop inégale et que les masses, d’ailleurs, ne seront pas aussi fortes ; qu’ils s’exercent tous les dimanches pendant 6 mois de l’année; qu’il y ait des temps indiqués pour fournir des corps de garde, dans les campagnes par exemple, avant les récoltes; dans les petites villes, aux moments où la police est difficile, et dans les grandes villes enfin, dans tous les temps de l’année. Que ce service soit combiné de manière à ne demander que 3 ou 4 jours de garde par année à chaque citoyen. Je ne vois plus, avec de tels arrangements, quelle objection Ton peut faire contre mon système. le terminerai mon opinion par une observation fort importante. Si nous voulons régénérer les mœurs, il nous faut des fêtes, des spectacles multipliés où viennent se faire sentir le grand intérêt national ; des jeux, comme dit Rousseau, où la bonne mère patrie se plaise à voir jouer ses enfants. Eh bien 1 les exercices de la garde nationale seront propres à remplir une partie de ce but. C’est en préparant leur arme que nos jeunes gens seront distraits des occupations dangereuses qui les précipitaient autrefois dans tous les désordres ; c’est en se montrant jaloux des regards de leurs concitoyens, qu’ils apprendront à rechercher l’estime publique. Les spectateurs, de leur côté, ne seront pas insensibles à ces exercices intéressants ; le grand but qu’ils y trouveront leur élèvera Tâme et, d’ailleurs, ce seront des pères, des enfants, des époux, des amis qu’on aura devant soi : toutes les passions privées et publiques, si je puis m exprimer ainsi, tous les sentiments généreux et louables, trouveront dans un tel spectacle un aliment continuel. Qui peut calculer les effets d’une si belle institution ? C'est d’après ces principes, et dans des vues qui m’ont paru d’une aussi grande utilité, que je vous demande, Messieurs, de vous lire une série 7(1 d’articles que je regarde en les joignant à ceux qui sont déjà décrétés, comme les buses de l’organisation des gardes nationales, et sur lesquelles il est nécessaire, à ce qu’il me semble, de statuer avant tout. Projet de décret. « Art. 1er. Les citoyens auront à leur entière disposition leur uniforme et leurs armes. « Art. 2. Les marques distinctives du commandement seront les mêmes pour les gardes nationales que pour les troupes de ligne. « Art. 3. La garde nationale sera organisée par cantons : elle sera divisée en légions, bataillons, compagnies, pelotons et escouades. «Art. 4. Les officiers et sous-officiers ne seront élus que pour un an; ils ne pourront être réélus qu’après un intervalle d’une année de service comme soldats. « Art. 5. Il y aura tous les dimanches des exercices delà garde nationale, pendant six mois de Tannée, par légions, bataillons ou compagnies, etc. Il sera de plus fourni des corps de garde et de patrouilles, soit pendant un certain temps de Tannée, soit dans tous les temps, suivant l’étendue des lieux, de manière toutefois que chaque citoyen ne soit tenu qu’à 4 gardes pendant chaque année. « Art. 6. La garde nationale sera réunie sous les mêmes drapeaux et le même uniforme; mais elle sera divisée, pour la prestation du service, en trois classes : la première comprendra les jeunes gens, depuis 18 ans jusqu’à 25 ; la deuxième, les citoyens âgés de 25 a 40 ans; la troisième, ceux qui seront âgés de 40 à 60. La première classe devra son service personnel, sans pouvoir se faire remplacer; la seconde pourra se faire remplacer de trois fois Tune; la troisième ne sera tenue qu’au service de remplacement. « Art. 7. Nul ne pourra servir l’Etat de ses conseils et de son suffrage, s’il ne Ta premièrement servi de ses bras. En conséquence, tous les citoyens parvenus à l’âge de 25 ans seront tenus de rapporter la preuve qu’ils ont rempli les obligations qui leur sont imposées par l’article précédent, avant d’être inscrits sur le rôle des citoyens actifs. « Art. 8. Toute réquisition des autorités civiles qui ne voudra faire marcher que la première classe des gardes nationales, sera pure et simple ; si elle demande le service de la seconde classe en concurrence avec la première, elle l’exprimera formellement : il en sera de même si elle appelle la totalité de la garde. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du mercredi 27 juillet 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. de La Roche, commandant du bataillon des Feuillants, qui fait part à l’Assemblée des (1) Cette séance est incomplète au Moniteur .