[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791. J 165 lesquels l’échange juste et légal pourra se faire à volonté. Il est impossible d’arriver à cette mesure autrement que par une monnaie de cuivre; son incommodité même fait la sûreté de celle opération ; car il suffit que l’on ait toujours la certitude de trouver dans un dépôt un échange libre, pour que les échanges se fassent librement dans le commerce et sans aucune perle. M. l’abbé Maury vous a cité Newton. Eh bien, je citerai aussi Newton, et je citerai le passage qu’il a cité. Newton, vous a-t-il dit, assure que l’émission des monnaies de cuivre fait disparaître la monnaie d’or et d’argent, parce que la monnaie de cuivre reste dans le pays où elle est. Or, Messieurs, que cherchons-nous, une monnaie qui reste. (Applaudissements.) M. faoné Maury demande sur quelle base on peut établir la quotité de l’émission proposée; c’est moi qui ai eu l’honneur de vous proposer 40 millions, et j’insisterai encore sur cette somme. Ce n’est pas sans base, je ne dis pas certaine, car personne n’en a, mais au moins vraisemblable, que j’ai proposé cette somme. 40 millions de monnaie de cuivre donnent à peu près 400,000 livres par département. Je crois que la circulation de chaque département n’emploiera pas 400,000 livres de monnaie de cuivre, mais comptez que pour entrer dans le système que vous avez paru approuver, il faut que dans tous les chefs-lieux de district, et peut-être dans d’autres endroits, il y ait un dépôt public d’une somme assez considérable de monnaie de cuivre pour qu’à chaque instant l’échange puisse se faire. Or, pour qu’il se trouve cette quantité suffisante, il faut qu’il y en ait une quantité excé-dente ; car ce qui sera dans le dépôt doit y rester, quoiqu’il y en ait une grande quantité dans la circulation : et ce n’est que la surabondance qui vous répondra d’un échange libre, facile et au pair de vos besoins. Or, c’est ce que nous demandons. ( Applaudissements .) Je sais bien qu’no jour arrivera où une somme de monnaie de cuivre répandue dans tout le royaume serait surabondante, incommode et inutile, mais le moyen de retirer cette surabondance dans les temps de prospérité ne doit pas être alarmant, car enfin ce métal lui-même aura toujours une valeur intrinsèque. Quant à l’amendement du préopinant, il fait l'objet d’un article que j’avais proposé ce matin et que je vous proposerai d’adopter additionnel-lement au projet de décret de vos comités. Je crois effectivement qu’il est très nécessaire que le ministre, chargé d’exécuter les ordres du roi, rende compte tous les quinze jours à l’Assemblée du progrès de la fabrication. Bn conséquence, je demande que le décret soit mis aux voix et qu’on y ajoute cet article additionnel. M. d’Aubergeon de Murinais. On a souvent cité le patriotisme des Français et leur empressement à faire des dons patriotiques. En voici une nouvelle occasion. Gomme l’Assemblée a beaucoup renversé de marmites, elle peut demander en dons patriotiques les casseroles. ( Rires ironiques.) (La discussion est fermée.) M. de Wirieu, rapporteur , donne lecture des articles 1 et 2 du projet-de décret, ainsi conçus : « L’Assemblée nationale décrète ; Art. 1er. « Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour faire fabriquer, dans les différents hôtels des Monnaies, la quantité de monnaie de cuivre suffisante pour satisfaire aux besoins du royaume, et faciliter l’échange des petits assignats. » (Adopté.) Art. 2. « Cette fabrication se fera à la taille décrétée le 11 janvier de cette année, avec les empreintes qui sont en usage, jusqu’à ce que celles qui on été décrétées le 9 avril dernier soient en état de servir. » (Adopté.) M. de Airleu, rapporteur. L’amendement de M. Belzais-Gourménil pourrait devenir l’article 3; il serait ainsi conçu : Art. 3. « Le ministre, chargé de l’exécution des ordres du roi, rendra compte tous les 15 jours à l’Assemblée nationale des progrès et de l’état de la fabrication. » (Adopté.) M. de Airieu, rapporteur. Enfin l’article 3 de notre projet deviendrait l’article 4, ainsi conçu ; Art. 4. « Le roi sera également prié de prendre provisoirement les mesures convenables pour hâter l’exécution du présent décret, et prévenir les abus qui pourraient résulter du défaut actuel d’orga sation des Monnaies. » (Adopté.) ni* M. de Wirieu, rapporteur. Je demande, Messieurs, que le décret que vous venez de rendre soit présenté dans les 24 heures à la sanction du roi. (Cette motion est décrétée.) M. Gombert. Nous venons de décréter la fabrication des gros sols; je demande actuellement à MM. les commissaires qui sont chargés de la fabrication des assignats de 5 livres, en quel état est cette fabrication. M. Rabaud-Safnt-Etlenne. Le comité des finances a nommé MM. de Gernon et de Beaumetz qui s’occupent avec beaucoup d’activité de cette fabrication; je remarquerai d’ailleurs que l’Assemblée a chargé ce comité de lui proposer in-ce samment le mode d’exécution. (L’Assemblée, consultée, décrète que le rapport du comité des finances lui sera présenté à la séance de jeudi soir.) M. BouUevilIe-Dumetz . Je demande que l’Assemblée fixe à jeudi soir le rapport de son comité des monnaies sur l’organisation des Monnaies. (Gette motion est décrétée.) M. Belzais-Courménil. La chose la plus importante que vous puissiez faire, c’est de charger le comité de l’imposition de vous présenter au plus tôt son travail sur ! 'impôt foncier. On cherche à répandre des alarmes sur ce que l’impôt ne s’établit pas ; mais j’observe que presque toutes les municipalités ont fait tous les travaux préparatoires et on espère que cet impôt s’établira très promptement. Je vous invite en bon citoyen de vouloir bien vous pénétrer d’avance que cet objet ne doit pas être susceptible de grandes contestations : ce n’est pas là un objet constitutionnel ; chaque an 166 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791. | née permettra le changement de la cote: tâchons donc de voter très promptement. Plusieurs membres ; Oui! Oui ! et de confiance! (. Applaudissements .) M. le Président lève la séance à dix heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ÂSSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 17 MAI 1791, AU SOIR. RAPPORT sur le projet de décret des comités ecclésiastique et de Constitution , concernant les empêchements, les dispenses ket la forme des mariages , par M. Durand-Maillane, commissaire du comité ecclésiastique (1). — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.) Messieurs, l’Assemblée nationale a renvoyé à ses deux comités ecclésiastique et de Constitution réunis, pour lui faire rapport, premièrement, des difficultés élevées, d’après ses décrets, sur les empêchements et dispenses demariage. En second lieu, sur le refus que Je curé de Saint-Sulpice a fait de publier les bans de mariage du sieur Talma, comédien français, et enfin sur la saisie des traitements réglés* pour le clergé futur (2). La première et la seconde de ces deux questions sont très importantes : liées entre elles par des principes communs elles tiennent l’une et l’autre à des règles ecclésiastiques qu’on doit respecter, lors même que l’on croit avoir et que l’on a véritablement de bonnes raisons pour s’en écarter. C’est aussi ce qui a fait notre plus grande sollicitude dans l’examen et la discussion des difficultés qui nous ont été renvoyées; il nous a fallu, non pas faire des lois nouvelles, mais rectifier simplement les anciennes, sans les abroger ; étendre et placer les lois civiles à côté des lois ecclésiastiques, sans affaibli r l’autorité ni des unes ni des autres. Enfin, instruits par les décrets de l’Assemblée nationale, nous avons dû. suivre son esprit, en entrant dans la sagesse de ses vues, et voici, en conséquence, quelle a été notre manière de traiter les objets sur lesquels nous avons été chargés de lui fournir des éclaircissements : D’abord, la partie la plus intéressante et la plus générale, celle des empêchements et de leurs dispenses� fixé notre première attention. Nous l’avons examinée sous tous les rapports, et bientôt il nous a paru que cette matière, dont les règles n’ont jamais eu ni rien de bien clair ni rien Ce bien fixe, n’était point aujourd’hui ce qu’elle était dans les plus beaux siècles de la religion. Nous avons reconnu qu’autant la puissance civile avait à cet égard négligé ses droits, autant et plus la puissance ecclésiastique en avait pris jusqu’à faire perdre, comme de vue, une grande vérité que nous avons voulu, pour cette raison même, rétablir et mettre dans le plus grand jour : savoir, que le mariage n’est et ne peut être jamais qu’un contrat formé par le consentement libre et mutuel des deux parties. (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. (2) Voy. ci-après, môme séance, les deux rapports sur ces mêmes objets. De là sont sorties, comme d’elles-mêmes, des conséquences dont nous avons fait autant de dispositions réglementaires, et toutes relatives au même principe et au nouvel ordre établi par les décrets de l’Assemblée nationale. Dans ces mêmes conséquences, nous avons trouvé la solution de la difficulté du sieur Talma, comédien français, sur quoi il sera fait un rapport particulier, ainsi que sur la saisie des traitements du clergé futur; il ne s’agit ici que du rapport général concernant les formes du mariage que nous avons adaptées aux vrais principes sur lesquels on aurait toujours dû les régler et dont nous allons fournir en abrégé les preuves et le développement. Le mariage est de sa nature un contrat civil, et ne peut cesser d’être tel, parce qu’il ne peut cesser de former une convention entre les deux personnes qui se marient; leur consentement a fait leur mariage, comme le consentement en général fait seul tous les contrats de société parmi les hommes. Cela est si vrai à l’égard du contrat civil de mariage, que les Romains, dont l