[Convention nationale.] ARdHIVESPARLEMENTAIRES. 3ft bramai»- an Al 531 1 J I 20 novembre 1793 ou fripon; je n’ai dans les départements que vous m’avez confiés d’autres ennemis que ceux-là. Je n’aurais parlé de mes services, si le détail de ma conduite ne m’eût forcé à les rappeler comme un moyen de défense. Vos moments sont précieux, je m’arrangerai pour être court, voici succintement ce que j’ai ré¬ pondu à mes détracteurs : « J’ai trouvé ce département fanatisé, roya-lisé, girondisë, l’esprit public tué, un petit noyau de patriotes molestés, n’osant qu’à peine s’avouer montagnards. J’ai tout défana¬ tisé, tout républicanisé, tout montagnardisé, tout ranimé, tout régénéré; Sociétés populaires épurées; administrations, tribunaux, muni¬ cipalités purifiés ; comités de surveillance créés; aristocrates, fanatiques, royalistes, gi¬ rondins reclus, muscadins mis en réquisition, monopoleurs, égoïstes, richards, indifférents, sangsues du peuple pressuré; saints, saintes, anges, vaisselle, or, argent des émigrés et des aristocrates versés dans les caisses publiques; cloches et batteries de cuisine mises à la dispo¬ sition des fondeurs; courses continuelles, ha¬ rangues, prédications, apostolats révolution¬ naires : voilà ce que j’ai fait; si ce sont des sujets de dénonciation je me confesse très dénonçable. « Voulez-vous des détails? En voici : le district de Gourdon nourrissait une petite Ven¬ dée, on y parlait de prêtres, de rois, on y blasphé¬ mait la Montagne. J’y volai, je desséchai ce marécage et j’en écrasai les crapauds. Trente charrettes colportèrent à la maison de réclusion ces ordures sacerdotales et royalistes. «\Les subsistances (sic) à Toulouse (1). Je m’y trouve à l’époque du recrutement; une se¬ cousse contre-révolutionnaire s’y manifeste, des scélérats, des pendards de muscadins for¬ ment un rassemblement, on parle de se porter sur la maison des représentants; je propose de marcher à leur rencontre et de les dissiper. Vive¬ ment mon avis est suivi, nous fondons sur ces muscadins, nous haranguons le peuple, la guillotine est dressée, quelques scélérats sont jugés et condamnés, et l’ordre se rétablit. Toulouse vous dira ce que j’ai fait dans cette occasion. « Montauban peut aussi vous dire comment j’ai fait désarmer un régiment de cavalerie allemande (sic), incivique et pillard; je crois que ma fermeté ne fut pas indigne de vous dans cette journée. « J’arrive à l’Aveyron et à la Lozère; 6,000 bandits retranchés, armés et divisés sur plusieurs points allaient entreprendre la contre-révolution; 600 communes les favorisaient, étaient prêtes à se soulever; je l’apprends, j’improvise des armées, des munitions, des sub¬ sistances, des généraux, des officiers, des com¬ missaires, des comités; je vole, tout se dis¬ perse; les brigands sont saisis, leurs complots confondus, leur fabrique d’assignats surprise, les Sociétés populaires régénérées, les corps cons¬ titués épurés, T esprit public recréé; dans le Lot, le Cantal et l’Aveyron, le peuple m’aime, a confiance en moi; l’aristocratie, le fanatique, le modéré, le brissotin, l’accapareur tremblent à mon nom et me donnent au diable. « On m’a dénoncé pour avoir nommé des dé¬ fi) C’est sans doute le mot manquaient qui a été oublié. légués girondins dans les département du Lot : retenez. bien que j’ai tout fait par moi-même et _que je n’en ai nommé ni de bons ni de mau¬ vais, que je n’en ai eu, en ce département, d’au¬ cune espèce : c’est ce que je m’engage à dé¬ montrer. Je me suis entouré de fédéralistes, oui, si on veut parler de ceux que j’ai envoyés en réclusion, je m’en suis sans doute entouré lorsque j’ai été faire la visite des maisons de dé¬ tention, où j’avoue qu’ils sont un peu pressés : ce n’est pas là ce qu’on me reproche. « Les saints, les anges, les vaisselles des aris¬ tocrates ont coulé dans les caisses des districts; les Sociétés populaires, les autorités constituées, tout est régénéré, tout marche, tout est mon¬ tagnard. Ça va, et ça ira; malgré mes détrac¬ teurs, j’ai bonne part dans cet ouvrage, j’em¬ porterai l’estime des sans-culottes et ferai plaisir aux aristocrates Messieurs en m’en allant. Si ce sont là des crimes, je-suis un grand coupable. « Je demande l’envoi de ma dépêche au co¬ mité de Salut public, je demande que mes dé¬ nonciateurs soient consignés à Paris jusqu’à mon arrivée, parce que je veux leur prouver, parlant à eux, qu’ils sont des coquins et des calomniateurs. « Salut et fraternité. « Taielefer, représentant du peuple. « Cahors, le 22 brumaire. » Compte rendu du Journal de Perlet [1). Taillefer, représentant du peuple, fait pas¬ ser le détail de ses opérations dans les départe ments qu’il a parcourus et se justifie des accusa tions portées contre lui par des pétitionnaires qu’il croit être malveillants ou malintentionnés Renvoi au comité de Salut public. La Société populaire de Sarguemines (Sarre-guemines) félicite la Convention nationale sur ses travaux et Pinvite à rester à son poste. Elle demande un décret qui expulse de tout emploi, tant civil que militaire, tous les prêtres et les ci-devant nobles (2). Suit la lettre de la Société populaire de Sarre - guemines (3) : La Société républicaine de la ville de Sarregue-mines, à la Convention nationale. « Sarreguemines, le 12e jour du 2e mois de l’an II de la Répubüque française, une et indivisible. « Citoyens législateurs, « Depuis longtemps, le courage des véritables sans-culottes, nos chers frères d’armes, est en¬ chaîné par des trahisons sans nombre. L’expé¬ rience nous démontré combien de revers en ont (1) Journal de Perlet [n° 425 du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 409]. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 337. (3) Archives nationales, cwton Q 281, dossier 774. 532 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j brumaire an il été la suite malheureuse. Sans cloute, les cohortes des tyrans coalisés contre nojis n’eus¬ sent pu pénétrer sur le territoire de la liberté, si des traîtres ne leur en eussent facilité l’entrée en dégarnissant des postes inexpugnables par leur site avantageux, par l’art et plus encore par la bravoure de nos braves défenseurs ; mais ils n’y étaient plus, et leur retraite est une suite des moyens destructeurs de notre chère liberté, employés par l’aristocratie nobiliaire, dont nos armées fourmillent encore. Tous les ressorts de l’Etat sont aussi entravés de cette rouille im¬ pure. 3 Un’ autre objet d’inquiétudes est les menées des prêtres, accoutumés à dominer, et qui ont eu jusqu’à présent tant de moyens de remuer les esprits. Soyez assurés qu’ils se plieront diffi¬ cilement aux lois de l’égalité si on ne les réduit âux seules fonctions de leur ministère. « La Société émet un second vœu, en deman¬ dant que la Convention nationale rende enfin un décret qui expulse tous les nobles et les prêtres de tous les emplois civils et militaires, ême des Sociétés populaires. « Aucune considération particulière ne doit l’arrêter; si dans son sein même il en est quel¬ ques-uns qui se soient bien conduits, ils doivent être les premiers à donner l’exemple, en obéis¬ sant à la voix supérieure du peuple qui se fait entendre de toutes les parties de la République; Marat, du fond de son souterrain, rendait de grands services à la patrie ; ainsi donc un noble, un prêtre dans la solitude, s’ils aiment vérita¬ blement la République, peuvent bien la servir, n’importe où ils se trouvent; pour qu’une loi soit juste, il faut qu’elle n’excepte personne. « La Société félicite l’Assemblée nationale de tout ce qu’elle a fait depuis le 31 mai; elle l’en¬ gage à rester à son poste et à continuer ses tra¬ vaux jusqu’à ce qu’enfin elle aura ramené la paix et le bonheur dans toute la République. « Salut et fraternité. « Le 'président et les secrétaires de la société, « Serva, président; Bienfait, secrétaire; Roüchon, secrétaire. » Les citoyens de la commune de Turemie dé¬ clarent qu’ils n’ont eu aucune peine à se former à l’esprit républicain; qu’ils n’ont eu qu’à suivre leur caractère. Us protestent de leur attachement à la Convention et à l’exécution fidèle de ses décrets. Us demandent à convertir leur nom de Turenne en celui de Mont-Franc. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi aux comités d’instruction publique et de division (1). La Société populaire de Lure s’exprime ainsi : < Reste à ton poste, Montagne incorruptible et sacrée, jusqu’à ce que tes travaux terminés, nos ennemis terrassés et détruits, la liberté et l’éga¬ lité triomphantes, assurent aux Français l’abon¬ dance et le bonheur. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 338. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 338, Suit V adresse de la Société populaire de Lure (1) : La Société populaire de Lure, aux vrais républi¬ cains de la Convention nationale. Salut et fraternité. « Lure, le 22 brumaire de la 2 e année de la République française, une et indivisible. « Courage, sauveurs de la patrie, continuez à déployer cette mâle énergie qui fut toujours la terreur des tyrans et l’égide des hommes libres. 22 conspirateurs ont suivi de près la Messahne d’Autriche et le vil Gorsas. L’infâme Philippe, cet assemblage dégoûtant de tous les vices, a subi le châtiment dû à sa profonde scélératesse. La confiance du peuple trahie, sa générosité depuis longtemps outragée, demandaient une vengeance éclatante; à sa douceur, à son huma¬ nité doit succéder une inexorable sévérité. La mort des traîtres et des malveillants de toute espèce, de quelque masque qu’ils soient cou¬ verts, est enfin sonnée; il faut qu’ils périssent tous. Malheur au modéré qui blâmerait cette grande mesure, commandée par la justice et la raison, celui-là serait aussi l’ennemi de la liberté : il aurait prononcé sa sentence de mort. « Ce n’est plus par des mots que l’on doit prouver son patriotisme; c’est par la recherche scrupuleuse et par la poursuite constante et vigoureuse de tous les ennemis de la chose pu¬ blique. Vous nous en donnez l’exemple, légis¬ lateurs, ce n’est qu’en vous imitant qu’on adhère sincèrement à vos décrets. Tels sont nos principes : nous saurons les suivre. « La Vendée et Lyon ont subi leur sort, les lâches Toulonnais ne tarderont pas à ressentir l’effet terrible de l’indignation nationale, que leur perfidie a provoquée. « Dans le Nord et les Pyrénées nos armées sont victorieuses, celles du Rhin et de la Moselle peuvent et doivent les imiter. Nous sommes prêts à les appuyer contre Guillaume, contre François et contre les hordes d’esclaves qu’ils traînent à leur suite : nous n’attendons que le signal des représentants du peuple pour aller vaincre ou mourir avec tous nos frères de ce district en état de porter les armes. « Nos administrateurs, poursuivis par la ca¬ lomnie, avaient été destitués, ils ont été rendus à leurs fonctions et au vœu des sans -culottes. Tous bénissent la justice et la sévérité républi¬ caine de Bernard et Prost, et s’empressent de mériter leur estime. « Reste à ton poste, Montagne incorruptible et sacrée, jusqu’à ce que tes travaux terminés, nos ennemis terrassés et détruits, la liberté et l’égahté triomphantes assurent aux Français F abondance et le bonheur. « Laurent, président; P. -A. Roussel, secrétaire; Richard, secrétaire. » Le citoyen Ghassan, prêtre, a déposé ses lettres de prêtrise et renoncé à toutes fonctions ecclé¬ siastiques (2). (1) Archives nationales, carton C 281, dossier 774. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p/338.