598 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lateur lui-même, s’il pouvait jamais en commettre. Mais il n’en est pas de même pour la collation immense du roi. Cette collation laïque est à la disposition de la nation, soit celle qu’il a Jure coronœ, soit celle comme étant aux droits des fondateurs particuliers. Ainsi je me borne à demander une exception pour ce qui n’est pas bénélice ecclésiatique dans le patronage laïque et à ce qui est de la collation laïque dans les mains des particuliers. Je finirai par invoquer votre humanité et votre justice pour les 'patrons indigents , à qui la loi canonique et la jurisprudence des cours adjugeaient la jouissance du tiers des biens et revenu des biens auxquels ils nommaient. Il est digne de vous de consacrer cette jurisprudence bienfaisante, et je l’invoque plus particulièrement pour quelques patrons pauvres, que je sais jouir, dans ce moment, de ce modique secours. M. Camus. J'ai demandé la parole, parce que l’article 1er me paraît renfermer des choses infiniment distinctes : le patronage laïque et le titre de pleine collation laïcale. Dans la pleine collation laïcale, le propriétaire ne donne point ses biens ; ils ne sortent pas de la main de ses représentants ; on n’a pas besoin de la provision de l’Église, au lieu que, dans le patronage laïque, un sujet ne peut être nommé sans l’intervention de l’évêque. Beaucoup de titulaires ont, par ignorance, laissé dénaturer leurs titres. Votre décret ne peut s’étendre qu’aux bénéfices à patronages laïcaux ; le reste est toujours dans la possession de la famille du donataire. On a dit ensuite que le décret s’étendait à tous les biens qui seraient devenus d’usage général : celte disposition est une matière à procès. Un propriétaire a une chapelle dans l’enceinte de son château ; si c’est un homme dur, elle ne servira qu’à sa propre commodité, et elle sera interdite à tout le monde. Si au contraire il veut procurer l’aisance des habitants du lieu, il aura ouvert sa chapelle à tout le monde, et l’on viendra lui dire : elle est d’un usage public, elle nous appartient comme à vous. Il est donc indispensable de retrancher de l’article cette disposition. Je demande qu’il soit fait des articles relatifs au patronage familier et à l’éducation des enfants. M. l’abbé Charrier, député de Lyon. En demandant la conservation des patronages laïques, je ne consulte point mon intérêt personnel, parce que quoique titulaire d’un bénéfice de ce genre, je l’abandonnerai volontiers, si l’intérêt de la patrie l’exige. Je désirerais que l’Assemblée nationale décrétât que son décret du 2 novembre ne s’étend pas jusqu’aux fondations spiritualisées. M. Rcgnaud, député de Saint-Jean-d’ Angely. D’après les réflexions des préopmants, il me reste peu de vœux à former, et je me borne à demander que les dispositions concernant les collations laïcales et le patronage familier, ainsi que les biens particuliers de l’ordre de Malte soient ajournées. M. Cegrand, député du Berry. Toute dotation faite à l’Eglise dépouille nécessarement le fondateur, et dans tous les cas oùil est dépouillé, la nation est propriétaire des biens. Le donataire a tellement perdu ses droits à la propriété, que si au bout de six mois il n’a pas fait sa nomination, un autre peut nommer à sa place. Je demande donc que le premier article soit décrété. [l«p juillet 1790.] M. Martineau. Je me bornerai à quelques observations infiniment simples. Votre comité a distingué les biens possédés à titre de bénéfices formant des biens ecclésiastiques, et par conséquent des biens nationaux, et les fondations qui n’ont point été érigées en titre de bénéfice. Je ferai une distinction plus simple : celle de l’objet du fondateur. 11 a eu en vue l’utilité publique ou son utilité privée. Dans le premier cas, il est clair que ce sont des biens nationaux : dans le second, c’est la propriété du particulier. Un propriétaire a établi dans son château (actuellement son habitation) une chapelle ; que cette chapelle ait été érigée en titre de bénéfice ou non, la fondation n’a pas changé; il l’a fait pour l’intérêt unique de sa famille. En Normandie, il y a des cures de collation laïcale. N’est-il pas de l’intérêt général que les sujets y soient nommés parla voie d’élection comme pour les autres cures ? Si les titulaires ont un traitement, n’est-il pas juste que leurs biens soient déclarés nationaux? l’intérêt public en fait une loi. En conséquence, je crois qu’il faut déclarer que les chapelles et chapitres claustraux seront retranchés des dispositions du 2 novembre. M. Durand de Maülane. G’est pour la première fois que j’entends dire que les collateurs ou patrons soient propriétaires des biens de la dotation. Il y a des lois expresses qui leur défendent d’y toucher. Dans tous les cas, votre comité vous a proposé ses vues ; il s’en rapportera à votre sagesse. (On demande à aller aux voix.) Plusieurs membres demandent que MM. Camus et Martineau présentent des articles qui répondent aux vues qu’ils ont développées. L’Assemblée décide qu’en attendant cette rédaction, l’ordre du jour sera interrompu. M. de Pardieu, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes : Lettre de M . Lapierre , chevalier de Saint-Louis. Monsieur le Président, Je vous supplie de vouloir bien mettresousles yeux de l’Assemblée nationale la déclaration ci-jointe, contenant ma rétractation de la délibération prise le 20 avril, dans l’église des pénitents, par les citoyens catholiques de Nîmes, que j'ai eu le malheur de présider ; de laquelle rétractation l’acte a été passé chez un notaire. Je suis avec le plus profond respect, etc. A Nîmes, le 20 juin 1790. Signé : Lapierre. L’acte de rétractation est daté du 19 juin 1790, passé devant M6 d’Arthac, notaire. Lettre des citoyens d'Uxès. Monsieur le Président, Les papiers publics nous font craindre un décret qui nous condamne à rendre compte de notre conduite, comme président et commissaires chargés de l’envoi de la délibération prise par les catholiques de cette ville le 2 du mois dernier. Entièrement soumis aux décrets de l’Assemblée nationale, nous sommes prêts à obéir à tout {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1- juillet 1790.] ce qu’elle exigera de nous, et nous nous empresserions de venir porter à ses pieds l’hommage de notre profond respect et de notre entière soumission, si nous ne trouvions dans l’extrême modicité de notre fortune un obstacle à nos désirs. Tous pères de famille, à peine trouvons-nous, dans nos efforts et notre industrie, de quoi suffire à notre subsistance et à celle de nos enfants; comment nous procurerions -nous les moyens de faire un voyage aussi long et aussi dispendieux? Tous nos concitoyens attesteront, s’il le faut, notre impuissance à cet égard. Si la délibération du 2 mai contient des dispositions que l’Assemblée nationale juge répréhensibles, nous la supplions d’avoir égard à la pureté de notre intention et de croire qu’on ne peut pas avoir des vues plus droites, un respect plus profond pour ses décrets et un dévouement plus absolu au maintien de la Constitution et des lois qu’elle a décrétées. Nous avons manifesté ces sentiments par une adhésion solennelle à une délibération prise par notre municipalité, qui les développe et les consacre. Nous joignons ici un extrait de cette délibération, avec une expédition au pied de notre adhésion, et nous conjurons l’Assemblée de recevoir avec bonté nos excuses et nos regrets. Nous sommes avec le plus profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Uzès, le 22 juin 1790. Signé : Rossel de Fontarèches , d’Entraigues de Cabanes, de Lafont, Lavrac. (L’Assemblée ordonne que les lettres de M. La-pierre et des citoyens d’Uzès seront remises à son comité des recherches.) Lettre de la Chambre de commerce de Marseille annonçant un don patriotique des Français résidant à Àlep. Monsieur le Président, Nous nous empressons de présenter à l’Assemblée nationale le don patriotique de la nation française établie à Alep ; il est consigné dans la lettre que tous les Français résidant dans cette échelle ont écrite à notre Chambre ; dans celle qui nous a été adressée, particulièrement par le sieur Michel, vieillard septuagénaire sans fortune, et qui dépose sur l’autel de la patrie une partie des secours qu’il reçoit de ses compatriotes; enfin, dans celle que les dames françaises ont adressées au conseil et que cet officier nous a fait parvenir. Nous ne rendrions qu’imparfaitement les sentiments qui sont manifestés dans ces différentes pièces, si nous vous en laissions ignorer les expressions. Nous avons l’honneur, en conséquence, M. le Président, de vous en remettre ci-joint des copies. Il est bien doux et bien flatteur pour notre Chambre de transmettre aux dignes représentants de la nation les témoignages de l’amour, de l’attachement et du respect dont les Français ne cessent jamais d’être pénétrés pour leur patrie et pour leur roi, dans quelque partie du monde qu’ils habitent. Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Le maire et députés du commerce de Marseille. Signé : Grimaud� Rauband, Rolland, Dolier, 599 Jucard, Gimon, Colliers, Jeimody, Irence, Ch. Salle, P.-Ant. Martin. Marseille, le 23 juin 1790. Les lettres de change, en valeur de 10,500 livres, annoncées comme don patriotique de la nation française établie à Alep, sont à l’instant remises à MM. les trésoriers des dons patriotiques. M. le Président fait donner lecture d’une lettre écrite à Sa Majesté par les colons de l’île de Tabago ; d'une autre lettre adressée à M. le président par six des membres colons, qui témoignent leur surprise de ce que l’on a élevé des doutes sur les événements malheureux de l’île; enfin, d’une troisième lettre, toujours adressée à M. le président, parM. de La Luzerne, ministre de la marine. Toutes ces pièces sont relatives à l’incendie qui a consumé la ville du Port-Louis, et aux tristes événements qui ont affligé la colonie de Tabago. M. Arthur Dillon, membre du comité des rapports. Je vous ai proposé de vous hâter de prendre un parti relatif aux troubles et à l’incendie du Port-Louis. Voici le décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu des troubles de Pile de Tabago et de l’incendie du Port-Louis, a décrété qu’il y serait incessamment envoyé 300 hommes de troupes, pour remplacer le bataillon de la Guadeloupe, 300 fusils, autant de sabres et de baïonnettes, 400 barils de farine et 600 de viande salée. Ordonne, en conséquence, que son président se retirera par devers le roi, pour le supplier d’ordonner l’exécution du présent décret, et faire punir les auteurs des troubles qui ont occasionné l’incendie du Port* Louis. » M. de Kiachèze. Toutes ces dispositions sont du ressort du pouvoir exécutif, et je demande qu’elles lui soient envoyées. M. Goupil. 11 est étonnant qu’on s’élève contre la détermination détaillée proposée à l’Assem • blée. On ne considère pas que c’est le ministère lui-même qui vous y invite. M. Moreau ( ci-devant de Saint-Méry). Il y a une grande agitation dans les colonies. Les colons n’ont pas une confiance bien absolue dans le ministère. Je crois qu’il est important que ces détails même soient réglés par Je Corps législatif. M. de Grillon, député de Beauvais. Le décret qu’on vous propose est évidemment contraire à la Constitution ; il établit la confusion des pouvoirs. Déterminer le nombre d’hommes, ce serait empiéter sur le pouvoir exécutif. Je demande donc qu’on s’en tienne à supplier le roi d’ordonner les mesures pour le rétablissement de l’ordre dans l île de Tabago. M. de Gouy, député de Saint-Domingue. Nous avons reçu des lettres des Iles-sous-le-Vent, dont il paraît important de vous donner connaissance; l’une d’elles est écrite à bord de la frégate du roi la Vestale , dans la rade du Port-au-Prince. — Cette lettre annonce une insurrection du régiment d’artillerie en garnison dans cette ville contre ses officiers. Les canonniers avaient menacé de mettre le feu aux poudrières et au magasin à poudre : par les soins de la municipalité et de la garde nationale, tous les effets funestes que pouvait avoir cette révolte ont été prévenus : les canonniers,