2*70 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 Ittin 4790. tendais l’exécution de mon ordre, et les ai congédiés. Le général et le maire m’ont engagé à partir, croyant, disaient-ils, que ma présence pouvait devenir dangereuse à la tranquillité des citoyens. Ce motif, qui a toujours été d’un grand poids sur mon âme, n’a pu me déterminer, et j’ai attendu la réponse que le régiment avait dit devoir faire à mon ordre. M. d’Iversay est venu me dire que les soldats l’avaient sommé, et à son défaut, M. de Chollet, de prendre les drapeaux chez eux, qu’ils avaient tous refusé. J’ai répondu que tant que je vivrais, on n’enlèverait pas les drapeaux de chez moi : on m’assura qu’ils ne les prendraient pas. J’étais à table lorsque j’ai reçu la réponse annexée, portée par trois caporaux (1). J’ai frémi d’indignation, mais j’ai songé au lieu où j’étais, et je me suis contenté de dire : c'est bon , sortez ! Je n’ajouterai aucunes réflexions, elles seraient trop cruelles. Dans ce moment, voyant que ma présence ne pouvait plus être d’aucune utilité, ayant reçu la réquisition de la municipalité ci-jointe, je me suis déterminé à abandonner à leur destinée des soldats rebelles et parjures, contre lesquels j’ai offert mes forces personnelles à la municipalité, en proposant de m’établir volontaire dans une des compagnies de la garde nationale. Ne pouvant servir ici la chose publique, je retourne à mon poste de représentant de la nation. Je donnerai à l’Assemblée nationale ce que j’ai pu recueillir de détails sur les moteurs des troubles et sur ceux qui aiguisent, à deux cents lieues d’eux, des poignards contre ceux qui diffèrent avec eux d’opinion. Je n’avais apporté à Perpignan que la qualité de citoyen et celle de colonel du régiment de Touraine. Ma première démarche a été de demander à prêter le serment militaire, celui d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi. Une gazette fabriquée à Pont-Saint-Esprit m’a dénoncé sous le titre de contre-révolutionnaire , et les échos et les gens malintentionnés l’ont répété aux soldats. Les malheureux demandaient cependant la tête de l’homme qui les a comblés de biens, qui a été blessé à leur tête, qui prenait soin de leur gloire, et qui faisait quatre cents lieues pour en être le garant. Le théâtre change, mais les objets sont les mêmes; partout je trouve des poignards et des assassins, mais partout je porterai courage, fidélité à mon Dieu, à mon roi et à mon devoir ; il vaut mieux mourir que de craindre la mort; il est des moments où c’est un espoir que de l’attendre. Signé : le vicomte de Mirabeau. Copie de la lettre écrite par M. le vicomte de Mirabeau, colonel au régiment de Touraine, à MM. les maire et officiers municipaux de la ville de Perpignan. Messieurs, je désire remplir à mon arrivée à la tête du corps que j’ai l’honneur de commander, le devoir que me prescrit le décret de l’Assemblée nationale, et sanctionné par le roi relativement au serment militaire ; comme c’est en votre présence que ce serment doit être prêté, je vous prie de vouloir bien m’indiquer l’heure de la journée (4) Vôir séance du 27 juin 1790. de demain qui pourra vous convenir pour que je fasse prendre les armes au régiment de Touraine ; vous voudrez bien aussi m’indiquer le lieu qui vous sera le plus commode ; je désirerais que la matinée vous convînt. Membre de l’Assemblée nationale, je dois donner l’exemple de la soumission pour son décret. J’espère que vous verrez dans cette démarche, Messieurs, le zèle qui doit animer tout bon Français et le désir de donner au régiment de Touraine, l’exemple du dévouement pour l’ordre, que je suis chargé de rétablir et de maintenir. J’ai l’honneur d’être avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Le vicomte de Mirabeau. Perpignan, ce 9 juin 1790. Collationné sur l'original déposé à la maison commune de Perpignan. Signé : JAUME. Copie d’une adresse des officiers du régiment de Touraine , à la municipalité de Perpignan, le onzième juin 1790. A MM. les officiers municipaux de la ville de Perpignan. Messieurs, nous, bas-officiers, députés du régiment de Touraine, pénétrés d’un sentiment patriotique, avons l’honneur de nous présenter à vos augustes personnes, pour vous prier de nous dévoiler le motif qui vous a engagés à favoriser l’évasion de M. d’Espenan, capitaine des grenadiers de notre régiment, qui est accusé, par des grenadiers détenus en prison, pour être le moteur primitif des insurrections survenues dans le régiment depuis le 20 mai ; nous n’en voulions qu’une justification personnelle devant lui, afin de pouvoir discerner les innocents d’avec les coupables, ce qui aurait été une satisfaction sensible à nos cœurs patriotiques. Nous avons l’honneur d’être très respectueusement, Messieurs, vos très humbles et très soumis serviteurs, Les bas-officiers, caporaux et soldats du régiment de Touraine. Remis à la municipalité par nous soussignés, le 11 juin 1790, à six heures du soir. Sauveton, fusilier, député du régiment. Dutrieux, fusilier, député du régiment. Croupeac, député du régiment, Vauderaureser. Collationné sur l'original déposé dans les archives de la maison commune de Perpignan , le 12 Juin 1790. Signé : JAUME-Copie de la réponse de la municipalité de Perpignan, à l’adresse des bas-officiers du régiment de Touraine , La municipalité n’a pu voir sans étonnement que les députés du régiment de Touraine se sont présentés sans autorité de leurs chefs pour demander une explication sur la protection qu’elle a accordée à un officier de ce régiment, qu’elle a su poursuivi de maison en maison par des soldats armés et jusques dans un quartier où il s’était mis à l’abri des dangers dont il se voyait menacé ; c’est de ce dernier asile qu’il a réclamé