SÉANCE DU 22 VENDÉMIAIRE AN III (13 OCTOBRE 1794) - Nos 62-63 119 [On demande aussi que les quatre autres re-présentans du peuple, détenus dans leur maisons pour le même fait, soient compris au rapport. Ces deux propositions sont adoptées.] (122) 62 Sur la pétition d’André Julliard, de la commune d’Eyguières, district de Taras - con. dans le département des Bouches-du-Rhône, tendante à être renvoyé devant les représentans du peuple envoyés par la Convention dans ledit département : un membre a converti cette pétition en motion, et la Convention a décrété, en conséquence, que la pétition dudit Julliard est renvoyée aux citoyens Auguis et Serres, députés commissaires dans ledit département, pour, après les instructions et informations requises sur les lieux, y faire droit définitivement, s’il y a lieu (123). 63 MERLIN (de Thionville) : Citoyens, nous avions lieu d’espérer que les continuateurs de Néron n’auraient qu’une seule édition; cependant on vient encore de noyer dans le département de la Loire-Inférieure. ( L’Assemblée frémit d’horreur ). Voici les lettres qui viennent de m’arriver (124). Bouquet, commissaire des guerres, au représentant Merlin (125). Nantes, le 10 vendémiaire, l’an 3e de la république une et indivisible. Lis et frémis d’horreur : dis à la Convention nationale que je viens de dénoncer à tes collègues du comité de Salut public l’adjudant général Lefèvre, qui a eu la féroce inhumanité de faire noyer de sang-froid des femmes et des enfants à la mamelle. ( Mouvement d’horreur et d’indignation.) Au mépris d’un arrêté des corps constitués, je t’envoie copie des pièces dont les originaux sont entre mes mains ; ta haine connue pour ces infâmes généraux me persuade que tu ne négligeras rien pour faire arrêter de suite ce cannibale, qui commande à Paimboeuf, et qui revient des eaux de Bourbonne, où il a obtenu de se faire guérir d’une épaule qu’il s’était foulée, non pas au service de la répu-(122) J. Paris, n" 23. Voir plus bas n° 66. (123) P.V., XLVII, 141. C 321, pl. 1334, p. 13, minute de la main de Durand-Maillane, membre motionnaire. Décret attribué à Boissy d’Anglas par C*II 21, p. 10. (124) Moniteur, XXII, 226. (125) Moniteur, XXII, 226-227; Débats, n" 751, 334-335; Ann. R.F., n° 22. blique, comme il l’a peut-être fait accroire, mais en faisant une chute au sortir d’un repas. Salut et fraternité. Bouquet. Extrait du registre des délibérations de la commune de Bourgneuf, le 3 ventôse, an 2 de la république française, une et indivisible, séance tenue par Guitteny, Cavaliers, Bris-son, Ollivier, Noël, Béjaud et Piran ; Hymen, agent national, présent (126). L’adjudant général Lefèvre, commandant à Bourgneuf, ayant demandé à la municipalité son avis sur les cinquante femmes et enfants, et deux hommes arrêtés et amenés ici hier des marais de Saint-Cyr, pays reconnu pour insurgé, et dont la plupart des maris sont au brigandage. A été arrêté de son consentement, vu le grand nombre d’enfants, qu’ils seraient tous envoyés à Nantes au département, pour y être jugés, et auquel il sera écrit à ce sujet; Arrête de plus que, par l’avis du commissaire des guerres, toutes les personnes susdites seront de suite conduites au Pollet par la garde, pour y être mises à bord du bâtiment qu’il a mis en réquisition à cet effet, pour les conduire à Nantes sous la responsabilité du capitaine dudit bâtiment; Arrête en outre qu’expédition du présent sera envoyé au département, sous la signature des comparants. Pour copie conforme : Augier, secrétaire greffier. Extrait des registres des déclarations faites par devant la municipalité de Bourgneuf (127). Le 17 fructidor, an 2 de la république française, une et indivisible, a comparu le citoyen Bouquet, commissaire des guerres à la résidence de Bourgneuf, lequel a déclaré qu’il s’était passé, le 9 ventôse dernier, un événement dont il est nécessaire pour la société de connaître les motifs et la justice, et consistant dans la mort de plusieurs femmes et enfants jetés à la mer à la hauteur de Pierre-Moine, dans la baie de Bourgneuf, conduits sur le bâtiment de Pierre Macé, capitaine, par ordre de l’adjudant général Lefèvre, signé de lui ; et a donné copie dudit ordre, dont a été requis le dépôt, qu’il a refusé et a gardé devers lui, pour en faire usage ainsi qu’il appartient; lequel ordre a été signé de nous en marge; et a ledit Bouquet signé. Signé Bouquet. A aussi comparu le citoyen Macé, capitaine du bâtiment Le Destin, lequel a déclaré qu’il avait reçu l’ordre dont il s’agit, remis au citoyen Bouquet, et qu’en vertu de cet ordre, le 5 ven-(126) Moniteur, XXII, 227 ; Débats, n° 751, 335. (127) Moniteur, XXII, 227; Débats, n° 751, 335-336. 120 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tôse, il embarqua sur les sept heures du soir, avec leurs vivres jusqu’à Nantes, quarante et une personnes, parmi lesquelles se trouvaient deux hommes, dont un aveugle depuis six ans, âgé de soixante-dix-huit ans ; douze femmes de différents âges ; douze filles de différents âges ; et quinze enfants, dont dix depuis l’âge de six à dix ans, et cinq à la mamelle; qu’il les embarqua étant en station à Bourgneuf, avec quatre fusilliers volontaires et un caporal; lesquels, le lendemain, à six heures du soir, jetèrent les quarante et une personnes ci-dessus désignées, en vertu de l’ordre rapporté, en présence dudit Macé et de l’équipage, aussitôt qu’il fut à la hauteur de Pierre-Moine; et a ledit signé. Pierre Macé (128). Suit la copie de l’ordre. Liberté, Indivisibilité, Égalité. Bourgneuf, 5 ventôse, l’an 2e de la république une et indivisible. Il est ordonné à Pierre Macé, capitaine du bâtiment Le Destin, de faire remettre à terre la nommée Jeanne Biclet, femme de Jean Pi-rand; et le surplus sera conduit par lui à la hauteur de Pierre-Moine ; là il les fera jeter à la mer comme rebelles à la loi, et, après cette opération, il retournera à son poste. Signé Lefèvre, adjudant général. Au-dessous est écrit : De plus les quatre fusilliers et le caporal qui sont à son bord. Signé P. Foucaud. Pour copie conforme à l’original resté entre mes mains. Signé Bouquet, commissaire des guerres. Signé Hubin, maire-, Guitteny, officier municipal. Pour copie conforme. Augier. Pour copie conforme. Bouquet (129). [La Convention nationale et les citoyens des tribunes témoignent à plusieurs reprises une indignation profonde à ces affreux récits] (130) MERLIN (de Thionville) : La Convention devrait s’il était possible, inventer de nouveaux supplices pour ces cannibales... ( Vifs applaudissements). (128) Moniteur, XXII, 227 Débats, n° 751, 336. (129) Moniteur, XXII, 227; Débats, n° 751, 336. (130) F. de la Républ., n° 23. [La Convention nationale devroit inventer de nouveaux supplices pour ces nouveaux Né-rons.] (131) GOUPILLEAU (de Fontenay) : Je demande que Lefèvre soit mis hors la loi. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts). MERLIN (de Thionville) : Je m’oppose à cette proposition ; croyez, citoyens, qu’un adjudant général ne se serait pas permis de pareilles atrocités, s’il n’avait pas eu derrière lui des hommes puissants qui l’ont fait agir. Je demande l’arrestation de Lefèvre, et sa traduction au tribunal révolutionnaire ; il fera connaître à quels atroces tyrans on voulait livrer notre patrie. GOUPILLEAU (de Fontenay) : Je retire ma proposition et j’appuie celle de Merlin. DU ROY : Je demande que le décret d’arrestation soit étendu au capitaine Macé et aux quatre soldats qui ont exécuté les ordres atroces de Lefèvre. Les propositions de Merlin et de Du Roy sont adoptées ( Vifs applaudissements). Un membre : je demande que ce décret soit porté par un courrier extraordinaire. Cette proposition est adoptée. Un membre [André Dumont (132)] : Je demande que le tribunal révolutionnaire s’occupe, toute affaire cessante, de juger les membres du comité révolutionnaire de Nantes, prévenus d’être les principaux auteurs des atrocités qui ont eu lieu dans le département de la Loire-Inférieure. [Les événemens atroces qui se passent depuis quelque temps, doivent leur origine à l’impunité de ceux qui s’en sont rendus coupables. Le comité révolutionnaire de Nantes est prévenu d’avoir, dans le département de la Loire-Inférieure, noyé, tué, assassiné, volé, pillé; cependant, son procès ne lui est pas encore fait. Plusieurs voix : Il se fait ; tu es mal informé. GOUPILLEAU (de Fontenay) : On le juge ce matin. Le membre continue : Je demande que la Convention nationale décrète que le comité révolutionnaire de Nantes sera mis de suite en jugement. Voilà quelle est ma proposition.] (133) André DUMONT : Puisque le moment est venu où la Convention veut rendre justice à tout le monde, où tous les coupables sont égaux devant la loi, il faut les frapper tous indistinctement. La Convention n’ignore pas que les premières atrocités qui ont été commises à Nantes sont l’ouvrage d’individus qui ne sont pas loin d’elle. Il faut que le tribunal révolutionnaire poursuive tous ces assassins, sans exception ; il faut que le peuple voie frapper les coupables partout où ils se trouvent; il faut que le tribunal instruise sans délai contre le comité révo-(131) Débats, n" 751, 336. (132) F. de la Républ., n° 23. (133) Débats, n" 751, 337.