[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1791. J graphes qui écrivent jusqu’aux moindres syllabes, jusqu’aux virgules et aux points interrogatifs ou admiratifs de sou discours ; qui ont écrit et publié mot pour mot tout ce qui s’est passé dans la séance où l’abbé de Barmont a paru à la barre. Quoi ! l’art de la tachvgraphie est connu, il commence à devenir commun, il est très facile à répandre; on peut avec de la méthode, une dépense presque nulle, unegra iation d’instruction très simple former en 6 mois 10,000 tachygraphes, et c’est dans ce moment qu’on vient nous dire, « qu’il est impossible d’écrire les dépositions des « témoius; qu’il faut rétrograder vers la bar-« bâtie, et faire nos procédures comme on les « faisait avant que le bel art de l'écriture, dont « la tachygraphie est le complément, eut été « inventé. » Oui, certes, il ne pas faut se borner à écrire les dépositions des témoins; il faut écrire aussi les réponses de l’accusé, les conseils de son défenseur, tout ce qui sert à charge, à décharge, à conviction, à justilication, tous les dialogues qui font l’instruction du procès; et quand il n’en coûte que la peine de les écouter et que le salaire de quelques tachygraphes, il n’y a que dans le pays des despotes ou dans celui des tigres, que l’on pourrait refuser aux accusés et aux témoins cette sûreté réciproque. Avec le secours de la tachygraphie, elle ne consumera aucun temps et n’occasionnera qu’une si faible dépense, qu’il faut avoir honte d’en parler lorsqu'il s’agit d’assurer à l’innocence l’avantage de dormir en paix, et la certitude que son honneur au moins demeurera pour toujours à la garde du temps et des lois. Je lanse aux jurisconsultes, au profond, au savant, au lumineux Tronchet, à l’ingénieux Pru-gnon , au sagace et au courageux Préfeln à revêtir ces vérités de toute la force de leurs raisonnements, de toute la sagesse de leurs observations, de tout le poids de leur expérience. Je ne suis pas de leur utile profession. Je n’ai sur cette matière que les lumières communes à tous les citoyens; mais par bonheur, elles sont tellement communes qu’elles suffiront peut-être pour nous préserver, dans cette occasion importante, des abus de l’esprit et du danger de porter dans la procédure criminelle un despotisme arbitraire et la tyrannie féroce de l’opinion du moment, sans lui "laisser aucune trace ni aucun moyen de responsabilité, pas même devant le tribunal tardif, irréfragable de la postérité et de l’histoire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du jeudi 20 janvier 1791, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin (1). Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. Il est ensuite donné connaissance à l’Assemblée d’une adresse de plusieurs notables de la municipalité de Mâcon, relatives à quelques discus-337 sions survenues entre eux et la municipalité de ladite ville. M. Parisot. Messieurs, M. de Barrai, évêque de Troyes, a notifié au directoire du département de l’Aube sa démission. Le procureur général syndic allait, en conformité de vos décrets, assembler les électeurs pour procédera l’élection d’un nouvel évêque; mais M. de Barrai a annoncé qu’il avait un héritier à l’évêché ; que cet héritier était M. de Barrai, son neveu , actuellement errant et fugitif en Savoie. Il s’agit de savoir, Messieurs, si, contre la disposition de vos décrets, un coadjuteur peut être ressuscité dans le nouvel ordre et s’il peut hériter du siège de son oncle. Vous vous rappelez que, dans le nouvel ordre, il est décrété : 1° Que, ne reconnaissant pour fonctionnaires publics ecclésiastiques que des évêques et leurs vicaires, des curés et leurs vicaires, vous avez aboli tout autre espèce de dignité ; 2° qu’en cas de vacance, soit par mort ou démission, tout fonctionnaire public ne serait remplacé que par la voie d’élection. Or, dans un instant où le peuple s’est ressaisi de ses droits les plus sacrés, l’Assemblée pourrait-elle reconnaître un coadjuteur? Je crois que la question est trop simple pour être discutée. Un membre. Il faut renvoyer cette affaire au comité ecclésiastique. M. Parisot. On dit qu’il avait pris possession; mais tous les évêques que vous avez supprimés avaient pris possession ; tous les dignitaires que vous avez supprimés avaient également pris possession : ainsi on ne peut invoquer dans cet instant cette prise de possession. Je demande que l’Assemblée décrète que le procureur général syndic du département de l’Aube fera incessamment assembler les électeurs à l’effet de procéder à l’élection d’un nouvel évêque , d’après la démission qu’a donnée M. l’évêque de Troyes. M. Treilhard. Lorsque vous avez voulu conserver les titres de plusieurs charges , vous n’avez entendu toucher aucun des droits qui étaient acquis à ceux qui en avaient été pourvus. De là, il me paraît résulter que les coadjuteurs des évêques conservés qui avaient des titres, qui avaient pris possession et qui étaient en exercice, doivent conserver la totalité de leurs droits et qu’il ne peut y avoir ouverture à la nomination qu’après le décès ou la démission de ces coadjuteurs. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Il ne peut pas y avoir de difficulté : je pense qu’on ne doit pas mettre en problème ce qui existe, ce qui est consacré par vos décrets. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décide qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Une députation de six communautés , entre autres une d’Issy-l’Evêque , demande à être admise à la barre pour demander l’élargissement de M. Carillon, détenu, à ce qu’on prétend, au Châtelet. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lr* Série. T. XXII. L’ordre du jour est la discussion du projet de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 17él.j décret sur les visa et reconnaissances à déliv rer pour les objets admissibles au payement des domaines nationaux (1). M. Camus, rapporteur du comité d'aliénation , donne lecture du projet de décret de ce comité. M. de Cernon. Je ne crois pas qu’on puisse adopter le décret tel qu’il vous est proposé, car il me paraît qu’il faut l’examiner en entier. Je crois que le projet du comité de liquidation a été d’amener le prix des cautionnements de finances en même temps que les offices de finances, à l’acquisition des domaines nationaux. J’observerai que, par les formes prescrites dans Je projet de décret, il est extrêmement difficile d’espérer que l’on atteigne le but désiré ; car on vous propose que l’emploi de ces fonds d’avances ne puissent être que de la moitié des fonds des cautionnements. Je me permettrai l’examen de s articles subsé-quenîs, parce qu’ils peuvent in fluer sur l’article 2. Cette disposition essentielle est celle de donner la faculté aux propriétaires de cautionnements de finances de prendre moiti é de leur cautionnement en récépissés, lesquels peuvent être employés en acquisition des domaines nationaux ; mais il résulte de cette disposition que ces propriétaires peuvent, au préjudice de leurs créanciers, dénaturer le titre de confiance qu’ils leur avaient donné. La plupart des financiers avaient l’usage d’emprunter, en tout ou partie, leur cautionnement, afin d’être plus libres de leurs fonds. Ainsi, dès lors que vous leur ouvrez la faculté de venir acquérir d es domaines nationaux avec les récépissés qu’ils prendront, et que vous ne portez aucun empêchement à ce qu’ils ne remboursent pas leurs prêteurs, vous faites courir des risques aux créanciers et peut-être pouvez-vous opérer leur ruine. Prenez le moyen que vous avez pris pour les compagnies de finances, donnez-leur la5*- acuité d’acquérir pour moitié de leur finance, en justifiant de la propriété. D’un autre côté, j’observerai qu’il est encore dit que ces récépissés ne pourront être enijdoyés en acquisition de domaines nationaux que pour moitié de la somme énoncée, et que cependant l’intérêt de la somme entière cessera. Cette précaution deviendrait à son tour nuisible aux propriétaires des cautionnements des finances, parce que si vous faites cesser i’intérêt de leur cautionnement à i’instant où vous leur donnez ces récépissés et qu’ils ne puissent en employer que moiiié, U se trouve que la moitié de leurs fonds est employée en acquisition d’immeubles, l’autre moitié reste dans leurs mains. Comment voulez-vous que les créanciers continuent d’avoir confiance en eux jusqu’au remboursement, puisque d’un côté, ils n’auront que moitié d’acquisition en domaines nationaux et que l’autre moitié reste e n récépissé dont ils ne peuvent faire aucun usage ? Je crois donc qu’il faut se réduire à proposer que les cautionnements de finances soient admis à l’acquisition des domaines nationaux jusqu’à la concurrence de moitié, et, si vous voulez porter la précaution encore plus loin, c’est de dire que ces domaines nationaux qu’ils acquerront, seront par privilège obligés à toutes manutentions suivant l’intention de vos décrets. (1) Nous empruntons cette discussion au Journal lo-goyraphique, t. XX, p. 210 et suivantes. M. Camus, rapporteur. Le préopinant n’a pas fait attention au décret ; car il dit ce qu’il demande. M. Rewbell. La seule difficulté qui paraît s’élever, c’est que le préopinant voudrait, en attendant que ses fonds d’avances ou de cautionnements fassent employés à des acquisitions de domaines nationaux, que les reconnaissances provisoires portassent intérêt comme on l’a décrété pour les offices de judicature. Ceci est un amendement à former lorsque nous discuterons l’article 1er; au moyen de quoi je ne vois pas qu’on doive hésiter à discuter le projet article par article. M. Rcgnaud (de Saint-Jean d'Angèly). Vous autorisez le fermier général à acquérir des biens nationaux pour moitié des 500,000 livres de cautionnement et vous lui donnez une reconnaissance par laquelle les 250,000 livres restantes seront payées à une époque quelconque. Prenez garde que le créancier, qui a un billet exigible d'un fermier général, ne perde, vous dit M. de Cernon, parce qu’il n’aura que la faculté de se pourvoir contre le fermier qui, au lieu de 500,000 livres, en aura une reconnaissance de 250,000 livres, et, de l’autre côté, un bien-fonds de la même somme. M. de Cernon. Non pas. M. Regnaud (de Saint -Jean-d’ Angèly.) Pardonnez-moi; il ne pourra pa3 payer à ses créanciers la somme qui est exigée, mais ils pourront le poursuivre. L’intérêt des individus, des employés, assure que celui de leur créancier ne sera pas compromis, parce que s’ils s’avisaient d’acquérir des domaines nationaux et de rester à découvert d’une somme considérable, ils n’en seraient pas moins poursuivis par les créanciers qui ne seraient pas obligés de recevoir l’hypothèque. Je crois l’article proposé par le comité infiniment sage et je pense qu’il faut délibérer article par article sur le projet de décret. M. Camus, rapporteur . Dans l’article 6; il est dit que l’on pourra former des oppositions : on ne peut donc pas toucher le montant du caution-! nement sans que les créanciers soient avertis. Il est dit que l'opposition formée sera transportée sans innovation sur des immeubles acquis; mais il n’est dit nulle part et il n’aurait pas été juste de dire que l’opposition faite pour un billet échu deviendrait une constitution de rente. Dans l’article 8, le comité a dit : Les financiers pourront former opposition sur eux-mêmes à cause de la réception des récépissés. En effet, Messieurs, vous savez que la plupart des financiers, en donnant des récépissés sur leur cautionnement, joignaient des billets souvent au porteur pour les intérêts annuels, et, lorsque l’on fera opposition, on rapportera ie récépissé ; mais il faut en même temps que l’on rapporte les billets d’intérêt. Voilà pourquoi le comité dit que le propriétaire du cautionnement ferait opposition sur lui-même, à cause du récépissé, afin qu’on ne pût pas payer le récépissé sans rapporter les billets d’intérêt. L’article 11 porte expressément que les intérêts cesseront jusqu’à concurrence des sommes portées dans la reconnaissance dont les intérêts continueront pour le surplus. M. de Cernon a