[Semblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] être l'instrument forcé d’accusations téméraires. L’acrusation est le bien du peuple; la poursuite, la fonction du ministère public : dans la poursuite, le ministère public dispose à son gré de la marche de la procédure. Intéressé à la vérité de l’accusation, il peut se tromper lui-même sur les réponses des témoins. C’est lui qui sollicite ledécret, il donne son opinion écrite, il prévient celte des juges, ilest à lui seul juge et partie, accusateuret opinant. S’il vient dénoncer des crimes de lèse-nation, serez-vous dans une pleine sécurité, dans une entière confiance? C’est la Constitution qui est intéressée à ce crime; c’est l’homme du roi et du ministre oui dénonce, c’est l’homme d’un pouvoir toujours ambitieux, dont l’action perpétuelle et dévorante a toujours lini par r< nverser les Constitutions les plus solides. L’accusé sera peui être coupable aux yeux du ministre, par ses efforts pour le maintien de la liberté, tandis que l’officier du roi gardera un coupable silence sur les délits qui porteraient véritablement atteinte à la Constitution. Voyez si c’est le roi qui peut nommer cet officier; voyez s’il existe pour le roi ou pour le peuple, il restera encore au ministère public de sublimes fonctions. Il recevra le premier la communication de tous lesactes de la législation et du gouvernement, c’est pur lui qu’üs seront transmis à tous les tribunaux; il sera le conservateur des lois; il en maintiendra l’exécution journalière; il en rappellera les dispositions; il provoquera le châtiment des prévaricateurs; il défendra les établissements publics; il assurera l’exécution des jugements; il sera le protecteur des mineurs, des absents, des interdits, des femmes, des citoyens les plus exposés à l’opnression ; il sera partout où le roi doit être représenté, parce que c’est le rot qui l’a choisi; par l’accusation publique, il représenterait la société qui ne l’a pas nommé. Après avoir démontré que ni le juge, ni l’officier du roi ne doivent exercer l’accusation publique, il faut chercher un autre sujet à qui cette délégation puisse être confiée. Les procureurs des communes sont plus naturellement investis du pouvoir de chaque citoyen, mais ils sont temporaires. L’accusateur public doit être perpétuel; mais beaucoup d’entre eux ne réunissent pas toutes les connaissances; enfin ifs sont au nombrede quarante-quatre mille ..... Je viens vous proposer une importation aussi morale que politique, qui, en ôtant la poursuite des crimes aux passions particulières, aux erreurs individuelles, rendra l’accusation publique aussi utile qu’honorable, aussi claire qu’imposante. — Un censeur public sera établi dans chaque tribunal de district. Effaçons Je nom affligeant d'accusateur. Il sera nommé par le peuple au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages; il sera perpétuel. Ainsi, par sa nomination populaire et sou institution durable, il existera pour le peuple et contre le peuple; il sera desiituable pour forfaiture, ce qui est l’unique remède à la perpétuité de ses fonctions; il sera gratuit, car c’est un grand honneur d’être nommé le censeur public de sa patrie. La concurrence pour cet emploi sera peu nombreuse, et il sera rare que la vertu ne l’obtienne. Il provoquera la poursuite et ne la fera point; il administrera les preuves et ne les jugera point; il affirmera le fait et ne citera pas la loi ; il préparera tout et ne consommera rien : l’officier du roi poursuivra le délit, jugera les preuves, indiquera les lois. Ainsi, le censeur public ne pourra pas faire le mal et ne trouvera pas de danger à faire le bien. Graindrait-on son autorité? l’appellerait-lro Série. T. XVII. 673 on un despotisme? Ce serait le despotisme de la vertu, puisque le peuple le choisira; le despotisme d’un homme désintéressé, puisque l’honneur sera sa seule récompense. Supposez la censure dans des mains peu dignes de cet emploi; elle sera tempérée par l’opinion publique, arrêtée par la peine de la forfaiture, éclairée par les jurés et par les juges actifs et temporaires. Craignez-vous l’inactivité de sa puissance? Mais l’opinion publique et l’intérêt des particuliers en sont le remède. Voyez, au contraire, l’avantage de cette institution. Le censeur, averti par l’opinion publique, cherche, épure les preuves; il les perfectionne, au lieu de les corrompre ; il rassure les juges, au lieu de les séduire, il devient l’œil de la Constitution dans toutes les parties de l’Empire. A ce grand avantage politique se joint celui de pouvoir exercer à la fois les accusations dans les crimes ordinaires et dans ceux de lèse-nation. Vous avez vu s’élever à la fois à Châlons, à Perpignan, à Marseille, des troubles qui intéressaient la Constitution nationale. Vos censeurs, répaudus dans toutes les parties du royaume, avertissent à la fois le tribunal de la nation, Jes législateurs et non les ministres seuls, car c’est à la nation qu’ils appartiennent. J ajoute à ces avantages qu’un jour vous réunirez dans leurs mains la censure des mœurs publiques, car il est des excès dans la corruption même que le magistrat doit poursuivre comme des délits sociaux, et vos censeurs rempliront ce beau ministère au milieu des orages inséparables de la liberté. Quel calme vous allez répandre par cette institution ! Le méchant, le scélérat ne verra autour de lui que des témoins prêts à le dénoncer. Ses desseins criminels seront comprimés dans la profondeur de son âme, encore craindra-t-il que l’œil du censeur public ne vienne les y découvrir : il est bien plus beau, il est bien plus doux de prévenir les crimes que de les punir ; il est digne de l’Assemblée nationale de 1789 de balancer la politique par la morale, et de lever au milieu de la société, entre le trône et la nation, entre les peuples et les lois, entre les législatures et les administrations de tout genre, une autorité paternelle qui veillera sans cesse au maintien de l’ordre public et de la plus belle Constitution de l’univers. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) (La séance est levée à trois heures.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 9 AOUT 1790. Opinion de M. Pe*ous, député du Tarn , sur le pouvoir judiciaire. Messieurs, le comité delà Constitution vient de publier un nouveau projet sur l’ordre judiciaire, conforme aux bases décrétées par l’Assemblée nationale. Après que l’Assemblée a employé plus d’un mois à préparer les éléments de cette matière, et que la discussion a été distinguée par cette hauteur d’idées et par cette sévérité de principes que notre siècle pouvait seul produire, j’avoue que je m’attendais à un travail plus parfait. Je ne puis m’empêcher de combattre, et cette multiplicité 43