534 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 janvier 1791.) du nombre de 30 jusqu’à 50 hommes, en raison de la population; que les compagnies de canton, réunies, devraient former un bataillon par district. Vous adopterez, sans doute, en organisant la garde nationale, ces divisions de district et de canton; avec assez d’étendue et de consistance pour donner l’ensemble et l’harmonie aux mouvements des gardes nationales, elles ne présentent ni le chaos d’une organisation par petites muni-cipaliies, ni les dangers politiques, et les inconvénients attachés à l’éloignement des lieux, qui résulh raient d’une organisation par département. Il me paraît, Messieurs, que ces divisions sont parfaitement applicables à l’institution momentanée de volontaires destinés à être mis en activité dans les moments de danger. Un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et 4 caporaux commanderont la compagnie; un chef de bataillon et un lieutenant-colonel commanderont le bataillon auquel il sera attaché une adjudant-major. Chaque compagnie de volontaires élira ses officiers; Je bataillon entier élira ceux qui doivent commander tout le bataillon. Le volontaire recevra 15 francs de solde. Cette paye ira en croissant de grade en grade, mais dans la progression la plus modérée. Le service des volontaires sera déterminé par un règlement particulier; ils ne pourront être mis sur pied que d’après un décret du Corps législatif. Leur service fini, avec les circonstances qui l’auront rendu nécessaire, ils rentreront dans les gardes nationales saus y conserver aucune distinction. Cette institution ne tend point et ne saurait conduire à introduire deux classes dans les gardes nationales; elle a seulement pour objet Ue s’assurer le nombre d’hommes nécessaires dans le moment où l’Etat aurait besoin d’employer leur secours. Elle nous donnera la certitude de pouvoir appuyer les troupes régulières par une force capable de conienir, dans l’intérieur, tous les mécontents, et de repousser loin de nous toutes les aggressions; (lie accroîtrait nos moyens, si elle était mise tout entière en activité, d’une masse de force de plus 250,000 hommes. Telles sont, Messieurs, les mesures que vos comités m’ont chargé de vous proposer; elles sont celles que l’on devait soumettre plus tard à votre délibération, et que les circonstances n’ont fait qu’accélérer; elles sont simples, d’une exécution facile; elles présentent des moyens vastes qui ne sont pas achetés par des grands sacrifices, elles ne nuisent point aux fortunes particulières, en arrachant les citoyens à l’agriculture, à leurs foyers, à leurs affaires, à leurs travaux; elles ne nuisent point àlafortune publique en diminuant le produit des richesses nationales, qui ne se forment que du résultat de l’industrie, du travail de tous les citoyens. Ces mesures ne présentent point les dangers de ces moyens extrêmes que l’inquiétude du patriotisme peut enfanter, mais que la réflexion ne saurait accueillir ; de ces moyens qui, mettant en mouvement des forces immenses sans destination, exposent l’Etat aux frais ruineux et même aux dangers de leur inactivité. Et cependant, Messieurs, après les avuir prises, ces mesures, jetez un cuup d’œil sur l’ensemble de l’Empire, et voyez le spectacle qu’il vous présentera à l’ouverture du printemps, c’est-a-dire au moment où l’on pourrait commencer des opérations de guerre. D’un côté, vos colonies ; des commissaires sont envoyés, les moyens de persuasion ramèneront la paix parmi des citoyens que l’erreur a pu égarer, mais que la patrie et l’intérêt commun solliciteront égalem nt de faire cesser des divisions funestes ; des troupes, des moyensde force appiueront la raison et la justice, et vos colonies sauvées par elles des troubles qui les agitent, seront, par elles, à l’abri de toute attaque, de tout danger. Si vous jetez vos yeux sur la France, vous serez également rassurés par les moyens de force publique qui s’offriront à vos regards. L’armée, a ce moment, entièrement organisée, présentera des cadres dans lesque's, au besoin, le premier signal fera entrer 100,000 soldats, qui en porteront la force au niveau des puissances les plus formidables. Si de pareils moyens ne suffisaient pas, une seule volonté, un seul décret du Corps législatif, mettra sur pied près de 300,000 hommes de gardes nationales, de ces hommes qui, depuis le commencement de la Révolution, out prouvé qu’il n’était pas de fatigue qui pût rebuter, de danger qui pût intimider ceux qui veillent, ceux qui combattent pour la liberté ; de ces hommes qui ont prouvé qu’il n’y avait pas de sacrifices qu’ils ne sussent faire à cet inestimable bien, et qui prouveraient, s’il le fallait, qu’ils savent mourir pour le défendre. C’est ce tableau, Messieurs, que nous avons cru qu’il était de noire devoir de vous présenter, de présenter à la nation entière, pour qu’elle vit, qu’elle reconnût, dans tous les moments, que notre sollicitude n’est pas ralentie, quelle veille sur sa sûreté; pour que la confiance naisse des moyens que vous aurait indiqués votre inquiète prévoyance ; pour que ces moyens, aussi redoutables par leurs effets, qu’ils auront été paisibles par leur intention, puissent faire cesser enfin de sacrilèges résistances, soumettre à la volonté nationale ceux que de vaines espérances, ou des regrets plus vains encore, éloignent de la soumission, et prouver à tons que, résolus de maintenir la Constitution que nous avons jurée, nous combattrons sans relâche ceux qui voudront la troubler au dedans, ceux qui voudront l’attaquer au dehors: aucun sacrifice ne nous coûtera pour faire cchouer leurs projets coupables, et nous ne leur accorderons aucune trêve avant que la nation, délivrée de leurs intrigues et de leurs menaces, puissent enfin recueillir tranquillement les fruits de sa persévérance et de son courage. Voici, Messieurs, le projet de décret que les membres de vos trois comités ont unanimement adopté, et qu’ils m’ont chargé d’avoir l’honneur de vous présenter ; Projet de décret. L’Assemblée nationale après avoir entendu le rapport des comités diplomatique, militaire et des recherches, sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu’intérieure du royaume, décrète ce qui suit : Art. 1er. Le roi sera prié de donner des ordres pour presser l’organisation de l’armée, et pour que les différents corps de troupes soient incessamment portés au complet. Art. 2. Pour être en état de porter au pied de guerre tous les régiments de l’armée aussitôt que les circonstances l’exigeront, on s’assurera de 100,000 soldats auxiliaires destinés à être répartis dans ces régiments. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1791. j Art. 3. Les auxiliaires seront engagés pour trois ans, sous la condition de joindre, aussitôt qu'ils en seront requis, les corps qui leur auront été désignés, pour y servir sous les mêmes lois et ordonnances, et avec le même traitement que les autres militaires. Cette réquisition sera faite par les corps administratifs, en conséquence des ordres qui leur seront adressés par le roi, lesquels ordres ne pourront être donnés que d’après un décret du Corps législatif. Art. 4. Il ne sera reçu à contracter l’engagement de soldat auxiliaire, que des personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans, et pas plus de 36 ans d’âge, et réunissant d’ailleurs toutes les qualités requises par les ordonnances militaires : on admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne. Art. 5. Les auxiliaires recevront pendant la paix 3 sols par jour, et il sera fait un fonds extraordinaire de 50 livres par homme pour leur équipement à leur arrivée au corps, lorsqu’ils seront tenus de joindre : ils jouiront, dans le lieu de leur domicile, des droits de citoyens actifs pendant le temps de leur engagement, quand même ils ne payeraient pas la contribution exigée, si d’ailleurs"ils remplissent les autres conditions requises; et il leur sera assuré une retraite après un certain nombre d’années de service. Le comité militaire présentera incessamment à l’Assemblée des vues sur cet objet. Art. 6. Les municipalités recevront les soumissions des personnes qui se présenteront pour contracter l’engagement d’auxiliaire; ils les feront parvenir, à mesure qu’ils les recevront, au directoire de leur district ; ceux-ci les feront passer sans délai au directoire de leur département, pour être adressées par eux au ministre de la guerre. Gardes nationales. Art. 1er. Pour parvenir à l’organisation prochaine et définitive des gardes nationales du royaume, il sera fait immédiatement, par tous les directoires de district, l’état des citoyens qui, aux termes des décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi, ont les qualités requises pour être gardes nationales. Ces états seront envoyés, dans le courant de février, à l’Assemblée nationale. Art. 2. Les gardes nationales de chaque canton désigneront, pour former une compagnie de 30 à 50 volontaires, suivant la population des cantons, les citoyens qui se présenteront librement; et, en cas de concours, la préférence sera déterminée par le choix des camarades. Art. 3. Lorsque les besoins de l’Etat l’exigeront, les volontaires de chaque canton seront rassemblés par les ordres du roi adressés au directeur d’un ou de plusieurs districts, d’après un décret du Corps législatif. Les volontaires d’un même canton formeront alors une compagnie, et éliront, pour les commander, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, 2 sergents, 4 caporaux, parmi les officiers et sous-officiers de la garde nationale du canton. Art. 4. Les compagnies de volontaires d’un même district formeront un bataillon; et, à cet effet, elles serontégalisées entre elles, lorsqu’elles seront réunies. Le bataillon sera commandé par un chef de bataillon, un lieutenant-colonel et un adjudant-major. Le choix de ces officiers sera 535 fait par le bataillon entier, parmi les officiers de la garde nationale du district. Art. 5. Les volontaires seront payés par l’Etat pendant le temps qu’ils seront employés au service de l’Etat. La solde du volontaire sera de 15 sols, le caporal recevra une solde et demie, le sergent 2 soldes, le sous-lieutenant 3 soldes, le lieutenant 4, le capitaine 5 , l’adjudant 6, le lieutenant-colonel 8, le chef de bataillon 10. Art. 6. Lorsque la;situation de l’État n’exigera plus les services des volontaires, ils cesseront d’être payés, et rentreront dans leurs compagnies de garde nationale, sans conserver aucune distinction. Art. 7.11 sera fait un règlement sur le détail de la formation, sur le service et la discipline des volontaires. (Applaudissements prolongés .) (L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution du rapport et du projet de décret.) M. de Mirabeau, rapporteur du comité diplomatique. Messieurs, le comité diplomatique, réuni aux comités militaire et des recherches, m’a chargé de fixer votre attention sur un objet important par ses rapports avec la tranquillité générale, sur ces bruits de guerre, ces alarmes publiques que la défiance accueille, et que le zèle même répand ; sur 1rs dangers, quels qu’ils soient, qu’il s’agit d’apprécier parleur réalité, et non par les vœux impuissants des ennemis de la patrie; enfin sur les mesures qui sont compatibles tout à la fois avec notre dignité et avec notre intérêt ; mesures dont la prévoyance seule nous fait un devoir, et qui peuvent concilier ce qu’on doit à la crédulité, à l’ignorance même, et à la prudence. Pour un peuple immense, encore agité du mouvement d’une grande Révolution; pour de nouveaux citoyens que le premier éveil du patriotisme unit aux mêmes pensées dans toutes les parties de l’Empire, qui, liés par les mêmes serments, sentinelles les uns des autres, se communiquent rapidement toutes leurs espérances et toutes leurs craintes, la seule existence des alarmes est un péril; et lorsque de simples mesures de précaution sont capables de les faire cesser, l’inertie des représentants d’un peuple valeureux serait un crime. S’il ne s’agissait que de rassurer les Français, nous leur dirions : ayez plus de confiance dans vous-mêmes et dans l’intérêt de nos voisins. Sur quelle contrée portent vos alarmes? La cour de Turin ne sacrifiera point une utile alliance à des haines ou domestiques ou étrangères. Elle ne séparera point sa politique de sa position ; et les projets d’une intrigue échoueront contre sa sagesse. La Suisse libre, la Suisse fidèle aux traités, et presque française, ne fournira ni des armes, ni des soldats au despotisme qu’elle a terrassé; elle aurait honte de protéger des conspirateurs, de soutenir des rebelles. (Murmures.) Léopold a été législateur, et ses lois trouvèrent aussi des détracteurs et des ennemis. S’il a des armées nombreuses, il a de vastes frontières. S’il aimait la guerre, quoiqu’il ait commencé son règne par la paix, ce n’est pas du côté du Midi que sa politique lui permettrait de tourner ses armes. Voudrait-il apprendre à des provinces encore flottantes entre l’essai d’une liberté qu’on leur a gâtée, et la prudence d’une soumission qui ne durera qu’autant qu’elle sera supportable, comment résistent à des conquérants ceux qui,