[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Lixheim.] 713 Etats étrangers une quantité considérable de sel de la meilleure qualité qui se vend chez eux 2 sous et au plus 2 sous 1/2 la livre en détail, tandis que l’on ne donne aux sujets du Roi que du sel mal conditionné qu’ils payent au triple. Une différence de traitement si injuste met les sujets dans l’impossibilité de se procurer le sel qui leur est nécessaire pour leur usage personnel et les empêche d’en faire une plus grande consommation pour la nourriture de leurs bestiaux qui leur serait si avantageuse; c’est de cette privation forcée et des vexations qu’ils éprouvent de la part des officiers de la réformation dont les opérations et jugements arbitraires rendus en dernier ressort ne laissent aucune ressource à ceux qui auraient à s’en plaindre, que provient la diminution trop sensible du nombre et -de la force des laboureurs dans cette partie de la province, les grandes émigrations des habitants, la contrebande et toutes les suites désastreuses qu’elle entraîne ; pour faire cesser tous ces maux, dont le détail serait affligeant, mais trop long, il est d’une nécessité indispensable de faire réduire dès à présent les poêles des salines au nombre strictement nécessaire pour fournir à la consommation des provinces du royaume qui s’y approvisionnent et remplir les anciens engagements de l’Etat avec les princes de Nassau, comte de Larverden; il serait même plus avantageux encore et plus économique à tous égards, de supprimer toutes ces salines, en procurant à . ces provinces du sel de mer par la construction de quelques canaux de communication de cette province avec d’autres d’où l’on pourrait tirer le sel. La plus grande consommation que l’on ferait de cette denrée, si elle, était moins chère, procurerait aux sujets les plus grands avantages sans diminuer le produit actuel. La seule réduction du nombre excessif des poêles des différentes salines procurerait même déjà un grand soulagement par la diminution qui eh résulterait sur la'consommation énorme qu’elles font actuellement; 17° Les cahiers de toutes les différentes communautés de la baronnie contenant encore une réclamation qui leur est particulière, on s’est cru obligé d’en faire mention dans le présent cahier général ; c’est au sujet du droit qu’elles revendiquent d’envoyer leurs bestiaux paître et s’abreuver dans les étangs qui se trouvent sur leurs différents baux et pour l’entretien et réparation desquels ont leur fait faire quantité de corvées de voitures et autres. Depuis certain nombre d’années on a cherché à les exclure de l’exercice de ces droits par des rapports faits et poursuivis contre les particuliers hors d’état de se défendre par la crainte des suites de pareils procès ; ces droits leur sont cependant d’au tant plus précieux et même indispensables pour quelques-unes, qu’elles n’ont pas d’autre eau pour les besoins de leurs bestiaux; 18° La réformation des droits de contrôle, cet établissement si sage dans son but pour assurer la certitude de la date des actes les plus intéressants et dégénéré par la multitude, la variété et l’obscurité des tarifs en impositions purement fiscales et arbitraires. M. Necker, dans son mémorable compte rendu en 1781, annonce la nécessité de la réforme en cette partie. Il a été formé par les communautés différentes autres doléances pour des privilèges et droits qui leur sont particuliers, sur lesquels elles se réservent à se pourvoir aux Etats généraux de la province. Fait et clos dans l’assemblée générale en la chambre de l’auditoire de Fenestrange, le 14 mars 1789. Nouveaux pouvoirs de la noblesse à leurs députés à rassemblée nationale. Gejourd’hui 23 juillet 1789. Nous, les membres de la noblesse du bailliage royal de Fenestrange, assemblés en la salle de l’auditoire du siège de ladite ville, conformément à l’invitation faite par M. le bailli, en conséquence du règlement fait par le Roi concernant les mandats des députés aux Etats généraux du 27 juin 1789, d’après l’avis donné par le lieutenant général du bailliage de Sarreguemines, par la lettre en date du 14 juillet même année que MM. les comtes d’Helinstalt et de Gomer, députés des bailliages de Dieuze, de Château-Salins, de Ritche, de Lixheim, de Fenestrange, de Roulai, de Bouzonville et de Schambourg, lui ont adressée pour réunir une nouvelle assemblée d’ordre; Considérant que n’y ayant point de bailliages secondaires en Lorraine, comme il en conste par le règlement du 7 février dernier pour la convocation des députés aux Etats généraux pour la Lorraine, les députés des différents bailliages ci-dessusmentionnés ne se sont assemblés à Sarreguemines que pour procéder à leur réduction sans aucune refonte de cahier; que ces mêmes cahiers ont été livrés aux députés élus aux Etats généraux à l’instant de la réduction parles députés des différents bailliages et sans avoir été lus à l’assemblée de ladite réduction; que les pouvoirs donnés par ces députés desdits bailliages n’ont subi aucune modification ni altération à ladite assemblée; que ces députés n’avaient aucun droit de le faire; qu’au contraire, il leur était enjoint de remettre leurs cahiers et pouvoirs tels qu’ils les avaient reçus, chargés également d’enjoindre aux députés aux Etats généraux de s’y conformer; que la réquisition faite par la lettre de MM. les comtes d’Helinstalt et de Gomer ne peut avoir d’autres motifs que d’obtenir de nouveaux pouvoirs de la part de leurs commettants, pour se conformer au règlement du 27 juin ; Pour répondre aux vues bienfaisantes de Sa Majesté, manifestées par ledit règlement, pour délier MM. les comtes d’Helinstalt et de Gomer de l’obligation rigoureuse de se conformer aux restrictions portées par nos pouvoirs, et pour satisfaire aux vœux de la nation, qui doit être celui de tout bon citoyen, nous déclarons donner à nos susdits députés "pouvoirs généraux et suffisants pour aviser et délibérer sur toutes les matières proposées et soumises au jugement des Etats généraux, ne se regardant liés en aucune manière par les pouvoirs que nous leur avions expressément enjoint de suivre, les priant au contraire de s’unir à la pluralité des suffrages dans tout ce qui pourrait avoir pour but le bien et l’intérêt commun, les invitant même de prévenir le vœu de l’assemblée en tout ce qui peut concourir à la gloire du monarque et au bonheur de la nation. Fait par nous, Marie-Joseph-Maurice, comte de Sainetiguon, Jean-Baptiste-Félix Lambert de Bal-lyhier et de Jean-François de Stock, les jour et an ci-dessus. Signé le comte de Sainetiguon de Rei-ding, Lambert de Ballyhier et de Stock. CAHIER Des doléances des deux premiers ordres du bailliage de Lixheim (1}. Cejourd’hui 20 mars 1789, Messieurs des deux (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 714 [États gén, 1789 Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Lixheim.] ordres du clergé et de la noblesse, réunis en assemblée générale des trois ordres, tenue à Lixheim, en exécution de l’ordonnance de M. le grand bailli d’épée du bailliage de ladite ville, de la lettre de Sa Majesté et des instructions y annexées, ayant par procès-verbal de ce jour nommé M-Georgel, doyen et curé de Sarrebourg, député du chapitre de cette ville, comme déciipateur du village d’Oberstinzel; M. Goléon, curé de Nitting; M, le comte de Gustine, maréchal des camps et armées du Roi, et M. de Landremont, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, chef d’escadron au régiment de Schomberg, cqmme représentant M. le baron de Vioménil, lieutenant général des armées du Roi, seigneur de la forêt de Barville, pour la rédaction de leur cahier de doléances et remontrancs, MM. les commissaires ainsi nommés ont rédigé et dressé ledit cahier comme s’ensuit ; Art. 1er. Pouvoir. — Les pouvoirs donnés aux députés aux Etats généraux les tiennent à former les motions prescrites par leurs _ pouvoirs et instructions et à ne donner qu’un avis conforme aux choses sur lesquelles porteront leurs pouvoirs. Que pour tout ce qui est instruction, après avoir formé la motion des objets compris dans l’instruction, les députés resteront libres de voter après discussion, conformément à ce qu’ils croiront être plus selon l’intérêt de leurs commettants. Que quant aux objets non prévus par les pouvoirs et instructions et qui seraient agités aux Etats généraux, les députés seront autorisés de même à voter selon ce qu’ils croiraient le plus avantageux à l’intérêt de leurs commettants. H ne sera voté pour aucun impôt, même pour aucun emprunt, que n’ayant été admis tous les points qui doivent constater la sûreté des individus, leurs propriétés, l’assurance positive du retour périodique des Etats généraux ; enfin qu’une charte qui assure les droits imprescriptibles des nations n’ait été sanctionnée par le Roi. Il faut que le code criminel, de la refonte duquel il est nécessaire de s’occuper, soit tel que pour tout délit dont le décret annonce peine afflictive, celui qui serait prêt à l’encourir soit jugé par vingt-quatre juges, douze du parlement e douze de ses pairs, ces derniers choisis par lui-même ; qu’il puisse récuser trois des juges du parlement ; que pour prononcer peine de mort, il y ait une majorité de deux tiers contre un tiers. La discussion d’une affaire criminelle, comme celle des affaires civiles, doit être publique, l’ac-eusé pouvoir se défendre, et à cet effet avoir un conseil. Demander la nomination de commissaires qui s’occuperont de la refonte du code criminel, d’après ces principes, et en retrancher les grandes et dispendieuses formalités, pour de petits délits dont la connaissance pourrait être confiée aux municipalités. Art. 2. Pouvoir. — Que nulle loi ne puisse avoir action sur la liberté, la vie, l’honneur, la propriété d’aucun individu, si elle n’a été librement proposée et consentie par les Etats généraux. Art. 3. Pouvoir. — Demanderont l’enregistrement pur et simple de l’édit de 1695 pour le clergé de la Lorraine, comme il est enregistré dans tous les parlements du royaume. Art. 4. Pouvoir. — Demander que la liberté de la presse soit désormais assurée, ainsi que la suppression de tout censeur, mais que les libraires ou imprimeurs ne puissent imprimer aucuns écrits sans la signature et l’aveu de l’auteur, et que tout livre qui n’aurait point d’aveu étant regardé alors comme libelle, l’imprimeur puisse être juridiquement poursuivi pour l’avoir imprimé et l’auteur pour l’avoir écrit, devenant par la loi responsable de ce que contient l’écrit d’après les règlements sages qui seront faits par les Etats généraux. Art. 5. Instruction. — Demander que les Etats généraux soient assemblés tous les ans pendant deux mois, et plus longtemps lorsqu’il sera jugé nécessaire aux affaires et au bien de l’Etat. Art. 6. Pouvoir. — Demander que les députés aux Etats généraux ne soient élus que pour trois ans, après l’expiration desquels on fera, dans les formes prescrites par les Etats généraux, une nouvelle convocation aux fins d’élire les nouveaux représentants. Art. 7. Pouvoir. — Que d’être sur le rôle des impositions cotisées avec effet suffise dans les communautés pour avoir le droit d’élection pour députer des électeurs aux bailliages et sénéchaussées. Que 15 livres d’impositions donnent le droit d’éligibilité pour composer les électeurs qui seront rassemblés aux bailliages et sénéchaussées. Que 200 livres d’impositions ou place honorable donnent le droit à l’éligibilité aux Etats généraux. Art. 8. Pouvoir. — - Qu’il n’y ait jamais de commission intermédiaire des Etats généraux, encore moins de cour plénière, moyens inventés par les suppôts du despotisme, et dont l’objet ne pourrait être que de réduire la nation dans les fers. Art. 9. Pouvoir. — Que les Etats généraux actuels accordent les impôts pour quatre ans, afin de donner Je temps aux nouveaux représentants d’être assez instruits de la situation de l’Etat, ce qu’ils pourront connaître dans une année, pour n’accorder que les impôts nécessaires et les faire porter sur les objets les moins onéreux. Art. 10. Pouvoir. — Qu’enfin il soit stipulé par les représentants de cette première élection, comme loi fondamentale des Etats généraux à venir, que jamais les députés ne pourront, à l’avenir accorder les impôts que pour trois ans, temps, soit de leur délégation, soit celui nécessaire à leurs successeurs pour acquérir la connaissance de l’état des affaires, qui les mette à même de décider la masse de l’impôt qu’il faut accorder, ainsi que les moyens de l’asseoir. Et si l’on dit pourquoi renouveler à la fois tous les membres d’une province députés aux Etats généraux, la raison en est d’un grand poids, le tiers des membres nouveaux, arrivant chaque année aux Etats généraux, prenant les principes des deux autres tiers restant, ces Etats généraux, devenus une fois oppresseurs, le resteraient à jamais. Art. 11. Pouvoir. — Que jamais les Etats provinciaux ni leurs assemblées secondaires ne puissent avoir aucune influence pour nommer des représentants de la province aux Etats généraux, puisqu’il ne pourrait y avoir une forme plus oppressive d’administration ;car qui ferait entendre les représentations d’une province mal administrée ou opprimée, lorsque ses oppresseurs auraient nommé en corps les représentants de cette province aux Etats généraux ? Que jamais les’ Etats de la province ne puissent accorder aucun impôt, mais seulement asseoir et répartir, percevoir et verspr à leur destination les impôts assis, veiller à l’administration et à l’économie des biens et des fonds des communautés, faire faire des adjudications et les réparations des m [Etats gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Lixheim.) grandes routes, en ouvrir, faire confectionner et réparer les édifices publics et les ponts, qu’enfin les Etats n’aient d’autres fonctions que celles qui tendent à l’économie de la chose publique, sans pouvoir, dans aucun cas, faire des règlements ni des lois, encore moins les consentir, fonctions réservées aux seuls Etats généraux. Art. 12. Pouvoir. — Que les impositions consenties par les Etats généraux, de même que les lois faites par eux et sanctionnées par le Roi, soient enregistrées sur les registres des cours souveraines : mais que celles seules faites ou consenties par les Etats puissent y trouver place, ces compagnies souveraines ne pouvant avoir le droit d’y former aucunes oppositions, mais seulement, après l’enregistrement, de présenter aux Etats généraux les objets qui, parleur localité, seraient susceptibles de modification, pour, par ces Etats généraux, être prononcé sur ces modifications et consenti par le Roi. Art. 13. Pouvoir. — Que ce dépôt une fois consigné sur les registres des compagnies souveraines, elles soient chargées et responsables à la nation de l’exécution de ces lois ; qu’aucun impôt ne puisse être étendu, prorogé et perçu sans le consentement des Etats généraux, ni au delà du temps pour lequel il aurait été consenti, et qu’elles veillent à ce que les agents de l’administration se conforment littéralement à l’édit par lequel l’impôt aura été accordé, sans y donner d’extension. Art. 14. Pouvoir. — Demander que tout ministre qui aurait tenté de faire des changements arbitraires, soit dans les lois, soit dans la durée et la perception des impositions, ou qui aurait donné des conseils tendant à établir une autorité arbitraire qui détruit cette confiance qui fonde la puissance des rois, soit cité et jugé par douze juges nommés dans les Etats généraux duroyaume, choisis à la pluralité des voix dans les différents ordres, et douze de ses pairs choisis dans son ordre, et sans que dans ce nombre ‘il puisse se trouver un ministre ; que le procès soit instruit et suivi à l’assemblée des Etats généraux et en leur présence, pour être prononcé d’après les lois à faire à cet égard par les Etats. Art. 15. Pouvoir. — Que tout ministre reste de même responsable, dans la même forme, de l’emploi des fonds de son département, en démontrant qu’ils ont été employés avec économie et aux objets pour lesquels ils auront été assignés, et qu’aucuns n’ont été détournés à d’autres usages; les détails de leurs départements ne doivent être soumis qu’à la volonté et aux ordres du Roi, seul dépositaire des forces de la nation, de ses alliances, et de la protection du commerce. Art. 16. Pouvoir. — Qu’aucuns traités de commerce ne puissent avoir d’effet sans la sanction de la nation ; c’est à son assemblée qu’ils doivent être proposés, elle seule peut juger de ce qui est son véritable intérêt. Art. 17. Pouvoir. — Les députés aux Etats généraux doivent prendre connaissance, avant d’accorder aucun impôt, de l’emploi des fonds de chaque département; que toutes dépenses de luxe et inutiles en soient supprimées et qu’elles soient bornées à ce qui suffit pour leur donner les moyens d’entretenir les forces de l’Etat qui leur sont confiées, dans le nombre et la force nécessaires pour la sûreté delà nation; qu’un militaire de terre vraiment formidable, nombreux et national, formé en conformité avec les lois et ordonnances du royaume, soit fondé sur des principes vraiment redoutables; qu’il n’ôte point les bras à l’agriculture dans le temps où ils lui sont si nécessaires, ne donne pas la terreur aux individus qui forment nos milices: partie lapluspure delà nation qu’on fasse connaître, au contraire, à tout citoyen que la plus belle des fonctions est d’être employé à la défense de sapatrie;que, loin d’être un état à redouter, il est celui qui prépare un sort doux à l’homme qui y a vieilli sans cesser d’être citoyen, et statuer sur le sort des miliciens qui auront servi trente ans. Art. 18. Instruction. — Qu’une marine constituée d’après les mêmes principes, élaguée de toute dépense deluxe et mal ordonnée, tendante à donner une force réelle au commerce de l’Etat, à la conservation de ses belles colonies qui en assurent la richesse, soit aussi formidable que doit l’être celle qui a le plus beau commerce du monde à protéger. Art. 19. Pouvoir. — Qu’enfm les fonds fixés pour le département des affaires étrangères soient tels que les ambassadeurs et ministres du Roi puissent avoir partout le premier état, mais dépouillé de ce faste et de cette ostentation inutiles ; que toutes les autres dépenses de ce département, tenant à une prodigalité superflue de subsides, en soient supprimées. Art. 20. Pouvoir. — Que les chemins et leurs entretiens, rendus aux provinces, ne laissent aux ponts et chaussées que les fonds nécessaires pour l’entretien d’une école formée dans de justes proportions et sans luxe; que les chefs de cette école soient-chargés de proposer les plans des ponts, d’en rédiger les devis ; mais qu’avant de procéder aux adjudications, les plans et devis des travaux publics soient communiqués à l’assemblée des Etats généraux qui en ordonnent l’examen et l’adjudication, par des commissaires nommés par les Etats assemblés des provinces des pays où ils sont projetés. Art. 21. Instruction. — Que les fonds fixés à l’entretien et au département de la maison du Roi, soient tels que le souverain de la France, après avoir détruit les abus, puisse avoir le premier état de souverain de l’Europe; la confiance de la nation entière dans la bonté de son souverain est trop bien fondée pour ne pas persuader tout Français, que, lorsque la nation est prête à tout sacrifier pour lui former la puissance la plus formidable, par un j liste mouvement de son âme noble et compatissante, il ne viendra au-devant des moyens de soulager son peuple; qu’en restreignant sa dé-» pense, supprimant celle qui serait inutile à l’éclat du trône, sur lequel cette nation le porterait par acclamation s’il n’y était pas par droit de naissance, il ne vienne au secours de la patrie souffrante et malheureuse, d’unpeuple gémissant sous le poids accablant de l’impôt. Art. 22. Pouvoir. — Que, dans la forme à donner à l’assiette et à la perception des impôts, les fondés de pouvoir de là province aux Etats généraux s’efforcent de changer ou diminuer les impôts qui obligent à des prohibitions, et nommément celui du sel si nécessaire à l’éducation des troupeaux qui fertilisent les terres; cette prohibition, surtout, est une école de vol ; ainsi ont commencé la plus grande partie des malfaiteurs qui finissent au gibet. Tous ces individus qui se livrent à ce commerce illicite sont des bras perdus pour l’agriculture; un impôt qui porterait au marc la livre delà capitation pour diminuer le prix de cette denrée, un de ceux qui atteindrait le plus grand nombre des citoyens, serait sans doute le plus juste; cet impôt, tel qu’il est aujourd'hui, est inique, il porte plus sur l’indigent chargé d’une nom- 716 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Lixheim.] breuse famille, que sur le célibataire opulent qui, par son luxe, semble insulter à la misère publique. Art. 23. Pouvoir. — Que les fondés de pouvoir aux Etats généraux demandent que tous les ordres de l’Etat, les provinces, les individus qui composent ce royaume supportent la charge publique, y contribuent danslaproportion deleurs richesses-, nulle autre règle ne peut être admise pour base de la contribution à l’impôt, aucun privilège ne peut en dispenser, dans un Etat où tous les ordres reçoivent la même protection des forces nationales. La charge que porte la province de Lorraine, située sur la frontière du royaume, qui, par cette position , porte le poids des guerres, non-seulement par les transports des convois, mais encore par les routes qu’elle est forcée d’entretenir pour les communications faites de ces convois, doit être placée dans la balance. Art. 24. Pouvoir. — Que pour jamais la foraine, et tout droit de transit d’une province de France à l’autre, soit abolie; cet impôt, destructeur de l’agriculture et de l’industrie, dessèche toutes les sources de la richesse, il pèse sur le malheureux habitant de cette partie de cette province, surtout, qui, dans deux lieues de chemin, rencontre jusqu’à quatre bureaux de cet impôt tyrannique qui cause leur ruine sans grossir le trésor de l’Etat ; tout doit décider sa suppression; la multiplicité d’employés à la perception de cet impôt en absorbe tout le produit. Art. 25. Pouvoir. — Que le tarif général que les Etats généraux décideraient devoir être porté à la frontière extrême du royaume, ne soit point un édit bursal, mais le protecteur de tout commerce national contre le commerce de l’étranger; qu’il laisse même la sortie des matières premières, comme bois de la basse Moselle et de la Sarre qui ne peuvent être vendus qu’aux Hollandais, l’entrée de quantité de poissons salés nécessaires à la consommation de ces provinces, qui ne peuvent les tirer de nos ports trop loin d’elles et qu’elles ne peuvent tirer de même que les Hollandais, le tout avec des droits modiques ; que ce tarif protège aussi le commerce d’entrepôt, qu’il encourage l’entrée des bestiaux étrangers, qu’il soit enfin un moyen de richesses pour cette province comme pour tout le royaume ; que son établissement porte l’empreinte d’un monument de grandeur, et non de cette bursalité qui tarirait jusqu’aux moindres canaux de la richesse d’un empire ; dans un pays comme la France, il ne faut que s’abstenir de dessécher les sources delà richesse pour trouver les moyens de supporter les charges énormes sous le poids desquelles cet empire est prêt à succomber. Art. 26. Pouvoir. — - Que les députés aux Etats généraux demandent la suppression de tous huissiers-priseurs. Art. 27. Pouvoir. — Les députés doivent demander que les Juifs domiciliés dans la province de Lorraine soient soumis au même règlement rendu pour ceux d’Alsace, le 10 juillet 1784; mêmeque cette nation qui produit la ruine des habitants des campagnes de cette province; soit assujettie à des règlements encore plus solidement cimentés s’il est possible, tant pour prévenir leur multiplication que leur usure. Art. 28. Instruction. — Que les représentants de cette province aux Etats généraux soient autorisés à accorder même, s’il est nécessaire, un impôt momentané, perçu une seule fois et égal à ceux payés par la province pendant une année, s’il est nécessaire pour acquitter les anticipations exigibles qui ont été suspendues, opérations indispensables à la formation d’une banque nationale, dont l’établissement seul pourrait parvenir à donner à cet Etat le degré de grandeur auquel l’appelle sa position, son commerce et sa richesse, et à qui il ne mangue que le moyen de mettre cette richesse en circulation. Que cet impôt soit payé dans la même proportion par tous les ordres et d’après la répartition nouvelle qui sera faite de la contribution des charges de l’Etat dans chaque province. Art. 29. Pouvoir. — Que nulle espèce de richesse ne puisse être dispensée de la juste et proportionnelle contribution à l’impôt ; que le créancier de l’Etat, dont la fortune et les fonds sont assurés par la nation, y contribue dans la même proportion que le propriétaire des fonds ; ce n’est que par cette contribution qu’il peut et doit obtenir la garantie de sa propriété. Art. 30. Instruction. — Qu’enfm, l’établissement d’une banque nationale, dont les administrateurs choisis par les Etats généraux seront comptables à eux seuls, soit le dépôt de l’excédant des fonds de l’impôt non employés aux différents départements, d’après les états arretés ; que cette banque soit môme le dépôt des fonds affectés au payement des intérêts de la dette et aux fonds d’amortissement; Qu’elle soit autorisée, dans tous les temps, à emprunter par des lettres de change à douze usances, dont l’escompte sera en dedans et d’un quart pour cent par usances, qu’elle soit autorisée à escompter des lettres de change dont le plus grand terme soit à trois usances et à un tiers pour cent par usances, mais que ces lettres de change escomptées par elle ne puissent servir qu’à étendre la facilité du commerce national, sans qu’elle puisse jamais être autorisée à escompter une lettre de change venant des pays étrangers et qui ne serait pas tirée d’un naturalisé domicilié; que même condition soit exigéepartous les endosseurs; Que la banque ait toujours dans ses caisses la masse de ses fonds, ou en. lettres de change à courtes échéances, en argent ou en amortissement. Un tel établissement, entre les mains de la nation dont les administrateurs ne seraient comptables’ qu’à elle seule, ne peut avoir aucun danger; Qu’enfm les administrateurs de la banque soient autorisés, la guerre arrivant, àfournir au Roi une somme de 100 millions pour les premières dépenses nécessaires aux armements, mais que les seuls Etats généraux assemblés immédiatement après puissent autoriser les dépenses des emprunts ou des impôts nécessaires à la continuation de la guerre ; Qu’au reste toutes les opérations qui pourraient être proposées et auxquelles pourrait se livrer la banque, soient dirigées dans les mêmes principes de contribuer à augmenter la richesse nationale, se refusant à y faire participer l’étranger non domicilié et naturalisé. Art. 31. Pouvoir. — Qu’en matière d’impôt, les députés de tous les ordres aux Etats généraux soient autorisés et ne puissent délibérer que les trois ordres réunis et par tête; qu’il en soit usé de même pour la réunion des ordres pour entendre les comptes des administrateurs de la banque et autres; l’instruction d’un procès fait devant les Etats généraux; ce moyen, qui doit convaincre le tiers-état du désir des deux premiers ordres de contribuer au soulagement réel qu’il a droit de prétendre, semble devoir être aussi le terme des 717 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Lixheim.] réclamations qn’il a à former ; il doit sentir que ce grand empire étant arrivé au degré de splendeur où il est, malgré la déprédation de ses finances sous un gouvernement monarchique, il est de l’intérêt du tiers biemintentionné de soutenir les principes de ce gouvernement auxquels sont opposés ceux de la démocratie dont l’admission égale du tiers, 11e pourrait manquer d’amener la prépondérance; l’anéantissement de la royauté en serait la suite nécessaire; De demander les trois ordres réunis à la délibération par tête, pour les cas énoncés seulement, et que pour tous autres cette réunion ne puisse avoir lieu que du consentement unanime des trois brdres. Art. 32. Pouvoir. — Qu’après la tenue des Etats généraux les députés chargés de porter les cahiers auxdits Etats généraux soient tenus de rendre compte au bailliage où aura été opérée la réduction, aux préposés des différents bailliages qui auront fait leur nomination, de la manière dont ils auront rempli leurs pouvoirs et instructions, non pour rien changer ni prétendre pouvoir consentir ce qui aura été sanctionné par les Etats généraux, mais pour s’assurer que les députés ont pris pour règle de leur conduite les véritables intentions de leurs commettants. Art. 33. Pouvoir. — Enfin de voter pour que jamais dans aucun cas les représentants aux Etats généraux ne soient autorisés à y former scission et se contentent de voter selon les pouvoirs de leurs commettants, les provinces devant subir la loi qu’aura dicté la pluralité et la prépondérance des suffrages. Art. 34. Pouvoir. — Demander de porter la portion congrue des curés à 1,000 livres et celle des vicaires à 400 livres. Art. 35. Pouvoir. — Demander la suppression du droit de franc-fief, l’abolition des droits d’amortissement et à tout événement la liberté de placer sans frais les capitaux remboursés. Art. 36. Pouvoir. — Les deux ordres se font un devoir de venir au secours de l’Etat en se soumettant à payer l’impôt pécuniaire selon leurs forces et facultés; mais leurs vœux sont que les Etats provinciaux qui seront établis dans cette province, et qui seront chargés de répartir l’impôt, de même que leurs assemblées secondaires, prononcent, les trois ordres réunis, sur la quotité de l’impôt qui devra être payé par chacun des ordres formant la province et les districts en raison des possessions appartenantes à chacun d’eux, et qu’une fois cette division faite, la répartition de la contribution à l’impôt donnée à chaque individu d’un ordre, ne puisse être assise que par les membres de l’ordre dont il fera partie. Tels sont les trente-six articles que les commissaires soussignés ont rédigés pour être présentés au nom des deux ordres susdits, à l’assemblée du bailliage de Sarreguemines,’et de suite à celle des Etats généraux, ainsi que porte le vœu de leurs commettants. Ce cahier fait double, dont l’un déposé entre les mains de M. le lieutenant général du bailliage de Lixheim, l’autre, entre celles de . M. le comte de Gustine, maréchal des camps et armées du Roi, l’un des commissaires rédacteurs et députés de l’ordre de la noblesse.